LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu' ayant souverainement retenu que l'écrit remis par M. Xavier X... à Mme Y..., pour lui permettre de solliciter un permis de construire, ne pouvait s'analyser comme une validation a posteriori et rétroactive du bail commercial consenti sans son accord le 1er juin 1998, et que la requalification du contrat en bail d'habitation n'impliquait pas que la qualification de bail emphytéotique donnée par les parties fût constitutive d'une fraude privant le bailleur du droit d'invoquer les effets de la juste qualification du contrat, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que le bail comportait l'accord du bailleur pour la cession et la location des biens par le preneur ni l'autorisation pour celui-ci d'exercer à titre professionnel une activité d'hébergement de chevaux, a, sans dénaturation, pu en déduire que la résiliation du bail pour manquement par les locataires à leurs obligations, était justifiée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne, ensemble, Mmes Z... et A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, ensemble, Mmes Z... et A... à payer à M. Xavier X... la somme de 2 500 euros et à Mme Y..., la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mmes Z... et A... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux conseils pour Mmes A... et Z...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les conventions conclues le 1er juin 1998 entre mesdemoiselles Z... et A..., d'une part, et mademoiselle Y..., d'autre part, relevaient du statut des baux commerciaux, d'avoir dit que la convention conclue les 20 octobre 1995 et 3 septembre 1996 entre messieurs X..., d'une part, et monsieur B..., d'autre part, relevait du statut des baux d'habitation tel qu'il est prévu par la loi du 6 juillet 1989, d'avoir prononcé la résiliation de la convention précitée et de la cession de bail consentie le 2 juin 1998 par monsieur B... à mesdemoiselles Z... et A..., et d'avoir ordonné l'expulsion de mesdemoiselles Z... et A... et de tous occupants de leur chef de l'immeuble sis ... appartenant aux consorts X... ;
AUX MOTIFS QUE mesdemoiselles Z... et A... contestent la résiliation de leur contrat de bail d'habitation fondée sur le fait que le bailleur n'est pas intervenu à la sous-location consentie par elles le 1er juin 1998 au bénéficie de madame Y... ; que sans méconnaître que la qualification de bail emphytéotique des conventions conclues le 20 octobre et le 3 septembre 1996 n'était pas juridiquement correcte, elles invoquent que l'application de la loi du 6 juillet 1989 à cette relation contractuelle permet de laisser subsister des dispositions de l'ancienne convention ; que notamment elles estiment que l'obligation de l'autorisation écrite du bailleur imposée par l'article 8 de la loi du 6 juillet 1989 étant une disposition visant à protéger le bailleur, elle n'est pas d'ordre public, de sorte que les dispositions antérieures du bail emphytéotique qui autorise de telles souslocations de la part du preneur demeurent applicables à la relation des parties ; que la loi de 1989 est d'ordre public et que, réalisant un équilibre difficile entre les intérêts de bailleurs et ceux des preneurs, elle ne laisse que peu de place à la liberté contractuelle ; qu'il ne suffit pas d'estimer que cette loi ne tend qu'à la protection des preneurs pour valider toutes les clauses qui seraient à leur bénéfice exclusif ; qu'en l'occurrence l'obligation imposée par l'article 8 de cette loi de soumettre toute sous-location à l'accord « écrit » du bailleur est manifestement une clause d'ordre public destinée à protéger ce dernier contre les manoeuvres tendant à lui imposer, par le biais d'une souslocation passée à son insu, un occupant des lieux qui n'aurait pas son agrément et à faire ainsi échec à l'intuitu personae, caractéristique essentielle du bail d'habitation ;
1°) ALORS QUE si, aux termes des articles 2 et 8 de la loi du 6 juillet 1989, la cession et la sous-location du bail sans l'autorisation écrite du bailleur est prohibée, cette autorisation peut avoir été donnée préalablement, dans le bail ; qu'ainsi, ayant constaté que le bail cédé à mesdemoiselles Z... et A... avec le consentement des consorts X... stipulait expressément l'accord du bailleur pour la cession et la location des biens par le preneur, la cour d'appel a violé les articles 2 et 8 précités ;
2°) ALORS QU' à la date de la sous-location litigieuse, à laquelle le juge devait se placer pour apprécier l'existence d'un manquement de nature à justifier la résiliation du contrat, le bail cédé à mesdemoiselles Z... et A..., qui avait été qualifié d'emphytéotique par les bailleurs euxmêmes, autorisait la cession et la sous-location de l'immeuble litigieux ; qu'à cette date, antérieure à la requalification du bail par le juge, la sous-location sans l'autorisation des bailleurs, conforme aux stipulations du bail, ne pouvait dès lors constituer un manquement de nature à justifier sa résiliation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil ;
3°) ALORS QUE le contrat doit être exécuté de bonne foi ; que s'ils pouvaient demander la requalification du bail en bail d'habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989, les bailleurs, qui avaient volontairement qualifié le bail conclu avec monsieur B... de bail emphytéotique et expressément écarté l'application à ce bail des dispositions de la loi du 6 juillet 1989, ne pouvaient, sans se contredire et manquer à l'obligation de bonne foi et de cohérence, reprocher aux cessionnaires du bail un manquement antérieur à cette requalification, tiré d'une violation des dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS qu'il y a lieu de qualifier la convention de bail du 1er juin 1998 portant sur le centre équestre, en bail commercial, en application de l'article L 145-2 du Code de commerce selon lequel les baux des locaux ou immeubles abritant des établissements d'enseignement relèvent du statut protecteur des baux commerciaux ; que le bail emphytéotique stipule que « les biens loués sont exclusivement destinés à l'habitation » et qu' « en outre les dépendances pourront être utilisées pour l'hébergement de chevaux à charge pour le preneur de se conformer à la législation et à la réglementation en vigueur » ; qu'il en résulte que ni les preneuses ni toute autre personne même dûment autorisée par ces dernières n'étaient habilitées à exercer une activité professionnelle quelconque dans les lieux loués par les consorts X... ; que l'exploitation d'un établissement d'enseignement de l'équitation par madame Y... autorisée par les preneuses contrevient ainsi directement aux stipulations contractuelles du bail cédé, qui sera résilié ;
1°) ALORS QU'ainsi que la cour d'appel l'a constaté, le bail cédé à mesdemoiselles Z... et A... autorisait expressément l'utilisation des dépendances pour l'hébergement de chevaux conformément à la législation et à la réglementation en vigueur ; que ce bail autorisait par conséquent l'exercice de l'activité professionnelle d'hébergement de chevaux ; qu'en énonçant que le bail cédé à mesdemoiselles Z... et A... interdisait l'exercice d'une activité professionnelle « quelconque» dans les lieux loués, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce bail et violé l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QU' en se fondant, pour prononcer la résiliation du bail, sur le manquement à une interdiction prétendue d'exercer une activité professionnelle « quelconque », sans rechercher si, compte tenu de l'autorisation d'exercer l'activité professionnelle d'hébergement de chevaux, l'exploitation d'un centre équestre pour l'enseignement de l'équitation – activité dont la cour d'appel a constaté qu'elle n'était pas commerciale – pouvait être considéré comme une méconnaissance de la destination des lieux loués de nature à justifier la résiliation du bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1728, 1729 et 1184 du Code civil ;
ET AUX MOTIFS QUE selon mesdemoiselles Z... et A..., le bailleur, monsieur X..., aurait en outre donné son autorisation à cette sous-location commerciale réalisée le 1er juin 1998 ; qu'elles produisent en effet une lettre de ce dernier en date du 10 juin 2002 exposant : « Je soussigné Xavier X..., usufruitier de la propriété dont fait partie le club hippique du Moulin du Roy à Senlis, autorise mademoiselle Catherine Y..., en sa qualité de locataire, à entreprendre les travaux qu'elle m'a présentés pour lesquels elle dépose une déclaration auprès de la mairie de Senlis » ; que selon mesdemoiselles Z... et A..., cet écrit établit, sinon que monsieur X... a autorisé liminairement cette sous-location, du moins qu'il l'a agréée postérieurement et par là validée en application de l'article 1338 du Code civil ; que la cour observe que cet écrit, rédigé quatre ans après la sous-location litigieuse pour permettre à madame Y... de présenter une demande de permis de construire à la mairie pour édifier des ouvrages nécessaires à l'exploitation de son centre équestre et pour lesquels l'accord du propriétaire était nécessaire, s'il établit que monsieur X... avait, au moins à compter du jour de cet écrit, connaissance de sa présence sur les lieux comme « locataire » au statut indécis, il ne saurait s'analyser comme une validation a posteriori et rétroactive du bail commercial consenti le 1er juin 1998 sans son accord et lui interdisant de revenir sur la tolérance qu'il avait jusque là manifestée au maintien dans les lieux de madame Y... ; que mesdemoiselles Z... et A... n'établissent pas l'accord de monsieur X... à la sous-location qu'elles ont consentie à madame Y..., de sorte que la résiliation de leur propre bail d'habitation pour manquement à leurs obligations envers le bailleur est parfaitement justifiée ;
ALORS QUE la confirmation, la ratification ou l'exécution volontaire d'une obligation contre laquelle la loi admet une action en nullité emporte renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le bailleur, en connaissance de cause de la sous-location et de son objet à savoir l'exploitation d'un centre hippique, était activement intervenu pour autoriser des travaux destinés à permettre au sous-locataire de jouir des biens loués conformément à leur destination de centre équestre, ce dont il résulte qu'il avait clairement accepté et ratifié la sous-location litigieuse, dont il avait même permis l'exécution en connaissance de cause de l'activité professionnelle exercée dans les lieux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1338 du Code civil.