Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2013, présentée pour la SARL Communication Active Antilles Guyane Recouvrement (AGR), ayant son siège 10 rue des promenades à Joux-la-ville (89440), par MeA... ;
La société requérante demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200332 du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 novembre 2011 du directeur des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Guyane (DIECCTE) en tant qu'elle lui a enjoint, en application du V de l'article L.141-1 du code de la consommation, de cesser de facturer aux débiteurs des frais non prévus par l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et des dommages et intérêts transactionnels ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la consommation ;
Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;
Vu le décret n° 96-1112 du 18 décembre 1996 portant réglementation de l'activité des personnes procédant au recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2015 :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
1. Considérant que la société de recouvrement amiable Communication Active Antilles Guyane Recouvrement (AGR) fait appel du jugement du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 9 novembre 2011 du directeur des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la Guyane (DIECCTE) en tant qu'il lui a enjoint, sur le fondement du V de l'article L.141-1 du code de la consommation, de cesser de facturer aux débiteurs, d'une part, des frais de "mise en demeure" non prévus par l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, d'autre part, des dommages et intérêts transactionnels ;
Sur la base légale :
2. Considérant qu'en vertu du I de l'article L.141-1 du code de la consommation, sont recherchés et constatés les infractions ou manquements prévus notamment aux articles L.121-1 et suivants du même code relatifs aux pratiques commerciales trompeuses ; que le V du même article prévoit que les agents habilités à constater les infractions ou manquements peuvent enjoindre au professionnel, notamment de se conformer à ses obligations et de cesser tout agissement illicite ; qu'aux termes du I de l'article L.121-1 dudit code : "Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...) 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : (...) / c) Le prix ou le mode de calcul du prix (...) et les conditions (...) de paiement (...) f) (...) les droits du professionnel ; g) (...) les droits du consommateur (...) " ;
3. Considérant que si la société requérante soutient que ces dispositions, sur lesquelles l'administration s'est fondée, sont inapplicables aux agissements postérieurs à la transaction commerciale initialement conclue avec le consommateur, devenu débiteur de la dette, et que toute autre interprétation ajouterait à la loi, les dispositions de l'article 39 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, désormais reprises par les dispositions précitées du code de la consommation, ont eu pour objet de transposer la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur applicable, en vertu de l'article 3 de cette directive, " avant, pendant et après une transaction commerciale " ; que les dispositions précitées du code de la consommation ne sauraient donc être interprétées, sans méconnaître les objectifs de la directive, comme excluant de leur champ d'application les activités de recouvrement de créances d'un professionnel par un tiers ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision contestée doit être écarté ;
Sur les frais de "mise en demeure" :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, alors en vigueur, désormais repris à l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution : " Sauf s'ils concernent un acte dont l'accomplissement est prescrit par la loi, les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier. Toute stipulation contraire est réputée non écrite " ; que selon le quatrième alinéa du même article : " Cependant, le créancier qui justifie du caractère nécessaire des démarches entreprises pour recouvrer sa créance peut demander au juge de l'exécution de laisser tout ou partie des frais ainsi exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi " ; que si la société requérante soutient, d'une part, qu'elle n'a jamais facturé de frais de "mise en demeure" mais seulement des frais pour le compte de ses mandants, d'autre part, qu'elle se bornait à "proposer" des frais au débiteur, qui était en mesure de les refuser, il est constant qu'elle réclamait des frais, fixés forfaitairement selon le montant de la dette à des montants allant de 23 euros à 183,94 euros ; que la société n'établit ni même n'allègue que ces montants étaient reversés aux créanciers ; qu'il résulte des dispositions précitées du troisième alinéa de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé leur adoption et interprétées par l'arrêt n° 09-67591 du 20 mai 2010 de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, auxquelles ne font pas obstacle les dispositions générales de l'article 1248 du code civil prévoyant que " les frais du paiement sont à la charge du débiteur ", que les frais afférents aux actes prescrits par les lois et règlements, non aux créanciers eux-mêmes, mais aux personnes procédant au recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui ne peuvent être mis à la charge du débiteur ; que dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les frais litigieux doivent être regardés comme afférents aux actes prescrits par la loi aux créanciers ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du décret du 18 décembre 1996 portant réglementation de l'activité des personnes procédant au recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui, alors en vigueur, désormais repris au V de l'article R.124-4 du code des procédures civiles d'exécution : " La personne chargée du recouvrement amiable adresse au débiteur une lettre qui contient les mentions suivantes : (...) 3° Le fondement et le montant de la somme due en principal, intérêts et autres accessoires, en distinguant les différents éléments de la dette, et à l'exclusion des frais qui restent à la charge du créancier en application du troisième alinéa de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 (...) " ; que si la société soutient qu'elle est tenue de se conformer à ces prescriptions et que les frais d'établissement et d'envoi du courrier qu'elle doit adresser au débiteur concernent donc un acte dont l'accomplissement est prescrit par la loi au sens du troisième alinéa de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991, ainsi qu'il a été dit au point 3, les frais afférents aux actes prescrits aux personnes procédant au recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui ne peuvent être mis à la charge du débiteur ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'en admettant même que les dispositions de la directive 2000/35/CE du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales auraient été imparfaitement transposées en droit interne, ces dispositions concernent seulement les transactions conclues avec les pouvoirs publics, tels que définis par les directives sur les marchés publics ; que la société requérante ne peut donc et en tout état de cause utilement se prévaloir à l'encontre de la décision contestée de l'article 3.1.e) de cette directive ;
7. Considérant, enfin, que la société Communication active AGR, qui n'allègue pas que ses courriers étaient adressés, non à des particuliers, mais à des opérateurs économiques, ne saurait davantage se prévaloir des dispositions de l'article D.441-5 du code de commerce fixant le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue à l'article L.441-6 du même code, transposant les prescriptions de la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales entre des opérateurs économiques ou entre des opérateurs économiques et des pouvoirs publics, qui ne sont pas applicables en l'espèce et n'étaient en tout état de cause pas en vigueur à la date de la décision contestée ;
Sur les dommages et intérêts transactionnels :
8. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 1153 du code civil : " Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance. " ; que la société requérante soutient que ni ces dispositions, ni aucun autre texte ne font obstacle à ce qu'elle puisse au nom du créancier "proposer" au débiteur le paiement de dommages et intérêts transactionnels ; que, toutefois, l'administration fait valoir, sans être contredite sur ce point par la société, qui ne produit aucun des courriers adressés aux débiteurs, que le montant de ces dommages et intérêts, fixé à 10 % de la dette, était intégré au montant global de cette dette et qu'ainsi, les débiteurs n'étaient pas informés du caractère facultatif du paiement réclamé ; que, par suite, en enjoignant à l'intéressée de cesser de " mettre à la charge " des débiteurs ces dommages et intérêts, l'administration n'a pas commis d'erreur de fait et n'a pas inexactement qualifié ses agissements au regard des dispositions de l'article L.121-1 du code de la consommation définissant les pratiques commerciales trompeuses ; que la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la lettre du 19 juillet 2012, dépourvue de caractère réglementaire, adressée au président du syndicat national des cabinets de recouvrement de créances et de renseignements commerciaux par le sous-directeur de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; qu'au demeurant, cette lettre se borne à admettre la possibilité de "proposer" au débiteur de payer des dommages et intérêts transactionnels ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Communication Active AGR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Communication Active Antilles Guyane Recouvrement est rejetée.
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N° 13BX01776 - 2 -