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19/05/2009 | FRANCE | N°08-14408

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 mai 2009, 08-14408


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 janvier 2008), que la société Marseille Aménagement, maître de l'ouvrage, a, avec le concours de la société Bureau d'Etudes Techniques Art et Construction (société BETAC), chargée, par contrat du 15 février 1998, d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, confié, le 5 juillet 1999, à la société Eurovia Travaux Publics (société Eurovia) le lot "terrassement, voiries, réalisation d'ouvrages de

soutènement, mise en place des différents réseaux" dans la création, sur le ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 janvier 2008), que la société Marseille Aménagement, maître de l'ouvrage, a, avec le concours de la société Bureau d'Etudes Techniques Art et Construction (société BETAC), chargée, par contrat du 15 février 1998, d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, confié, le 5 juillet 1999, à la société Eurovia Travaux Publics (société Eurovia) le lot "terrassement, voiries, réalisation d'ouvrages de soutènement, mise en place des différents réseaux" dans la création, sur le site d'un ancien dépôt pétrolier, d'un lotissement à usage industriel ; que la société Eurovia a, pour séparer deux plates formes d'une partie du lotissement de niveaux différents, sous-traité, par contrat du 5 juin 2000, à la société Chaillan Travaux Publics (société Chaillan) la construction d'un mur de soutènement en double encorbellement composé d'éléments préfabriqués de type ELIBA selon procédé de la société BONNA SABLA, aux lieu et place d'un mur en béton sur semelle convenu à l'origine ; que des désordres consistant en des déformations des encorbellements, réservés à la réception intervenue le 13 septembre 2000, ayant persisté, avec glissement du sol de la plate forme jouxtant l'un des encorbellements, la société Marseille Aménagement a, après expertise, assigné en réparation la société Betac qui a formé des recours en garantie contre les sociétés Eurovia, Chaillan et la société Sol Essais, qui avait, pour un projet portant alors sur un ensemble de bâtiments, effectué en 1991 une étude de sol faisant état des caractéristiques mécaniques médiocres du sous-sol, étude annexé aux documents contractuels du lotissement ;
Attendu que pour condamner la société Chaillan à garantir la société Eurovia, l'arrêt retient, d'une part, que la société Betac a engagé sa responsabilité contractuelle envers la société Marseille Aménagement pour avoir accepté la conception d'un mur en éléments préfabriqués sans tenir compte de l'état du sol, ni demander des études complémentaires et préconiser des fondations adaptés, d'autre part, que la société Eurovia a commis une faute engageant, à hauteur de 20 %, sa responsabilité quasi-délictuelle envers la société Betac pour avoir proposé la conception de ce mur totalement inadapté au sol alors qu'elle était une société spécialisée dans les travaux de "voies et réseaux divers" et avait connaissance du rapport de la société Sol Essais, enfin, qu'en l'absence de preuve d'une cause étrangère exonératoire, la société Chaillan, tenue envers son donneur d'ordre d'une obligation de résultat, devait garantir la société Eurovia dès lors qu'ayant facturé le 15 septembre 2000 des travaux de maçonnerie et des travaux supplémentaires (radiers béton sous mur intermédiaire et reprises terrassements généraux murs intermédiaires), elle avait réalisé l'intégralité des travaux de construction de l'ouvrage ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Chaillan faisant valoir qu'elle n'avait pas été contractuellement chargée de la définition technique et de la conception du mur de soutènement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Chaillan Travaux Publics à relever et garantir la société Eurovia Travaux Publics du montant des condamnations mises à sa charge au bénéfice de la société Betac, l'arrêt rendu le 31 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Eurovia aux dépens, sauf à ceux exposés pour la mise en cause de la société Marseille Aménagement et sol Essais, qui resteront à la charge de la société Chaillan ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eurovia ; la condamne à payer à la société Chaillan Travaux Publics la somme de 2 500 euros ; condamne la société Chaillan Travaux Publics à payer à la société Marseille Aménagement la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société Chaillan Travaux Publics.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du 27 février 2007 en ce qu'il avait mis hors de cause la société CHAILLAN TRAVAUX PUBLICS et, statuant à nouveau, de l'avoir condamnée à relever et à garantir la SAS EUROVIA des condamnations mises à sa charge, soit à relever et garantir la SARL BETAC, à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée contre celle-ci, d'avoir à payer à la SAEML MARSEILLE AMENAGEMENT la somme de 528.538,44 en principal, avec les intérêts légaux à compter du jugement déféré ;
Aux motifs que « le rapport d'expertise de M. X... réalisé au contradictoire des parties, procédant à une analyse objective des données de fait de la cause, à une étude complète et détaillée des questions posées dans sa mission et retenant des conclusions sérieusement motivées par des arguments techniques, doit servir sur le plan technique de support à la décision relativement au litige opposant les parties ;que M. X... retient que :-la cause des désordres réside dans la conception du mur qui ne tenait pas compte de l'instabilité du sol sur lequel il s'appuie ;-les informations apportées par les documents contractuels étaient insuffisantes pour alerter les entreprises sur les risques des désordres - comme le montrent les travaux de reconstruction de l'ensemble du mur, l'étude des fondations par des spécialistes des sols nécessitait une expertise préalable sérieuse, -quel que soit le principe constructif, béton armé, éléments préfabriqués, à défaut d'une assise stable, le mur de soutènement ne pouvait satisfaire à sa fonction, -le mur construit par EUROVIA et ses sous-traitants a été réalisé conformément aux règles de l'art ;Qu'il appartenait à la société BETAC, maître d'oeuvre chargé d'une mission complète, de concevoir un projet réalisable tenant compte des contraintes du sol, et au titre de son devoir d'information et de conseil envers le maître d'ouvrage, de l'informer de toutes contraintes et aléas du chantier d'aménagement d'un terrain qui avait servi précédemment de dépôt de carburant et reçu des remblais de qualité diverses, pour l'édification d'un mur de soutènement séparant deux plates-formes de niveaux différents dont le sous sol présentait des caractéristiques mécaniques médiocres ; que la société BETAC, maître d'oeuvre, invoque à tort l'étude de sol de la société SOL ESSAIS du 18 janvier 1991 effectuée dans le cadre du projet de construction d'un ensemble de bâtiments et non pour la réalisation d'un mur de soutènement, pour imputer à la société EUROVIA une erreur de conception à l'origine du dommage ; que la société BETAC a accepté le nouveau projet, soumis par la société EUROVIA et son sous-traitant, prévoyant l'édification du mur en éléments préfabriqués, sans tenir compte de l'état de sol et sans préconiser notamment des fondations adaptées ; qu'elle a ainsi commis une faute dans l'accomplissement de sa mission engageant sa responsabilité contractuelle envers le maître de l'ouvrage ; que, chargée de réaliser les travaux de VRD, la SAS EUROVIA a proposé pour le mur de soutènement une solution différente de celle initialement retenue ; que la société EUROVIA, spécialisée dans les travaux de VRD, malgré sa connaissance de l'étude de sol de 1991 de la société SOL ESSAIS, faisant déjà état des caractéristiques mécaniques médiocres du sous-sol, a proposé l'abandon de la solution initiale du CCTP et réalisé avec son sous-traitant une solution différente, totalement inadaptée ; qu'elle a ainsi commis une faute quasi délictuelle engageant sa responsabilité envers la société BETAC maître d'oeuvre à concurrence de 20 % du montant des condamnations contre celui-ci ; que la SAS EUROVIA demande la garantie de la SNC CHAILLAN au titre de son obligation de résultat envers elle, en sa qualité de sous-traitant ; que la SNC CHAILLAN a, le 15 septembre 2000 facturé à la SA EUROVIA l'ensemble de ses travaux à savoir :- travaux de maçonnerie : 8 080 514,75 F HT - travaux supplémentaires : -radier béton sous mur intermédiaire : 56 440 F -reprises terrassement généraux murs intermédiaires : 35 000 F

Que l'intervention de la SNC CHAILLAN dans la construction de l'ouvrage litigieux n'a donc pas été limitée, comme l'ont estimé les premiers juges ; que cette société a en effet réalisé l'intégralité des travaux de construction de l'ouvrage litigieux ; qu'elle est donc tenue d'une obligation de résultat envers la société EUROVIA entrepreneur principal, lequel n'a pas à rapporter la preuve de sa faute ; qu'en l'absence de cause étrangère l'exonérant de son obligation de résultat, la SNC CHAILLAN doit donc relever et garantir intégralement la SA EUROVIA des condamnations prononcées contre elle » ;

Alors, d'une part, que l'obligation de résultat du sous-traitant à l'égard de l'entrepreneur principal ne concerne que la prestation contractuelle prévue au marché sous-traité ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que la cause exclusive des désordres résidait dans la conception du mur de soutènement mais que sa réalisation avait été exécutée conformément aux règles de l'art ; qu'en décidant, en dépit de ces constatations, que le sous-traitant devait sa garantie à l'entrepreneur principal, au seul motif qu'il serait tenu d'une obligation de résultat quant à « l'intégralité des travaux de construction de l'ouvrage litigieux », sans constater que la conception du mur litigieux était inclus dans la prestation contractuelle de ce sous-traitant, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
Alors, d'autre part, que la société CHAILLAN avait fait valoir qu'elle n'avait pas manqué aux obligations mises à sa charge dès lors que le marché sous-traité était « exclusivement une prestation d'exécution du mur », réalisée sur la base des prescriptions transmises et notamment d'une mauvaise conception du mur ; qu'en accueillant le recours en garantie de la société EUROVIA sans répondre au moyen pris de ce que sa prestation était limitée à l'exécution du mur de soutènement, réalisée conformément aux règles de l'art, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, en tout état de cause (subsidiaire), que le sous-traitant peut s'exonérer de l'obligation de résultat qui lui incombe à l'égard de l'entrepreneur principal en rapportant la preuve d'une cause étrangère qui peut être caractérisée par la faute de l'entrepreneur principal ou du maître d'oeuvre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société BETAC avait commis une faute dans la conception du mur de soutènement qui avait causé les désordres ; qu'elle a également relevé que l'entrepreneur principal avait commis une faute quasi délictuelle ; que dès lors, en accueillant le recours en garantie dirigé par la société EUROVIA à l'encontre de la société CHAILLAN, sans rechercher, comme elle y était précisément invitée, si les fautes de la société BETAC ou de la société EUROVIA ne l'exonéraient pas de toute responsabilité dans le dommage intervenu, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 08-14408
Date de la décision : 19/05/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 31 janvier 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 mai. 2009, pourvoi n°08-14408


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.14408
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