La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/2019 | FRANCE | N°18-17899

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 24 octobre 2019, 18-17899


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 avril 2018), que, par acte dressé le 21 septembre 2005 par M. L..., notaire, la société SEPB, qui exploitait son activité commerciale dans un local donné à bail par les héritiers de G... E..., représentés par Y... E..., a cédé son fonds de commerce à la société Almoriba ; que, le 17 janvier 2012, MM. J... E... et M... E..., déclarés, le 10 février 2011, attributaires des locaux loués après les opérations de partage de la succession, et M. K... E...,

à qui ils ont donné un mandat d'administration du bien loué (les consorts E....

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 avril 2018), que, par acte dressé le 21 septembre 2005 par M. L..., notaire, la société SEPB, qui exploitait son activité commerciale dans un local donné à bail par les héritiers de G... E..., représentés par Y... E..., a cédé son fonds de commerce à la société Almoriba ; que, le 17 janvier 2012, MM. J... E... et M... E..., déclarés, le 10 février 2011, attributaires des locaux loués après les opérations de partage de la succession, et M. K... E..., à qui ils ont donné un mandat d'administration du bien loué (les consorts E...), contestant la régularité de la cession du bail, ont délivré un commandement visant la clause résolutoire à la société SEPB et la mettant en demeure de leur payer les loyers restés impayés et, à la société Almoriba, de leur payer les mêmes sommes au titre de son occupation sans droit ni titre ; que, les 16 et 17 février 2012, les sociétés SEPB et Almoriba ont assigné les consorts E... en opposition au commandement et M. L... en déclaration de jugement commun ;

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 815-2 et 2234 du code civil, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ;

Attendu que, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société Almoriba à la demande des consorts E... en paiement des sommes réclamées au titre de la jouissance des lieux depuis le quatrième trimestre 2005, l'arrêt retient que la prescription, ne pouvant courir qu'à compter du jour où celui contre lequel on l'invoque a pu agir valablement, ne peut être opposée à des héritiers avant que leur part ne soit fixée par le partage, que, les actes d'administration des biens indivis requérant le consentement de tous les indivisaires jusqu'à la loi du 23 juin 2006 et, depuis, nécessitant que les indivisaires soient titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis, il ne peut être opposé à un indivisaire une irrecevabilité de la demande pour ne pas avoir agi en récupération d'une créance avant d'être fixé sur son existence ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'un indivisaire, qui a le pouvoir de suspendre la prescription de l'action en paiement d'une créance de l'indivision en délivrant une mise en demeure, n'est pas dans l'impossibilité d'agir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 2240, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, et 2248, dans sa rédaction antérieure à cette loi, du code civil ;

Attendu que, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société Almoriba à la demande en paiement des sommes réclamées au titre la jouissance des lieux depuis le quatrième trimestre 2005, l'arrêt retient que cette société a demandé à chacun des indivisaires qu'il lui soit indiqué le nouveau mandataire habilité à recevoir le paiement des loyers et que cette reconnaissance non équivoque de la qualité de créancier des consorts E... est un acte positif d'interruption de la prescription ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société Almoriba contestait être occupante sans droit ni titre et n'avait reconnu que le droit des héritiers du bailleur à percevoir des loyers, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas reconnu le droit à percevoir des indemnités d'occupation de ceux contre lesquels elle prescrivait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Almoriba à payer aux consorts E... à titre principal la somme de 13 233,34 euros pour la période du 4e trimestre 2005 au 18 février 2012, l'arrêt rendu le 6 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les consorts E... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts E... à payer à la société Almoriba la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Almoriba.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé inopposable aux consorts E... la cession du contrat de bail conclue entre les sociétés Almoriba et SEPB le 21 septembre 2005 ;

AUX MOTIFS QUE c'est à bon droit que le tribunal, renvoyant à la chaîne des contrats conformément à l'article 4 du bail du 11 juin 2004 a jugé qu'il n'y a pas lieu d'appliquer les seules stipulations de ce dernier bail, lequel « consenti et accepté
sous les conditions énoncées par les précédents baux et notamment celui en date du 17 décembre 1976 ». Ainsi la société SEBP était pleinement informée de l'existence de dispositions contractuelles contraires notamment relatives à la cession du fonds de commerce, l'ensemble des dispositions visées font la loi des parties. Les clauses du bail du 17 décembre 1976 mentionnent : - article 8 : le preneur ne pourra « céder ses droits au présent bail à toute autre personne sauf à un successeur dans son commerce et en restant garant solidaire des cessionnaires ; ne pouvoir sous louer sans le consentement exprès et par écrit du bailleur. En cas de cession, un exemplaire de la cession devra être remis gratuitement au propriétaire 10 jours au plus tard avant l'expiration du délai d'opposition ». - Article 23 : « toute cession de bail ne pourra avoir lieu qu'en présence du propriétaire dûment appelé à l'acte et envers qui tout cessionnaire éventuel devra s'engager personnellement, étant entendu que le cédant restera garant et répondant solidaire avec tous cessionnaires pour le paiement des loyers en l'exécution des charges et conditions du présent bail ». En revanche jugeant contre les dispositions du bail susdit, que les deux paragraphes visent des cas de cession de bail distinctes, que le paragraphe 8 doit s'appliquer à la cession du droit au bail dans le cadre d'une cession de fonds de commerce et que le paragraphe 23 concerne les « autres cession de bail » requérant l'autorisation expresse du bailleur et qu'en application du paragraphe 9 liant les parties, un exemplaire de la cession de fonds de commerce devrait être remis au propriétaire 10 jours au plus tard « avant l'expiration du délai d'opposition », le premier juge a dénaturé les clauses claires du contrat de bail. Conformément au contrat de bail, toute cession de bail ne pouvant avoir lieu qu'en présence du propriétaire dûment appelé à l'acte, il s'ensuit qu'en omettant de respecter cette formalité, le preneur en cédant son fonds de commerce comprenant le droit au bail, a contrevenu aux dispositions du bail. La formalité de l'appel à concourir, non respectée, distincte de la formalité de la remise au bailleur de l'acte de cession, ne dispense pas ce cédant de cette remise contractuelle après la signature de l'acte, et ne peut être valablement suppléée par une signification de l'acte de cession. Elle ne peut être jugée dépourvue d'intérêt contre la lettre expresse du contrat par le tribunal. Conformément à l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité d'ester en justice. C'est dès lors à bon droit que les appelants se prévalent de la nullité de l'acte de signification de l'acte de cession faite le 7 novembre 2005 à Monsieur Y... E..., décédé depuis le [...]. En effet la signification à personne décédée, quelles que soient les circonstances qui ont conduit à la délivrance de cet acte, est entachée d'une nullité de fond de sorte qu'elle n'a pu produire d'effet de droit. Le moyen tenant à l'application de l'article 114 du code de procédure civile et l'absence de grief, sont écartés. Le défaut de la formalité régulière de la signification de l'acte fait obstacle à l'opposabilité de la cession au bailleur. Les appelants contestent que la délivrance d'assignations postérieures par les sociétés intimées devant le tribunal de grande instance de Paris en date des 16 et 17 février 2012 vaut signification valable de l'acte irrégulier. Ils ont en effet manifesté dans un temps proche du recouvrement de leur capacité à agir, par la délivrance le 17 janvier 2012 à la société SEBP et à la société Almoriba d'un commandement visant la clause résolutoire, puis devant le juge des référés saisi par les deux sociétés en opposition au commandement, leur volonté d'agir à l'encontre de la cession de bail au regard tant de l'inexécution des dispositions contractuelles que de l'article 1690 du code civil. Il n'est ainsi pas démontré par la société Almoriba, en présence de contestations réitérées et non-équivoques de l'opposabilité de l'acte de cession et de la nullité arguée de la signification du 7 novembre 2005, d'un acquiescement des bailleurs à la régularité de l'acte litigieux. La société Almoriba ne peut valablement soutenir que bien qu'informés par le notaire depuis le 6 avril 2006 et individuellement, les bailleurs indivis n'ont pas contesté l'opposabilité de la cession, alors que Maître P... a été formellement averti par le notaire chargé de la succession du caractère irrégulier de l'acte de cession pour l'autorisation des ayant-droits n'a pas été sollicitée et de la nécessité de faire signifier l'acte de cession. Or la société Almoriba, malgré la connaissance donnée par le notaire de l'ensemble des héritiers indivis le 1e décembre 2006, n'a pas fait signifier l'acte de cession. À défaut de signification régulière de l'acte de cession aux consorts E..., aucune faute n'est démontrée à leur encontre. Il s'ensuit l'infirmation du jugement, le prononcé de l'inopposabilité de l'acte de cession aux consorts E... et de la nullité de l'acte de signification du 7 novembre 2005. À l'égard des consorts E..., la société SEBP est demeurée locataire et tenue à l'exécution de l'ensemble des obligations et charges du bail renouvelé le 11 juin 2004. De même la société Almoriba est occupante sans droit ni titre depuis son entrée dans les lieux (Arrêt p.12 à 14) ;

ALORS QUE renoncent à invoquer l'inopposabilité de la cession du bail pour défaut de respect des formalités de la cession et acquiescent implicitement à cette cession, les coïndivisaires bailleurs qui, bien qu'informés de la cession tant par courrier recommandé avec accusé de réception que par l'intermédiaire de leur mandataire, gestionnaire de l'indivision successorale, n'ont pas manifesté leur opposition pendant plus de cinq ans et ont réclamé finalement, aux termes d'un commandement de payer, un arriéré de « loyers » dus au titre de ce bail au cessionnaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Almoriba tirée de la prescription partielle des demandes des consorts E... et en conséquence d'avoir condamné la société Almoriba, in solidum avec la société SEPB, à payer aux consorts E... la somme de 13.233,34€ ;

AUX MOTIFS QUE pour faire échec à la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en payement soutenue en défense, les appelants font valoir les dispositions de l'article 2234 du Code civil aux termes desquelles « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi », au motif qu'ils se sont trouvés dans l'impossibilité d'agir avant la fin des opérations de partage du 10 février 2010. Il ne peut en effet être opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action à des coïndivisaires dont la part et portion n'est fixée qu'au jour du partage. L'action en matière d'acte d'administration et de disposition relatifs aux biens indivis requérant le consentement de tous les indivisaires sous l'empire de la loi du 31 décembre 1976 puis, depuis la loi du 23 juin 2006 nécessitant que les indivisaires soient titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis pour, à cette majorité : 1° effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis », il ne peut être valablement opposé une irrecevabilité de la demande pour ne pas avoir agi en récupération de la créance avant d'être fixé sur son existence, la prescription ne pouvant courir qu'à compter du jour où celui contre lequel on l'invoque a pu agir valablement. En l'espèce, il est justifié par les appelants, par l'acquisition par J... E..., le 10 février 2011, des 329/336e du lot n°36 et la désignation les 27 juin et 14 novembre 2011, de Monsieur K... E... en qualité de mandataire des deux seuls propriétaires indivis, de ce qu'ils n'ont pu agir jusqu'au 10 février 2011 date à laquelle les opérations de partage ont été achevées, de sorte que la prescription a été valablement suspendue jusqu'à cette date. Il est outre justifié d'une reconnaissance par la société Almoriba du droit du bailleur contre lequel elle prescrivait, interruptive du délai de prescription dans les conditions de l'article 2240 du Code civil, anciennement l'article 2248 du Code civil. En effet, il résulte des productions que par divers courriers recommandés avec demande d'avis de réception adressés à chacun des membres de l'indivision le 25 avril 2007, le conseil de cette société a demandé qu'il lui soit indiqué le nouveau mandataire habilité à recevoir le payement des loyers. Cette reconnaissance non-équivoque de la qualité de créancier des consorts E... est un acte positif d'interruption de la prescription. Les appelants justifiant tant d'une suspension de la prescription que d'un interruption de la prescription valables, il s'ensuit que c'est exactement que les appelants réclament aux sociétés intimées le payement des montants impayés du 4e trimestre 2005 au 1e trimestre 2012 inclus (arrêt attaqué p.14 et 15) ;

ALORS QUE, D'UNE PART, tout indivisaire peut prendre seul les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis ; que pour affirmer que le cours de la prescription avait été suspendu, la cour d'appel a jugé que les consorts E... se trouvaient dans l'impossibilité d'agir en interruption de la prescription, constitutif d'un acte d'administration, avant de voir fixées leurs parts et portions respectives à l'occasion des opérations de partage ; qu'en statuant ainsi quand tout indivisaire peut accomplir seul un acte conservatoire et notamment interrompre la prescription, la cour d'appel a violé l'article 815-2 du code civil ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, la reconnaissance, par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, doit, pour être interruptive de prescription, porter sur le droit invoqué par le créancier ; que pour condamner la société Almoriba au paiement de la somme de 57.014,60€ à titre d'indemnités d'occupation sans droit ni titre, la cour d'appel a retenu que le cours de la prescription avait été interrompu par la reconnaissance par la société Almoriba de la qualité de créanciers-bailleurs des consorts E... ; qu'en statuant ainsi, quand la reconnaissance ne portait que sur des loyers et non sur des indemnités d'occupation, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil ;

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Almoriba de sa demande d'allocation d'une provision sur la condamnation à intervenir de Me L... en réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité de l'acte de cession conclu avec la société SEPB et de sa demande d'expertise ;

AUX MOTIFS QUE le notaire rédacteur de l'acte, après avoir été mandaté par l'une des parties, est tenu de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention même à l'égard de l'autre partie. Maître L... avait connaissance du contrat de bail du 17 décembre 1976 auquel renvoie le renouvellement du bail du 11 juin 2004 dont l'article 23 du contrat de 1976 stipule expressément le concours du bailleur à l'acte de cession, de sorte qu'il lui appartenait d'appeler le bailleur à concourir à l'acte de cession. Dès lors l'absence de toute recherche du bailleur pour l'appeler à l'acte constitue une négligence fautive concourant à l'inopposabilité de l'acte de cession au bailleur. La nullité de l'acte de signification faite à une personne décédée résulte de l'article 117 du code de procédure civile sans démonstration d'un grief puisque relevant du régime de la nullité de fond, peu important le moyen de l'absence de faute du notaire tiré de l'ignorance de sa part du décès antérieur de Monsieur Y... E.... L'acte de cession ne comprend pas ensuite la clause relative à la solidarité du cédant avec tous cessionnaires pour le payement des loyers et l'exécution des charges et conditions du bail convenue à l'article 23 du bail de 1976, à l'égard du bailleur. Le notaire devait ensuite en application de l'article 9 du bail remettre un exemplaire de l'acte de cession au propriétaire dix jours au plus tard après l'expiration du délai d'opposition, cette disposition ne pouvant être suppléée de son propre chef par une signification, au demeurant inopérante. En omettant de respecter les diverses formalités contractuelles d'une part, en ne faisant pas délivrer une signification valable d'autre part, le notaire a privé l'acte de cession de l'efficacité attendue par les parties. Il a commis des négligences fautives et manqué à son devoir de conseil. La société Almoriba dont l'acte de cession du bail est inopposable au bailleur, voit prononcer à son endroit une expulsion des locaux dans lesquels elle exploite un fonds de commerce depuis le 21 septembre 2005. Le préjudice est actuel et certain. Toutefois la société Almoriba cessionnaire du bail mais qui n'a pas acquitté de loyers dès son entrée dans les lieux et n'a pas consigné les montants afférents jusqu'en 2012 ou qui a refusé toute augmentation du loyer selon le notaire, a participé à la réalisation de son propre dommage, ainsi que le fait valoir à bon droit Maître L.... L'indemnisation doit être fixée en proportion de la faute de la victime dans la réalisation du dommage. Au soutien de sa demande d'allocation d'une provision de 300.000 euros et d'instauration d'une mesure d'expertise, la société Almorbia ne produit qu'un seul document comptable au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2011 dont il ressort un résultat d'exploitation négatif et des pertes d'exploitation, en aggravation depuis l'exercice précédent. Elle ne démontre pas avoir subi un préjudice actuel et certain à hauteur du montant de la provision sollicitée. Conformément à l'article 146 du code de procédure civile, « une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ». La société Almoriba n'établit pas le bien fondé de l'instauration de la mesure d'expertise sollicitée. Elle est déboutée de sa demande d'expertise. (arrêt attaqué p.16 et 17) ;

ALORS QUE le juge ne peut refuser d'évaluer le dommage dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, d'une part, constaté l'existence d'une négligence fautive et d'un manquement du notaire à son devoir de conseil, d'autre part, constaté l'existence d'un préjudice actuel et certain subi par la société Almoriba et, enfin, considéré que Me L... était tenu de réparer le dommage subi par la société Almoriba ; que cependant, considérant que la société Almoriba n'apportait pas la preuve d'avoir subi un préjudice à hauteur de la provision demandée, ni n'établissait le bien fondé d'une mesure d'expertise, la cour d'appel a rejeté tant la demande de provision que la demande d'expertise présentée par l'exposante ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à l'évaluation du préjudice dont elle constatait elle-même l'existence en son principe, la cour d'appel a commis un déni de justice et violé l'article 4 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-17899
Date de la décision : 24/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 24 oct. 2019, pourvoi n°18-17899


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17899
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award