Vu la décision du 12 mars 2010 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la SOCIETE D'AMENAGEMENT DE PORT-LEMAN (SAPL) dirigées contre l'arrêt n° 98LY00544 du 30 juin 2009 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant que cet arrêt, qui a condamné l'Etat à verser à la SAPL une somme de 3 486 152 euros, a exclu du préjudice indemnisable la valeur des actifs incorporels cédés à la SAPL à l'occasion de l'acquisition par celle-ci des terrains d'assiette de l'opération, qu'il a refusé d'indemniser le préjudice lié à l'acquisition de la promesse de vente concernant des terrains situés dans la ZAC n° 2, et qu'il a estimé que la capitalisation de ces intérêts avait été demandée pour la première fois le 22 juillet 1999 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 décembre 2011, présentée pour la SOCIETE D'AMENAGEMENT DE PORT-LEMAN (SAPL) ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Chrystelle Naudan-Carastro, chargée des fonctions de Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE D'AMENAGEMENT DE PORT-LEMAN et de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement,
- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE D'AMENAGEMENT DE PORT-LEMAN et à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il exclut l'indemnisation des actifs incorporels cédés à la SOCIETE D'AMENGAGEMENT DE PORT-LEMAN (SAPL) à l'occasion de l'acquisition des terrains d'assiette de l'opération :
Considérant qu'en excluant du préjudice indemnisable les études cédées le 29 juin 1989 par la SATST à la SAPL aux seuls motifs que ces études constituaient des prestations intellectuelles sans caractère immobilier et qu'elles n'avaient pas fait l'objet d'une convention de cession distincte de l'acte notarié concernant la vente des terrains alors que ces circonstances ne pouvaient faire obstacle à l'éventuelle indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de valeur de ces études en raison de l'abandon du projet, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit être annulé en tant qu'il exclut ces frais d'études du préjudice indemnisable ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur le préjudice lié à l'acquisition de la promesse de vente :
Considérant que, pour refuser de retenir dans le préjudice indemnisable le coût d'achat par la SAPL, par le même contrat du 29 juin 1989 passé avec la SATST, d'une promesse de vente de terrains devant servir d'assiette à l'opération, la cour s'est bornée à relever que la SAPL avait acquitté à ce titre une somme très supérieure au coût du tènement, alors que ce dernier ne présentait plus d'utilité pour la SATST ; qu'en appréciant ainsi le caractère normal du prix de la transaction au vu de l'utilité que présentait le bien cédé pour le vendeur, au lieu de rechercher si cette promesse de vente était nécessaire à la SAPL qui s'en portait acquéreur, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit ainsi être annulé en tant qu'il exclut du préjudice indemnisable le montant des dépenses exposées au titre de l'achat de la promesse de vente concernant des terrains situés dans la ZAC n° 2 ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la capitalisation des intérêts :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SAPL a demandé la capitalisation des intérêts dans un mémoire enregistré le 23 mars 1995 au greffe du tribunal administratif de Grenoble ; qu'ainsi, en relevant que la capitalisation des intérêts avait été demandée pour la première fois le 22 juillet 1999, la cour a dénaturé les pièces du dossier ; que son arrêt doit être annulé en tant qu'il fixe la date de première capitalisation des intérêts ;
Sur les conclusions du pourvoi relatives aux frais financiers et aux frais de fonctionnement et de management :
Considérant que si la SAPL conteste les motifs par lesquels la cour a exclu toute indemnisation au titre des frais financiers liés aux emprunts et concours de trésorerie et des frais de fonctionnement et de management qui avaient été supportés par la SATST pendant le temps où elle avait été propriétaire des terrains d'assiette de l'opération, il résulte de la décision du 12 mars 2010 du Conseil d'Etat que les conclusions de son pourvoi dirigées contre cette partie de l'arrêt attaqué n'ont pas été admises ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 30 juin 2009 doit être annulé en tant qu'il exclut du préjudice indemnisable le montant des actifs incorporels cédés à la SAPL à l'occasion de l'acquisition des terrains d'assiette de l'opération et le montant qu'elle a payé au titre du transfert de la promesse de vente concernant des terrains situés dans la ZAC n° 2, ainsi qu'en tant qu'il fixe la date de la capitalisation des intérêts au 22 juillet 1999 ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ; qu'il y a lieu, par suite, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;
Considérant, en premier lieu, que si la SAPL demande l'indemnisation de frais d'études générales , elle soutient également que ces études ont été menées en vue de l'obtention des autorisations administratives en vertu desquelles les terrains agricoles qui avaient été acquis par la SATST ont été assortis de droits à construire ; qu'à la suite de l'adoption de ces autorisations administratives, le coût de ces études a été intégré au prix de revente de ces terrains, désormais constructibles, ces études n'ayant dès lors pas conservé de valeur propre ; que, par suite, la SAPL, qui a obtenu l'indemnisation du coût d'achat de ces terrains, n'est pas fondée à demander l'indemnisation de ces frais d'études générales ;
Considérant, en deuxième lieu, que la SAPL demande également l'indemnisation des dépenses qui avaient été engagées par la SATST au titre de la phase préparatoire des travaux de voirie et réseaux divers ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier de la décomposition du prix d'acquisition de l'ensemble des terrains par la SAPL figurant dans le rapport SORGEM de 1999 ainsi que des comptes d'exploitation de la SATST pour l'année 1989, que ces dépenses, incorporées au prix de cession des terrains à la SAPL, s'élèvent à 285 000 francs hors taxes (43 448 euros) ; qu'il ressort des pièces du dossier que les terrains cédés en juin 1989 n'étaient pas encore viabilisés ; que, par suite, ces études préparatoires conservaient à cette date une valeur propre ; que, par voie de conséquence, ces frais doivent être inclus dans le préjudice indemnisable de la SAPL ;
Considérant, en troisième lieu, que le coût de la promesse de vente acquise par la SAPL par acte notarié le 29 juin 1989, dont le montant de 5 500 000 francs hors taxes (838 470 euros) n'est pas contesté, doit également être intégré dans le préjudice indemnisable ;
Considérant, en quatrième lieu, que la SAPL a droit aux intérêts sur les sommes supplémentaires qui lui sont accordées par la présente décision à compter du 18 novembre 1992 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois le 23 mars 1995 ; qu'à cette date, les intérêts portant tant sur la somme accordée par la cour administrative d'appel de Lyon que sur celle accordée par la présente décision étaient dus pour au moins une année entière, sauf pour une fraction de la somme accordée par la cour égale à 424 999 euros et correspondant à une dépense indemnisable engagée par la société seulement le 13 mars 2006, les intérêts dus sur cette fraction ne courant dès lors qu'à compter de cette date, ainsi que l'a jugé la cour ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation au 23 mars 1995, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, sauf pour la fraction mentionnée ci-dessus, pour laquelle les intérêts échus seront capitalisés à compter du 13 mars 2007 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SAPL au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SAPL qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il exclut du préjudice indemnisable le montant des actifs incorporels cédés à la SAPL à l'occasion de l'acquisition des terrains d'assiette de l'opération et le montant qu'elle a payé au titre du transfert de la promesse de vente concernant des terrains situés dans la ZAC n° 2, ainsi qu'en tant qu'il statue sur la capitalisation des intérêts.
Article 2 : La somme que l'Etat est condamné à verser à la SAPL par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon est augmentée de 881 918 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 18 novembre 1992.
Article 3 : Les intérêts échus sur la fraction de l'indemnité égale à 3 943 071 euros seront capitalisés le 23 mars 1995 et à chaque échéance annuelle ultérieure. Les intérêts échus sur la fraction de l'indemnité égale à 424 999 euros seront capitalisés le 13 mars 2007 et à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la SAPL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le surplus des conclusions indemnitaires de la SAPL est rejeté.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'AMENAGEMENT DE PORT-LEMAN (SAPL), à la commune de Chens-sur-Léman et à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.