Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 5 septembre 2000 sous le n° 00MA01983, présentée par M. Jean-François X, demeurant ...
Classement CNIJ : 03-01-02
17-03-01-02
54-01-04-01
C
Le requérant demande à la Cour :
1'/ d'annuler le jugement n° 95 01959 du 13 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'acquisition par la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence- Alpes- Côte d'Azur des parcelles cadastrées AB192, AB193 et E969 sur le territoire de la commune de Châteauroux -les-Alpes, d'autre part, à l'annulation de la rétrocession des parcelles E969, E1441, E1541 ZD3 opérée par cette même société des parcelles au profit de M. Y et de la rétrocession des parcelles AB192 et AB193 au profit de Mme Z-Y, enfin, à l'annulation des décisions par lesquelles les commissaires du gouvernement siégeant auprès de cette société ont approuvé lesdites opérations d'acquisition et de rétrocession ;
2'/ d'annuler les opérations et décisions susmentionnées ;
Il soutient :
- que les SAFER ont des missions d'intérêt général, gèrent un service public administratif et prennent des décisions unilatérales qui représentent l'exercice d'une prérogative de puissance publique ;
- que les litiges susceptibles d'en découler relèvent, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, de la compétence de la juridiction administrative ;
- qu'il a personnellement payé, avec ses propres deniers, la part de l'un des co-héritiers lors de l'acquisition de la ferme Escoffier par son épouse et doit, ainsi, se voir reconnaître la qualité de propriétaire indivis du domaine Escoffier avec son épouse ;
- qu'il était, en cette qualité de propriétaire, recevable à demander l'annulation des décisions des commissaires du gouvernement ;
- que la loi n'impose ni au candidat, ni au rétrocessionnaire d'être propriétaire au préalable et l'auteur d'un recours en annulation d'une décision de la SAFER ou des commissaires du gouvernement ne peut être soumis à des règles ou des exigences différentes de celles requises par la loi ;
- que le jugement qui déclare irrecevable son recours au motif qu'il n'est pas propriétaire de parcelles agricoles rajoute à la loi une condition qu'elle ne comporte pas ;
- que, de même que la condition de capacité professionnelle pour le bénéficie des aides à la modernisation des exploitations familiales est satisfaite par conjoint interposé, la condition de propriétaire doit pourvoir être satisfaite selon les mêmes modalités ;
- qu'en sa qualité d'exploitant agricole depuis 1988, il a le droit d'agir contre les irrégularités qui portent atteinte à la mission de service public exercée par les SAFER ;
- qu'il a déposé un dossier de candidature sur la totalité des biens faisant l'objet de l'appel de candidature et non sur une partie d'entre eux comme le soutient la SAFER ;
- que la SAFER, à qui il appartient d'établir que son dossier de candidature ne portait que sur une partie des biens, n'a pas produit la déclaration qu'il avait souscrite ;
- que la SAFER l'a volontairement écarté de la rétrocession en produisant aux commissaires du gouvernement un tableau de candidatures et des propositions d'attribution incomplets, ce qui a conduit ces derniers à donner des avis sur le fondement de renseignements inexacts ;
- que le deuxième appel à candidature effectué au mois d'avril 1988 porte sur des biens déjà rétrocédés à M. Y ;
- que ce dernier, qui n'a pas déposé en temps utile de candidature lors de l'appel d'offres du mois d'avril 1988, ne pouvait bénéficier d'une rétrocession ;
- que Mme Claudine Y, bénéficiaire des parcelles AB192 et AB193, n'a jamais déposé de candidature à la SAFER et a donc figuré à tort sur les tableaux des candidats à la rétrocession ;
- que l'appel de candidature comporte plusieurs irrégularités ; qu'en particulier, il ne précise pas un certain nombre d'information exigées par la loi, porte sur des biens dont la SAFER ne pouvait encore disposer ou déjà rétrocédés, comporte une erreur d'identification d'une parcelle ;
- que le commissaire du gouvernement Finances a donné son accord pour une rétrocession au profit de M. Y et non à celui de Mme Y, qui n'est pas agricultrice ;
- que le conseil d'administration de la SAFER a décidé l'acquisition de la propriété avant de consulter les commissaires du gouvernement et de recueillir leur accord ;
- que les ventes consenties le 30 août 1988 à Mme et M. Y, avant le conseil d'administration du 12 septembre 1988 et, donc, avant le délai de réflexion de 8 jours accordé aux commissaires du gouvernement, viole l'article 8 de la loi du 14 juin 1961 ;
- que M. Y n'a pas justifié être en possession de l'autorisation administrative d'exploiter les parcelles qui lui ont été attribuées, alors que la superficie de son exploitation dépasse le seuil au delà duquel l'agrandissement d'une exploitation est soumise à autorisation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré au greffe de la Cour le 19 janvier 2001 pour la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur par l'association d'avocats Cazères et Pinatel, qui conclut au rejet de la requête ;
Elle soutient :
- qu'il appartient au seul juge civil de discuter ou de trancher de la régularité de la procédure de rétrocession ;
- que celle-ci a, en tout état de cause, été effectuée de façon régulière ;
Vu le mémoire en défense enregistré au greffe de la Cour le 6 avril 2001 présenté par le Ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que si les SAFER sont investies de mission d'intérêt général, il n'en demeure pas moins que les acquisitions et rétrocessions auxquelles elles procèdent sont soumises aux règles du droit privé et emportent compétence du juge judiciaire ;
- que c'est donc à bon droit que le tribunal administratif a rejeté, comme portées devant une juridiction incompétente, les conclusions dirigées contre les contrats conclus les 19 juillet 1988 et 30 août 1988 par lesquels la SAFER a acquis, puis rétrocédé à M. Y et à Mme Y les parcelles litigieuses ;
- que M. X ne dispose d'aucun intérêt direct à agir contre les décisions des commissaires du gouvernement ;
- qu'en effet, d'une part, il n'apporte pas la preuve de sa qualité de propriétaire foncier dont les intérêts auraient pu être lésés par les opérations incriminées et, d'autre part, il ne peut justifier de sa qualité de candidat à la rétrocession évincé ;
- que la requête introductive d'instance, présentée le 23 février 1995, a été enregistrée plus de 6 mois après que la décision de rétrocession a été rendue publique, l'affichage en mairie ayant été effectué le 30 septembre 1988 ;
- que les commissaires du gouvernement agriculture et finance ont donné leur accord les 6 mai1988 et 2 juin 1988 au projet d'achat de la propriété de M. A, soit antérieurement à l'achat de cette propriété qui a été enregistré par acte notarial le 19 juillet 1988 ;
- que la circonstance que le conseil d'administration ait approuvé les projets litigieux de façon rétroactive n'est pas de nature à entacher d'irrégularité l'avis émis par les commissaires du gouvernement qui avaient donné leur accord avant la signature des actes notariés correspondants ;
Vu, enregistré au greffe de la Cour le 22 avril 2002, le mémoire présenté pour Mme Y épouse Z et M. Y, par la société civile professionnelle d'avocats Gerbaud - Aoudiani - Canellas - Crebier - Charmasson - Veyrat, qui concluent au rejet de la requête et à la condamnation de M. X à leur payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent :
- que la requête de M. X est tardive, le jugement lui ayant été notifié le 13 juin 2000 ;
- que les contestations relatives aux acquisitions ou aux rétrocessions opérées par les SAFER relèvent de la compétence exclusive des tribunaux judiciaires ;
- que M. X avait saisi le Tribunal de grande instance de Gap le 23 mars 1989 relativement à ces opérations, a fait radier cette affaire le 1 janvier 1997 sans y donner suite ;
- que la procédure était périmée et la demande présentée devant le tribunal administratif tardive pour avoir été enregistrée après l'expiration du délai de six mois prévu par l'article L.143-14 du code rural ;
- qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que M. X aurait déposé une candidature en son nom personnel dans les délais impartis à la suite de l'appel de candidature du 18 mars 1988 ;
- que la circonstance qu'il aurait payé de ses deniers la part de l'un des co-héritiers n'est pas de nature à le faire regarder comme propriétaire indivis de la ferme Escofier dont son épouse est seule propriétaire ;
- qu'en tout état de cause, les parcelles qui l'intéressaient ont été attribuées à son épouse à la suite d'un accord amiable conclu avec M. Y ;
- que M. X ne démontre dès lors pas qu'il aurait un intérêt à agir ;
- que la qualité d'exploitant agricole revendiquée par le requérant n'est pas de nature à lui conférer un tel intérêt ;
- que les rétrocessions ont été effectuées avec l'accord des commissaires du gouvernement ;
- que ces rétrocessions respectent les objectifs légaux de la SAFER ;
Vu le mémoire en défense enregistré au greffe de la Cour le 26 juillet 2002 présenté par le Ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que M. X, qui n'a pu justifier ni de la qualité de propriétaire foncier dont les intérêts auraient pu être lésés par les opérations litigieuses, ni de celle de candidat à l'acquisition évincé, n'a pas qualité pour demander l'annulation des décision par lesquels les commissaires du gouvernement ont approuvé les opération litigieuses ;
- que la qualité d'exploitant n'est pas de nature à lui conférer un tel intérêt ;
- que sa demande devant le tribunal administratif était tardive pour avoir été enregistrée après l'expiration du délai prévu par l'article L.143-14 du code rural ;
- que les litiges relatifs aux opérations par lesquelles les SAFER procèdent à des acquisitions ou des rétrocessions relèvent de la compétence des juridictions judiciaires ;
- qu'il ne peut soutenir que la SAFER aurait volontairement écarté sa candidature alors qu'il résulte de l'accord conclu avec le comité technique départemental ;
- qu'il n'apporte aucun élément pour établir que M. Y et Mme Y n'auraient pas déposé de candidature en bonne et due forme ;
- que, les commissaires du gouvernement ayant donné leur accord avant la réalisation du projet, la SAFER pouvait légalement procéder à la vente, même en l'absence de validation par son conseil d'administration ;
- que le moyen tiré de ce que les opérations litigieuses n'auraient pas tenu compte de la réglementation sur le contrôle des structures est inopérant ;
Vu le mémoire en défense enregistré au greffe de la Cour le 11 mars 2004 présenté par M. X qui persiste, par les mêmes moyens, dans ses précédentes conclusions ;
Vu la note en délibéré enregistrée au greffe de la Cour le 25 mars 2004, présentée par M. X ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 60-808 du 5 août 1960 ;
Vu le décret n° 61-610 du 14 juin 1961 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2004 :
- le rapport de M. Alfonsi, premier conseiller ;
- les observations de Jean-François X ;
- les observations de Maître Jolin pour la SAFER PACA ;
- les observations de Maître Anselmetti de la SCP Gerbaud-Aoudiani-Canellas pour M. Edmond Y et Mme Claudine Z ;
- et les conclusions de M. Louis, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X relève appel du jugement du 13 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'acquisition par la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur des parcelles cadastrées AB192, AB193 et E969 sur le territoire de la commune de Chateauroux-Les-Alpes, d'autre part, à l'annulation de la rétrocession des parcelles E969, E1441, E1541 ZD3 opérée par cette même société des parcelles au profit de M. Y et de la rétrocession des parcelles AB192 et AB193 au profit de Mme Z-Y, enfin, à l'annulation des décisions par lesquelles les commissaires du gouvernement siégeant auprès de cette société ont approuvé lesdites opérations d'acquisition et de rétrocession ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 15 et 16 de la loi du 5 août 1960 que les acquisitions et les rétrocessions de terres et d'exploitations agricoles auxquelles procèdent les SAFER sont soumises aux règles du droit privé ; que M.X n'est par suite pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ses conclusions dirigées contre les contrats des 19 juillet 1988 et 30 août 1988 par lesquels la SAFER (Société d'aménagement foncier et d'établissement rural) de Provence-Alpes -Côte d'Azur a respectivement acquis, puis rétrocédé à M. Edmond Y et à Mme Claudine Y épouse Z, les parcelles litigieuses ;
Considérant, en second lieu, qu'il est constant que les parcelles issues du domaine A acquises par la SAFER de Provence- Alpes-Côte d'Azur à la rétrocession desquelles M. X s'était porté candidat au nom de son épouse ont été intégralement attribuées à cette dernière ; que M. X, qui ne justifiait dès lors d'aucune qualité lui donnant intérêt pour demander l'annulation des décisions par lesquelles les commissaires du gouvernement finance et agriculture ont approuvé les opérations d'acquisition et de rétrocession des parcelles en cause et qui ne saurait utilement invoquer, à cet égard, ni sa prétendue qualité de propriétaire indivis de certaines de ces parcelles, ni sa qualité d'exploitant agricole, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté comme irrecevables les conclusions de sa demande dirigées contre de telles décisions ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions en ce sens présentées par M. Y et Mme Y épouse Z ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. Y et de Mme Y épouse Z tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de Provence- Alpes-Côte d'Azur, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, à M. Y et à Mme Y épouse Z.
Délibéré à l'issue de l'audience du 15 mars 2004, où siégeaient :
Mme Bonmati président de chambre,
M. Moussaron, président assesseur,
M. Alfonsi, premier conseiller,
assistés de Mme Ranvier, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 9 avril 2004.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Dominique Bonmati Jean-François Alfonsi
Le greffier,
Signé
Patricia Ranvier
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 00MA01983