Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 1er, 18 et 29 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Luc A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1006371 du 14 septembre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu, à la demande de l'association Institut Notre Dame, l'exécution de la décision du 18 juin 2010 du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique annulant la décision du 10 décembre 2009 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par l'association Institut Notre Dame ;
3°) de mettre à la charge de l'association Institut Notre Dame la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,
- les observations de Me Haas, avocat de M. A et de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de l'association Institut notre dame,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Haas, avocat de M. A et à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de l'association Institut Notre Dame,
Considérant que, par une décision du 18 juin 2010, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10 décembre 2009 autorisant l'association Institut Notre Dame à procéder au licenciement de M. A, exerçant les fonctions de surveillant de l'enseignement primaire et secondaire à l'Institut Notre Dame de Bourg-la-Reine et ayant la qualité de délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise ; que, par une ordonnance du 14 septembre 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande présentée par l'association Institut Notre Dame au titre des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative en ordonnant la suspension de l'exécution de cette décision ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que M. A, en tant que bénéficiaire de la décision contestée, avait la qualité de partie en défense, bien qu'ayant été appelé en cause dans cette instance de référé, à tort, comme observateur ; que, de ce fait, ce dernier n'a eu communication de la demande de l'association Institut Notre Dame que le 7 septembre 2010, soit deux jours avant l'audience ; que, par ailleurs, cette erreur l'a privé du droit, attaché à sa qualité de partie, de présenter des observations orales ou une note en délibéré à l'issue de l'audience ; que, dès lors, le juge des référés a entaché son ordonnance d'irrégularité ; que celle-ci doit, par suite, être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par l'association Institut Notre Dame, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ; que l'association Institut Notre Dame demande, sur le fondement de ces dispositions, la suspension de la décision par laquelle le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique lui a refusé l'autorisation de licencier M. A ; que, si l'association soutient que le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique aurait commis une erreur de fait et une erreur de droit en retenant que le chef d'établissement n'avait pas reçu délégation de pouvoir pour demander l'autorisation de licenciement litigieuse, le salarié oppose que les faits reprochés étaient prescrits et que, par suite, le ministre était tenu de refuser le licenciement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales et qu'aux termes de l'article L. 2422-1 du même code : Lorsque le ministre compétent annule, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié investi de l'un des mandats énumérés ci-après, ou lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Cette disposition s'applique aux salariés investis d'un des mandats suivants : / 1° Délégué syndical (...) / 3° Membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, représentant syndical au comité d'entreprise (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque le délai de deux mois ouvert par l'article L. 1332-4 du code du travail à l'employeur pour engager des poursuites disciplinaires à compter du jour où il a pleinement connaissance des faits reprochés au salarié a été régulièrement interrompu préalablement à une annulation d'une décision l'autorisant à licencier un salarié protégé, l'employeur dispose, après cette annulation, d'un délai de deux mois à compter de la réintégration du salarié, si celui-ci la demande, pour poursuivre la procédure disciplinaire pour les mêmes faits ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un jugement du 5 juin 2008, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 20 avril 2005 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. A par l'association Institut Notre Dame ainsi que la décision du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement du 7 novembre 2005 confirmant cette autorisation ; qu'après cette annulation, M. A a, sur sa demande, été réintégré dans son emploi à compter du 1er septembre 2008, le licenciement décidé sur le fondement de l'autorisation initiale du 20 avril 2005 ayant ensuite repris provisoirement effet, à la suite d'un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 27 janvier 2009 prononçant le sursis à exécution du jugement attaqué, à partir du 2 mars 2009 et jusqu'à la date de la notification de la décision de la cour administrative d'appel du 15 octobre 2009 rejetant la requête d'appel de l'association Institut Notre Dame ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des règles applicables à la prescription rappelées ci-dessus et en l'état de l'instruction, les moyens de l'association Institut Notre Dame ne paraissent pas propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;
Considérant que, l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par l'association Institut Notre Dame devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du 18 juin 2010 du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'association Institut Notre Dame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association Institut Notre Dame le versement de la somme réclamée par M. A au titre des frais de même nature ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 14 septembre 2010 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par l'association Institut Notre Dame devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de l'association Institut Notre Dame tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Luc A et à l'association Institut Notre Dame.
Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.