La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2019 | FRANCE | N°18-22969

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 décembre 2019, 18-22969


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que lors d'une réunion le 13 février 2018 à laquelle il était convoqué par la société STEF transport Chateaubourg (la société), entreprise spécialisée en matière de logistique et de transport routier de produits alimentaires, frais et surgelés, pour une « information aux fins de consultation (...) sur le projet de séparation juridique (de ses) domaines d'activité », le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société (le CHSCT) a décid

é d'une expertise pour projet important ; que, le 27 février 2018, la société a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que lors d'une réunion le 13 février 2018 à laquelle il était convoqué par la société STEF transport Chateaubourg (la société), entreprise spécialisée en matière de logistique et de transport routier de produits alimentaires, frais et surgelés, pour une « information aux fins de consultation (...) sur le projet de séparation juridique (de ses) domaines d'activité », le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société (le CHSCT) a décidé d'une expertise pour projet important ; que, le 27 février 2018, la société a fait assigner le CHSCT aux fins d'annulation de cette délibération ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L.4612-8-1 et L.4614-12,2° du code du travail alors applicables ;

Attendu que la saisine du CHSCT pour consultation ne fait pas obstacle à la contestation par l'employeur de la décision de ce comité de recourir à une mesure d'expertise dont il appartient au juge d'apprécier la nécessité ;

Attendu que pour débouter la société de sa demande d'annulation de la délibération, l'ordonnance retient que s'il appartient au CHSCT de rapporter la preuve du caractère important du projet litigieux à l'endroit duquel il sollicite une expertise, il en va différemment lorsqu'il a été préalablement saisi par l'employeur dans le cadre de la consultation obligatoire de l'ancien article L.4612-8-1 du code du travail, celui-ci ne pouvant en effet soutenir que son projet modifierait de façon suffisamment importante les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés pour en saisir pour avis le CHSCT mais de façon non suffisamment importante pour autoriser cette instance à recourir à un expert afin d'émettre un avis éclairé sur le projet, que la société ayant convoqué par un courrier daté du 30 janvier 2018 son CHSCT au motif d'une « information aux fins de consultation (...) sur le projet de séparation juridique (de ses) domaines d'activité », elle est dès lors mal fondée à lui dénier ensuite ces caractéristiques pour solliciter l'annulation de la décision de son comité de recourir à un expert agréé, qu'il ne peut qu'être jugé que le CHSCT pouvait valablement décider de solliciter le concours d'un expert agréé sans qu'il ressortisse à la juridiction de se prononcer sur la pertinence ou son utilité ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence, qu'il lui appartenait de vérifier, d'un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, permettant au CHSCT de recourir à un expert, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déboute la société STEF transport Chateaubourg de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions, l'ordonnance rendue le 26 juillet 2018 en la forme des référés, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le président du tribunal de grande instance de Saint-Malo statuant en forme des référés ;

Condamne la société STEF transport Chateaubourg aux dépens ;

Vu l'article L.4614-13 du code du travail, condamne la société STEF transport Chateaubourg à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 600 euros TTC ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance de référé partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Stef transport Chateaubourg

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté la société anonyme STEF TRANSPORT CHATEAUBOURG de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur la régularité de la délibération litigieuse : que la société anonyme STEF TRANSPORT CHATEAUBOURG soutient, dans son septième et surprenamment dernier paragraphe de ses écritures, que la délibération dont elle demande l'annulation aurait été adoptée sans "réel débat ", ce que conteste le défendeur, mais sans en rapporter la preuve, dont elle a pourtant la charge en application des dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile et force est d'ailleurs de constater, tout d'abord, qu'elle n'a même pas jugé utile de produire dans son pourtant volumineux dossier de plaidoirie le procès-verbal de la réunion du Comité à l'appui de son allégation ; que deux des trois membres salariés du Comité, dont son secrétaire, ont par ailleurs attesté (pièces n° 5 et 6 défendeur) que des échanges avaient bien eu lieu sur les aspects économiques et juridiques du projet litigieux puis sur les changements que celui-ci pouvait engendrer pour les salariés, soutenant qu'il leur aurait alors été répondu qu'il n'y en aurait pas. Mal fondé, ce moyen ne saurait dès lors prospérer ; Sur le projet important et le bien-fondé de la demande d'expertise : que l'ancien article L 4612-8-1 du Code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, disposait que : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail" ; Que l'ancien article L 4614-12 de ce code, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoyait aussi que : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé :1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L 4612-8-1. Les conditions dans lesquelles l'expert est agréé par l'autorité administrative et rend son expertise sont déterminées par voie réglementaire " ; Que le Comité peut également faire appel à un expert agréé en cas de projet de restructuration ou de compression des effectifs, en application des dispositions de l'ancien article L 4614-12-1 du même code ; que compte étant tenu de l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme, il ne saurait être valablement soutenu qu'il puisse y avoir une différence de degré entre le projet important de l'ancien article L 4612-8-1 du Code du travail précité, s'agissant de la consultation du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et celui visé par l'ancien article L 4614-12 dudit code, s'agissant du recours à l'expert ; qu'en conséquence, s'il appartient effectivement, comme le soutient à bon droit la demanderesse, au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de rapporter la preuve du caractère important du projet litigieux à l'endroit duquel il sollicite une expertise, il en va différemment lorsqu'il en a été préalablement saisi par l'employeur, dans le cadre de la consultation obligatoire de l'ancien article L 4612-8-1 du Code du travail, ce dernier ne pouvant, en effet, soutenir que son projet modifierait de façon suffisamment importante les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail de ses salariés pour en saisir pour avis le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail mais de façon pas suffisamment importante pour autoriser cette instance à recourir à un expert, afin d'émettre un avis éclairé sur ledit projet ; qu'au cas présent, la société anonyme STEF TRANSPORT CHATEAUBOURG ayant convoqué par un courrier daté du 30 janvier 2018 (pièces demanderesse et défendeur n° 1 et 2) son Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail au motif d'une « information aux fins de consultation (
) sur le projet de séparation juridique (de ses) domaines d'activité », reconnaissant par là même que ledit projet est important et qu'il touche les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail de ses salariés, il est dès lors ensuite mal fondé, comme le soutient à raison le défendeur, à lui dénier ensuite ces caractéristiques pour solliciter l'annulation de la décision de son Comité de recourir à un expert agréé ; que consulté sur un projet important au sens des dispositions de l'ancien article L 4614-12 du Code du travail, il ne peut qu'être jugé que le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail STEF TRANSPORT CHATEAUBOURG pouvait valablement décider de solliciter le concours d'un expert agrée et sans qu'il ressortisse à la Juridiction de se prononcer sur sa pertinence ou son utilité ; qu'en conséquence, la société anonyme STEF TRANSPORT CHATEAUBOURG sera déboutée de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ; qu'il n'y pas lieu d'ordonner la réalisation de cette expertise sous astreinte pour "l'hypothèse" où la demanderesse ferait preuve de " résistance" à sa bonne marche, car il n'appartient pas au Juge de statuer sur un litige qui n'est pas encore né » ;

1. ALORS QUE la saisine volontaire du CHSCT par l'employeur pour information sur un projet qu'il souhaite soumettre à l'avis des représentants du personnel ne saurait faire obstacle à la contestation par ce même employeur de la décision du CHSCT de recourir à une mesure d'expertise dont il appartient au juge du fond d'apprécier la nécessité ; qu'en jugeant que la société Stef Transport était mal fondée à solliciter l'annulation de la décision de son CHSCT de recourir à un expert agréé au motif qu'elle avait elle-même convoqué ce comité aux fins de consultation sur un projet dont elle aurait reconnu « par là même » l'importance, le président du tribunal de grande instance s'est fondé sur un motif inopérant et a violé les articles L. 4614-12 et L.4612-8-1 du Code du travail dans leur rédaction applicable en la cause ;

2. ALORS QU'en tout état de cause, fût-elle établie, l'existence d'un projet important au sens de l'article L.4612-8-1 du Code du travail nécessitant en conséquence la consultation du CHSCT, ne dispense pas le juge du fond de l'obligation d'apprécier la nécessité et l'utilité de l'expertise à laquelle le CHSCT entend avoir recours sur le fondement de l'article L.4614-12 du même code, en tenant compte des circonstances de fait, de la nature et de la technicité du projet ainsi que de la nature des informations dont le comité a bénéficié et de son aptitude à émettre un avis éclairé sur le projet qui lui est soumis ; qu'en jugeant qu'il n'appartenait pas à la juridiction de se prononcer sur la pertinence et l'utilité de la mesure d'expertise au motif qu'il ne saurait y avoir de différence de degré entre le projet important au sens de l'article L.4612-8-1, s'agissant de la consultation du comité, et celui-visé par l'article L.4614-12 s'agissant du recours à l'expert, le président du tribunal de grande instance a violé chacun de ces deux textes dans leur rédaction applicable en la cause ;

3. ALORS QUE la société demanderesse invoquait dans ses conclusions non seulement l'absence de débat préalable à l'adoption de la résolution litigieuse, mais aussi l'absence de toute information préalablement communiquée aux membres du comité portant sur la désignation de l'expert ou sur le contenu de sa mission (conclusions, p. 22 et suivantes) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR condamné la société STEF TRANSPORT CHATEAUBOURG aux dépens de l'instance ainsi qu'au paiement au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail STEF TRANSPORT CHATEAUBOURG de la somme de huit mille quatre cents euros (8.400€) en remboursement des frais générés par sa défense ;

AUX MOTIFS QUE : « Sur les demandes accessoires : qu'en application des dispositions de l'ancien article L 4614-13 du Code du travail précité, le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail disposant pas de fonds propres, c'est à l'employeur de supporter les frais de l'expertise et les frais générés par l'obligation dans laquelle il l'a mis de se défendre en justice ; que la société anonyme STEF TRANSPORT CHATEAUBOURG assumera, en conséquence, la charge des dépens ; que le ministère d'avocat n'étant pas obligatoire en la présente matière, le Conseil du défendeur ne saurait obtenir le bénéfice de la distraction desdits dépens. ; que sa demande, sur ce point, sera rejetée en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; que par ailleurs, c'est à tort que ce Conseil affirme que la Juridiction n'aurait pas le pouvoir de fixer le montant des honoraires d'avocat exposés par le CHSCT ; qu'en l'espèce, la demanderesse n'ayant pour autant émis aucune contestation sur le montant réclamé à ce titre, il ne pourra dès lors qu'y être fait droit » ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen, en ce que l'ordonnance attaquée a débouté la société Stef Transport Chateaubourg de l'ensemble de ses moyens fins et conclusions, entrainera par voie de conséquence sa censure en ce qu'elle a condamné la société à assumer la charge des dépens ainsi qu'au versement de la somme de huit mille quatre cents euros (8.400 €) en remboursement des frais générés par la défense du CHSCT, en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-22969
Date de la décision : 11/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Rennes, 26 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 déc. 2019, pourvoi n°18-22969


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.22969
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award