AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société GAN Eurocourtage de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi en tant que dirigé contre M. X..., ès qualités ;
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 septembre 2003), que M. Y..., chauffeur d'un ensemble routier, employé par la Société argentonnaise de transports (la SAT), assurée auprès de la société Abeille assurances, aux droits de laquelle se trouve la société GAN Eurocourtage (le GAN), a été victime d'un accident alors qu'au cours du déchargement de son véhicule, il desserrait une des sangles fixant le chargement de la remorque, qu'une plaque de béton est tombée provoquant sa chute ; qu'il a été grièvement blessé ; qu'il a assigné en référé la société SAT et son assureur, aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à lui verser une provision à valoir sur son préjudice et de voir désigner un médecin-expert ; que la SAT a fait l'objet d'un plan de redressement judiciaire ;
Attendu que le GAN fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance de référé l'ayant condamné à verser à la victime une certaine somme à titre de provision, alors, selon le moyen :
1 / que le juge des référés qui, pour accorder une provision à une partie, se prononce sur le droit à indemnisation de celle-ci sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 sur l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation excède ses pouvoirs et tranche une question relevant du seul juge du fond ; qu'en l'état des conclusions du GAN et des débats, le principe de l'indemnisation de M. Y... était sérieusement contestable ; qu'en allouant néanmoins à cette victime une provision sur sa créance, la cour d'appel a violé l'article 809, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que le recours du salarié contre son employeur sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 suppose que le véhicule impliqué ait été conduit par l'employeur, un de ses salariés ou un de ses représentants ; qu'en retenant l'application de cette loi dans l'hypothèse d'un véhicule à l'arrêt pour une opération de déchargement, la cour d'appel a violé l'article L. 455-1-1 du Code de la sécurité sociale ;
3 / que le recours du salarié contre son employeur sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 suppose que l'accident du travail soit survenu sur une voie ouverte à la circulation publique ; qu'en retenant l'application de cette loi sans avoir recherché si l'accident dont avait été victime M. Y... s'était produit sur une telle voie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 455-1-1 ;
4 / que dans ses conclusions d'appel, le GAN n'avait pas soutenu que le droit à indemnisation devait être limité à la seule hypothèse dans laquelle la victime n'était pas le conducteur impliqué dans l'accident, mais avait fait valoir qu'en application de la disposition finale de l'article L. 455-1-1 du Code de la sécurité sociale, le salarié ne pouvait agir que dans l'hypothèse dans laquelle le véhicule était conduit par l'employeur, un de ses salariés ou un de ses représentants, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de celles-ci en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a constaté que l'accident avait été provoqué par la chute d'un élément transporté, lors du déchargement de la remorque d'un camion, sans l'intervention d'un appareil de levage, alors que le véhicule se trouvait arrêté sur un chantier ouvert à une circulation restreinte ; que la SAT, employeur, était la gardienne du véhicule dont M. Y..., son préposé, était le conducteur, sans que le domaine de l'action prévue par ce texte soit limité au seul cas où la victime n'est pas le conducteur du véhicule impliqué ; que la loi du 5 juillet 1985 était manifestement applicable, de même que l'article L. 455-1-1 du Code de la sécurité sociale ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a fait une exacte application de l'article L. 455-1-1 du Code de la sécurité sociale, a pu décider, sans dénaturation, que la contestation sur l'application au litige de la loi du 5 juillet 1985 n'était pas sérieuse et allouer une provision à la victime ; qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions que le caractère de voie ouverte à la circulation publique du lieu de l'accident ait été discuté devant la cour d'appel ; que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit est comme tel irrecevable en sa troisième branche et n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GAN Eurocourtage aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société GAN Eurocourtage ; la condamne à payer à M. Y... la somme de 2 000 euros et à M. Z..., ès qualités, la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille six.