LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1792 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 2010), que la société Foncier Invest, maître de l'ouvrage, a, par marché du 28 juillet 1994, chargé la société Bertrand de la réalisation du lot "Voies et Réseaux Divers" dans la construction d'un lotissement dénommé "Lei Rigaous" ; que la réception est intervenue le 25 décembre 1995 ; qu'en 2000, une fuite d'eau ayant été constatée sur le lot A4, la société Bertrand a procédé à la réparation; qu'à la suite de l'apparition d'autres fuites, les réparations ont été effectuées à la demande de l'Association syndicale libre "Lei Rigaous" (l'ASL), d'abord en 2001 par une tierce entreprise, ensuite en 2004, par la commune; qu'après expertise ordonnée en référé le 6 juillet 2005, l'ASL et la société Foncier Invest ont assigné, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, la société Bertrand et son assureur, la société Generali assurances IARD (société Generali) en remboursement de sommes, pour l'ASL, au titre du coût des réparations et, pour la société Foncier Invest, au titre des surconsommations d'eau ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt retient que la preuve de l'imputabilité à la société Bertrand des sinistres survenus en 2001 et en 2004 n'est pas rapportée dès lors qu'aucune constatation contradictoire de ces sinistres n'a été diligentée par la société Foncier Invest et l'ASL et qu'il n'a pas été possible à l'expert judiciaire de dire si leur origine pouvait être imputée à une malfaçon ou à une cause étrangère puisque, lors de son intervention, les réparations ayant été mises en oeuvre, les éléments objectifs permettant d'expliquer la cause des désordres avaient disparu ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que des fuites récurrentes s'étaient produites sur le réseau d'eau construit par la société Bertrand, et que la mise en jeu de la garantie décennale d'un constructeur, responsable de plein droit des dommages affectant l'ouvrage qu'il a réalisé, n'exige pas la recherche de la cause des désordres, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Bertrand et la société Generali IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bertrand et la société Generali IARD, in solidum, à payer la somme globale de 2 500 euros à la société Foncier Invest et à l'ASL Lei Rigaous, rejette la demande de la société Generali IARD et de la société Bertrand ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils pour la société Foncier invest et l'Association syndicale libre Lei Rigaous
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR homologué, pour partie, le rapport de l'expert judiciaire, d'AVOIR débouté la société Foncier invest et l'association syndicale libre Lei Rigaous de l'ensemble de leurs demandes et d'AVOIR mis hors de cause la société Generali Iard ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « par des motifs exacts et pertinents qui doivent être approuvés, le premier juge a sans inverser la charge de la preuve rejeté l'ensemble des demandes formées par la Sarl Foncier invest et de l'Asl Lei Rigaous à l'encontre de la Sarl Bertrand. / Attendu en outre qu'il convient d'observer : - d'une part, qu'aucune constatation contradictoire des sinistres survenus en 2001 et 2004 n'a été diligentée par les appelantes, - et d'autre part, que la lettre de la Sa Bertrand évoquant la possibilité d'une réclamation de remboursement des surconsommations d'eau, nécessairement relative au sinistre qu'elle a elle-même réparé puisque datée du 3. 04. 2000 et pour lequel il n'y avait aucune constatation, ne saurait inférer une quelconque reconnaissance au titre de surconsommations survenues postérieurement à ladite réparation. / Attendu que le rejet des demandes principales rend l'appel en garantie de la Sa Generali Iard sans objet, cette dernière devant également être mise hors de cause. / Attendu qu'il convient de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions » (cf., arrêt attaqué, p. 4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « la responsabilité décennale des constructeurs ne relève de la garantie obligatoire qu'en ce qui concerne les dommages à l'ouvrage ; / il y a lieu de mettre hors de cause la compagnie Generali assurances Iard. / Attendu que la Sa Bertrand est intervenue en 2000 sur la demande de la Sarl Foncier invest et de la Asl Lei Rigaous et que, par la suite, elle est restée sans nouvelle de la société Foncier invest jusqu'au mois de mars 2002. / Attendu que dans l'intervalle, l'Asl Lei Rigaous a fait intervenir la société Canese sans en aviser la société Bertrand en 2001 puis la mairie en 2004 pour réparer d'autres fuites dont il est demandé le remboursement aujourd'hui. / Attendu que la preuve de l'imputabilité de ces désordres et a fortiori des surconsommations d'eau à la Sa Bertrand n'est pas apportée puisque en page 15 de son rapport, Monsieur X..., expert désigné, conclut qu'en l'état de la déperdition des éléments de preuve, il n'est pas possible de dire si l'origine du désordre peut être imputée à une malfaçon ou à une cause étrangère. / Attendu que du fait de la mise en oeuvre des réparations avant même l'intervention de l'expertise sans même avoir avisé la Sa Bertrand des nouveaux incidents, les demanderesses ont fait disparaître des éléments objectifs permettant d'expliquer la cause des désordres. / Attendu qu'une telle attitude est contraire aux dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile qui rend le constat contradictoire des dommages préalables obligatoire, garantissant l'objectivité des conclusions expertales. / Attendu qu'en conséquence, la preuve de l'imputabilité à la Sa Bertrand des fuites survenues de 2001 à 2004 n'étant pas rapportée, il y a lieu de débouter la Sarl Foncier invest et l'Asl Lei Rigaous de l'ensemble de leurs demandes »(cf., jugement entrepris, p. 3 et 4) ;
ALORS QUE, de première part, l'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination et qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; qu'il en résulte que les dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination, sont présumés être imputables à l'activité du constructeur de l'ouvrage ; qu'en énonçant, par conséquent, pour statuer comme elle l'a fait, que la preuve de l'imputabilité à la société Bertrand des fuites survenues de 2001 à 2004 n'était pas rapportée, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1792 du code civil ;
ALORS QUE, de deuxième part, la mise en jeu de la garantie décennale d'un constructeur n'exige pas la recherche de la cause des désordres ; qu'en énonçant, dès lors, pour considérer que la preuve de l'imputabilité à la société Bertrand des fuites survenues de 2001 à 2004 n'était pas rapportée et pour statuer, en conséquence, comme elle l'a fait, que l'expert judiciaire a conclu qu'en l'état de déperdition des éléments de preuve, il n'était pas possible de dire si l'origine du désordre pouvait être imputé à une malfaçon ou à une cause étrangère et que, du fait de la mise en oeuvre des réparations avant même l'intervention de l'expertise, sans même avoir avisé la société Bertrand de nouveaux incidents, la société Foncier invest et l'association syndicale libre Lei Rigaous avaient fait disparaître des éléments objectifs permettant d'expliquer la cause des désordres, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1792 du code civil ;
ALORS QUE, de troisième part, si la mise en jeu de la garantie décennale d'un constructeur suppose que soit apportée, devant le juge, au terme d'un débat contradictoire, la preuve de l'existence d'un dommage qui compromet la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rend impropre à sa destination, elle n'exige pas que l'existence d'un tel dommage soit constaté, de manière contradictoire entre les parties, préalablement à la saisine du juge ; qu'en énonçant, dès lors, pour statuer comme elle l'a fait, qu'aucune constatation contradictoire des sinistres survenus en 2001 et 2004 n'a été diligentée par la société Foncier invest et par l'association syndicale libre Lei Rigaous, que, du fait de la mise en oeuvre des réparations avant même l'intervention de l'expertise, sans même avoir avisé la société Bertrand de nouveaux incidents, la société Foncier invest et l'association syndicale libre Lei Rigaous avaient fait disparaître des éléments objectifs permettant d'expliquer la cause des désordres et qu'une telle attitude était contraire aux dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile qui rendent obligatoire le constat des dommages préalables, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1792 du code civil ;
ALORS QUE, de quatrième part, la garantie de l'assurance de responsabilité obligatoire concerne le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué ; qu'en énonçant, dès lors, pour mettre hors de cause la société Generali Iard, que la responsabilité décennale des constructions ne relevait de la garantie obligatoire qu'en ce qui concerne les dommages à l'ouvrage, quand l'association syndicale libre Lei Rigaous demandait la condamnation in solidum de la société Bertrand et de la société Generali Iard à lui payer la somme de 3 464, 24 euros, correspondant aux dépenses de réparation de l'ouvrage qu'elle avait été contrainte d'exposer en raison des dommages qui l'affectaient, et, donc, le paiement de travaux de réparation de l'ouvrage, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 241-1 du code des assurances et l'annexe I à l'article A. 243-1 de ce même code.