LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 novembre 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 733 F-D
Pourvoi n° T 20-15.161
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2021
La société Les Domaines Jean Loron (LDJL), société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-15.161 contre les arrêts rendus les 16 novembre 2017 et 13 février 2020 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [L] [G], épouse [W], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à M. [O] [G], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
M. [G] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Les Domaines Jean Loron, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [W], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [G], et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance du pourvoi
Vu l'article 978 du code de procédure civile :
1. Le mémoire en demande ne contenant aucun moyen dirigé contre l'arrêt du 16 novembre 2017, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 13 février 2020), M. [G] et sa soeur, Mme [W], sont propriétaires indivis, à parts égales, d'un domaine viticole dont l'exploitation a été assurée par la société civile d'exploitation agricole Domaines de Champ de Cour, aux droits de laquelle se trouve la société en nom collectif Les Domaines Jean Loron (la société LDJL) dirigée par M. [G].
3. Le 27 juin 2013, la société LDJL a assigné Mme [W] en paiement d'une somme de 224 762,01 euros correspondant à sa quote-part du prix des prestations effectuées pour le compte de l'indivision. M. [G] est intervenu volontairement à l'instance.
4. Le 4 avril 2014, l'administrateur provisoire de l'indivision, désigné par une ordonnance de référé du 22 octobre 2013, a procédé au paiement de la somme de 449 524,02 euros à la société LDJL.
5. Un arrêt du 16 novembre 2017 a constaté que les demandes de la société LDJL concernant des dépenses effectuées avant le 27 juin 2008 étaient prescrites et ordonné, avant-dire droit, une expertise afin de déterminer les dépenses effectuées à compter de cette date pour le compte de l'indivision. L'expert a conclu que les dépenses effectuées par la société LDJL pour le compte de l'indivision s'élevaient pour les années 2008 à 2015 à la somme de 305 694,05 euros.
6. A la suite du dépôt du rapport d'expertise, la société LDJL a soutenu que devait être ajoutée à la somme retenue par l'expert, celle de 107 595,03 euros correspondant à des dépenses engagées pour le compte de l'indivision afin de pallier l'absence de compte bancaire de celle-ci. Mme [W] a contesté devoir la somme de 107 595,03 euros et sollicité le paiement par la société LDJL de la somme de 71 914,99 euros correspondant à la différence entre la moitié de la somme fixée par l'expert et la moitié de celle acquittée par l'administrateur judiciaire.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis
Enoncé du moyen
7. La société LDJL et M. [G] font grief à l'arrêt de condamner la première à payer à Mme [W] la somme de 71 914,99 euros, outre des intérêts, alors :
« 1°/ que l'expertise n'a pour objet que d'éclairer le juge sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ; que, pour écarter le moyen de la société LDJL portant sur les sommes qu'elle avait payées pour le règlement de dettes de l'indivision et qui n'étaient pas incluses dans le décompte établi par l'expert, la cour d'appel a retenu que cette société était « mal fondée à demander la prise en compte de dépenses qu'elle n'a[vait] pas soumises aux vérifications de l'expert judiciaire sans explication valable » ; qu'en statuant ainsi, tandis que, l'expert n'ayant pas pour mission de se substituer au juge dans l'examen des moyens présentés par les parties, la cour d'appel qui était tenue d'examiner elle-même les moyens et pièces produits devant elle, quand bien même ils n'auraient pas été soumis à l'expert, a violé l'article 232 du code de procédure civile ;
2°/ qu'il incombe au juge de se prononcer lui-même sur les éléments soumis à son examen ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen de la société LDJL relatif aux sommes qu'elle avait payées pour le règlement de dettes de l'indivision et qui n'étaient pas incluses dans le décompte établi par l'expert, la cour d'appel a retenu que cette société était « mal fondée à demander la prise en compte de dépenses qu'elle n'a[vait] pas soumises aux vérifications de l'expert judiciaire sans explication valable » ; qu'en refusant ainsi d'examiner elle-même les éléments qui lui étaient présentés, faute qu'ils aient été soumis préalablement à l'expert, la cour d'appel a violé l'article 1353 devenu 1382 du code civil ;
3°/ que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves jusqu'à la clôture de l'instruction ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen de la SNC LDJL relatif aux sommes qu'elle avait payées pour le règlement de dettes de l'indivision et qui n'étaient pas incluses dans le décompte établi par l'expert, la cour d'appel a jugé que « la SNC, qui, pour la première fois depuis le début de la procédure qu'elle a initiée en juin 2013, fai[sait] état de ces paiements distincts de ceux résultant de l'exécution des travaux réalisés pour le compte de l'indivision, [était] mal fondée à demander la prise en compte de dépenses qu'elle n'a[vait] pas soumises aux vérifications de l'expert judiciaire sans explication valable » ; qu'en statuant ainsi, quand la société LDLJ pouvait, à hauteur d'appel, et même après l'expertise, invoquer de nouveaux moyens et produire de nouvelles pièces au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé l'article 563 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et preuve qui lui étaient soumis et après avoir retenu qu'une expertise s'imposait pour faire les comptes entre les parties et évaluer les dépenses effectuées par la société LDJL pour le compte de l'indivision et que les conclusions de l'expert, ayant chiffré les dépenses effectuées par cette société, n'étaient pas contestées par les parties, que la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, écarté de nouvelles dépenses invoquées pour la première fois devant elle.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 16 novembre 2017 ;
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Les Domaines Jean Loron et M. [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Les Domaines Jean Loron
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué en date du 13 février 2020 d'AVOIR condamné la SNC Les Domaines Jean Loron à verser à Mme [L] [W] la somme de 71.914,99 € outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2019 ;
AUX MOTIFS QUE l'expert judiciaire retient à l'issue de son expertise que les dépenses effectuées par la SNC Les Domaines Jean Loron pour le compte de l'indivision [G]-[W] postérieurement au 27 juin 2008 et jusqu'à l'année 2015 incluse se sont élevées à 305.694,05 € , somme devant selon lui être ramenée à 291.794,16 € pour tenir compte des amortissements concernant le matériel utilisé par la société ; qu'aucune des parties ne conteste ces calculs, Mme [W] plus particulièrement se rangeant expressément aux résultats de l'expertise ; qu'il ne sera pas fait droit à la demande d'homologation de ce rapport formulée par la SNC Les Domaines Jean Loron qui, si une telle mesure était ordonnée, aboutirait à inclure ce rapport dans l'arrêt ; que, par contre, les conclusions de l'expert vont servir de base au règlement du litige opposant les parties ; que Mme [W] s'oppose à ce qu'il soit tenu compte de l'amortissement en invoquant dans le corps de ses écritures l'article 1375 du code civil qui définit les dépenses dont le gérant d'affaire est en droit de demander le remboursement ; qu'il sera liminairement relevé que, si M. [O] [G] a assuré la gestion du domaine viticole, la SNC Les Domaines Jean Loron s'est pour sa part contentée d'exécuter sur ce domaine des prestations à la demande de M. [G], et qu'elle n'a pas la qualité de gérant d'affaire ; que, surtout, aux termes de l'article 954 du code de procédure civile alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ; qu'or Mme [W] reconnaît expressément dans le corps de ses écritures qu'elle devait à la SNC la somme de 152.847,02 €, soit la moitié de 305.694,05 €, somme à partir de laquelle elle demande dans le dispositif de ses conclusions la restitution de la somme de 71.914,99 € compte-tenu du versement effectué par l'administrateur ad hoc ; qu'il s'en déduit que le débat introduit par Mme [W] dans ses motifs est inutile ; que la SNC Les Domaines Jean Loron demande pour sa part qu'aux 305.694,05 € retenus par l'expert soit ajoutée la somme de 107.595,03 € correspondant selon elle à des factures concernant directement l'indivision et qu'elle dit avoir payées pour son compte, l'indivision ne disposant pas de compte bancaire ; qu'il sera en premier lieu relevé que la SNC, invoquant le paiement effectué le 4 avril 2014 par Me [N], administrateur ad hoc de l'indivision, soutient que dès lors que ces factures étaient incluses dans la somme ainsi réglée et que Mme [W] n'a jamais contesté ce paiement, elle ne peut plus le faire ; qu'or, puisque la SNC, malgré ce versement, a maintenu l'action en paiement qu'elle avait engagée à l'encontre de Mme [W] (en demandant à la cour dans le dispositif de ses conclusions du 16 mai 2017 de constater que l'indivision n'avait pas réglé les factures dues (!) et de condamner Mme [W] à lui verser en deniers ou quittances 224.762,02 €), il s'en déduit implicitement qu'elle considérait elle-même qu'une contestation restait possible et qu'il convenait de conforter ce paiement par l'obtention d'un titre ; surtout, la SNC n'explique pas pour quel motif elle n'a pas fait valoir devant l'expert judiciaire ces dépenses qui nécessairement apparaissaient dans sa comptabilité, même si elles ne constituaient pas des charges afférentes à son activité, alors que la mission de l'expert portait sur « les dépenses effectuées par la SNC » pour le compte de l'indivision ; que la SNC, qui, pour la première fois depuis le début de la procédure qu'elle a initiée en juin 2013, fait état de ces paiements distincts de ceux résultant de l'exécution des travaux réalisés pour le compte de l'indivision, est aujourd'hui mal fondée à demander la prise en compte de dépenses qu'elle n'a pas soumises aux vérifications de l'expert judiciaire sans explication valable ; qu'il ne peut pas plus être fait droit à sa demande d'expertise complémentaire qui ne ferait que retarder encore plus la décision à intervenir sur la demande de remboursement formée par Mme [W] depuis 2014 ; qu'il est établi que l'administrateur ad hoc de l'indivision a versé à la SNC Les Domaines Jean Loron le 4 avril 2014 la somme de 449.524,02 €, soit 224.762,01 € pour le compte de Mme [W] ; que, si effectivement, dans un courrier du 12 novembre 2013, l'administrateur a demandé à Mme [W] l'autorisation de régler des dépenses pour le compte de l'indivision, la lecture de ce courrier ne permet nullement de retenir que la nature et le détail de ces dépenses étaient ainsi connus de l'indivisaire et qu'en ne s'opposant pas à ces paiements, celle-ci les aurait implicitement validés ; que la cour par ailleurs a d'ores et déjà retenu qu'une partie des sommes réclamées par la SNC étaient atteinte par la prescription pour la période antérieure au 27 juin 2008 (soit 4 années), et d'autre part qu'une expertise était nécessaire pour vérifier les autres sommes demandées ; que Mme [W] relève également à juste titre que le grand livre communiqué à son conseil relatif aux comptes achats de travaux et de services de l'indivision ne comporte par la mention du paiement litigieux, et ne permet en conséquence pas de vérifier les sommes ainsi acquittées ; que, si Me [N] a adressé au président du tribunal de grande instance de Mâcon son rapport de fin de mission le 12 mai 2015, rapport qui mentionne le paiement litigieux et qui a été communiqué aux deux co-indivisaires, et si ses honoraires ont été taxés le 28 mai suivant sans contestation de la part de ces derniers, il ne peut en être tiré aucune conclusions dès lors que Mme [W] ne conteste pas l'existence de ce paiement ni que l'administrateur a réalisé les prestations dont il demandait la rémunération, mais entend uniquement obtenir la restitution de l'indu ; qu'il ne peut dans ces conditions qu'être fait droit à sa demande de remboursement de la somme de 71.914,99 € ; que cette somme produira intérêts à compter des conclusions déposées le 8 novembre 2019 qui pour la première fois formulaient la demande de remboursement ;
1) ALORS QUE l'expertise n'a pour objet que d'éclairer le juge sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ; que, pour écarter le moyen de la société LDJL portant sur les sommes qu'elle avait payées pour le règlement de dettes de l'indivision et qui n'étaient pas incluses dans le décompte établi par l'expert, la cour d'appel a retenu que cette société était « mal fondée à demander la prise en compte de dépenses qu'elle n'a[vait] pas soumises aux vérifications de l'expert judiciaire sans explication valable » ; qu'en statuant ainsi, tandis que, l'expert n'ayant pas pour mission de se substituer au juge dans l'examen des moyens présentés par les parties, la cour d'appel qui était tenue d'examiner elle-même les moyens et pièces produits devant elle, quand bien même ils n'auraient pas été soumis à l'expert, a violé l'article 232 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'il incombe au juge de se prononcer lui-même sur les éléments soumis à son examen ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen de la société LDJL relatif aux sommes qu'elle avait payées pour le règlement de dettes de l'indivision et qui n'étaient pas incluses dans le décompte établi par l'expert, la cour d'appel a retenu que cette société était « mal fondée à demander la prise en compte de dépenses qu'elle n'a[vait] pas soumises aux vérifications de l'expert judiciaire sans explication valable » ; qu'en refusant ainsi d'examiner elle-même les éléments qui lui étaient présentés, faute qu'ils aient été soumis préalablement à l'expert, la cour d'appel a violé l'article 1353 devenu 1382 du code civil ;
3) ALORS QUE pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves jusqu'à la clôture de l'instruction ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen de la SNC LDJL relatif aux sommes qu'elle avait payées pour le règlement de dettes de l'indivision et qui n'étaient pas incluses dans le décompte établi par l'expert, la cour d'appel a jugé que « la SNC, qui, pour la première fois depuis le début de la procédure qu'elle a initiée en juin 2013, fai[sait] état de ces paiements distincts de ceux résultant de l'exécution des travaux réalisés pour le compte de l'indivision, [était] mal fondée à demander la prise en compte de dépenses qu'elle n'a[vait] pas soumises aux vérifications de l'expert judiciaire sans explication valable » ; qu'en statuant ainsi, quand la société LDLJ pouvait, à hauteur d'appel, et même après l'expertise, invoquer de nouveaux moyens et produire de nouvelles pièces au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé l'article 563 du code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour M. [G]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 13 février 2020 d'avoir condamné la Snc Les Domaines Jean Loron à verser à Mme [W] la somme de 71 914, 99 euros outre intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2019 ;
AUX MOTIFS QUE
« l'expert judiciaire retient à l'issue de son expertise que les dépenses effectuées par la SNC Les Domaines Jean Loron pour le compte de l'indivision [G]-[W] postérieurement au 27 juin 2008 et jusqu'à l'année 2015 incluse se sont élevées à la somme de 305 694,05€, somme devant selon lui être ramenée à 291 794,16 €pour tenir compte des amortissements concernant le matériel utilisé par la société.
Aucune des parties ne conteste ces calculs, Mme [W] plus particulièrement se rangeant expressément aux résultats de l'expertise.
Il ne sera pas fait droit à la demande d'homologation de ce rapport formulée par la Snc Les Domaines Jean Loron qui, si une telle mesure était ordonnée, aboutirait à inclure ce rapport dans l'arrêt.
Par contre les conclusions de l'expert vont servir de base au règlement du litige opposant les parties.
Mme [W] s'oppose à ce qu'il soit tenu compte de l'amortissement en invoquant dans le corps de ses écritures l'article 1375 du code civil qui définit les dépenses dont le gérant d'affaire est en droit de demander le remboursement.
Il sera liminairement relevé que, si M. [O] [G] a assuré la gestion du domaine viticole, la Snc Les Domaines Jean Loron s'est pour sa part contentée d'exécuter sur ce domaine des prestations à la demande de M. [G], et qu'elle n'a pas la qualité de gérant d'affaire.
Surtout, aux termes de l'article 954 du code de procédure civile alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Or Mme [W] reconnaît expressément dans le corps de ses écritures qu'elle devait à la Snc la somme de 152 847,02 €, soit la moitié de 305 694,05 €, somme à partir de laquelle elle demande dans le dispositif de ses conclusions la restitution de la somme de 71 914,99 € compte tenu du versement effectué par l'administrateur ad hoc.
Il s'en déduit que le débat introduit par Mme [W] dans ses motifs est inutile.
La Snc Les Domaines Jean Loron demande pour sa part qu'aux 305 694,05 € retenus par l'expert soit ajoutée la somme de 107 595,03 € correspondant selon elle à des factures concernant directement l'indivision et qu'elle dit avoir payées pour son compte, l'indivision ne disposant pas de compte bancaire.
Il sera en premier lieu relevé que la Snc, invoquant le paiement effectué le 4 avril 2014 par Maître [N], administrateur ad hoc de l'indivision, soutient que dès lors que ces factures étaient incluses dans la somme ainsi réglée et que Mme [W] n'a jamais contesté ce paiement, elle ne peut plus le faire. Or puisque la Snc, malgré ce versement, a maintenu l'action en paiement qu'elle avait engagée à l'encontre de Mme [W] (en demandant à la cour dans le dispositif de ses conclusions du 16 mai 2017 de constater que l'indivision n'avait pas réglé les factures dues (!) et de condamner Mme [W] à lui verser en deniers ou quittances 224 762,02 €), il s'en déduit implicitement qu'elle considérait elle-même qu'une contestation restait possible et qu'il convenait de conforter ce paiement par l'obtention d'un titre.
Surtout, la Snc n'explique pas pour quel motif elle n'a pas fait valoir devant l'expert judiciaire ces dépenses qui nécessairement apparaissaient dans sa comptabilité, même si elles ne constituaient pas des charges afférentes à son activité, alors que la mission de l'expert portait sur "les dépenses effectuées par la Snc" pour le compte de l'indivision.
La Snc, qui, pour la première fois depuis le début de la procédure qu'elle a initiée en juin 2013, fait état de ces paiements distincts de ceux résultant de l'exécution des travaux réalisés pour le compte de l'indivision, est aujourd'hui mal fondée à demander la prise en compte de dépenses qu'elle n'a pas soumises aux vérifications de l'expert judiciaire sans explication valable.
Il ne peut pas plus être fait droit à sa demande d'expertise complémentaire qui ne ferait que retarder encore plus la décision à intervenir sur la demande de remboursement formée par Mme [W] depuis 2014.
Il est établi que l'administrateur ad hoc de l'indivision a versé à la Snc Les Domaines Jean Loron le 4 avril 2014 la somme de 449 524,02 €, soit 224 762,01 € pour le compte de Mme [W]. Si effectivement, dans un courrier du 12 novembre 2013, l'administrateur a demandé à Mme [W] l'autorisation de régler des dépenses pour le compte de l'indivision, la lecture de ce courrier ne permet nullement de retenir que la nature et le détail de ces dépenses étaient ainsi connus de l'indivisaire et qu'en ne s'opposant pas à ces paiements, celle-ci les aurait implicitement validés.
La cour par ailleurs a d'ores et déjà retenu qu'une partie des sommes réclamées par la Snc étaient atteinte par la prescription pour la période antérieure au 27 juin 2008 (soit 4 années), et d'autre part qu'une expertise était nécessaire pour vérifier les autres sommes demandées.
Mme [W] relève également à juste titre que le grand livre communiqué à son conseil relatif aux comptes achats de travaux et de services de l'indivision ne comporte par la mention du paiement litigieux, et ne permet en conséquence pas de vérifier les sommes ainsi acquittées.
Si Maître [N] a adressé au président du tribunal de grande instance de Mâcon son rapport de fin de mission le 12 mai 2015, rapport qui mentionne le paiement litigieux et qui a été communiqué aux deux co-ïndivisaires, et si ses honoraires ont été taxés le 28 mai suivant sans contestation de la part de ces derniers, il ne peut en être tiré aucune conclusions dès lors que Mme [W] ne conteste pas l'existence de ce paiement ni que l'administrateur a réalisés les prestations dont il demandait la rémunération, mais entend uniquement obtenir la restitution de l'indu.
Il ne peut sans ces conditions qu'être fait droit à sa demande de remboursement de la somme de 71 914,99 €. Cette somme produira intérêts à compter des conclusions déposées le 8 novembre 2019 qui pour la première fois formulaient la demande de remboursement.»
1) ALORS QUE l'expertise n'a pour objet que d'éclairer le juge sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ; que, pour écarter le moyen de la société Les Domaines Jean Loron portant sur les sommes qu'elle avait payées pour le règlement de dettes de l'indivision et qui n'étaient pas incluses dans le décompte établi par l'expert, la cour d'appel a retenu que cette société était "mal fondée à demander la prise en compte de dépenses qu'elle n'avait pas soumises aux vérifications de l'expert judiciaire sans explication valable"; qu'en statuant ainsi, tandis que, l'expert n'ayant pas pour mission de se substituer au juge dans l'examen des moyens présentés par les parties, la cour d'appel qui était tenue d'examiner elle-même les moyens et pièces produits devant elle, quand bien même ils n'auraient pas été soumis à l'expert, a violé l'article 232 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'il incombe au juge de se prononcer lui-même sur les éléments soumis à son examen ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen de la société Les Domaines Jean Loron relatif aux sommes qu'elle avait payées pour le règlement de dettes de l'indivision et qui n'étaient pas incluses dans le décompte établi par l'expert, la cour d'appel a retenu que cette société était "mal fondée à demander la prise en compte de dépenses qu'elle n'avait pas soumises aux vérifications de l'expert judiciaire sans explication valable" ; qu'en refusant ainsi d'examiner ellemême les éléments qui lui étaient présentés, faute qu'ils aient été soumis préalablement à l'expert, la cour d'appel a violé l'article 1353 devenu 1382 du code civil ;
3) ALORS QUE pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves jusqu'à la clôture de l'instruction ; qu'en l'espèce, pour écarter le moyen de la Snc Les Domaines Jean Loron relatif aux sommes qu'elle avait payées pour le règlement de dettes de l'indivision et qui n'étaient pas incluses dans le décompte établi par l'expert, la cour d'appel a jugé que "la SNC, qui, pour la première fois depuis le début de la procédure qu'elle a initiée en juin 2013, fai[sait] état de ces paiements distincts de ceux résultant de l'exécution des travaux réalisés pour le compte de l'indivision, [était] mal fondée à demander la prise en compte de dépenses qu'elle n'a[vait] pas soumises aux vérifications de l'expert judiciaire sans explication valable " ; qu'en statuant ainsi, quand la société Les Domaines Jean Loron, dont l'exposant appuyait les prétentions dont il reconnaissait le bien-fondé, pouvait, à hauteur d'appel, et même après l'expertise, invoquer de nouveaux moyens et produire de nouvelles pièces au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé l'article 563 du code de procédure civile.