LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 22-80.786 F-D
N° 00661
ODVS
31 MAI 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 MAI 2023
La société [2], partie civile, M. [K] [F] et M. [W] [G] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 28 janvier 2022, qui, dans la procédure suivie contre les deux derniers des chefs d'abus de biens sociaux et complicité, a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [W] [G], les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [K] [F], et les observations de la SCP Spinosi, avocats de la société [2], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. MM. [K] [F] et [W] [G] ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de biens sociaux et complicité commis au préjudice de la société [2].
3. Les juges du premier degré les ont relaxés.
4. La société [2] a seule relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les moyens présentés pour M. [F] et pour M. [G]
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen présenté pour la société [2]
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la société [2] de sa demande tendant à ce que soit nommé un expert afin d'évaluer le préjudice tiré de la perte de valeur de sa participation dans la banque [1], alors « qu'il appartient au juge pénal de déterminer l'étendue du préjudice dont il reconnaît le principe, au besoin en ordonnant une mesure d'instruction ; que la cour d'appel a expressément relevé que « la société [2] a subi un préjudice résidant dans une perte de valeur de sa participation » (p. 15 § 2 et 3) ; qu'ayant constaté que l'infraction avait causé un préjudice direct à la partie civile, il lui appartenait, au besoin en ordonnant une mesure d'expertise d'en rechercher l'étendue pour le réparer dans son intégralité, sauf à méconnaître son office et violer les articles 1240 du code civil, 2, 3, 434, 512 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la cour
Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil, 2 et 3 du code de procédure pénale :
7. Il résulte de ces textes qu'il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe.
8. Pour rejeter la demande d'expertise présentée par la société [2], l'arrêt attaqué énonce qu'il n'y a pas lieu de suppléer à la carence de la partie civile, qui ne produit aucun début de preuve, même par estimation, du montant du préjudice résultant de la perte de valeur de sa participation dans la banque [1].
9. En se déterminant ainsi, alors qu'elle venait de constater que, du fait des modifications successives du capital qui avaient été permises par la faute de MM. [F] et [G], la société [2] avait bien subi un préjudice résidant dans une perte de valeur de sa participation dans la banque [1], la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
10. En effet, il appartenait aux juges, s'ils estimaient infondée la demande d'expertise, d'inviter la partie civile à compléter ses demandes en vue de la réparation définitive de son préjudice.
11. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice de la société [2]. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur les pourvois formés par MM. [K] [F] et [W] [G] :
LES DÉCLARE NON ADMIS ;
Sur le pourvoi formé par la société [2] :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 28 janvier 2022, mais en ses seules dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice de la société [2], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que MM. [F] et [G] devront payer à la société [2] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au bénéfice de MM. [F] et [G] ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille vingt-trois.