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05/10/2010 | FRANCE | N°09-71679

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 octobre 2010, 09-71679


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1995, le Crédit industriel de l'ouest (la banque) a mis fin à des concours financiers accordés à M. X... ; que par jugements des 17 janvier et 3 février 1997, ce dernier a été mis en redressement puis liquidation judiciaires, Mme Y... é

tant nommée liquidateur ; que par un arrêt du 17 février 2007, devenu irrévocabl...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1995, le Crédit industriel de l'ouest (la banque) a mis fin à des concours financiers accordés à M. X... ; que par jugements des 17 janvier et 3 février 1997, ce dernier a été mis en redressement puis liquidation judiciaires, Mme Y... étant nommée liquidateur ; que par un arrêt du 17 février 2007, devenu irrévocable, la banque a été condamnée à payer au liquidateur des dommages-intérêts en raison de son comportement fautif dans l'octroi et le maintien des concours financiers ; que le liquidateur a saisi la juridiction des référés pour obtenir le versement d'une provision égale au montant de la condamnation prononcée par l'arrêt du 17 février 2007 ;

Attendu que pour juger n'y avoir lieu à référé sur les demandes du liquidateur judiciaire, l'arrêt se borne, au titre de sa motivation, à reproduire les conclusions d'appel de la banque et de son assureur ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société Crédit industriel de l'ouest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Crédit industriel de l'ouest à payer à Mme Y..., ès qualités, la somme de 2 500 euros, rejette les demandes de la société Crédit industriel de l'Ouest et de la société Gan Eurocourtage Iard ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour Mme Y..., ès qualités.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé et d'avoir rejeté les demandes de maître Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de monsieur X..., contre le CIO en paiement d'une provision de 1.862.885,15 € au titre de l'insuffisance d'actif ;

AUX MOTIFS QUE par arrêt de la cour d'appel de Caen du 15 février 2007, statuant sur renvoi de la Cour de cassation, le CIO a été condamné à « payer à maître Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de monsieur X..., la totalité de l'insuffisance d'actif de ce dernier » ; qu'aucun commandement de payer n'a été délivré au CIO pour l'exécution de cette décision, la créance ne pouvant être liquidée et exécutée qu'après détermination de l'insuffisance d'actif ; que tout en reconnaissant que cette insuffisance d'actif n'est pas déterminée en l'état de la liquidation judiciaire, maître Y... a saisi le président du tribunal de commerce de Saint-Brieuc statuant en référé aux fins de voir le CIO condamné à payer, à titre provisionnel, une somme de 1.862.885,15 € « correspondant à l'insuffisance d'actif, constatée au jour du jugement de liquidation judiciaire », majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2007 et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard ; que le CIO a soulevé « l'incompétence » du président du tribunal de commerce statuant en référé pour statuer sur une telle demande ; que maître Y... prétend que la discussion sur la compétence ne serait pas recevable dans la mesure où le CIO ne désignerait pas la juridiction compétente pour connaître de cette demande ; que toutefois, la discussion sur le « pouvoir » du juge des référés n'est pas une discussion sur sa « compétence », exception de procédure devant être soulevée in limine litis en désignant la juridiction compétente, mais une contestation de fond susceptible d'être soulevée en tout état de cause ; que le CIO soutient à juste titre que le juge des référés du tribunal de commerce de Saint-Brieuc n'a pas la « compétence juridictionnelle » pour liquider au fond une créance dont seul le principe a été posé par la cour d'appel de Caen et que, ce faisant, il a excédé ses pouvoirs ; que ni le tribunal de commerce, ni le juge des référés de cette juridiction ne sont habilités à statuer sur ce qui constitue une difficulté d'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Caen ; que le président du tribunal de commerce n'a pas pouvoir pour connaître en référé des difficultés soulevées par l'exécution d'un titre ou d'un jugement (spécialement d'un jugement du tribunal de commerce, Cass. 2ème civ., 8 juin 1977, observ. Julien) ; que le président du tribunal de grande instance est, en effet, seul à même de connaître en référé des difficultés d'exécution des titres exécutoires et des jugements (CPC, art. 811) ; que l'article 877 du Code de procédure civile ne fait que tirer la conséquence logique du principe qui veut que les juridictions spécialisées ne puissent statuer sur les difficultés d'exécution de leurs propres décisions ; que maître Y... prétend que le défaut de liquidité de sa créance ne constituerait pas une difficulté d'exécution du jugement dans la mesure où elle ne disposerait pas d'un titre exécutoire et n'aurait mis en oeuvre aucune mesure d'exécution qui puisse être discutée ; que l'article 811 du Code de procédure civile, qui attribue compétence exclusive au président du tribunal de grande instance pour connaître des difficultés d'exécution des jugements, ne vise pas les difficultés de mise en oeuvre des voies d'exécution mais la mise en exécution même des jugements ; que s'agissant d'un arrêt de la cour d'appel, il doit être fait référence à l'article 570 du même code disposant : « l'exécution de l'arrêt d'appel appartient à la juridiction qui a statué en premier ressort ou, si cette dernière ne peut connaître de l'exécution de ses décisions, au tribunal de grande instance » ; que l'absence de liquidation de la créance constitue donc une difficulté dans la mise en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Caen, et qu'il ne revenait pas au juge des référés du tribunal de commerce de Saint-Brieuc de connaître de cette difficulté ; que l'existence même d'une procédure de liquidation judiciaire interdisait, au surplus, la saisine du juge des référés du tribunal de commerce ; que la compagnie Gan rappelle à juste titre que l'arrêt de la cour d'appel de Caen en date du 15 février 2007 qui pose difficulté, ne liquide pas le préjudice allégué et fait observer que seul le juge de l'exécution est en mesure de connaître la demande formulée par maître Françoise Y... ; que compte tenu des éléments ci-dessus développés et de la discussion instaurée par le CIO sur le caractère liquide et certain de la créance, il convient de dire, réformant la décision déférée, n'y avoir lieu à référé, et de rejeter les demandes de maître Y..., ès qualités ; que l'existence en l'espèce de l'obligation est, au moins, sérieusement contestable au sens de l'article 873 du Code de procédure civile ;

1°/ ALORS QUE l'arrêt qui se borne au titre de sa motivation à reproduire sur tous les points en litige les conclusions d'appel de la partie aux prétentions de laquelle il fait droit ne statue que par une apparence de motivation faisant peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction ; qu'en se bornant à reproduire les conclusions du CIO et, pour un paragraphe, les conclusions de la compagnie Gan, pour débouter le liquidateur judiciaire de monsieur X... de ses demandes, la cour d'appel, qui n'a pas sérieusement examiné les faits de la cause en statuant par cette apparence de motivation, a méconnu son obligation d'impartialité ; qu'elle a ainsi violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 455 et 458 du Code de procédure civile ;

2°/ ALORS, subsidiairement, QUE le juge ne peut appliquer une disposition légale ou réglementaire abrogée à des évènements postérieurs à cette abrogation ; que la cour d'appel s'est fondée sur l'article 811 du Code de procédure civile, dont il résulterait que le président du tribunal de grande instance est seul à même de connaître en référé des difficultés d'exécution des titres exécutoires et des jugements, pour affirmer que le président d'un tribunal de commerce n'avait pas pouvoir pour connaître en référé de telles difficultés ; qu'en statuant ainsi, tandis que l'arrêt sur lequel se fondait le liquidateur datait du 15 février 2007 et que l'article 811 qui prévoyait la compétence du président du tribunal de grande instance a été abrogé par l'article 305 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, la cour d'appel a appliqué au litige une disposition abrogée, violant ainsi les articles 305 du décret du 31 juillet 1992 et 1er du Code civil ;

3°/ ALORS, encore subsidiairement, QUE, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce agissant en référé peut accorder une provision au créancier ; que dans la mesure où l'arrêt du 15 février 2007 se bornait à condamner le CIO à payer au liquidateur judiciaire la totalité de l'insuffisance d'actif, mais sans condamner la banque au paiement d'une somme d'argent, le juge des référés, qui n'était pas saisi d'une difficulté d'exécution, avait le pouvoir de condamner la banque à payer une provision à ce titre, dans la limite du montant non sérieusement contestable ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 873 du Code de procédure civile, ensemble les articles 2 et 4 de la loi du 9 juillet 1991 ;

4°/ ALORS, en tout état de cause, QUE pour les procédures collectives relevant de la loi du 25 janvier 1985, l'action en paiement de l'insuffisance d'actif n'est pas née de la procédure collective et n'est pas soumise à l'influence juridique de cette procédure ; qu'en affirmant cependant que la liquidation judiciaire de monsieur X..., prononcée en 1997, interdisait la saisine du juge des référés du tribunal de commerce à cette fin, la cour d'appel a violé l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 en sa rédaction applicable en l'espèce.
Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-71679
Date de la décision : 05/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 17 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 oct. 2010, pourvoi n°09-71679


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Defrenois et Levis, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.71679
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