LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 11 juin 2025
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 628 F-D
Pourvoi n° T 24-16.350
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 JUIN 2025
M. [K] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 24-16.350 contre l'arrêt rendu le 13 mars 2024 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Cabinet continental, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ménard, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [I], de la SCP Lesourd, avocat de la société Cabinet continental, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ménard, conseiller rapporteur, Mme Degouys, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 13 mars 2024), M. [I] a été engagé en qualité de directeur achat-approvisionnement-logistique le 7 décembre 2015 par la société Continental cosmetic devenue la société Cabinet continental (la société).
2. Le salarié a été placé en arrêt de travail à partir du 25 avril 2017 et a été licencié le 5 octobre 2017 pour désorganisation de l'entreprise consécutive à son absence prolongée.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement et d'obtenir le paiement de sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande de dommages-intérêts à ce titre, alors « que selon l'article 48 de la convention collective nationale du commerce de gros du 23 juin 1970, dans sa rédaction issue de l'avenant du 23 février 2012, si l'absence du salarié pour cause de maladie ou d'accident, hors les cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, se prolonge, selon l'ancienneté du salarié, audelà du 80e ou 170e jour, l'employeur peut mettre l'intéressé en demeure, par lettre recommandée, de reprendre son travail dans les dix jours francs suivant l'envoi de ladite lettre ; que, dans le cas où l'intéressé n'a pas repris son travail dans ce délai et si les absences dépassant les délais ci-dessus entraînent des perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise et imposent le remplacement effectif définitif de l'intéressé, l'employeur aura, à l'expiration desdits délais, la faculté de procéder au licenciement du collaborateur malade ou accidenté et le salarié recevra alors l'indemnité de licenciement dans les conditions fixées par la convention ; que la formalité instituée par ce texte, selon laquelle le licenciement du salarié, dont l'absence pour maladie impose le remplacement définitif, doit être précédé de la mise en demeure de l'intéressé de reprendre son travail à une date déterminée par lettre recommandée avec accusé de réception, seule l'impossibilité pour le salarié de reprendre son travail à cette date autorisant la rupture du contrat, constitue pour celuici une garantie de fond, de sorte que le licenciement prononcé sans que cette formalité ait été respectée est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que, pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel - après avoir rappelé que ''M. [I] fait valoir que la société ne l'a pas mis en demeure de reprendre son travail et a ainsi méconnu les dispositions de l' article 48 de la convention collective'' - a retenu qu'''aux termes des dispositions de l'article 48 de la convention collective dans sa rédaction ici applicable, si l'absence de prolonge, suivant les cas, au de-delà du 80e ou du 170e jour, l'employeur « peut » mettre l'intéressé en demeure, par lettre recommandée, de reprendre son travail dans les 10 jours francs suivant l'envoi de ladite lettre'' et que ''l'envoi d'une mise en demeure n'était donc pas une obligation et le salarié ne peut valablement arguer de l'absence de mise en demeure ou du caractère ambigu de la lettre en date du 14 septembre 2017, se contentant de lui demander s'il était en mesure de reprendre ses fonctions'' ; qu'en statuant ainsi, cependant que le licenciement du salarié dont l'absence prolongée pour maladie perturbe le fonctionnement de l'entreprise et impose le remplacement définitif ne peut intervenir que s'il n'a pas repris son travail dans les dix jours francs suivant l'envoi par l'employeur d'une lettre de mise en demeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 48 de la convention collective nationale du commerce de gros du 23 juin 1970, dans sa rédaction issue de l'avenant du 23 février 2012 :
5. Selon ce texte, si l'absence du salarié pour cause de maladie ou d'accident, hors les cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, se prolonge, selon l'ancienneté du salarié, au-delà du 80e ou 170e jour, l'employeur peut mettre l'intéressé en demeure, par lettre recommandée, de reprendre son travail dans les dix jours francs suivant l'envoi de ladite lettre. Dans le cas où l'intéressé n'a pas repris son travail dans ce délai et si les absences dépassant les délais ci-dessus entraînent des perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise et imposent le remplacement effectif définitif de l'intéressé, l'employeur aura, à l'expiration desdits délais, la faculté de procéder au licenciement du collaborateur malade ou accidenté et le salarié recevra alors l'indemnité de licenciement dans les conditions fixées par la convention.
6. Pour dire que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'aux termes des dispositions de l'article 48 de la convention collective dans sa rédaction applicable, si l'absence se prolonge, suivant les cas, au-delà du 80e ou du 170e jour, l'employeur peut mettre l'intéressé en demeure, par lettre recommandée, de reprendre son travail dans les dix jours francs suivant l'envoi de la dite lettre, de sorte que l'envoi d'une mise en demeure n'est pas une obligation et que le salarié ne peut valablement arguer de l'absence de mise en demeure ou du caractère ambigu de la lettre du 14 septembre 2017.
7. En statuant ainsi, alors que le licenciement du salarié dont l'absence prolongée pour maladie perturbe le fonctionnement de l'entreprise et impose le remplacement définitif ne peut intervenir que s'il n'a pas repris son travail dans les dix jours francs suivant l'envoi par l'employeur d'une lettre de mise en demeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation des chefs de dispositif qui déboutent le salarié de sa demande tendant à voir dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de sa demande de dommages-intérêts à ce titre n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge le licenciement de M. [I] fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il le déboute de sa demande de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt rendu le 13 mars 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Cabinet continental aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cabinet continental et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé publiquement le onze juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.