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09/10/2012 | FRANCE | N°11-85812

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 octobre 2012, 11-85812


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Séverine X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 2011, qui, pour abandon volontaire d'un animal domestique, privation de soin d'un animal domestique et placement ou maintien d'un animal domestique dans un habitat, environnement ou installation pouvant être cause de souffrances, l'a condamnée à une amende de 800 euros et à deux amendes de 50 euros, a ordonné une mesure de confiscation et de remise des animaux, et

a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après dé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Séverine X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 2011, qui, pour abandon volontaire d'un animal domestique, privation de soin d'un animal domestique et placement ou maintien d'un animal domestique dans un habitat, environnement ou installation pouvant être cause de souffrances, l'a condamnée à une amende de 800 euros et à deux amendes de 50 euros, a ordonné une mesure de confiscation et de remise des animaux, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 septembre 2012 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Roth conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ROTH, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ et de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MATHON, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des droits de la défense, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles préliminaire, 463 et 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a débouté la prévenue de ses demandes de supplément d'information, avant de la déclarer coupable d'abandon volontaire d'un animal, de privation de soin à un animal et de placement d'animal dans un environnement pouvant être la cause de souffrance, puis d'entrer en voie de condamnation à son encontre et de statuer sur les intérêts civils ;
" aux motifs que la cour adopte les motifs du jugement par lesquels a été rejetée la demande de supplément d'information ;
" aux motifs adoptés que le fait de voir un film tourné par Mme X... montrant des chevaux en bonne santé dont la date est incertaine, voulant démontrer la bonne santé des chevaux, ne saurait remettre en cause les constatations scientifiques et légales ; que Mme X... sera donc déboutée de sa demande de visionnage de ce film ; que la découverte de la pendaison d'un poulain effectuée quelque temps auparavant par des inconnus, aux intentions malveillantes, ne saurait justifier ni expliquer le mauvais état sanitaire des chevaux ; que la suspicion d'empoisonnement dont aurait été victime les animaux n'est aucunement prouvée par la prévenue et ne saurait expliquer, entre autres, la maigreur des animaux constatée par les vétérinaires, prouvée par les photographies ;
" alors qu'il appartient aux juges correctionnels d'ordonner les mesures d'information dont ils reconnaissent par ailleurs la nécessité ; qu'en se prononçant au vu de « photographies » des animaux pour déclarer la prévenue coupable de trois des quatre chefs de la prévention, la chambre des appels correctionnels ne pouvait, sans méconnaître ses pouvoirs, refuser d'ordonner les suppléments d'information demandés par la prévenue aux fins, non pas seulement, de production des plaintes qu'elle avait déposées pour dénoncer les actes de malveillance dont elle était victime, mais plus encore, d'exploitation des films et photographies de son troupeau qu'elle avait tourné ou prises pour apprécier l'état réel de celui-ci " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 521-1 du code pénal, L. 215-6 du code rural, ensemble les articles 485 et 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la prévenue coupable d'abandon volontaire d'animaux puis, est entré en voie de condamnation à son encontre, a ordonné, à titre de peine complémentaire, la remise des équidés, objet de la saisie, à la Fondation Brigitte Bardot et l'a condamnée au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts sur les intérêts civils ;
" aux motifs que, sur l'action publique, suivant un rapport du 23 août 2009 du docteur vétérinaire Y..., une grande vigilance à l'égard des chevaux détenus par Mme X... était requise à l'approche de l'hiver, qui nécessiterait notamment une alimentation complémentaire et un dégel des bacs d'abreuvement ; que le docteur vétérinaire Z... déclarait que le 5 octobre 2009, il avait constaté une plaie au niveau du postérieur gauche d'une jument, la maigreur d'une autre jument, la mauvaise qualité de l'herbe de la pâture, un trou d'eau sale, une alimentation anormale des chevaux ; que, suivant le rapport du docteur vétérinaire A... du 16 novembre 2009, dans le troupeau de six sept chevaux, quelques-uns étaient très maigres, il n'y avait pas de poste d'affouragement ; que la pâture n'était pas de quantité suffisante pour nourrir tous les chevaux en hiver et l'abreuvoir était vide ; que, concernant trois chevaux et un poney, les sabots antérieurs étaient très abîmés ; qu'ainsi, l'évolution de la description des rapports des vétérinaires fait apparaître une dégradation progressive de la situation sanitaire des chevaux détenus par Mme X..., celle-ci ne leur ayant pas apporté les soins conseillés ; qu'ainsi, le délit d'abandon d'animal domestique est constitué ;
" 1) alors que le délit d'abandon volontaire d'un animal requiert, pour être punissable, d'établir l'intention de son auteur de se désintéresser durablement et définitivement du sort de l'animal ; qu'en se bornant à constater, pour déclarer la prévenue coupable d'abandon volontaire d'un animal, que les chevaux auraient été laissés sans soins ni nourriture suffisante d'après les rapports vétérinaires, sans rechercher ni caractériser, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la prévenue avait eu l'intention de délaisser définitivement son troupeau, la chambre des appels correctionnels qui n'a pas caractérisé tous les éléments constitutifs du délit, n'a pas légalement justifié son arrêt au regard des textes susvisés ;
" 2) alors que les arrêts ou jugements en dernier ressort sont déclarés nuls si leurs motifs sont insuffisants ou ne répondent pas aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; que, dans ses conclusions déposées à l'audience, la prévenue faisait valoir sans être utilement contredite que la maigreur de certains chevaux résultait, non pas d'un défaut de suivi ou de soins, mais uniquement de leur âge particulièrement avancé, et que les gendarmes avaient pu constater que les chevaux, placés dans un enclos en bon état, avaient de l'eau et de la nourriture ; qu'en ne répondant pas à ces articulations essentielles des conclusions de la prévenue pour la déclarer coupable d'abandon volontaire d'animaux, la chambre des appels correctionnels n'a pas légalement justifié son arrêt au regard des textes susvisés " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 214-3, alinéa 2, R. 215-4- I, R. 214-17, 2°, R. 654-1, alinéa 2, du code rural, ensemble les articles 485 et 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la prévenue coupable de privation de soin à des animaux, puis est entré en voie de condamnation à son encontre et l'a condamnée au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts sur les intérêts civils ;
" aux motifs que, sur l'action publique, suivant un rapport du 23 août 2009 du docteur vétérinaire Y..., une grande vigilance à l'égard des chevaux détenus par Mme X... était requise à l'approche de l'hiver, qui nécessiterait notamment une alimentation complémentaire et un dégel des bacs d'abreuvement ; que le docteur vétérinaire Z... déclarait que le 5 octobre 2009, il avait constaté une plaie au niveau du postérieur gauche d'une jument, la maigreur d'une autre jument, la mauvaise qualité de l'herbe de la pâture, un trou d'eau sale, une alimentation anormale des chevaux ; que, suivant le rapport du docteur vétérinaire A... du 16 novembre 2009, dans le troupeau de six sept chevaux, quelques-uns étaient très maigres, il n'y avait pas de poste d'affouragement ; que la pâture n'était pas de quantité suffisante pour nourrir tous les chevaux en hiver et l'abreuvoir était vide ; que, concernant trois chevaux et un poney, les sabots antérieurs étaient très abîmés ; qu'ainsi, l'évolution de la description des rapports des vétérinaires fait apparaître une dégradation progressive de la situation sanitaire des chevaux détenus par Mme X..., celle-ci ne leur ayant pas apporté les soins conseillés ; qu'ainsi, le délit d'abandon d'animal domestique est constitué ; que la cour adopte les motifs du jugement par lesquels a été rejetée la demande de supplément d'information ; qu'à juste titre Mme X... a été renvoyée des fins de la poursuite du chef de détention de cadavre d'animal sans déclaration à la personne chargée de son enlèvement ; que, les 12, 17 et 18 octobre 2009, les gendarmes constataient la divagation de plusieurs chevaux appartenant à Mme X... ; que le 20 août 2009, les techniciens de la Direction des services vétérinaires constataient que l'installation de Mme X... était clôturée avec des fils de fer barbelés et rouillés en contravention aux dispositions de l'article R. 215-4-3° du code rural, une telle installation étant susceptible d'être une cause de blessures ; que les peines prononcées par le premier juge sont justifiées ;
" alors que la privation de soin à des animaux, prévue et réprimée l'article R. 215-4- I, 2° du code rural, suppose de les laisser sans soins en cas de maladie ou de blessure ; qu'en se bornant à énoncer que « le délit d'abandon d'animal domestique est constitué » puis à envisager la contravention de placement et maintien dans un environnement pouvant être la cause de souffrance, sans jamais se prononcer sur la contravention de privation de soin à animaux et en constater les éléments constitutifs, la chambre des appels correctionnels ne pouvait, sauf à violer les textes susvisés, déclarer la prévenue coupable de ce chef " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article R. 215-4- I, 3° du code rural, ensemble les articles 485 et 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la prévenue coupable de placement et maintien d'un animal dans un environnement pouvant être la cause de souffrance, puis est entré en voie de condamnation à son encontre et l'a condamnée au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts sur les intérêts civils ;
" aux motifs que, les 12, 17 et 18 octobre 2009, les gendarmes constataient la divagation de plusieurs chevaux appartenant à Mme X... ; que le 20 août 2009, les techniciens de la Direction des services vétérinaires constataient que l'installation de Mme X... était clôturée avec des fils de fer barbelés et rouillés en contravention aux dispositions de l'article R. 215-4-3° du code rural, une telle installation étant susceptible d'être une cause de blessures ;
" alors que les arrêts ou jugements en dernier ressort sont déclarés nuls si leurs motifs sont insuffisants ou ne répondent pas aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; que, dans ses conclusions déposées à l'audience, la prévenue faisait valoir que, d'une part, les divagations des chevaux hors de leur enclos résultaient d'actes de malveillance constatés par les gendarmes et que, d'autre part, les observations des gendarmes, photographies à l'appui, faites lors de leurs interventions, attestaient que le pré dans lequel les chevaux étaient placés, était clôturé par des fils lisses électrifiés et que les seuls fils barbelés présents à proximité se situaient sur le terrain d'un voisin agriculteur ; qu'en ne répondant pas à ces articulations essentielles des conclusions de la prévenue pour la déclarer néanmoins coupable de placement et maintien d'animaux dans un environnement pouvant être la cause de souffrance, la chambre des appels correctionnels n'a pas légalement justifié son arrêt au regard des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui souverainement apprécié l'opportunité de procéder à la mesure d'instruction complémentaire réclamée, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, les infractions dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 521-1, 111-2, 111-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la demanderesse à payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts à la fondation Brigitte Bardot et a ordonné à titre définitif la remise des équidés, objets de la saisie chez Mme X..., à la fondation Brigitte Bardot ;
" aux motifs que c'est à juste titre que le premier juge a prévu la remise des animaux à la fondation Brigitte Bardot ;
" et aux motifs adoptés qu'il convient de remettre définitivement l'ensemble des équidés déjà confiés à la Fondation Brigitte Bardot de Mme X... ainsi que leurs produits à cette Fondation et ce, avec exécution provisoire ;
" alors que, ce n'est qu'en cas de condamnation du propriétaire de l'animal ou si le propriétaire est inconnu que le tribunal, statuant sur le sort de l'animal, peut prononcer sa confiscation et prévoir qu'il sera remis à une fondation ou à une association animale reconnue d'utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer ; que la demanderesse avait fait valoir dans ses conclusions d'appel qu'une partie des chevaux, objets du litige, et qui avaient été placés au cours de la procédure judiciaire, ne lui appartenaient pas mais étaient la propriété de deux de ses amis ; qu'en ordonnant, sans aucune distinction, la remise à titre définitif, à la fondation Brigitte Bardot, de tous les équidés objets de la saisie chez la demanderesse, sans rechercher si une partie d'entre eux n'appartenaient pas à des tiers non condamnés pénalement, la chambre des appels correctionnels n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 521-1 du code pénal " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour déclarer Mme X... coupable et ordonner la remise des animaux à une oeuvre, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris aux moyens ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions par lesquelles la prévenue faisait valoir que certains des animaux saisis ne lui appartenaient pas, et dès lors que la peine de remise de l'animal, prévue à l'article 521-1 du code pénal, suppose que son propriétaire soit condamné ou qu'il soit inconnu, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
Que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la peine de confiscation et de remise des animaux, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Limoges, en date du 13 mai 2011, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Riom, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Limoges et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
DIT n'y avoir lieu à application au profit de la SPA France et de la fondation Brigitte Bardot, des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf octobre deux mille douze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-85812
Date de la décision : 09/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 13 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 oct. 2012, pourvoi n°11-85812


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Monod et Colin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.85812
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