LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-15.630 à 17-15.759, 17-15.790 à 17-15.799, 17-15.801 à 17-15.810, 17-15.820 à 17-15.826, 17-15.841 à 17-15.850, 17-15.854 à 17-15.858, 17-15.861 à 17-15.865, 17-15.868 à 17-15.872 et de 17-15.875 à 17-15.879 ;
Met hors de cause MM. Y... et X... pris en leur qualité de liquidateurs judiciaires de la société Métaleurop Nord ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Métaleurop Nord, filiale à 99 % de la société Métaleurop SA, devenue depuis la société Recylex, exploitait à Noyelles-Godault une unité de production et de commercialisation de métaux non ferreux ; qu'envisageant de reconvertir cette unité dans le recyclage des métaux non ferreux, la société Métaleurop a préparé, en 2001 et 2002, un projet de restructuration de l'entreprise et de plan de sauvegarde de l'emploi ; que par jugement du 28 janvier 2003, la société Métaleurop Nord a été placée en redressement judiciaire, converti le 10 mars 2003 en liquidation judiciaire ; que par lettre du 21 mars 2003, les mandataires judiciaires à la liquidation désignés, MM. X... et Y..., ont licencié tous les salariés, pour motif économique ; que la société Métaleurop SA a été, à son tour, placée en redressement judiciaire le 13 novembre 2003, un plan de redressement étant ensuite arrêté le 24 novembre 2005 ; que le 16 novembre 2010, M. X... et 186 autres salariés de la société Métaleurop Nord ont saisi la juridiction prud'homale de demandes formées contre les sociétés Métaleurop Nord et Recylex pour obtenir des dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement réparation d'un préjudice lié à la perte d'une chance de conserver leur emploi ou de bénéficier d'un plan social ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel des salariés :
Attendu que les salariés font grief aux arrêts de rejeter leur demande tendant à ce qu'il soit dit que la société Recylex avait la qualité de coemployeur et de les débouter de leurs demandes aux fins de condamnation de la société Recylex à leur verser des dommages-intérêts pour licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse et pour non-respect de la priorité de réembauchage alors, selon le moyen, que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'ayant constaté qu'au-delà de la communauté d'intérêts et d'activités résultant de l'appartenance à un même groupe, qui se manifestait par la décision de restructuration de la filiale prise au niveau de la direction de la société mère et par la tenue de la trésorerie de sa filiale par la société Métaleurop, laquelle assurait également la gestion de la carrière des cadres de Métaleurop Nord, la société mère s'était directement chargée de négocier un moratoire à la place et pour le compte de sa filiale, que le dirigeant de la Métaleurop Nord était placée sous la dépendance hiérarchique directe d'un dirigeant de Métaleurop et que cette dernière décidait unilatéralement de l'attribution de primes exceptionnelles aux cadres de direction de sa filiale, tout en refusant d'en déduire qu'il existait une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux sociétés, se manifestant notamment par une immixtion dans la gestion du personnel de la filiale, et qu'en conséquence la société Métaleurop était coemployeur du personnel de sa filiale, sans qu'il soit nécessaire de constater l'existence d'un rapport de subordination individuel de chacun des salariés de la société Métaleurop Nord à l'égard de la société mère, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel, qui a constaté que la société Métaleurop Nord avait conservé son autonomie décisionnelle dans ses fonctions de production et le respect des réglementations, dans sa gestion comptable et dans celle des ressources humaines pour le personnel non cadre, et retenu que l'intervention de la société mère dans la nomination des instances dirigeantes et du contrôle de leur action ou l'attribution d'une prime exceptionnelle aux cadres dirigeants, ainsi que dans la gestion financière de la filiale par le biais d'une convention d'assistance technique et de gestion de trésorerie n'excédait pas la nécessaire coordination des actions économiques entre deux sociétés appartenant à un même groupe, a pu en déduire l'absence de la qualité de coemployeur de la société Métaleurop SA ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que les salariés soutiennent que le moyen tiré de l'arrêt des poursuites individuelles serait nouveau et, mélangé de fait et droit, irrecevable ;
Mais attendu que le moyen, qui ne se prévaut d'aucun fait qui n'ait été connu des juges du fond, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation ; que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie ;
Et sur le moyen :
Vu les anciens articles L. 621-40 et L. 621-43 du code de commerce et l'article 122 du code de procédure civile ;
Attendu que les arrêts condamnent la société Recylex à payer certaines sommes aux salariés à titre de dommages-intérêts au motif d'une perte de chance ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Métaleurop SA, devenue Recylex, avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par jugement du 13 novembre 2003, puis qu'elle avait bénéficié d'un plan de redressement par voie de continuation arrêté par jugement du 24 novembre 2005, la cour d'appel, qui était tenue de relever, au besoin d'office, le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action des salariés au regard du principe de l'interdiction des poursuites individuelles, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Recylex à payer aux salariés une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour perte de chance, les arrêts rendus le 31 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens communs aux pourvois principaux produits par la SCP Briard, avocat aux Conseils, pour la société Recylex
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché aux 187 arrêts attaqués d'avoir condamné la société Recylex à payer aux 187 salariés défendeurs au pourvoi ou à leurs ayants-droits une certaine somme (entre 15.000 et 53.000 euros) à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,
Aux motifs que :
Sur l'existence d'un co-emploi :
(...)
En l'absence d'immixtion anormale dans la gestion économique et sociale de la société Metaleurop Nord, la qualité de co-employeur de la société Recylex ne peut être retenue. - Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point et en ce qu'il déclare la décision opposable au CGEA d'Ile-de-France Ouest ;
(...)
Sur la responsabilité délictuelle :
(...)
Au vu de l'ensemble de ces éléments il apparaît en conséquence que la société Metaleurop SA devenue Recylex, exploitant l'état de dépendance de sa filiale Metaleurop Nord a pris dans l'intérêt de son actionnaire principal des décisions dommageables pour celle-ci qui ont aggravé sa situation économique et l'ont privée de toute capacité d'agir conformément à son intérêt social, mais également de moyens de financement du plan de sauvegarde de l'emploi, au détriment des salariés eux-mêmes privés non seulement de leur emploi mais encore de mesures susceptibles de favoriser leur reclassement ou leur reconversion, leur causant ainsi par cette perte de chance un préjudice. - La société Recylex doit donc répondre des licenciements prononcés par la filiale, puisqu'il est démontré qu'elle a contribué de manière significative à sa déconfiture et à la disparition des emplois qui en est résultée.
Il convient en conséquence d'allouer [à chacun des salariés ou à leurs ayants-cause une certaine somme] à titre de dommages-intérêts au titre de la perte de chance ;
Alors, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 621-40 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à une procédure de redressement judiciaire ouverte le 13 novembre 2003, le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; que selon l'article L. 621-43, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leur créance au représentant des créanciers ; que seules sont dispensées de déclaration les créances résultant d'un contrat de travail ou à tout le moins d'une relation de travail avec le débiteur, qui sont portées sur un relevé établi par le représentant des créancier, puis visé par le juge-commissaire et porté sur l'état des créances déposé au greffe, conformément aux articles L. 621-125 et L. 621-29 ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la SA Recylex, anciennement dénommée Metaleurop SA, a été déclarée en redressement judiciaire par un jugement du 13 novembre 2003, qu'un plan de redressement par continuation a été arrêté le 24 novembre 2005, et qu'un jugement du 15 décembre 2015 a constaté l'exécution intégrale du plan et l'extinction du passif ; qu'il incombait dès lors à la cour d'appel, qui avait constaté l'absence de relation de travail entre les salariés et la société Recylex, de relever d'office l'irrecevabilité des demandes des salariés en tant qu'elles étaient fondées sur une faute délictuelle de la société Recylex antérieure au 13 novembre 2003 et étrangère à toute relation de travail avec celle-ci ; qu' en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 621-40 et L. 621-43 du code de commerce, dans leur rédaction applicable à une procédure de redressement judiciaire ouverte le 13 novembre 2003 ;
Alors, d'autre part et subsidiairement, qu 'au cas où il serait admis que les créances avaient un caractère salarial et étaient à ce titre dispensées de déclaration, elles ne pouvaient donner lieu à une condamnation au paiement, mais devaient être portées sur les relevés des créances résultant d'un contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 621-40, L. 621-25 et L. 621-129 du code de commerce, dans leur rédaction alors en vigueur.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché aux arrêts attaqués d'avoir condamné la société Recylex à payer à 187 salariés ou leurs ayants droit une certaine somme [entre 15.000 et 53.000 €] à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,
Aux motifs que :
Sur la responsabilité délictuelle :
L'analyse des différentes pièces produites - rapport d'expertise judiciaire, rapport d'expertise comptable Syndex au comité de groupe, décisions judiciaires, témoignages d'administrateurs du groupe et de dirigeants de la filiale - démontre que les restructurations, consécutives à l'entrée du groupe suisse Glencore dans le capital de Metaleurop SA en 1995 et destinées à démanteler l'activité de production de zinc et de plomb de l'usine de Noyelles Godault au profit d'activités de recyclage des métaux non ferreux, se sont traduites par une perte progressive d ‘actifs pour la société Metaleurop Nord.
Ainsi, alors que cette usine possédait un savoir-faire en matière de traitement des métaux spéciaux (germanium et indium, métaux dérivés du zinc) et que cette « activité lui permettait de dégager des marges complémentaires dans la valorisation des concentrés transformes pour la fabrication du zinc raffiné » (rapport de l'expert comptable au comité de groupe), le groupe Metaleurop, en octobre 2002, a décidé de fermer les ateliers de production de l'indium et de germanium, et de transférer la production de ces métaux spéciaux vers d'autres sociétés du groupe, tandis que les stocks de métaux étaient revendus dans des conditions très défavorables pour Metaleurop Nord, la privant ainsi d'une source de revenus non négligeables.
Alors que Metaleurop Nord possédait des contrats d'approvisionnement en concentrés de zinc et de plomb avec divers grands groupes sidérurgiques (Arcelor), le groupe Metaleurop va progressivement lui imposer, dans le cadre de l'accord de coopération conclu entre Metaleurop SA et Glencore, de nouveaux fournisseurs, relevant du groupe suisse Glencore, la plaçant dans une situation de grande dépendance pour ses approvisionnements.
La mise en place, à partir du 1er octobre 2000, d'organisations opérationnelles transversales dénommées « business units », l'une pour le zinc, l'autre pour le plomb, chaque ligne de produit regroupant tout le personnel en charge d'un produit sous la direction d'un cadre dirigeant de Metaleurop SA, a conduit à faire supporter par la filiale de Noyelles Godault des mises à disposition de salariés sans refacturation : M. YYYYYYY... était salarié de la société Metaleurop Nord, alors qu'il travaillait comme conseiller technique pour l'ensemble de la « Business Unit Plomb » et que ses fonctions impliquaient le suivi de toutes les unités de plomb de Metaleurop SA M. AAAAAAAA... était également salarié de la filiale qui supportait seule la charge de ses fiais de déplacement, alors qu'il occupait le poste de contrôleur de gestion de la ligne de zinc pour l'ensemble des entités du groupe concernées (arrêts attaqués, p. 8).
L'expertise judiciaire versée aux débats fait également état d'erreurs dans les comptes entre les deux sociétés telles l'absence de reversement à Metaleurop Nord de sommes perçues pour son compte par Metaleurop SA à hauteur de 200 000 euros et l'absence de provision au bilan des frais de traitement des poussières d'aciérie de l'ordre de 11 à 12,5 millions d'euros.
Il résulte également des pièces produites que l'accord de coopération conclu entre la société Metaleurop SA et Glencore en novembre 1995 qui prévoyait de confier la gestion de la couverture des risques de change au trésorier de Metaleurop SA a entraîné une nouvelle politique de gestion du risque, consistant à « saisir les opportunités de la hausse du dollar contre l'euro pour fixer les recettes futures en dollars du groupe », laquelle s'est révélée désastreuse et a privé le groupe d'une ressource financière importante. Le choix ainsi opéré et les opérations de couverture de change hasardeuses ont en effet entraîné un manque à gagner de 73 millions d'euros pour la période 2001/2003 estimé à 35 millions d'euros pour la seule société Metaleurop Nord.
Il apparaît en outre, que confrontée au même moment à un effondrement du cours du zinc et à un endettement de 125 millions d'euros, Metaleurop SA a proposé pour se désendetter, la cession de l'activité de recyclage des poussières d'aciéries, mais que l'actionnaire de la maison mère, Glencore s'y est opposé.
Les experts judiciaires ont déterminé que Metaleurop SA avait financé sa filiale à l'aide, non pas d'apports d'associés, mais de prêts bancaires à court terme qui ne permettaient pas d'assurer le financement de Metaleurop Nord sur une longue période, la société Metaleurop SA ayant refusé le 16 janvier 2003 de faire de nouvelles avances à sa filiale en invoquant ses propres difficultés financières nées de cette option de financement à court terme alors que les difficultés persistaient sur le long terme.
Il ressort sur ce point de la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des Marchés du 14 avril 2005, que fin septembre 2002, Metaleurop SA a signé avec son actionnaire Glencore et les banques au groupe un protocole d'accord confidentiel en vertu duquel "la société Glencore consentait à la société Metaleurop un crédit d'un montant de 25 millions d'euros. (...) les banques du groupe acceptaient de reporter la date d'exigibilité des créances à court terme qu'elles détenaient sur Metaleurop au 31 décembre 2002 ou, si la signature du contrat de vente de Nordenham Zinc avait lieu avant cette date, au moment de la cession, étant précisé que l'exigibilité ne pourrait être différée au-delà du 31 mars 2003. Les actions de la société Metaleurop GMBH, filiale allemande de METALEUROP détenue à 100 % dans laquelle étaient logés les actifs allemands du groupe, notamment Nordenham Zinc, étaient nanties au profit de la société Glencore d'abord (nantissement de 1er rang) et des banques créancières du groupe ensuite (nantissement de second rang). Metaleurop s'engageait à procéder, avant le 31 décembre 2002, à la vente de Nordenham Zinc, dont le prix serait entièrement affecté au remboursement du crédit accordé par Glencore et par les banques, et à s'efforcer de céder d'autres actifs (...)"
C'est ainsi que fin 2002, le groupe Metaleurop a annoncé la cession pour un prix sous-évalué de l'usine d'électrolyse de zinc de Nordenham en Allemagne à la société Stara, elle-même contrôlée à 40 % par Glencore, l'acquéreur laissant en outre le terrain et le coût de la dépollution à la charge de Metaleurop. (arrêts attaqués, p. 8)
En effet, estimant que cette cession de Nordenham s'effectuait dans des conditions désavantageuses pour Metaleurop, un administrateur indépendant, représentant les petits porteurs, s'y est vivement opposé, avant de démissionner de son mandat, fin janvier.
Entendu par l'Autorité des Marchés financiers, cet administrateur a confirmé avoir reçu des évaluations du directeur de l'usine allemande et d'autres intervenants qui fixaient le prix de cession minimum à 160 millions d'euros hors les stocks et sans le passif environnemental et non à 100 millions avec les stocks, comme cela avait été négocié.
Dans sa décision du 14 mai 2005, l'Autorité des marchés financiers a relevé que Metaleurop SA et son PDG avaient dissimulé au public les retenues effectuées sur le prix de vente de l'usine de Nordenham, (pensions de retraites dues aux salariés, participation de l'ancien associé Tui AG dans le capital de la société cédée, séquestres...) pour un total de 31,5 millions de dollars soit 31,5 %. Or, comme le souligne l'Autorité des marchés financiers, ces retenues avaient affecté de manière significative la capacité de Metaleurop à bénéficier du produit de la vente de Nordenham Zinc et consécutivement à rembourser ses dettes à court terme.
Il ressort de ces éléments que la dissimulation par Metaleurop SA, jusqu'au 27 février 2003, de ces informations essentielles sur la destination du produit de la vente de l'usine de Nordenham, lequel en définitive n'était pas suffisant pour assurer le remboursement de ses dettes à court terme, a ainsi permis d'éviter la divulgation publique de son endettement à court terme et les risques que cette divulgation n'aurait pas manqué d'engendrer, de conflit social et d'ouverture, avant la cession de l'usine de Nordenham au groupe Xtrata, d'une procédure collective de l'entreprise puis du groupe, laquelle aurait impliqué une mainmise des organes de la procédure sur les actifs du groupe et notamment sur l'usine de Nordenham.
Enfin lors de la séance du conseil d'administration de Metaleurop SA, le 4 novembre 2002, M. BBBBBBBB..., son Président soulignait que la « vente de Nordenham zinc donne à Metaleurop un ou deux ans pour parvenir à achever sa transformation, particulièrement à Noyelles-Godault. »
Les procès verbaux des réunions du comité d'entreprise de la société Metaleurop Nord des 27 septembre et 27 novembre 2002 confirment également que la société Metaleurop SA s'était engagée, en la personne de M. CCCCCCCC..., Directeur des ressources humaines du groupe et Président de Metaleurop Nord, dans le financement et le pilotage du plan de sauvegarde de l'emploi.
Or à cette date, la société mère savait qu'elle ne pourrait pas financer la restructuration de l'usine de Noyelles-Godault ni le plan avec le produit de la vente de l'usine de Nordenham, affecté à d'autres remboursements (Glencore et les banques) ou indisponible à hauteur de 31,5 %, son actionnaire n'envisageant par ailleurs aucune mesure complémentaire significative ni d'injecter à court terme des capitaux.
En juillet 2002, à l'initiative des syndicats allemands du groupe et de la CFDT, un rapport d'expertise-comptable pour le comité de groupe soulignait : « il est illusoire de voir en Metaleurop un groupe indépendant sur le plan économique. Metaleurop est bien sous le contrôle de Glencore malgré ce que pourrait laisser supposer sa position de « prédateur » à 33 %. (...) La situation financière délicate de Metaleurop apparaît comme une opportunité pour Glencore, pour s'approprier les actifs zinc, l'électrolyse de Nordenham et les parts de marché de Metaleurop Nord, sans assumer de responsabilités sociales et environnementales ».
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît en conséquence, que la société Metaleurop SA devenue Recylex, exploitant l'état de dépendance de sa filiale Metaleurop Nord a pris, dans l'intérêt de son actionnaire principal, des décisions dommageables pour celle-ci qui ont aggravé sa situation économique et l'ont privée de toute capacité d agir conformément à son intérêt social mais également de moyens de financement du plan de sauvegarde de l'emploi, au détriment des salariés eux-mêmes privés non seulement de leur emploi mais encore de mesures susceptibles de favoriser leur reclassement ou leur reconversion, leur causant ainsi par cette perte de chance, un préjudice. (arrêts attaqués, p. 9)
La société Recylex doit donc répondre des licenciements prononcés par la filiale, puisqu'il est démontré qu'elle a contribué de manière significative à sa déconfiture et à la disparition des emplois qui en est résultée.
Il convient en conséquence d'allouer à [chaque salarié ou de ses ayants droit] la somme de [entre 15.000 et 53.000] euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance (arrêts attaqués, p. 10).
1°) Alors que la responsabilité d'une société ne peut être engagée envers les salariés licenciés par sa filiale qu'en cas de faute ayant eu pour résultat la perte de leur emploi ou la perte d'une chance de le conserver ; que, sauf circonstance particulière, une société appartenant à un groupe n'est pas tenue d'augmenter ses apports en capital ou ses avances en trésorerie pour financer la restructuration et la transformation de l'activité d'une autre société appartenant au même groupe, ni d'affecter la réalisation de ses actifs à un tel objet ; qu'elle ne peut fournir un tel financement qu'à la condition qu'il réponde à son propre intérêt social, apprécié éventuellement dans le cadre du groupe, et ne soit pas dépourvu de contrepartie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Metaleurop, pour la période 2001/2003 était confrontée à un effondrement du cours du zinc et à un endettement de 125 millions (arrêts attaqués, p. 9, alinéa 3) ; qu'en statuant par les motifs précités, qui n'établissent ni que Metaleurop, après avoir déjà avancé à sa filiale Metaleurop Nord 132 millions d'euros, avait encore la possibilité financière d'accorder de nouvelles avances, ni que de telles avances auraient permis un redressement durable de Metaleurop Nord, ni qu'elles auraient pu comporter de justes contreparties pour la société mère, ni enfin que les relations internes au groupe étaient déséquilibrées au préjudice de Metaleurop Nord, la cour d'appel n'a pas caractérisé à la charge de Metaleurop de fautes en relation de causalité avec la mise en liquidation judiciaire de Metaleurop Nord et la perte de leur emploi par les salariés de celle-ci ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu article 1240 du code civil ;
2°) Alors que reprochant à la société Metaleurop d'avoir fermé les ateliers de production de l'indium et de germanium sans constater que cette décision n'était pas conforme à l'intérêt de la société Metaleurop ou qu'elle était intervenue en méconnaissance de ses obligations envers Metaleurop Nord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1182 du code civil ;
3°) Alors qu'en imputant à faute à Metaleurop d'avoir imposé à Metaleurop Nord, qui avait des contrats d'approvisionnement en concentré de zinc et de plomb avec divers grands groupes sidérurgiques, de nouveaux fournisseurs relevant du groupe Glencore, la plaçant dans une situation de grande dépendance pour ses approvisionnements, sans constater que Metaleurop aurait abusé de cet état de dépendance et que le changement de fournisseurs aurait été préjudiciable à Metaleurop Nord, soit par des prix anormalement hauts, soit par des quotas excessifs ou insuffisants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
4°) Alors qu' en reprochant à Metaleurop (Recylex) d'avoir mis en place des organisations opérationnelles transversales dénommées « business units » qui auraient fait supporter par la filiale la mise à disposition de deux salariés sans refacturation, sans mettre le coût de ces deux salariés, qui travaillaient également pour le compte de Metaleurop Nord, en rapport avec la masse salariale de l'ensemble des salariés de Metaleurop Nord et sans constater le rôle causal que cette omission partielle avait pu avoir dans les difficultés rencontrées par Metaleurop Nord, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
5°) Alors que les éventuelles erreurs dans les comptes, absence de reversement à Metaleurop Nord des sommes perçues pour son compte à hauteur de 200.000 euros, non plus que l'absence de provision des poussières d'aciérie ne pouvaient davantage avoir un rôle causal dans les difficultés rencontrées par Metaleurop Nord ; qu'en retenant cet élément pour justifier la responsabilité de Recylex, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du Code civil ;
6°) Alors que reprochant encore à Metaleurop SA une gestion "désastreuse" des opérations de couverture de change qui avait entraîné un manque à gagner de 73 millions d'euros pour le groupe sur la période 2001/2003 estimé à 35 millions d'euros pour la seule société Metaleurop Nord, sans motiver autrement que par leur résultat a posteriori le caractère fautif des opérations de couverture de change qui n'avaient occasionné aucune perte mais seulement un manque à gagner, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;
7°) Alors qu'en n'expliquant pas en quoi la position de la société Glencore, actionnaire principal de Metaleurop SA, sur la cession par cette dernière de son activité de recyclage des poussières d'aciérie caractérisait une faute imputable à Metaleurop et la cause d'un préjudice pour Metaleurop Nord et ses salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
8°) Alors que la circonstance que le soutien financier apporté à Metaleurop Nord n'avait pas été réalisé au moyen d'apports d'associés, mais de prêts bancaires qui ne permettaient pas d'assurer le financement de Metaleurop Nord sur une longue période, ne caractérise pas une faute de Metaleurop SA, qui n'avait pas l'obligation d'augmenter ses apports en capital en l'absence de perspectives de redressement durable de sa filiale ; qu'en statuant par ce motif inopérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil ;
9°) Alors que, quelles que puissent être les conditions dans lesquelles était intervenue la cession de sa filiale allemande exploitant l'usine de zinc de Nordenham, Metaleurop SA n'était pas tenue d'en affecter le prix au financement d'un plan de redressement de Metaleurop Nord plutôt qu'à la réduction de son endettement envers la société Glencore et les banques; qu' en relevant que cette cession était intervenue dans des conditions désavantageuses pour Metaleurop SA et que le prix avait été affecté à la réduction de l'endettement de Metaleurop SA envers les banques et son actionnaire principal Glencore, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa responsabilité à l'égard de sa filiale Metaleurop Nord et de ses salariés, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil. Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. X... et des 186 autres salariés ou leurs ayants droit
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande des salariés tendant à ce qu'il soit dit que la société Recylex avait la qualité de co-employeur et de les AVOIR en conséquence débouté de leurs demandes tendant à la condamnation de la société Recylex à leur verser des dommages et intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et pour non-respect de la priorité de réembauchage ;
AUX MOTIFS QUE Métaleurop devenue Recylex constitue un groupe de sociétés, notion qui implique d'une part, l'existence entre ses membres de relations croisées prenant la forme de liens financiers étroits, de liaisons économiques privilégiées et de rapports commerciaux préférentiels, d'autre part, un contrôle d'ensemble, une unité de décision et une stratégie commune impulsée par la société mère ; qu'en l'espèce, il résulte de l'expertise judiciaire diligentée dans le cadre de la procédure en extension de la procédure collective de la filiale à la société-mère Métaleurop que les fonctions ou services de production, hygiène, sécurité, environnement, réglementation du travail et ressources humaines, à la seule exception de la carrière des cadres, du contrôle de gestion et comptabilité de la société Métaleurop Nord relevaient directement de la responsabilité de son président qui était également le directeur du site industriel de Noyelles-Godault, ce directeur agissant sous la supervision des dirigeants et cadres supérieurs de la société mère Métaleurop SA ; que s'agissant de la gestion économique et plus particulièrement de la fonction de production, fonction essentielle de Métaleurop Nord en sa qualité de fondeur, les experts judiciaires ont relevé qu'elle avait été assurée de façon autonome par Métaleurop Nord, la maîtrise en ayant été assurée jusqu'à la mise en place des "business units" le 1er juillet 2001 par le directeur industriel du site devenu aussi président de la filiale, lors de l'apport partiel d'actif de 1994, et que le Président de cette dernière avait exercé l'ensemble des responsabilités liées à cette mission ; que s'agissant de la gestion du personnel, les pièces produites extraites du Centre national des archives du travail à Roubaix, démontrent que les pouvoirs de nommer et révoquer les agents non cadres, d'assurer la gestion des relations individuelles du travail ou des relations collectives, telles que la conclusion des accords d'entreprise et les négociations salariales étaient directement assurés par Métaleurop Nord ; qu'en conséquence, la simple supervision du Président de la filiale par les dirigeants de la société mère, ou le fait que celle-ci ait conservé un pouvoir de direction sur l'un de ses cadres dirigeant placé à la tête de la filiale en août 2002, pratiques au demeurant fréquentes au sein des groupes, ou encore qu'elle ait décidé d'octroyer aux cadres dirigeants de sa filiale une prime exceptionnelle, ne suffisent pas à caractériser une immixtion permanente et systématique de la société Métaleurop SA dans la gestion du personnel de sa filiale Métaleurop Nord ; que s'agissant des contrats de gestion de trésorerie et de prestations de services conclus entre Métaleurop SA et Métaleurop Nord, de telles conventions destinées à l'externalisation et la mutualisation de certaines fonctions, (contrôle de gestion, service de trésorerie, recrutement et gestion de la carrière des cadres) correspondent, comme l'ont souligné les experts judiciaires, à un système d'organisation fréquent dans les groupes industriels ; qu'en outre, il n'est contesté ni que Métaleurop Nord disposait d'un service comptable (effectif de 17 personnes, ramené à 10) ni qu'elle établissait elle-même sa propre comptabilité ; que si certains paiements ont été assurés par la société mère, il résulte des pièces produites que la société Métaleurop SA n'intervenait que « d'ordre et pour compte » de sa filiale en vertu du mandat confié par cette dernière par la convention d'assistance technique et de gestion de trésorerie conclue le 12 décembre 1994 ; qu'il apparaît également que la société Métaleurop Nord était informée de chaque mouvement de trésorerie « d'ordre et pour compte » et avait en permanence accès, par le système d'information comptable et financier, à sa situation de trésorerie, de sorte que ces paiements « d'ordre et pour compte » ne mettaient nullement en cause ses prérogatives comptables ; qu'enfin le fait pour la société mère d'avoir sollicité auprès du trésorier payeur général, pour le compte de sa filiale, un moratoire pour les dettes sociales et fiscales de cette dernière, ne suffit pas à caractériser immixtion dans la gestion économique et sociale, une telle démarche intervenue en concertation avec la société Métaleurop Nord, entrant dans le cadre de l'assistance qu'elle devait à sa filiale dont l'équilibre financier était menacé ; qu'il en résulte qu'en l'absence d'immixtion anormale dans la gestion économique et sociale de la société Métaleurop Nord, la qualité de coemployeur de la société Recylex ne peut être retenue ;
ALORS QUE hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'ayant constaté qu'au-delà de la communauté d'intérêts et d'activités résultant de l'appartenance à un même groupe, qui se manifestait par la décision de restructuration de la filiale prise au niveau de la direction de la société mère et par la tenue de la trésorerie de sa filiale par la société Métaleurop laquelle assurait également la gestion de la carrière des cadres de Métaleurop Nord, la société mère s'était directement chargée de négocier un moratoire à la place et pour le compte de sa filiale, que le dirigeant de la Métaleurop Nord était placée sous la dépendance hiérarchique directe d'un dirigeant de Métaleurop, et que cette dernière décidait unilatéralement de l'attribution de primes exceptionnelles aux cadres de direction de sa filiale, tout en refusant d'en déduire qu'il existait une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux sociétés, se manifestant notamment par une immixtion dans la gestion du personnel de la filiale et qu'en conséquence la société Métaleurop était co-employeur du personnel de sa filiale, sans qu'il soit nécessaire de constater l'existence d'un rapport de subordination individuel de chacun des salariés de la société Métaleurop Nord à l'égard de la société mère, la cour d'appel a violé L. 1221-1 du code du travail.