LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au syndicat des copropriétaires du [...] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme C..., en qualité de liquidateur de la société HDM ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 juin 2018), que Mme E..., propriétaire d'un lot à usage commercial dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a été assignée par le syndicat des copropriétaires en suppression d'un poteau que sa locataire, la société HDM, avait installé dans la chaufferie, partie commune, et en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait de la modification d'une fenêtre en façade sur cour ; que Mme E... a appelé en garantie la société HDM et M. A..., architecte ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de retenir qu'il doit exécuter les travaux de confortement du plancher, permettant d'enlever le poteau sans risque d'effondrement ;
Mais attendu qu'ayant souverainement relevé qu'il ressortait de l'expertise ordonnée en référé que la pose du poteau dans une partie commune avait été rendue nécessaire par le fléchissement du plancher bois haut du rez-de-chaussée et exactement retenu que les travaux de confortement de ce plancher incombaient au syndicat des copropriétaires, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt de le condamner à garantir Mme E... ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la faute de M. A..., qui n'avait pas informé la société HDM de la nécessité de demander l'accord de la bailleresse afin que celle-ci sollicite l'autorisation de la copropriété pour effectuer des travaux sur une partie commune, était caractérisée et qu'il devait en conséquence garantir Mme E... du préjudice qui résultait pour elle de cette absence d'autorisation, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que M. A... ait soutenu que le préjudice qu'il lui était demandé de réparer constituait une simple perte de chance, de sorte que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne le syndicat des copropriétaires du [...] et M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du syndicat des copropriétaires du [...] et de M. A... et les condamne chacun à payer à Mme E... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires du [...] , demandeur au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Madame E... ne sera tenue d'exécuter la condamnation en suppression du poteau, qu'après exécution, à la diligence du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble, de travaux de confortement du plancher, permettant d'enlever le poteau sans risque d'effondrement, à charge pour le Syndicat de lui fournir un avis technique en ce sens ;
AUX MOTIFS QUE « sur le bien fondé de la demande principale, il ressort de la clause du règlement de copropriété de l'immeuble, en date du 3 septembre 1957, figurant sous le titre A) droits et obligations des copropriétaires au paragraphe 1 ("généralités") que chaque copropriétaire est responsable, à l'égard de tout autre copropriétaire de l'immeuble, des troubles de jouissance, des fautes, des négligences et infractions aux dispositions du règlement, dont ses locataires seraient directement ou indirectement les auteurs ; que le règlement de copropriété prévoit au paragraphe 2 ("usage des parties communes") du même titre que l'aspect des choses et parties communes devra être respecté (...) sauf décision unanime de l'assemblée des copropriétaires ; qu'il en résulte que Mme E... est bien responsable des atteintes portées par son locataire aux parties communes sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, sans qu'il soit besoin de caractériser une faute personnelle de sa part ; qu'en revanche, il ressort de l'expertise que le poteau portant atteinte aux parties communes est un des éléments de travaux de confortement du plancher bois haut du rez-de-chaussée, qui ont été effectués pour suppléer à des anomalies (notamment des flèches au niveau du solivage) révélées par un diagnostic de ce plancher, réalisé par le BET Volume et Image le 31 octobre 2008 ; que l'expert a précisé que les travaux effectués n'étaient pas susceptibles d'aggraver la stabilité et la solidité de l'immeuble, mais confortaient bien ce plancher ; qu'il a ajouté que le poteau ne pouvait être supprimé sans porter atteinte à la stabilité de l'ouvrage ; qu'il appartient donc à la copropriété, qui est responsable des anomalies du plancher, partie commune, mises en évidence par le BET Volume et Image et qui forme pour seule demande celle de suppression du poteau, de faire procéder elle-même à des travaux de confortement du plancher, permettant à Mme E... d'enlever le poteau sans risque d'effondrement ; qu'en conséquence, il convient de dire que Mme E... ne sera tenue d'exécuter la condamnation prononcée par le tribunal en suppression du poteau, qu'après exécution, à la diligence du syndicat des copropriétaires, de travaux de confortement du plancher, permettant d'enlever le poteau sans risque d'effondrement, à charge pour le syndicat de lui fournir un avis technique en ce sens ; que compte tenu des travaux préalables à engager par le syndicat et de l'avis technique à fournir à Mme E..., il n'y a pas lieu d'assortir ladite condamnation d'une astreinte » ;
ALORS QU' en retenant, pour mettre à la charge du Syndicat des copropriétaires la réalisation des travaux de confortement du plancher et la fourniture d'un avis, permettant d'enlever le poteau sans risque d'effondrement, que les travaux de confortement avaient été effectués pour suppléer à des anomalies dont la copropriété était responsable, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, les constatations de l'expert (p. 15 du rapport), qui indiquaient que « ce renforcement était sans doute nécessaire pour l'activité de la SARL HDM, qui créait une surcharge du plafond par le renforcement de l'isolation acoustique, d'ailleurs prise en compte dans la note de calcul du BET », ce dont il s'inférait que c'est bien la SARL HDM qui avait, par ses travaux d'isolation, rendu nécessaire le renforcement du plancher et que ces travaux ne pouvaient s'analyser comme des travaux d'entretien de l'immeuble à la charge de la copropriété, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 et 25 b) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. A..., demandeur au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné monsieur A... à garantir madame E... du coût des travaux à sa charge sur justification par elle de ce coût, des condamnations prononcées à son encontre en première instance au titre des dommages-intérêts alloués au syndicat des copropriétaires et des dépens de la demande principale et aux dépens de l'appel en garantie formé en première instance à son encontre ;
Aux motifs qu'il ressort de l'expertise que monsieur A..., en sa qualité d'architecte chargé de la déclaration des travaux et de leur direction, les a fait faire en pleine connaissance de cause, sans s'assurer de l'accord du bailleur et de l'autorisation de la copropriété ; qu'il ne démontre pas non plus avoir informé la société HDM de la nécessité de demander l'accord de sa bailleresse, à laquelle il aurait alors appartenu de demander l'autorisation de la copropriété ; que par courrier du 30 janvier 2009 annexé à l'expertise (4), il a même reconnu que « dans la précipitation, le syndic de l'immeuble n'a pas été informé comme cela se fait habituellement » ; que sa faute est donc caractérisée, quel que soit la responsabilité personnelle de la société HDM, et sa responsabilité doit être retenue à l'égard de madame E... sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, applicable à la cause ; qu'il doit dès lors garantir madame E... du préjudice qui résulte pour elle de cette absence d'autorisation, soit le coût des travaux d'enlèvement du poteau après exécution des travaux à la charge du syndicat, et les dommages et intérêts auxquels elle a été condamnée (arrêt, p. 6, §§ 4 à 7) ;
1°) Alors que l'obligation de conseil ne s'applique pas aux faits qui sont de la connaissance de tous ; qu'en affirmant, pour retenir la responsabilité civile délictuelle de monsieur A..., maître d'oeuvre, à l'égard de madame E..., bailleresse, que celui-ci avait manqué à ses obligations en n'informant pas sa contractante, la société HDM, preneuse, de ce que les travaux que cette société souhaitait entreprendre sur les parties communes nécessitaient une autorisation préalable de la copropriété que la bailleresse pourrait solliciter, sans rechercher, comme elle y avait été invitée (conclusions d'appel, p. 4), si une telle information n'était pas à ce point évidente qu'elle relevait de la connaissance de tous, de sorte qu'elle était exclue du devoir de conseil de l'architecte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1240 du même code ;
2°) Alors que, subsidiairement, un risque imminent d'effondrement d'un immeuble constitue un cas de force majeure justifiant qu'un architecte supervise la réalisation de travaux de consolidation, nonobstant l'absence d'autorisation préalable en ce sens de la copropriété ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel, p. 8), si la réalisation de travaux de consolidation de l'immeuble « dans la précipitation » (arrêt, p. 6, § 5) préconisés par monsieur A... nonobstant l'absence d'autorisation préalable de la copropriété se justifiait par un risque imminent d'effondrement de l'immeuble – constitutif d'un cas de force majeure –, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1240 du même code ;
3°) Alors que le fait fautif allégué par la victime doit être en lien de causalité avec le dommage dont elle se prévaut ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour retenir la responsabilité délictuelle de monsieur A... à l'égard de madame E..., sans constater que le manquement à l'obligation d'information et de conseil imputé à monsieur A... à l'égard de la société HDM, preneuse, aurait conduit celle-ci à s'y conformer et à inviter madame E..., bailleresse, à solliciter l'autorisation de la copropriété pour effectuer les travaux, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de lien de causalité entre le préjudice invoqué et le manquement retenu, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1240 du même code ;
4°) Alors que, en tout état de cause, la réparation de la perte d'une chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage espéré ; qu'à supposer même que les conditions de la responsabilité délictuelle de monsieur A... à l'égard de madame E... aient été réunies, en condamnant ce dernier à garantir de cette dernière de l'ensemble des condamnations à sa charge, quand le manquement imputé à monsieur A... n'avait, tout au plus, que pu faire perdre à madame E... une chance d'être avertie par la société HDM, preneuse, d'avoir à solliciter une autorisation de la copropriété, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1240 du même code, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime.