LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 23-85.137 FS-B
N° 00056
GM
5 FÉVRIER 2025
REJET
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 FÉVRIER 2025
MM. [O] [E] et [D] [U] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises du Loir-et-Cher, en date du 13 juillet 2023, qui, pour viols aggravés, association de malfaiteurs, diffusion de représentation pornographique de mineur aggravée, détention de représentation pornographique de mineur, a condamné, le premier, à dix-huit ans de réclusion criminelle, cinq ans de suivi socio-judiciaire, une interdiction définitive d'exercer toute activité en contact avec des mineurs et a fixé la durée de la période de sûreté aux deux tiers de celle de la peine et qui, pour association de malfaiteurs et détention de représentation pornographique de mineur, a condamné, le second, à cinq ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis probatoire, et une confiscation, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O] [E], les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [D] [U], les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de France victime 37,et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, MM. de Larosière de Champfeu, Turbeaux, [D], Gouton, Brugère, Tessereau, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mmes Guerrini, Diop-Simon, conseillers référendaires, M. Fusina, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par arrêt du 19 novembre 2020, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a ordonné la mise en accusation devant la cour d'assises de M. [O] [E] des chefs de viols sur mineure de 15 ans, association de malfaiteurs, diffusion de représentation pornographique de mineur aggravée, détention de représentation pornographique de mineur. Elle a également ordonné le renvoi de M. [D] [U] devant cette même juridiction des chefs d'association de malfaiteurs et détention de représentation pornographique de mineur.
3. Par arrêt du 4 mai 2022, la cour d'assises a déclaré les accusés coupables. Elle a condamné M. [E] à quinze ans de réclusion criminelle et six ans de suivi socio-judiciaire, une interdiction définitive d'exercer toute activité en contact avec les mineurs et une confiscation. M. [U] a été condamné à cinq ans d'emprisonnement, quatre ans de suivi socio-judiciaire et une confiscation.
4. MM. [E] et [U] ont relevé appel de cette décision. Le ministère public et des parties civiles ont formé appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches, les troisième, quatrième et sixième moyens, proposés pour M. [E] ainsi que sur les moyens proposés pour M. [U]
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche, proposé pour M. [E]
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [E] coupable de viols sur mineure de quinze ans, alors « qu'il résulte de la feuille de questions que le président a posé deux questions subsidiaires par rapport à celle de viol sur mineure de quinze ans, portant sur la qualification de recours à la prostitution de mineur de quinze ans ; qu'en cet état, la cour d'assises qui constate dans la feuille de motivation que l'accusé contestait la qualification de viols sur mineure de quinze ans, et qui n'a pas posé de question subsidiaire portant sur la qualification subsidiaire d'atteintes sexuelles sur mineures de quinze ans, a méconnu l'article 351, alinéa 2, du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Aux termes de l'article 351 du code de procédure pénale, s'il résulte des débats que le fait comporte une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation, le président pose une ou plusieurs questions subsidiaires. Lorsque l'accusé majeur est mis en accusation du chef de viol aggravé par la minorité de quinze ans de la victime, le président pose la question subsidiaire de la qualification d'atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans si l'existence de violences ou d'une contrainte, menace ou surprise a été contestée au cours des débats.
8. Le moyen tiré de l'absence de question subsidiaire dans les cas prévus par l'article précité ne saurait être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
9. Il appartenait à l'accusé ou à son avocat, s'il entendait contester la formulation des questions, d'élever un incident contentieux dans les formes prévues par l'article 352 du même code.
10. Le moyen doit par conséquent être écarté.
Mais sur le cinquième moyen proposé pour M. [E]
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [E] à une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle, assortie d'une période de sûreté des deux tiers, d'un suivi socio-judiciaire et d'une interdiction d'exercer une activité en rapport avec des mineurs, outre la confiscation de scellés, alors « qu'il résulte de la feuille de motivation que la cour d'assises a expliqué les motifs qui l'amenaient à condamner l'accusé à une peine de 18 ans de réclusion criminelle et a précisé que le suivi était indispensable au regard du risque de réitération ; qu'en statuant ainsi, sans justifier par une décision motivée le prononcé d'une période de sûreté portée aux deux tiers de la peine de réclusion par décision spéciale, la cour d'assises a méconnu les articles 132-23 du code pénal et 365-1 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-23 du code pénal et 365-1 du code de procédure pénale :
12. Il se déduit de ces textes que, si la période de sûreté constitue une modalité d'exécution de la peine, elle présente un lien étroit avec la peine et l'appréciation par le juge des circonstances propres à l'espèce, de sorte que, faisant corps avec elle, elle doit faire l'objet d'une décision spéciale et motivée lorsqu'elle est facultative ou excède la durée prévue de plein droit.
13. ll résulte de la feuille de motivation que la cour d'assises retient notamment la gravité des faits, l'appétence ancienne de l'accusé pour la pédo-pornographie et sa personnalité pour conclure qu'il convient de le condamner à la peine de dix-huit ans de réclusion criminelle.
14. En statuant ainsi, sans justifier par une décision motivée le prononcé d'une période de sûreté portée aux deux tiers de la peine par décision spéciale, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation sera limitée aux peines prononcées à l'encontre de M. [E], dès lors que ni sa déclaration de culpabilité ni les dispositions relatives à M. [U] n'encourent la censure.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
17. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de M. [E] étant devenue définitive, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande formée à son encontre.
18. La demande formée à l'encontre de M. [U] sera rejetée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par M. [D] [U] :
Le REJETTE ;
Sur le pourvoi formé par M. [O] [E] :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'assises du Loir-et-Cher, en date du 13 juillet 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. [E], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises du Loiret, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [E] devra payer à la SCP Piwnica et Molinié, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale et de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale en ce qui concerne M. [U] ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du Loir-et-Cher et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.