LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Rejet
Mme Martinel, conseiller doyen faisant
fonction de président
Arrêt n° 387 F-D
Pourvoi n° A 21-18.323
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
M. [N] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 21-18.323 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [J] [D],
2°/ à M. [C] [Z],
3°/ à M. [L] [S],
4°/ à M. [W] [O],
5°/ à M. [F] [X],
tous cinq domiciliés [Adresse 4],
6°/ à M. [Y] [R], domicilié [Adresse 3],
7°/ à M. [T] [A], domicilié [Adresse 4],
8°/ à M. [P] [K], domicilié [Adresse 5],
9°/ à M. [M] [I], domicilié [Adresse 2],
10°/ à la société Cabinet mécical BCG, société civile de moyens, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de M. [B], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [I], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [D], de MM. [Z], [S], [O], [X], [R], [A], et [K] et de la société Cabinet mécical BCG, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 mars 2021), M. [B], docteur en médecine, est devenu associé de la société civile de moyens Cabinet médical BCG (la société) en 1997 et a reçu dix parts sociales moyennant le paiement d'un droit d'un certain montant qui a été réparti parmi les associés.
2. En 2000, M. [B] a informé le gérant de la société de son intention de se retirer de cette dernière et de céder ses parts.
3. Lors de l'assemblée générale des associés du 23 janvier 2001, les associés ont refusé de racheter les parts de M. [B] et ont décidé de le mettre en demeure de réaliser ses gardes de médecin et de trouver sous deux mois un successeur conformément aux statuts, sous peine d'être considéré comme démissionnaire.
4. Le 8 mars 2001, M. [B] a assigné la société devant un juge des référés à fin de désignation d'un expert pour évaluer la valeur de ses parts et de paiement d'une provision.
5. L'affaire ayant été renvoyée au fond, un jugement du 3 mai 2011, partiellement confirmé par un arrêt du 18 octobre 2012 devenu irrévocable, a dit que M. [B] avait été exclu de la société le 23 mars 2001 par ses associés, que le droit d'intégration qu'il avait payé à ses associés au contrat d'exercice en commun ne faisait pas partie de l'actif de la société, et a rejeté la demande de M. [B] en remboursement de ce droit d'intégration.
6. Les 16 et 17 octobre 2017, M. [B] a assigné la société et ses huit associés, Mme [D], M. [Z], M. [S], M. [O], M. [X], M. [R], M. [A] et M. [K] (les associés) devant un tribunal de grande instance aux fins de condamnation en paiement de certaines sommes en réparation de ses préjudices financier et moral consécutifs à son exclusion fautive.
7. M. [B] a interjeté appel du jugement ayant déclaré prescrite sa demande d'indemnisation et l'ayant condamné à payer à chaque défendeur une certaine somme à titre d'indemnisation pour procédure abusive.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. M. [B] fait grief à l'arrêt de juger irrecevable, comme prescrite, sa demande tendant à voir condamner la société et ses huit associés à lui payer des dommages-intérêt en réparation du préjudice subi du fait de son exclusion abusive de la société, alors « que l'interruption de la prescription peut s'étendre d'une action à une autre lorsque, bien qu'ayant une cause distincte, les deux actions tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; que l'action d'un associé, tendant à obtenir le paiement de dommages-intérêts en raison du caractère abusif de son exclusion de la société, est virtuellement comprise dans celle par laquelle il demande à voir constater son exclusion et obtenir le remboursement de la valeur de son droit de participation et de ses parts sociales, les deux actions tendant au même but, consistant à obtenir l'indemnisation des différents préjudices résultant de l'exclusion ; qu'en décidant cependant le contraire, pour déclare l'action prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil. »
Réponse de la Cour
9. L'interruption de la prescription résultant d'une demande en justice ne s'étend à une autre demande que lorsque les deux actions poursuivent un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.
10. Ayant constaté que M. [B], se prévalant du statut de retrayant ou d'exclu, avait uniquement intenté en 2001 une action aux fins d'obtenir la contrepartie de ses parts sociales, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action contre la société et les associés, visant à obtenir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, l'indemnisation d'un préjudice financier et moral du fait de son exclusion, selon lui abusive, n'avait pas le même objet et ne tendait pas aux mêmes fins que l'action engagée par lui contre la société afin d'obtenir le paiement de la valeur des parts sociales et du droit d'intégration.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. M. [B] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société et à ses huit associés la somme de 1.000 euros chacun à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « que l'exercice d'une action en justice, quand bien même celle-ci serait-elle infondée, ne présente pas en lui-même un caractère fautif, de sorte que seule une faute de nature à faire dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice est susceptible d'engager la responsabilité du demandeur à l'action ; qu'en se bornant, pour condamner M. [B] au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, à relever qu'il avait agi seize ans après son exclusion de la société Cabinet médical BCG, après avoir épuisé toutes les voies de recours contre le jugement l'ayant débouté de sa demande de remboursement de la valeur de son droit de participation, qu'il aurait pu se désister de sa demande au regard de l'exception de prescription soulevée par les défendeurs, qu'il ne s'était pas prévalu au cours des précédentes procédures de la faute ayant entraîné le préjudice dont il demandait réparation, qu'il avait agi contre chacun des associés et plus seulement contre la société Cabinet médical BCG, comme initialement, et que son intention de ne pas clore le différend et de nuire aux défendeurs était caractérisée par l'exercice de plusieurs actions aux voies de recours multiples, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé, à l'encontre de M. [B], une faute de nature à faire dégénérer en abus son droit d'agir en justice, a privé sa décision de base légale, au regard des articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil. »
Réponse de la cour
13. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions, que M. [B], qui se bornait à faire valoir que la procédure était justifiée et qu'il était victime de l'acharnement de ses confrères, ait critiqué devant la cour d'appel les motifs des premiers juges ou soutenu que seule une faute de nature à faire dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice était susceptible d'engager sa responsabilité.
14. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est, dès lors, pas recevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer à M. [I] la somme de 1 500 euros et à la société Cabinet médical BCG, Mme [D], M. [Z], M. [S], M. [O], M. [X], M. [R], M. [A] et M. [K], la somme globale de 1500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.