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22/10/2020 | FRANCE | N°19-21352

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 octobre 2020, 19-21352


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1086 F-D

Pourvoi n° B 19-21.352

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

M. D... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 19-21.3

52 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'oppo...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1086 F-D

Pourvoi n° B 19-21.352

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

M. D... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° B 19-21.352 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Hitachi Vantara, dont le siège est [...] ,

3°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. P..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Hitachi Vantara, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 19 juin 2019), M. P... (la victime), salarié de la société Hitachi Vantara (l'employeur), a été victime, le 18 mars 2005, d'un accident de la circulation ayant provoqué une fracture du pied, qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure (la caisse).

2. Par la suite, la caisse a refusé la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de Basedow, déclarée par la victime le 12 février 2013. Une expertise technique a été diligentée concluant à l'absence de lien de causalité entre cette maladie et l'accident du travail.

3. La victime a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale. Par jugement du 23 avril 2015, non frappé d'appel, le tribunal a ordonné une expertise technique et sursis à statuer. Par jugement du 2 septembre 2016, le tribunal a rejeté la demande de prise en charge.

Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

5. La victime fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de Basedow, alors :

« 1°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en s'attachant pourtant, pour dire que le tribunal des affaires de sécurité sociale, par son jugement rendu le 23 avril 2015, avait de manière irrévocable écarté la présomption d'imputabilité de la maladie de Basedow à l'accident du travail, aux seuls motifs dudit jugement, quand celui-ci n'avait pas tranché, dans son dispositif, la question de la présomption d'imputabilité, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien du code civil, devenu l'article 1355 du même code depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

3°/ que le jugement ordonnant une expertise technique ne tranche de ce chef le principal qu'en ce qui a trait à la portée de l'avis de l'expert précédemment désigné, et non en ce qui a trait à la présomption d'imputabilité de la maladie à l'accident ; qu'en se fondant néanmoins, pour en déduire que le jugement rendu le 23 avril 2015 aurait écarté cette présomption, sur la considération de ce qu'un jugement ordonnant une expertise technique tranche une « question touchant le fond du litige », cependant que ce jugement n'avait tranché le principal qu'en ce qui avait trait à la portée de l'avis de l'expert précédemment désigné, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu 1355, du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile et l'article R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce, antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La caisse conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau, au motif que la victime n'a pas soutenu à hauteur d'appel que l'autorité de la chose jugée n'avait lieu qu'à l'égard de ce qui avait fait l'objet d'un jugement et avait été tranché dans son dispositif.

7. Cependant, d'une part, la victime a fait valoir à hauteur d'appel que le jugement n'avait pas tranché la question de la présomption d'imputabilité et qu'elle n'avait pas intérêt à interjeter appel d'une décision de sursis à statuer dans l'attente du rapport, et d'autre part, le moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

8. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1355 du code civil, 480 du code de procédure civile et L. 141-1 du code de la sécurité sociale, le dernier dans sa rédaction alors en vigueur ;

9. Il résulte des deux premiers de ces textes, auxquels le troisième ne déroge pas, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.

10. Pour rejeter la demande de prise en charge, ayant exposé les motifs pour lesquels le jugement du 23 avril 2015 avait écarté la présomption d'imputabilité, l'arrêt retient qu'eu égard à l'autorité qui s'attache à l'avis de l'expert technique, le jugement qui ordonne une expertise technique tranche par là même une question touchant le fond du litige et peut faire l'objet d'un appel, de sorte que le tribunal des affaires de sécurité sociale a de manière irrévocable écarté la présomption d'imputabilité de la maladie de Basedow à l'accident du travail.

11. En statuant ainsi, alors que dans le dispositif du jugement du 23 avril 2015, le tribunal s'était borné à ordonner une expertise sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale et à surseoir à statuer sur les demandes, de sorte qu'il n'avait pas tranché le principe de l'imputabilité de la maladie litigieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Hitachi Vantara et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. P...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de Basedow déclarée par monsieur P... le 12 février 2013 comme une nouvelle lésion de son accident du travail du 18 mars 2005 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la présomption d'imputabilité, le jugement du 23 avril 2015 avait relevé qu'il n'y avait pas continuité de symptômes et de soins entre l'accident de la voie publique et la maladie de Basedow, avait écarté la présomption d'imputabilité et jugé que l'expertise devait permettre d'établir un lien direct et certain entre la maladie et l'accident ou ses suites opératoires qui étaient constitutives de complications des lésions initiales ; que le tribunal avait relevé que le docteur Q... avait exclu un lien direct entre l'accident et la maladie mais avait retenu que l'expert était parti d'un postulat de base erronée, à savoir qu'il n'existait pas de maladie de Basedow « posttraumatique », alors que l'annexe 1 du barème indicatif d'invalidité indiquait que la relation d'une maladie de Basedow avec un traumatisme était généralement admise, l'accident jouant dans la plupart des cas le rôle de facteur déclenchant sur un terrain dans la plupart des cas prédisposé ; que pour ordonner une nouvelle expertise, le tribunal avait déduit de ses constatations que l'objectivité de l'expert devait être mise en doute et qu'il existait par ailleurs un doute sur le fait de savoir si l'expert avait bien répondu à la question qui lui avait été posée par le tribunal de savoir si la maladie de Basedow détectée en juillet 2005 était ou non imputable à l'accident du travail subi le 18 mars 2005 ou ses suites opératoires liées à cet accident ; qu'à cet effet le docteur A... avait été chargé de dire s'il existait un lien entre la maladie de Basedow et l'accident du travail ou ses suites opératoires ; qu'eu égard à l'autorité qui s'attachait à l'avis de l'expert technique, le jugement qui ordonnait une expertise technique tranchait par là même une question touchant le fond du litige et pouvait faire l'objet d'un appel ; qu'il en résultait que le tribunal des affaires de sécurité sociale avait de manière irrévocable écarté la présomption d'imputabilité de la maladie de Basedow à l'accident du travail ; que sur l'existence d'un lien de causalité entre l'accident du travail et la maladie de Basedow, le docteur A... concluait de manière claire et précise qu'il ne pouvait être retenu un lien de causalité directe et certain entre l'accident de la circulation et l'hyperthyroïdie de M. P... diagnostiquée le 13 juillet 2005 ; que c'était en conséquence à juste titre que le tribunal avait rejeté la demande de prise en charge de l'assuré qui n'avait pas formé de demande de nouvelle expertise (arrêt, pp. 4 et 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, était considéré comme accident de travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ; que la présomption d'imputabilité qui s'appliquait aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident pendant toute la période d'incapacité précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation, et plus généralement à toutes les conséquences directes de l'accident, faisait obligation à la caisse primaire d'assurance maladie de prendre en charge au titre de la législation sur les accidents de travail, les dépenses afférentes à ces lésions ; que dès lors qu'il y avait continuité de symptômes et de soins à compter de l'accident initial, l'incapacité et les soins en découlant étaient présumés imputables à celui-ci, sauf à l'employeur de rapporter la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ou l'existence d'une cause postérieure totalement étrangère à l'accident du travail ; que dans les motifs de son jugement du 23 avril 2015, le tribunal avait fait valoir, principalement pour deux motifs, que la présomption d'imputabilité ne trouvait plus lieu à s'appliquer et que l'expertise avait pour objet d'établir, ou non, un lien direct et certain entre la maladie et l'accident du 18 mars 2005 ou ses suites opératoires, constitutives de complications des lésions initiales ; que l'un des motifs était que le lien n'était pas même évident pour M. P... qui avait attendu 8 ans pour faire cette demande de reconnaissance auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure ; que M. P... avait pu s'en expliquer, qu'il croyait que sa maladie de Basedow était déjà prise en charge au titre de la législation professionnelle au motif que son opération de la thyroïde réalisée en juin 2006 avait été indemnisée comme telle ; que la caisse avait reconnu l'erreur, l'expliquant par le fait que la demande de prise en charge émanait du service de chirurgie orthopédique et ne mentionnait pas la teneur de l'opération ; que s'il résultait de la note communiquée par le conseil de M. P... en délibéré que la caisse pouvait déterminer la teneur de l'opération, il n'en demeurait pas moins qu'elle avait commis une erreur sans qu'aucune conséquence de droit ne puisse en être tirée ; qu'en effet, si la caisse avait vérifié la nature de l'opération avant de la prendre en charge, elle aurait consulté son médecin conseil pour savoir si cette nouvelle lésion relevait de la législation professionnelle et la réponse aurait sans doute été la même ; que cela aurait seulement permis à M. P... de faire ses démarches plus tôt ; que l'expert, quant à lui, avait tenté de faire ressortir de son expertise que la présomption d'imputabilité devait continuer à jouer au motif qu'il pouvait y avoir eu un retard de diagnostic de la maladie de Basedow au regard des circonstances de l'hospitalisation et de la pathologie principale à traiter suite à l'accident de la circulation dont M. P... avait été victime ; que ce faisant, il soutenait la thèse que la lésion pouvait être présumée être apparue dans un temps suffisamment voisin de l'accident pour éviter que la présomption d'imputabilité ne fût écartée ; mais que c'était à titre médical qu'il avait été consulté et que le tribunal ne lui avait pas demandé de porter des appréciations d'ordre juridique sur le litige ; que surtout, le tribunal avait retenu qu'il n'y avait pas continuité de symptômes et de soins entre l'accident de la voie publique et la maladie de Basedow, les lésions traumatiques du pied étant sans aucun lien avec un dérèglement thyroïdien ; que c'était la raison pour laquelle il avait écarté la présomption d'imputabilité de cette lésion à l'accident et avait demandé une nouvelle expertise médicale pour déterminer s'il existait un lien entre la maladie de Basedow et1'accident du 18 mars 2005 ou ses suites opératoires ; que l'expert avait répondu médicalement à la question lorsqu'il avait conclu : « Il n'est pas possible de retenir un lien de causalité direct et certain entre l'accident de la voie publique du 18 mars 2004 et l'hyperthyroïdie de M. P... diagnostiquée 3 mois et 25 jours plus tard » ; que par conséquent la demande de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle serait rejetée (jugement, pp. 3 et 4) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en s'attachant pourtant, pour dire que le tribunal des affaires de sécurité sociale, par son jugement rendu le 23 avril 2015, avait de manière irrévocable écarté la présomption d'imputabilité de la maladie de Basedow à l'accident du travail, aux seuls motifs dudit jugement, quand celui-ci n'avait pas tranché, dans son dispositif, la question de la présomption d'imputabilité, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien du code civil, devenu l'article 1355 du même code depuis l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QUE le jugement rendu le 23 avril 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale comportait la disposition suivante : « désigne le docteur A... (
) lequel aura pour mission (
) de dire s'il existe un lien entre la maladie de Basedow (déclarée par monsieur P...) et son accident du travail subi le 18 mars 2005 ou ses suites opératoires », et ne comportait par ailleurs aucune disposition écartant la présomption d'imputabilité de la maladie à l'accident ; qu'en son dispositif dénué de toute ambiguïté, ce jugement n'avait donc pas tranché la question de la présomption d'imputabilité ; qu'en retenant néanmoins, pour en déduire que la présomption d'imputabilité aurait déjà été écartée « de manière irrévocable », que le jugement concerné avait écarté cette présomption, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

ALORS, EN TROISIÈME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le jugement ordonnant une expertise technique ne tranche de ce chef le principal qu'en ce qui a trait à la portée de l'avis de l'expert précédemment désigné, et non en ce qui a trait à la présomption d'imputabilité de la maladie à l'accident ; qu'en se fondant néanmoins, pour en déduire que le jugement rendu le 23 avril 2015 aurait écarté cette présomption, sur la considération de ce qu'un jugement ordonnant une expertise technique tranche une « question touchant le fond du litige », cependant que ce jugement n'avait tranché le principal qu'en ce qui avait trait à la portée de l'avis de l'expert précédemment désigné, la cour d'appel a violé l'article 1351 ancien, devenu 1355, du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile et l'article R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce, antérieure au décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ;

ALORS, EN QUATRIÈME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'à supposer même que, pour apprécier l'étendue de la chose jugée, l'on doive se référer aux motifs du jugement rendu le 23 avril 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale, dès lors que lesdits motifs avaient exprimé la nécessité d'une nouvelle expertise sur le point de savoir si la maladie de Basedow détectée en juillet 2005 était ou non imputable à l'accident du travail subi par monsieur P..., du fait notamment d'un doute sur un examen effectif de cette question par le précédent expert, on ne pouvait d'aucune manière considérer que ce jugement avait irrévocablement écarté la présomption d'imputabilité de la maladie à l'accident ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

ALORS, EN CINQUIÈME LIEU, QUE les appréciations d'ordre médical portées par l'expert technique dans son rapport s'imposent au juge ; que les juges du fond avaient constaté que le docteur A..., expert médical nouvellement désigné, avait estimé que la présomption d'imputabilité de la maladie à l'accident devait continuer à jouer dès lors qu'il pouvait y avoir eu un retard de diagnostic de la maladie de Basedow au regard des circonstances de l'hospitalisation et de la pathologie principale à traiter en suite de l'accident de la circulation dont monsieur P... avait été victime ; qu'en l'état de cette appréciation d'ordre médical portée par l'expert et s'imposant comme telle au juge, la cour d'appel qui, pour la regarder néanmoins comme non avenue, a considéré qu'il s'agissait d'une appréciation d'ordre juridique, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 141-1, dans sa rédaction applicable à l'espèce, issue de la loi n°2007-1786 du 19 décembre 2007, et L. 141-2 du code de la sécurité sociale ;

ALORS, EN SIXIÈME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les appréciations d'ordre médical portées par l'expert technique dans son rapport s'imposent au juge lorsqu'elles sont non seulement claires, mais aussi complètes ; qu'il suit de là que le juge, pour pouvoir valablement se regarder comme lié par une appréciation d'ordre médical portée par l'expert, doit préalablement s'assurer de son caractère complet et dénué d'ambiguïté ; qu'en affirmant que le docteur A... avait conclu de manière claire et précise qu'il ne pouvait être retenu un lien de causalité direct et certain entre l'accident et la maladie diagnostiquée le 13 juillet 2005, sans toutefois rechercher, comme aurait dû l'y conduire les contestations soulevées par monsieur P... (conclusions, notamment pp. 7 et 14), si, quoique ayant effectivement dit qu'il n'était pas possible de retenir un tel lien de causalité au sens du droit civil, l'expert médical n'avait pas aussi dit qu'au sens de la législation sur les accidents du travail, le délai entre l'accident et le diagnostic ne pouvait être reconnu comme un élément pertinent pour éliminer la présomption d'imputabilité à l'accident comme facteur déclenchant ou révélateur, si ces conclusions de l'expert n'étaient pas précédées de développements admettant que « dans le cas particulier, il exist[ait] un stress traumatique pouvant être considéré comme un facteur déclenchant ou révélateur, dû à la pathologie particulièrement douloureuse en elle-même et par les soins nécessaires justifiant des traitements morphiniques parentéraux et per os. / Un autre élément non négligeable est l'obligation de choix de monsieur P... entre l'amputation de sécurité et la poursuite des soins avec tous les aléas inhérents ; et il a donc été dans l'obligation personnelle de prendre une décision : soit de poursuivre les soins malgré l'infection nosocomiale, soit de choisir l'amputation », et s'il ne suivait pas de là que l'avis de l'expert, dans son ensemble, était insuffisamment clair et complet, comme ne permettant pas d'exclure tout lien entre l'accident et la maladie, et qu'il était impossible, à tout le moins sans un complément d'expertise, de regarder comme contraignante la conclusion de l'expert mentionnant l'absence d'un tel lien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1, L. 141-2 et R. 142-24-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-21352
Date de la décision : 22/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 19 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 oct. 2020, pourvoi n°19-21352


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.21352
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