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26/09/2018 | FRANCE | N°16-25937

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 septembre 2018, 16-25937


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 16 décembre 2014, n° 13-23.986), que la société Nergeco était titulaire du brevet européen n° EP 0 398 791 désignant la France, déposé sous priorité d'une demande de brevet français et intitulé "porte à rideau relevable renforcée par des barres d'armature horizontales" ; qu'elle a conclu avec la société Nergeco France, le 6 décembre 1990, un contrat de management, puis une annexe et

des avenants portant sur l'exploitation de ces brevets en France ; que, se pr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 16 décembre 2014, n° 13-23.986), que la société Nergeco était titulaire du brevet européen n° EP 0 398 791 désignant la France, déposé sous priorité d'une demande de brevet français et intitulé "porte à rideau relevable renforcée par des barres d'armature horizontales" ; qu'elle a conclu avec la société Nergeco France, le 6 décembre 1990, un contrat de management, puis une annexe et des avenants portant sur l'exploitation de ces brevets en France ; que, se prévalant, pour la première, de ses droits de brevet et, pour la seconde, de sa qualité de licenciée, les sociétés Nergeco et Nergeco France (les sociétés Nergeco) ont assigné la société Mavil, devenue la société Gewiss France, et la société Maviflex, en leur reprochant d'avoir mis en oeuvre, sans autorisation, les enseignements de ce brevet ; qu'un arrêt irrévocable rendu par la cour d'appel de Lyon le 2 octobre 2003 a dit que le modèle de porte "Fil'up" des sociétés Mavil et Maviflex est une contrefaçon du brevet européen n° EP 0 398 791 ; que, statuant sur l'évaluation des préjudices résultant de cette contrefaçon, une cour d'appel a condamné les sociétés Mavil et Maviflex à les indemniser ; que cet arrêt ayant été cassé, la juridiction de renvoi a accueilli, en son principe, les demandes indemnitaires des sociétés Nergeco ; que sa décision a été cassée, en ce qu'elle déclarait la société Nergeco France recevable et fondée à agir en contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791 et en ce qu'elle condamnait les sociétés Maviflex et Gewiss France à lui payer diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Nergeco font grief à l'arrêt de dire la société Nergeco France irrecevable en sa demande, en tant que fondée sur l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle, et de prononcer la nullité du contrat conclu entre cette société et la société Nergeco, ainsi que de son annexe, alors, selon le moyen :

1°/ que si l'acte nul, de nullité absolue, ne peut être rétroactivement confirmé, il est en revanche loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de nullité a cessé ; qu'en l'espèce les sociétés Nergeco justifiaient, postérieurement à la date à laquelle la cause de nullité du contrat de management liée au défaut d'immatriculation de la société Nergeco France avait disparu, soit le 2 février 1991, date de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, qu'elles avaient eu la volonté commune de maintenir et réitérer leur accord, que ce soit par l'inscription du contrat et de son annexe au registre national des brevets le 3 juin 1998, par la signature des avenants des 3 septembre 1998 et 20 novembre 2006, également inscrits au registre national des brevets respectivement les 19 avril 1999 et 12 janvier 2007 ou encore par l'exécution réciproque et continue, depuis le 6 décembre 1990, de l'ensemble des engagements mis à leur charge par le contrat de management ; qu'en énonçant cependant, pour déclarer la société Nergeco France irrecevable, faute de qualité à agir en tant que licenciée de la société Nergeco, en sa demande de réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791, que "la nullité affectant des actes conclus par une société dépourvue d'existence juridique étant une nullité absolue, elle ne (pouvait) être rétroactivement couverte après la disparition de la cause de nullité" et que c'est en conséquence en vain que les société Nergeco arguaient "de la réfection du contrat de management" par l'effet de multiples actes et démarches attestant leur volonté commune de maintenir et réitérer celui-ci, la cour d'appel a violé l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que si l'acte nul, de nullité absolue, ne peut être rétroactivement confirmé, il est en revanche loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de nullité a cessé ; qu'en l'espèce les sociétés Nergeco justifiaient que, postérieurement à la date à laquelle la cause de nullité du contrat de management, liée au défaut de concession simultanée d'une licence sur le brevet européen n° EP 0 398 791 et sur les demandes de brevets français, avait disparu, soit le 13 juillet 1994, date à laquelle les brevets français avaient cessé de produire leurs effets, elles avaient eu la volonté commune de maintenir et réitérer leur accord, que ce soit par l'inscription du contrat de licence et de son annexe au registre national des brevets le 3 juin 1998, par la signature des avenants des 3 septembre 1998 et 20 novembre 2006, également inscrits au registre national des brevets respectivement les 19 avril 1999 et 12 janvier 2007 ou encore par l'exécution réciproque et continue, depuis le 6 décembre 1990, de l'ensemble des engagements mis à leur charge par le contrat de management ; qu'en énonçant cependant, pour déclarer la société Nergeco France irrecevable, faute de qualité à agir en tant que licenciée de la société Nergeco, en sa demande de réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791, que la nullité prévue par l'article L. 614-14 du code de la propriété intellectuelle est une nullité absolue et que la validité du contrat de management et de l'avenant s'apprécient à la date de leur signature, écartant ainsi les multiples actes et démarches attestant de la volonté commune des sociétés Nergeco et Nergeco France de maintenir et réitérer leur contrat de management après la disparition de la cause de nullité l'entachant, la cour d'appel a violé l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu que l'acte nul de nullité absolue ne pouvant être rétroactivement confirmé, les parties désirant, après la disparition de la cause de cette nullité, contracter, sont tenues, lorsque la validité de leur convention est soumise à des formes prévues par la loi, de conclure un nouveau contrat, dans les formes ainsi requises, qui produit ses effets à compter de sa formation ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil, et l'article 480 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire irrecevable la demande de la société Nergeco France, l'arrêt énonce que celle-ci ne peut demander de statuer sur sa demande d'indemnisation sur un fondement autre que celui de la contrefaçon, sur lequel elle a initialement fondé sa demande et sur lequel la cour d'appel de Lyon a définitivement jugé qu'elle pouvait, par principe, prétendre être indemnisée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon, le 2 octobre 2003, ne tranchait pas, dans son dispositif, le litige portant sur le fondement de la demande d'indemnisation présentée par la société Nergeco France, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur ce moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 565 du code de procédure civile ;

Attendu, selon ce texte, que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ;

Attendu que pour dire la société Nergeco France irrecevable en sa demande en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791, l'arrêt retient que cette société ne peut former une demande d'indemnisation sur un fondement autre que celui de la contrefaçon, sur lequel elle a initialement basé sa demande ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les demandes successivement formées par la société Nergeco France sur le fondement de l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle puis sur celui de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tendaient toutes deux à obtenir réparation du préjudice qui lui avait été causé par la contrefaçon du brevet, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit la société Nergeco France irrecevable en sa demande de réparation du préjudice fondée sur l'article 1382 du code civil et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Gewiss France et Maviflex aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Nergeco France et Nergeco

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Lyon en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité formée par les sociétés Mavil (aujourd'hui Gewiss France) et Maviflex à l'encontre de la demande de la société Nergeco France, d'avoir dit qu'étaient nuls le contrat de management daté du 6 décembre 1990 conclu entre les sociétés Nergeco et Nergeco France et l'annexe de ce contrat en date du 31 janvier 1991 et d'avoir en conséquence dit que la société Nergeco France était irrecevable en sa demande, fondée sur l'article L. 615-2 du Code de la propriété intellectuelle, en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791 dont la société Nergeco est titulaire, commis par les sociétés Maviflex et Gewiss France ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la recevabilité des demandes de la société Nergeco France en tant que licenciée, le dernier alinéa de l'article L. 615-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que le licencié est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le breveté, afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre ; que selon l'article L. 210-6 du Code de commerce, les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ; que le contrat de management, daté du 6 décembre 1990, n'indique pas que la société Nergeco France est une société en formation mais mentionne qu'elle est immatriculée au RCS au registre du commerce du Puy sous le numéro « B 380 464 446 (91 B 22) » ; que cependant, ainsi que le soutiennent les sociétés intimées, au vu de l'extrait Kbis versé au dossier, la société Nergeco France n'a été immatriculée au RCS du tribunal de commerce du Puy que le 2 février 1991 ; qu'à la date du contrat de management signé entre les sociétés Nergeco et Nergeco France, cette dernière, non encore immatriculée au registre du commerce et des sociétés, était donc dépourvue de personnalité juridique lui permettant de contracter ; qu'il est indifférent que les statuts de la société Nergeco France aient été signés dès le 30 novembre 1990 et que la société ait débuté son activité commerciale le 1er décembre 1990, comme le font valoir les sociétés Nergeco ; qu'il s'ensuit que l'acte de management du 6 décembre 1990 est nul, de même, par voie de conséquence, que l'annexe de ce contrat, signée le 31 janvier 1991, qui s'y réfère expressément ; que la nullité affectant des actes conclus par une société dépourvue d'existence juridique étant une nullité absolue, elle ne peut être rétroactivement couverte après la disparition de la cause de nullité, de sorte que les sociétés Nergeco arguent vainement de la réfection du contrat de management après l'immatriculation régulière de la société Nergeco France au RCS le 2 février 1991, résultant des actes d'exécution de la licence survenus postérieurement à l'immatriculation de la société Nergeco France le 2 février 1991, du renouvellement tacite du contrat le 6 décembre 1995, de l'inscription du contrat et de son annexe au registre national des brevets le 3 juin 1998 ou de la conclusion, le 3 septembre 1998, d'un avenant rectificatif au contrat de management initial précisant que « Nergeco France sera ipso facto licenciée des brevets et des marques pour la France » ou encore de la signature, le 20 novembre 2006, d'un avenant « confirmatif », en outre qu'aux termes de l'alinéa premier de l'article L. 614-14 du Code de la propriété intellectuelle, une demande de brevet français ou un brevet français et une demande de brevet européen ou un brevet européen ayant la même date de dépôt ou la même date de priorité, couvrant la même invention et appartenant au même inventeur ou à son ayant cause, ne peuvent, pour les parties communes, faire l'objet indépendamment l'une de l'autre d'un transfert, gage, nantissement ou d'une concession de droit d'exploitation, à peine de nullité ; qu'en l'espèce, l'article 8 du contrat de management stipule, en son alinéa 3 : « le cas échéant, la société Nergeco assurera le suivi de la prise et de la maintenance des brevets d'invention. Nergeco France sera ipso facto licenciée des brevets pour la France » ; que l'annexe datée du 31 janvier 1991 précise qu'« en application de l'article 8 dudit contrat, Nergeco et Nergeco France confirment que Nergeco concède à Nergeco France la licence de la partie française des brevets européens ci-après : (
) n° 0 398 791 du 11 mai 1990 Porte à rideaux relevables renforcée par des barres d'armatures horizontales » ; que ni le contrat de management du 6 décembre 1990, ni son annexe du 31 janvier 1991 ne font mention de la concession des droits exclusifs d'exploitation sur les demandes de brevets français n° 89 06 592 et n° 90 00 001 dont la priorité était revendiquée par le brevet européen n° EPO 0 398 791 ; que l'indication « Nergeco France sera ipso facto licenciée des brevets pour la France » dans le contrat de management ne peut pallier l'absence de mention, dans le contrat lui-même ou du moins dans son annexe, des demandes de brevets français concernées ; que les sociétés Nergeco se prévalent des dispositions de l'article L. 614-3 du Code de la propriété intellectuelle pour soutenir que le délai de neuf mois prévu pour la formation de l'opposition ayant pris fin le 13 juillet 1994, les brevets français ont cessé de produire leurs effets à cette même date, de sorte que la nullité résultant du défaut de mention des brevets français dans l'annexe du 31 janvier 1991 n'existant plus à compter du 13 juillet 1994, les parties ont postérieurement valablement renouvelé leur accord de conclure une licence sur le brevet n° EP 0 398 791, par l'exécution de la licence, l'inscription des actes au registre national des brevets le 3 juin 1998, la tacite reconduction du contrat de management le 6 décembre 1995 ou la conclusion des avenants des 3 septembre 1998 et 20 novembre 2006 ; que cependant, la nullité prévue par l'article L. 614-14 du Code de la propriété intellectuelle est une nullité absolue, les dispositions légales en cause étant destinées à protéger un intérêt général (prévenir la double brevetabilité d'une invention sur un même territoire) ; que la validité du contrat de management et de l'avenant s'apprécient à la date de leur signature ; que dans ces conditions le contrat de management et son annexe sont nuls en application de l'article L. 614-14 susvisé ; qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le surplus des moyens des parties concernant notamment la nullité du contrat de management et de son annexe pour fraude et faux en écriture privée et le défaut d'inscription de la licence, que la société Nergeco France est irrecevable, faute de qualité à agir, à demander réparation, sur le fondement de l'article L. 615-2 du Code de la propriété intellectuelle, du préjudice causé par les actes de contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791 dont la société Nergeco est titulaire ; que le jugement du TGI de Lyon du 21 décembre 2000 doit, en conséquence, être infirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité formée par les sociétés Mavil (aujourd'hui Gewiss France) et Maviflex à l'encontre de la demande de la société Nergeco France » ;

1°/ ALORS QUE si l'acte nul, de nullité absolue, ne peut être rétroactivement confirmé, il est en revanche loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de nullité a cessé ; qu'en l'espèce les sociétés Nergeco et Nergeco France justifiaient, postérieurement à la date à laquelle la cause de nullité du contrat de management liée au défaut d'immatriculation de la société Nergeco France avait disparu, soit le 2 février 1991, date de son immatriculation au RCS, qu'elles avaient eu la volonté commune de maintenir et réitérer leur accord, que ce soit par l'inscription du contrat et de son annexe au registre national des brevets le 3 juin 1998, par la signature des avenants des 3 septembre 1998 et 20 novembre 2006, également inscrits au registre national des brevets respectivement les 19 avril 1999 et 12 janvier 2007 ou encore par l'exécution réciproque et continue, depuis le 6 décembre 1990, de l'ensemble des engagements mis à leur charge par le contrat de management ; qu'en énonçant cependant, pour déclarer la société Nergeco France irrecevable, faute de qualité à agir en tant que licenciée de la société Nergeco, en sa demande de réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791, que « la nullité affectant des actes conclus par une société dépourvue d'existence juridique étant une nullité absolue, elle ne (pouvait) être rétroactivement couverte après la disparition de la cause de nullité » et que c'est en conséquence en vain que les société Nergeco et Nergeco France arguaient « de la réfection du contrat de management » par l'effet de multiples actes et démarches attestant leur volonté commune de maintenir et réitérer celui-ci, la Cour d'appel a violé l'article L. 615-2 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ ALORS QUE si l'acte nul, de nullité absolue, ne peut être rétroactivement confirmé, il est en revanche loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de nullité a cessé ; qu'en l'espèce les sociétés Nergeco et Nergeco France justifiaient que, postérieurement à la date à laquelle la cause de nullité du contrat de management, liée au défaut de concession simultanée d'une licence sur le brevet européen n° EP 0 398 791 et sur les demandes de brevets français, avait disparu, soit le 13 juillet 1994, date à laquelle les brevets français avaient cessé de produire leurs effets, elles avaient eu la volonté commune de maintenir et réitérer leur accord, que ce soit par l'inscription du contrat de licence et de son annexe au registre national des brevets le 3 juin 1998, par la signature des avenants des 3 septembre 1998 et 20 novembre 2006, également inscrits au registre national des brevets respectivement les 19 avril 1999 et 12 janvier 2007 ou encore par l'exécution réciproque et continue, depuis le 6 décembre 1990, de l'ensemble des engagements mis à leur charge par le contrat de management ; qu'en énonçant cependant, pour déclarer la société Nergeco France irrecevable, faute de qualité à agir en tant que licenciée de la société Nergeco, en sa demande de réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791, que « la nullité prévue par l'article L. 614-14 du Code de la propriété intellectuelle est une nullité absolue » et que « la validité du contrat de management et de l'avenant (lire annexe) s'apprécient à la date de leur signature », écartant ainsi les multiples actes et démarches attestant de la volonté commune des sociétés Nergeco et Nergeco France de maintenir et réitérer leur contrat de management après la disparition de la cause de nullité l'entachant, la Cour d'appel a violé l'article L. 615-2 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que la société Nergeco France était également irrecevable en sa demande en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791 dont la société Nergeco est titulaire, commis par les sociétés Maviflex et Gewiss France, fondée sur l'article 1382 du Code civil ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la recevabilité des demandes de la société Nergeco fondées sur l'article 1382 du Code civil, les sociétés Nergeco font valoir que la contrefaçon d'un brevet poursuivie par le titulaire du titre constitue des actes de concurrence déloyale justifiant la réparation du préjudice à l'égard du distributeur des produits brevetés pour le cas où ce dernier n'est pas le titulaire d'un contrat de licence ; qu'ainsi, à titre subsidiaire, pour le cas où la licence serait jugée nulle ou inopposable, la société Nergeco France demande, en tant qu'exploitante du brevet n° EP 0 398 791, la réparation du dommage résultant pour elle de la contrefaçon commise par les sociétés Maviflex et Gewiss France sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; cependant que les sociétés Maviflex et Gewiss France opposent à juste raison que cette demande nouvelle est irrecevable dès lors qu'elle se heurte aux dispositions de l'article 481 du Code de procédure civile selon lesquelles le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche ; qu'en effet, comme l'admet la société Nergeco France (page 47 de ses dernières écritures), il a été définitivement jugé dans l'arrêt précité du 2 octobre 2003 rendu par la cour d'appel de Lyon que les sociétés Mavil et Maviflex ont commis des actes de contrefaçon du brevet européen n° EP 0 398 791 dont la société Nergeco est titulaire ; que, par ailleurs, la société Nergeco France reconnaît qu'elle a jusqu'à présent justifié son droit à réparation sur le fait qu'elle disposait d'une licence sur ledit brevet ; qu'en conséquence, la société Nergeco France ne peut demander à cette cour de renvoi, saisie à la suite de l'arrêt de cassation partielle du 16 décembre 2014, de statuer sur sa demande d'indemnisation sur un fondement autre que celui de la contrefaçon, sur lequel elle a initialement basé sa demande et sur lequel la cour d'appel de Lyon a définitivement jugé qu'elle pouvait, par principe, prétendre être indemnisée, question dont la cour d'appel de Lyon s'est alors trouvée dessaisie ; que la société Nergeco France sera, en conséquence, déclarée irrecevable à demander réparation de son préjudice sur le fondement de l'article 1382 du Code civil » ;

1°/ ALORS QUE l'autorité de la chose jugée s'attache au seul dispositif du jugement ; que la Cour d'appel de Lyon, dans le dispositif de son arrêt du 2 octobre 2003, s'est bornée à juger que « le modèle de porte « Fil'up » des sociétés Mavil et Maviflex est une contrefaçon du brevet européen 0 398 791 » et à condamner « in solidum les sociétés Mavil et Maviflex à payer aux sociétés Nergeco SA et Nergeco France la somme provisionnelle de 100.000 euros à valoir sur la réparation de leur préjudice » ; qu'aucun chef du dispositif de cette décision n'a tranché la question du fondement de la demande d'indemnisation de la société Nergeco France à raison des actes de contrefaçon du brevet européen n° EP 0 398 791, que ce soit celui de l'article L. 615-2 du Code de la propriété intellectuelle ou celui de l'article 1382 du Code civil ; qu'en retenant en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande en réparation de la société Nergeco France fondée sur l'article 1382 du Code civil, que cette dernière « ne peut demander à cette cour de renvoi, saisie à la suite de l'arrêt de cassation partielle du 16 décembre 2014, de statuer sur sa demande d'indemnisation sur un fondement autre que celui de la contrefaçon, sur lequel elle a initialement basé sa demande et sur lequel la cour d'appel de Lyon a définitivement jugé qu'elle pouvait, par principe, prétendre être indemnisée », cependant que le dispositif de cet arrêt ne tranchait nullement cette question, la Cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et 480 du Code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE la Cour d'appel a elle-même constaté, en examinant la question de la qualité à agir de la société Nergeco France en réparation de son préjudice, en tant que licenciée de la société Nergeco, sur le fondement de l'article L. 615-2 du Code de la propriété intellectuelle, et en décidant qu'en raison de la prétendue nullité du contrat de management du 6 décembre 1990, la société Nergeco France n'avait pas qualité pour agir sur ce fondement, que le fondement de la demande d'indemnisation de cette société n'avait pas été définitivement jugé antérieurement ; qu'en retenant cependant, pour déclarer irrecevable la demande en réparation de la société Nergeco France fondée sur l'article 1382 du Code civil, que cette dernière « ne peut demander à cette cour de renvoi, saisie à la suite de l'arrêt de cassation partielle du 16 décembre 2014, de statuer sur sa demande d'indemnisation sur un fondement autre que celui de la contrefaçon, sur lequel elle a initialement basé sa demande et sur lequel la cour d'appel de Lyon a définitivement jugé qu'elle pouvait, par principe, prétendre être indemnisée », la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a derechef violé les articles 1351 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et 480 du Code de procédure civile ;

3°/ ALORS EN OUTRE ET A TOUTES FINS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; qu'il résulte du dernier alinéa de l'article L. 615-2 du Code de la propriété intellectuelle que le licencié d'un brevet, peut intervenir à l'action en contrefaçon intentée par le breveté afin d'obtenir réparation du préjudice qui lui est propre ; que par cette intervention, le licencié n'exerce pas l'action en contrefaçon qui est exercée à titre principal par le breveté mais demande simplement réparation du préjudice que lui a causé la contrefaçon ; qu'ainsi, la demande subsidiaire, formulée pour la première fois en cause d'appel par le licencié, tendant, en cas de nullité du contrat de licence, à obtenir, comme un distributeur non licencié est recevable à le faire, réparation, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, du préjudice lui ayant été causé par la contrefaçon tend aux mêmes fins que sa demande tendant, en première instance, à obtenir réparation, sur le fondement de l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle, du préjudice propre que lui a causé la contrefaçon ; qu'à supposer qu'en énonçant que la société Nergeco France avait « jusqu'à présent justifié son droit à réparation sur le fait qu'elle disposait d'une licence sur ledit brevet » et qu'elle ne pouvait demander à la cour « de statuer sur sa demande d'indemnisation sur un fondement autre que celui de la contrefaçon, sur lequel elle a initialement basé sa demande », la cour d'appel ait décidé que la demande subsidiaire formée par la société Nergeco France sur le fondement de l'article 1382 du Code civil était irrecevable comme nouvelle, elle a alors violé l'article 565 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-25937
Date de la décision : 26/09/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

APPEL CIVIL - Demande nouvelle - Définition - Exclusion - Cas - Demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale - Applications diverses

APPEL CIVIL - Demande nouvelle - Définition - Exclusion - Cas - Demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale - Demandes tendant à obtenir réparation du préjudice causé par la contrefaçon d'un brevet PROPRIETE INDUSTRIELLE - Brevets d'invention - Règles d'action en justice - Contrefaçon - Demande formée en cause d'appel - demande tendant à obtenir réparation du préjudice causé - Recevabilité - Condition

Méconnaît les dispositions de l'article 565 du code de procédure civile, selon lesquelles les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, la cour d'appel qui déclare irrecevable une demande fondée successivement sur l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle puis sur l'article 1382, devenu 1240, du code civil, dès lors que ces deux demandes tendent à obtenir réparation du préjudice causé par la contrefaçon d'un brevet


Références :

Sur le numéro 1 : article 1134 du code civil

article L. 614-14 du code de la propriété intellectuelle.
Sur le numéro 2 : article 565 du code de procédure civile

article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle

article 1382 du code civil.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 sep. 2018, pourvoi n°16-25937, Bull. civ.Bull. 2018, IV, n° 102.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, IV, n° 102.

Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, Me Balat, Me Bertrand

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25937
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