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14/12/2017 | FRANCE | N°16-24752

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 décembre 2017, 16-24752


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 août 2016), que, se prévalant de dommages consécutifs à la sécheresse, M. et Mme Z... ont déclaré un sinistre auprès de leur assureur Multirisques habitation, la MMA, qui a mandaté un expert, lequel a fait procéder à une étude de sol ; que, sur la base du rapport géotechnique préconisant un confortement au moyen de micro-pieux, un protocole transactionnel d'indemnisation a été conclu entre M. et Mme Z... et leur compagni

e d'assurance ; que la maîtrise d'oeuvre des travaux de confortement a été conf...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 12 août 2016), que, se prévalant de dommages consécutifs à la sécheresse, M. et Mme Z... ont déclaré un sinistre auprès de leur assureur Multirisques habitation, la MMA, qui a mandaté un expert, lequel a fait procéder à une étude de sol ; que, sur la base du rapport géotechnique préconisant un confortement au moyen de micro-pieux, un protocole transactionnel d'indemnisation a été conclu entre M. et Mme Z... et leur compagnie d'assurance ; que la maîtrise d'oeuvre des travaux de confortement a été confiée à la société Athis ; que les travaux ont été réalisés en 2007 par la société Surfaces et structures ; que, se plaignant de la mauvaise qualité de ces travaux, M. et Mme Z... ont fait appel à M. A..., expert ; que la société Surfaces et structures a mis en demeure M. Z... de lui régler la somme de 39 587,82 euros correspondant au solde des travaux ; qu'un protocole a été signé entre la société Surfaces et structures et M. et Mme Z..., aux termes duquel, d'une part, cette société s'était engagée à reprendre la quasi-totalité des micro-pieux avec début des travaux le 18 mai 2009 et fin des travaux le 8 juin suivant, d'autre part, la société Surfaces et structures ne réclamait plus le solde des travaux et le trop versé de 2 671,49 euros par M. et Mme Z... qui resterait acquis à la société ; que, les travaux de reprise n'ayant pas été terminés, M. et Mme Z... ont, après expertise, assigné la société Surfaces et structures, son assureur, le GAN, la société Athis, la société A... expertise, venant aux droits de l'EURL A..., et son assureur, la SMABTP, en paiement de sommes ;

Attendu que la société Surfaces et structures fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Athis et la société A..., à indemniser les maîtres de l'ouvrage et de mettre hors de cause les assureurs de garantie décennale, alors, selon le moyen :

1°/ que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, pour exclure toute réception tacite des travaux achevés par l'entrepreneur le 7 juillet 2009, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu qu'« il n'était pas contesté que les travaux n'avaient pas été réglés » ; qu'en se prononçant de la sorte quand elle rappelait par ailleurs que les maîtres de l'ouvrage reconnaissaient avoir payé l'intégralité des prestations, la cour d'appel s'est contredite en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les conclusions prises dans l'instance s'imposent au juge avec la même force obligatoire que les actes juridiques ; qu'en affirmant qu'« il n'était pas contesté que les travaux n'avaient pas été réglés » tandis que l'exposante soutenait que les maîtres de l'ouvrage avaient accepté les travaux qu'ils avaient payés, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisie en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que les travaux n'avaient pas été réglés ; qu'en se prononçant ainsi quand, aux termes du protocole transactionnel du 18 septembre 2009 et du rapport d'expertise, le prix total du chantier, comprenant les travaux initiaux et de reprise, avait finalement été fixé à la somme de 25 793,91 euros intégralement et définitivement acquittée par les maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel a dénaturé ces écrits, en violation de l'article 1134 du code civil ;

4°/ que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; que sa volonté non équivoque de refuser l'ouvrage ne saurait être suppléée par le constat d'un tiers ; que, pour écarter toute réception tacite, l'arrêt infirmatif attaqué s'est fondé sur les constatations de l'expert judiciaire qui, excédant les termes de sa mission, avait présupposé que les travaux exécutés ne pouvaient pas être réceptionnés ; qu'en se prononçant de la sorte quand les énonciations du technicien ne permettaient pas de caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de refuser les travaux exécutés, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil ;

5°/ que la réception peut être tacite dès lors que n'est pas exprimée l'intention de refuser l'ouvrage dans l'état où il se trouve ; qu'il en est ainsi, comme en l'espèce, lorsqu'il y a à la fois prise de possession des lieux et paiement intégral du prix sans qu'aucune contestation ne soit immédiatement élevée ; que, pour décider qu'il n'y avait pas eu de réception tacite, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que le maître de l'ouvrage avait contesté les travaux de reprise en introduisant, fin septembre 2009, une procédure de référé-expertise ; qu'en se prononçant de la sorte sans vérifier si, le 7 juillet 2009, au jour de l'achèvement des travaux de reprise, le maître de l'ouvrage les avait approuvés sans élever la moindre contestation, la cour d'appel n'a conféré à sa décision aucune base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil ;

6°/ que, subsidiairement, même en l'absence de paiement intégral du prix du marché, la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de ne pas réceptionner l'ouvrage n'est caractérisée que s'il a élevé immédiatement des protestations ; que, pour décider, à supposer que le prix du marché n'ait pas été réglé dans sa totalité, qu'il n'y avait pas eu de réception tacite, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que le maître de l'ouvrage avait contesté les travaux de reprise en introduisant fin septembre 2009 une procédure de référé-expertise ; qu'en se prononçant de la sorte sans vérifier si le 7 juillet 2009, au jour de l'achèvement des travaux de reprise, le maître de l'ouvrage les avait acceptés sans élever la moindre contestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il ressortait des pièces du dossier que, dès l'origine des travaux de confortement, M. et Mme Z... avaient contesté la qualité des travaux réalisés par la société Structures et surfaces et qu'ils avaient également contesté les seconds travaux de reprise, la cour d'appel, qui a pu en déduire que la volonté non équivoque de M. et Mme Z... de recevoir les travaux n'était pas établie, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Surfaces et structures aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Surfaces et structures et la condamne à payer à la SMABTP la somme de 2 000 euros, au GAN la somme de 2 000 euros et à M. et Mme Z... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Surfaces et structures

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, ayant condamné in solidum un entrepreneur (la société Surfaces et Structures, l'exposante) et les maîtres d'oeuvre successifs (la société Athis et la société A... Expertise) sur le fondement de leur responsabilité contractuelle à indemniser les maîtres de l'ouvrage, d'avoir mis hors de cause les assureurs de garantie décennale, dont celui de l'entrepreneur (la société Gan) ;

AUX MOTIFS QUE les époux Z... affirmaient que, dans la mesure où il y avait eu paiement intégral du prix de l'ensemble des prestations et compte tenu du fait qu'ils avaient toujours résidé dans cet immeuble, la réception tacite des travaux devait être retenue entraînant de ce fait le bénéfice de la garantie décennale ; qu'il ressortait des pièces du dossier que, dès l'origine des travaux de confortement, les époux Z... avaient contesté la qualité des travaux réalisés par la société Surfaces et Structures puisqu'ils avaient fait intervenir un nouveau maître d'oeuvre en la personne de M. A..., qu'ils avaient refusé de régler le solde de la facture malgré des mises en demeure, qu'un protocole d'accord était intervenu aux termes duquel les travaux devaient être repris dans leur quasi-intégralité par la société Surfaces et Structures et que cette dernière avait renoncé au paiement de sa facture et, enfin, que les seconds travaux de reprise avaient également été contestés par les époux Z... puisqu'ils avaient saisi le juge des référés pour voir ordonner une mesure d'expertise ; que, en outre, l'expert judiciaire indiquait clairement dans son rapport que ni les 36 micro-pieux de la première phase ni les 27 micro-pieux de la seconde phase ne pouvaient être réceptionnés compte tenu des désordres les affectant ; que, si l'article 1792-6 du code civil n'excluait pas la possibilité d'une réception tacite, il convenait, pour caractériser une telle réception, de rechercher si la prise de possession par le maître de l'ouvrage manifestait une volonté non équivoque d'accepter cet ouvrage ; que, le seul fait que les époux Z... eussent continué de vivre dans leur maison n'était pas de nature à mettre en évidence cette volonté non équivoque de leur part d'accepter l'ouvrage tel qu'il se présentait, d'autant moins qu'il n'était pas contesté que les travaux n'avaient pas été réglés, la société Surfaces et Structures consentant à ne pas en réclamer le prix compte tenu des désordres les affectant ; qu'ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments et contrairement aux dires des époux Z..., leur volonté non équivoque de recevoir les travaux n'était pas établie ; qu'aucune réception même tacite de l'ouvrage n'était intervenue entre les parties ; qu'en l'absence de réception de l'ouvrage, la garantie décennale ne s'appliquant pas, il y avait lieu de rejeter les demandes des époux Z... dirigée à l'encontre de la société Surfaces et Structures et de sa compagnie d'assurance décennale, le Gan Assurances, de la société Athis, de la société A... Expertise et de leur compagnie d'assurance, la SMABTP, fondée sur les dispositions de l'article 1792 et suivants du code civil ; qu'il y avait lieu de mettre hors de cause la société Gan Assurances, assureur de la société Surfaces et Structures et la SMABTP au titre de leur responsabilité décennale ;

ALORS QUE, d'une part, la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, pour exclure toute réception tacite des travaux achevés par l'entrepreneur le 7 juillet 2009, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu qu'« il n'était pas contesté que les travaux n'avaient pas été réglés » ; qu'en se prononçant de la sorte quand elle rappelait par ailleurs que les maîtres de l'ouvrage reconnaissaient avoir payé l'intégralité des prestations, la cour d'appel s'est contredite en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, d'autre part, les conclusions prises dans l'instance s'imposent au juge avec la même force obligatoire que les actes juridiques ; qu'en affirmant qu'« il n'était pas contesté que les travaux n'avaient pas été réglés » tandis que l'exposante soutenait (v. ses conclusions du 17 septembre 2015, p. 5, alinéa 2) que les maîtres de l'ouvrage avaient accepté les travaux qu'ils avaient payés, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisie en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, en outre, les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que les travaux n'avaient pas été réglés ; qu'en se prononçant ainsi quand, aux termes du protocole transactionnel du 18 septembre 2009 et du rapport d'expertise, le prix total du chantier, comprenant les travaux initiaux et de reprise, avait finalement été fixé à la somme de 25 793,91 € intégralement et définitivement acquittée par les maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel a dénaturé ces écrits, en violation de l'article 1134 du code civil ;

ALORS QUE, de surcroît, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; que sa volonté non équivoque de refuser l'ouvrage ne saurait être suppléée par le constat d'un tiers ; que, pour écarter toute réception tacite, l'arrêt infirmatif attaqué s'est fondé sur les constatations de l'expert judiciaire qui, excédant les termes de sa mission, avait présupposé que les travaux exécutés ne pouvaient pas être réceptionnés ; qu'en se prononçant de la sorte quand les énonciations du technicien ne permettaient pas de caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de refuser les travaux exécutés, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil ;

ALORS QUE, enfin, la réception peut être tacite dès lors que n'est pas exprimée l'intention de refuser l'ouvrage dans l'état où il se trouve ; qu'il en est ainsi, comme en l'espèce, lorsqu'il y a à la fois prise de possession des lieux et paiement intégral du prix sans qu'aucune contestation ne soit immédiatement élevée ; que, pour décider qu'il n'y avait pas eu de réception tacite, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que le maître de l'ouvrage avait contesté les travaux de reprise en introduisant, fin septembre 2009, une procédure de référé-expertise ; qu'en se prononçant de la sorte sans vérifier si, le 7 juillet 2009, au jour de l'achèvement des travaux de reprise, le maître de l'ouvrage les avait approuvés sans élever la moindre contestation, la cour d'appel n'a conféré à sa décision aucune base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil ;

ALORS QUE, subsidiairement, même en l'absence de paiement intégral du prix du marché, la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de ne pas réceptionner l'ouvrage n'est caractérisée que s'il a élevé immédiatement des protestations ; que, pour décider, à supposer que le prix du marché n'ait pas été réglé dans sa totalité, qu'il n'y avait pas eu de réception tacite, l'arrêt infirmatif attaqué a retenu que le maître de l'ouvrage avait contesté les travaux de reprise en introduisant fin septembre 2009 une procédure de référé-expertise ; qu'en se prononçant de la sorte sans vérifier si le 7 juillet 2009, au jour de l'achèvement des travaux de reprise, le maître de l'ouvrage les avait acceptés sans élever la moindre contestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-24752
Date de la décision : 14/12/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Réception de l'ouvrage - Définition - Réception tacite - Exclusion - Cas - Contestation des travaux par le maître de l'ouvrage - Applications diverses

Ayant relevé qu'il ressortait des pièces du dossier que la qualité des travaux avait été contestée par les maîtres de l'ouvrage dès l'origine des travaux de confortement puis lors des seconds travaux de reprise, une cour d'appel a pu en déduire que la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de recevoir les travaux n'était pas établie


Références :

articles 1792 et 1792-6 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 12 août 2016

Sur la contestation de la qualité des travaux par le maître de l'ouvrage excluant leur réception tacite, à rapprocher :3e Civ., 24 mars 2016, pourvoi n° 15-14830, Bull. 2016, III, n° 42 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 déc. 2017, pourvoi n°16-24752, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Lévis, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.24752
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