LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 mars 2009), que la société Kiabi, assurée en police dommages-ouvrage auprès de la société Allianz, aux droits de laquelle se trouve la société AGF, a fait édifier un bâtiment à usage commercial ; que les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 18 avril 1990 ; que, le 12 mai 1998, la société Kiabi a déclaré un sinistre constitué par une désolidarisation du carrelage ; qu'une décision de référé du 25 avril 2000 a ordonné une expertise et condamné la société Allianz à payer une provision à la société Kiabi ; que la société Allianz a assigné M. X..., maître d'oeuvre, son assureur la société Mutuelle des architectes français (MAF), la société Bureau Véritas, son assureur la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), et la société Groupama, assureur de la société Comin chargée du lot carrelage, en paiement de la provision réglée au maître de l'ouvrage ;
Sur le moyen unique, qui est recevable :
Vu l'article L. 121-12 du code des assurances, ensemble les articles 2244 ancien du code de procédure civile et 126 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action de la société AGF contre M. X... et la société MAF et pour déclarer irrecevable l'action de la société AGF contre la société Bureau Véritas, la société SMABTP et la société Groupama, l'arrêt retient que l'assureur dommages-ouvrage n'ayant réglé le montant de la provision mise à sa charge par le juge des référés qu'à la date du 26 mai 2000, l'assureur n'avait pu interrompre par la délivrance des assignations en référé le délai de la garantie décennale dès lors qu'il n'avait été subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage que postérieurement à l'expiration du délai de dix ans et que la prescription était acquise au jour de la saisine du juge du fond ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la société AGF avait fait assigner les constructeurs et leurs assureurs devant le juge des référés, avant le 18 avril 2000, date d'expiration du délai décennal, qu'elle les avait assignés au fond par actes des 31 mars, 1er et 6 avril 2005, moins de dix ans après l'ordonnance de référé du 25 avril 2000 et qu'à la date de ces assignations au fond, elle avait la qualité de subrogée pour avoir réglé la provision le 26 mai 2000, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. X..., la société MAF, la société Bureau Véritas, la société SMABTP et la société Groupama aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X..., la société MAF, la société Bureau Véritas, la société SMABTP et la société Groupama à payer, ensemble, la somme de 2 500 euros à la société Alianz IARD, aux droits de la société Assurances générales de France ; rejette les autres demandes de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Allianz IARD
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé partiellement le jugement en ce qu'il avait déclaré l'action de la compagnie AGF irrecevable à l'égard de Monsieur X... et de la MAF et d'avoir déclaré irrecevable l'action de la compagnie AGF dirigée à l'encontre du Bureau Véritas, de la SMABTP et de la Caisse Régionale Groupama Grand Est ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l‘action de l'assureur dommages-ouvrage engagée contre les responsables des dommages dont il doit assurer le préfinancement avant l'expiration du délai de forclusion décennale est recevable bien qu'il n'ait pas eu au moment de la délivrance de son assignation la qualité de subrogé de son assuré, faute de l'avoir indemnisé, dès lors qu'il a payé l'indemnité à celui-ci avant que le juge du fond n'ait statué ; qu'il est établi que la réception de l'ouvrage est intervenue le 18 avril 1990 et que le délai de la garantie décennale expirait le 18 avril 2000 ; qu'en l'état de l'instance en référé initiée par la société Kiabi, la compagnie AGF assureur dommages-ouvrage a fait assigner en garantie les constructeurs suivant exploits des 25 et 28 février 2000 ; que l'assureur dommages-ouvrage, recevable à agir à l'encontre des constructeurs du fait de ces assignations délivrées dans le délai de dix ans, n'en a pas moins réglé le montant de la provision mise à sa charge par le juge des référés qu'à la date du 26 mai 2000 ; que de ce fait, l'assureur n'a pas pu interrompre par la délivrance des assignations en référé le délai de la garantie décennale en ce qu'il n'a été subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage que postérieurement à l'expiration du délai de dix ans ; que dès lors qu'au jour de la saisine du juge du fond, la prescription était acquise, l'irrecevabilité des demandes de la compagnie AGF s'impose à l'égard des demandes formulées à l'encontre des constructeurs et de leurs assureurs ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 2270 du Code civil dispose que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement des articles 1792 à 1792-4 du Code civil, est déchargée des responsabilités pesant sur elle en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou à l'expiration du délai fixé à l'article 1792-3 du Code civil ; qu'en l'espèce, compte tenu de la date de réception de l'ouvrage, soit le 18 avril 1990, l'action fondée sur la garantie décennale devait être engagée avant le 18 avril 2000, sauf justification d'une interruption de ce délai ; que par exploits d'huissier en date des 25 février 2000, la société AGF IART a assigné en référé les différents intervenants à l'opération de construction et leurs assureurs respectifs pour être relevée et garantie de la demande formulée par la société Kiabi en condamnation en paiement d'une provision, sur le fondement de la présomption de responsabilité de l'article 1792 du Code civil, et participer à l'expertise ; qu'il est constant qu'à cette date elle n'était pas encore subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage, puisque le paiement n'est intervenu qu'en mai 2000 ; qu'il en résulte que ces assignations en référé n'ont pu avoir de valeur interruptive de prescription des délais dont disposait le maître de l'ouvrage et que l'assignation au fond de Monsieur X... et la MAF effectuée respectivement le avril et le 31 mars 2005 par la société AGF IART, qui seule peut être prise en considération, est tardive ; que Monsieur X... et la MAF se prévalent en conséquence à juste titre de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, qui n'était pas acquise lors de l'assignation en référé et qu'ils ne pouvaient donc alors soulever ;
ALORS QU'est recevable l'action engagée avant l'expiration du délai de forclusion décennale par un assureur contre les responsables des dommages dont ils doivent garantie, bien qu'il n'ait pas eu, au moment de la délivrance de son assignation, la qualité de subrogé de son assuré faute de l'avoir indemnisé, dès lors qu'il a payé l'indemnité due à son assuré avant que le juge du fond n'ait statué ; que l'assignation en référé délivrée aux constructeurs responsables et à leurs assureurs de responsabilité décennale par l'assureur dommages-ouvrage avant paiement par celui-ci de l'indemnité d'assurance est interruptive de prescription, peu important que la subrogation n'intervienne qu'après que le juge des référés a statué, dès lors qu'elle est intervenue avant que le juge saisi de l'affaire au fond ait statué ; qu'en déclarant l'action de la compagnie AGF irrecevable, après avoir constaté qu'elle avait fait assigner les constructeurs et leurs assureurs en garantie devant le juge des référés avant le 18 avril 2000, date d'expiration du délai décennal, qu'elle les avait assignés au fond par actes des 31 mars, 1er et 6 avril 2005, soit moins de dix ans après l'ordonnance de référé rendue le 25 avril 2000, et qu'à la date de ces assignations au fond, elle avait la qualité de subrogée dans les droits de son assuré pour avoir réglé l'indemnité le 26 mai 2000, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles L. 121-12 du Code des assurances et 126, alinéa 1er du Code de procédure civile.