Mme B... A..., l'association France Nature Environnement des Bouches-du-Rhône (FNE 13) et le comité d'intérêt de quartier de l'Eure les Rampals ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 21 janvier 2020 par lequel le maire de Marseille a délivré à la Sarl Saint-Christophe un permis d'aménager quatre lots sur un terrain situé 90, avenue des peintres Roux, dans le 12ème arrondissement. Par une ordonnance n° 2005555 du 25 août 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu l'exécution de cet arrêté.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 22 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Sarl Saint-Christophe demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par Mme A..., l'association FNE 13 et le comité d'intérêt de quartier de l'Eure les Rampals ;
3°) de mettre à la charge de l'association FNE 13 la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a entaché son ordonnance :
- d'erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier en estimant que la requête tendant à l'annulation du permis d'aménager n'était pas tardive ;
- d'erreur de droit en jugeant que, dès lors que l'affichage était irrégulier, les requérants n'étaient pas tenus au respect de l'article R 600-1 du code de l'urbanisme qui prévoit l'obligation de notifier le recours aux défendeurs dans un délai de quinze jours, alors qu'ils avaient eu connaissance de la décision et avaient exercé un recours administratif à son encontre ;
- d'insuffisance de motivation en ne répondant pas à l'argumentation tirée de ce que la requête en annulation avait été notifiée à une société domiciliée à Rennes, et non à la Sarl Saint-Christophe ;
- de dénaturation en estimant qu'était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée le motif tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le plan local d'urbanisme en ce qu'il classe en zone constructible le terrain d'assiette du projet d'aménagement ;
- d'erreur de droit en retenant comme sérieux le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont étaient entachés les documents d'urbanisme antérieurs, alors que ce moyen n'était assorti d'aucune précision ni d'aucune preuve ;
- d'erreur de droit en retenant comme sérieux le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont étaient entachés les documents d'urbanisme antérieurs, alors qu'il n'appartient pas au juge des référés de procéder à un tel contrôle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Roulaud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Saint-Christophe et à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de l'association FNE 13 ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Saint-Christophe se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 25 août 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de l'arrêté du 21 janvier 2020 par lequel le maire de Marseille lui a délivré un permis d'aménager quatre lots sur un terrain situé 90, avenue des peintres Roux, dans le 12ème arrondissement de Marseille.
Sur la recevabilité de la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2020 :
2. Si la requête tendant à l'annulation du ou des actes administratifs dont la suspension est demandée est irrecevable, aucun des moyens présentés au soutien d'une requête formée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité du ou des actes administratifs contestés.
3. L'article R. 424-15 du code de l'urbanisme dispose que : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable ". Aux termes de l'article A. 424-18 du même code : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier ".
4. En premier lieu, pour juger que le délai de recours n'avait pas commencé à courir à l'encontre de l'arrêté litigieux du 21 janvier 2020, le juge des référés du tribunal administratif a retenu que le panneau d'affichage du permis n'avait pas été placé dans un lieu accessible aux piétons et que, par suite, les renseignements qu'il comportait n'étaient pas lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article A. 424-18 du code de l'urbanisme. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'a, en procédant ainsi, entaché sa décision ni d'erreur de droit, ni de dénaturation.
5. En deuxième lieu, si l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre une autorisation d'urbanisme montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux dispositions prévues en la matière par le code de l'urbanisme, un tel recours ne permet pas, en revanche, de considérer que celui qui l'exerce a eu connaissance de l'obligation de le notifier à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis prévue, à peine d'irrecevabilité, par l'article R. 600-1 du code l'urbanisme. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le défaut d'affichage régulier du permis litigieux faisait obstacle à ce que soit opposée à l'association FNE 13 l'irrecevabilité prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.
6. En dernier lieu, il ressort des termes de l'ordonnance attaquée que le motif par lequel le juge des référés a estimé que l'obligation de notification prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme avait, en tout état de cause, été respectée présentait un caractère surabondant. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'ordonnance sur ce point doit être écarté comme inopérant.
Sur les autres moyens du pourvoi :
7. En premier lieu, en jugeant que le moyen tiré de ce que le classement du terrain d'assiette du permis litigieux en zone constructible par le plan local d'urbanisme était entaché d'erreur manifeste d'appréciation était propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant la légalité de l'arrêté attaqué, le juge des référés n'a pas entaché sa décision de dénaturation.
8. En deuxième lieu, il ne peut être utilement soutenu devant le juge, à l'appui d'une demande d'annulation ou de suspension de l'exécution d'une autorisation d'urbanisme, qu'elle a été délivrée sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal - sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l'article L. 600-1 du même code -, qu'à la condition que le requérant fasse en outre valoir que ce permis méconnaît les dispositions pertinentes du document d'urbanisme immédiatement antérieur, ainsi remises en vigueur. Il en résulte qu'il appartient alors au juge des référés de vérifier, avant de retenir que le moyen tiré de l'illégalité du document d'urbanisme sur la base duquel a été prise l'autorisation litigieuse est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cet acte, que les dispositions du document d'urbanisme antérieur n'auraient manifestement pas pu légalement le fonder. Le juge des référés n'a donc pas méconnu son office en portant une appréciation sur la légalité du classement en zone constructible de la parcelle litigieuse opéré par le document d'urbanisme antérieur de la commune de Marseille.
9. En dernier lieu, il appartient au juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, comme au juge de l'excès de pouvoir, de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.
10. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l'association FNE 13 a invoqué, au soutien de son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le classement de la parcelle litigieuse en zone constructible, tant par le plan local d'urbanisme en vigueur que par le document d'urbanisme antérieur, la continuité de cette parcelle avec une zone agricole et a produit par ailleurs des plans et des photographies aériennes permettant d'apprécier l'existence de cette continuité. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés aurait commis une erreur de droit en retenant un moyen qui n'aurait été assorti d'aucune précision ni d'aucun commencement de preuve.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le pourvoi de la société Saint-Christophe doit être rejeté.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association FNE 13, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. L'association FNE 13 ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de l'association FNE 13, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la société Saint-Christophe la somme de 3 000 euros à verser à cette société.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Saint-Christophe est rejeté.
Article 2 : La société Saint-Christophe versera à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de l'association FNE 13, une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Saint-Christophe, à l'association France Nature Environnement des Bouches-du-Rhône et à la commune de Marseille.