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10/07/2024 | FRANCE | N°52400786

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2024, 52400786


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 10 juillet 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 786 F-D




Pourvois n°
Y 23-11.084
F 23-11.735 JONCTION










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


______________

___________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024


I. La fédération des employés et cadres Force Ouvrière (FEC-FO), dont le siège est [Adresse 9], a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juillet 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 786 F-D

Pourvois n°
Y 23-11.084
F 23-11.735 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 JUILLET 2024

I. La fédération des employés et cadres Force Ouvrière (FEC-FO), dont le siège est [Adresse 9], a formé le pourvoi n° Y 23-11.084,

II. 1°/ le syndicat CGT Generali, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la fédération CGT des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance, dont le siège est [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° F 23-11.735,

contre le même arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans les litiges les opposant et les opposant également :

1°/ au syndicat national de la banque et du crédit CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la fédération UNSA banques assurances, dont le siège est [Adresse 5],

3°/ au syndicat UNSA Generali, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la fédération CFE- CGC de l'assurance et de l'assistance, dont le siège est [Adresse 7],

5°/ à la fédération CFDT des banques et assurances, dont le siège est [Adresse 8],

6°/ à la société Trieste courtage, société anonyme,

7°/ à la société Generali France, société anonyme,

8°/ à la société Generali iard, société anonyme,

9°/ à la société Generali vie, société anonyme,

10°/ à la société l'Equité compagnie d'assurances et de réassurances contre les risques de toute nature, société anonyme,

toutes cinq ayant leur siège au [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur au pourvoi n° Y 23-11.084 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Les demandeurs au pourvoi n° F 23-11.735 invoque, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la fédération des employés et cadres Force Ouvrière, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la fédération CGT des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance et du syndicat CGT Generali, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat des sociétés Generali France, Generali vie, Generali iard, Trieste courtage et l'Équité compagnie d'assurances et de réassurances, après débats en l'audience publique du 12 juin 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Y 23-11.084 et F 23-11.735 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 2022), par un accord du 26 novembre 2015 « relatif à l'actualisation du périmètre de l'UES Generali France assurances », les partenaires sociaux sont convenus que l'unité économique et sociale (l'UES Generali) serait désormais composée des sociétés Generali France assurances, Generali vie, Generali iard, Trieste courtage et l'Équité. Cet accord a été actualisé le 15 octobre 2018 à la suite de la fusion-absorption de la société Generali France assurances par la société Generali France.

3. Les sociétés composant l'UES Generali ont conclu avec les organisations syndicales représentatives, le 19 novembre 2003, un accord sur l'harmonisation de la durée du travail et de l'aménagement du temps de travail des sociétés métropolitaines de l'UES (l'accord de 2003), ayant vocation à s'appliquer aux salariés relevant de la convention collective nationale des sociétés d'assurance, lesquels salariés ont été ensuite regroupés dans un seul établissement lors de la mise en place des institutions représentatives du personnel, celui des directions des métiers support et des métiers opérationnels (DMSMO), devenu l'établissement des « directions support et opérationnels ».

4. A la suite de la dénonciation de cet accord de 2003, les sociétés composant l'UES Generali ont conclu le 17 décembre 2015, à effet au 1er janvier 2016, avec les organisations syndicales représentatives plusieurs accords collectifs : un « accord sur l'organisation de la durée du temps de travail des collaborateurs relevant de l'établissement des directions des métiers support et métiers opérationnels » (l'accord de 2015) ; un accord sur le télétravail ; un accord d'intention sur le développement de l'emploi en province et relatif à la responsabilisation des équipes dans l'organisation et l'aménagement de leur environnement de travail et à l'amélioration du bien-être au travail ; un avenant à l'accord du 10 novembre 2010 sur le variable et la prime d'équipe ; un avenant à l'accord du 22 janvier 2014 relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; un accord sur les taux d'atteinte des objectifs des ingénieurs développement, inspecteurs courtage iard, souscripteurs prévention entreprise et inspecteurs agricoles.
5. Par arrêt du 3 mai 2018, passé en force de chose jugée, la cour d'appel de Paris a annulé l'accord de 2015, dit que du fait de l'annulation de cet accord les cinq autres accords conclus le 17 décembre 2015 devenaient inapplicables et condamné les sociétés composant l'UES Generali à payer aux organisations syndicales FO et CGT des dommages-intérêts.

6. Le 1er juin 2018, ont été signés avec les organisations syndicales représentatives, après avis conforme du comité d'établissement DMSMO, trois nouveaux accords, dont un accord « sur l'organisation, la durée du travail et sur le télétravail des collaborateurs relevant de l'Etablissement des Directions des Métiers Support et Métiers Opérationnels », conclu en application de l'article L. 2254-2 du code du travail relatif aux accords de performance collective, recouvrant un contenu identique s'agissant de la durée du travail ( l'accord de 2018). L'accord prévoit par ailleurs la possibilité, pour le salarié qui établirait le bénéfice d'engagements contractuels sur la durée du travail et la rémunération en résultant, de refuser la modification de son contrat de travail. Ce refus devait être exprimé dans le délai d'un mois de la communication de l'accord.

7. Par actes d'huissier des 7, 8, 11 et 25 février 2019, le syndicat CGT Generali et la fédération CGT des syndicats du personnel de la banque et de l'assurance (la fédération CGT) ont assigné devant le tribunal judiciaire les sociétés composant l'UES Generali, ainsi que la fédération CFDT banques assurance, la fédération nationale des cadres et agents de maîtrise et techniciens CFE-CGC force et vente, le syndicat national de la banque et du crédit CFE-CGC, la fédération UNSA banques assurances et le syndicat UNSA Generali afin de condamner les sociétés composant l'UES Generali à titre principal à verser aux salariés auxquels l'accord du 17 décembre 2015 a été appliqué, pour la période du 1er janvier 2016 au 31 mai 2018, et aux salariés auxquels a été appliqué à compter du 1er juin 2018 l'accord du 1er juin 2018, le salaire correspondant à l'allongement de la durée du travail qui en résultait et en tout état de cause à verser au syndicat CGT Generali et à la fédération CGT des dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession. La fédération des employés et cadres Force Ouvrière (la fédération FO) a formé des demandes similaires.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° Y 23-11.084, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et sur le moyen du pourvoi n° F 23-11.735, pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes de la fédération FO, du syndicat CGT Generali et de la fédération CGT, autres que celles tendant à condamner les sociétés formant l'UES Generali à verser à ces organisations syndicales certaines sommes à titre de dommages-intérêts
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi n° Y 23-11.084, pris en sa première branche, et sur le moyen du pourvoi n° F 23-11.735, pris en sa première branche, réunis, en ce qu'ils font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les demandes de la fédération FO, du syndicat CGT Generali et de la fédération CGT, autres que celles tendant à condamner les sociétés formant l'UES Generali à verser à ces organisations syndicales certaines sommes à titre de dommages-intérêts

Enoncé du moyen

9. Par son moyen, la fédération FO fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes tendant à juger que les augmentations du temps de travail par certains accords collectifs conclus au sein de l'UES Generali devaient entraîner une augmentation corrélative des salaires des salariés concernés, à la condamnation de l'UES Generali à verser ces salaires, alors « que les syndicats professionnels, qu'ils soient ou non signataires, sont recevables à contester sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail les modalités d'application par l'employeur d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, qui conduit à imposer aux salariés qui y sont soumis une modification de leur contrat de travail, le non-respect de la norme collective de travail causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession ; qu'en déclarant l'action du syndicat FEC-FO irrecevable aux motifs que la demande visant à contester la modification des contrats de travail des salariés de l'UES Generali induite par l'augmentation de la durée collective du travail sans paiement de la rémunération afférente en application de l'accord collectif pourtant annulé du 17 décembre 2015 et du nouvel accord collectif du 1er juin 2018 qui n'avait prévu aucun gel des rémunérations, ne poursuivait en réalité que la protection des intérêts individuels de chaque salarié, quand il entre dans les prérogatives d'un syndicat professionnel de contester la norme collective de travail qui aurait pour effet de modifier les contrats de travail des salariés qui y sont soumis, la cour d'appel a violé les articles L. 2254-1, L. 2132-3 et L. 2262-11 du code du travail. »

10. Par leur moyen, le syndicat CGT Generali et la fédération CGT font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leurs demandes autres que celles tendant à condamner les sociétés formant l'UES Generali à leur verser des sommes à titre de dommages-intérêts, alors « qu'un syndicat est recevable, au nom de l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, à agir en exécution d'un accord collectif sur le temps de travail et à demander, à ce titre, au tribunal judiciaire de condamner l'employeur qui l'a violé, au versement des salaires qui correspondent au respect de cet accord collectif au profit de tous les salariés compris dans son champ d'application, cette demande ne tendant pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées ; qu'en l'espèce, les syndicats CGT demandaient, suite à l'annulation définitive de l'accord collectif du 17 décembre 2015 sur le temps de travail, le versement des salaires correspondant non pas aux conséquences de cette annulation sur les contrats de travail des salariés, mais à l'allongement de la durée du travail qui en résultait par rapport à l'accord collectif de 2003, dont ils demandaient l'application au profit de tous les salariés qui s'étaient vus appliquer l'accord collectif du 17 décembre 2015, nonobstant sa nullité, ainsi qu'au profit de ceux qui avaient légalement refusé l'application de l'accord de performance collective du 1er juin 2018 ; que pour juger irrecevables les demandes des syndicats CGT en versement des salaires aux salariés, la cour d'appel a affirmé qu'elles tendaient à la défense d'intérêts individuels et qu'un litige ayant trait à un rappel de salaire pour un salarié relève de la compétence du seul juge prud'homal ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

12. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.

13. L'arrêt constate d'une part que la fédération FO demande, aux termes du dispositif de ses conclusions d'appel, de condamner solidairement les sociétés formant l'UES Generali à verser aux salariés, dont la durée annuelle de travail a été augmentée sans contrepartie salariale, le salaire correspondant à cette augmentation du temps de travail pour la période à compter du 1er janvier 2016 ainsi qu'à verser aux salariés, auxquels l'accord sur l'organisation, la durée du temps de travail et le télétravail des collaborateurs relevant de l'établissement des directions métiers support et métiers opérationnels du 1er juin 2018 est appliqué, le salaire correspondant à l'allongement de la durée du travail pour la période à compter du 1er juin 2018.

14. L'arrêt constate d'autre part que le syndicat CGT Generali et la fédération CGT demandent, aux termes du dispositif de leurs conclusions d'appel, de condamner solidairement les sociétés formant l'UES Generali, à titre principal, à verser aux salariés, auxquels l'accord de 2015 a été appliqué, le salaire correspondant à l'allongement de la durée du travail en résultant ainsi qu'aux salariés, ayant refusé la modification de leur contrat de travail résultant de l'accord de 2018, et au terme d'un délai de deux mois après la notification de leur refus, le salaire correspondant à l'allongement de la durée du travail qui en résultait, à titre subsidiaire, à verser aux salariés, auxquels l'accord de 2015 a été appliqué, le salaire correspondant à l'allongement de la durée du travail en résultant pour la période du 1er janvier 2016 au 1er juin 2018.

15. La cour d'appel, qui a retenu que de telles actions tendaient à obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser pour le passé la situation individuelle des salariés concernés, action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts, en a déduit à bon droit que les organisations syndicales ne sont pas recevables à solliciter le paiement de salaires au bénéfice des salariés concernés.

16. Les moyens ne sont, dès lors, pas fondés.

Mais sur le moyen du pourvoi n° Y 23-11.084, pris en sa troisième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération FO irrecevable en sa demande de dommages-intérêts, et sur le moyen du pourvoi n° F 23-11.735, pris en sa troisième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération CGT et le syndicat CGT Generali irrecevables en leur demande de paiement de dommages-intérêts, réunis

Enoncé du moyen

17. Par son moyen, la fédération FO fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa demande tendant à la condamnation des sociétés formant l'UES Generali à lui verser des dommages-intérêts résultant de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession, du fait d'entraves et de manquements à l'obligation de loyauté, alors « qu'est recevable la demande formulée par un syndicat professionnel en paiement de dommages-intérêts pour l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession en raison du non-respect par l'employeur des dispositions conventionnelles applicables ; qu'en déclarant le syndicat FEC-FO irrecevable dans toutes ses demandes sans distinction, quand le syndicat FEC-FO formulait dans le dispositif de ses conclusions d'appel une demande chiffrée en paiement de dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession du fait de la violation, par les sociétés de l'UES Generali, des dispositions conventionnelles applicables, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »

18. Par leur moyen, la fédération CGT et le syndicat CGT Generali font grief à l'arrêt de les déclarer irrecevables en leur demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés formant l'UES Generali à leur verser une somme à titre de dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans leur assignation introductive d'instance et dans leurs conclusions d'appel, les syndicats CGT ont agi dans l'intérêt collectif et demandé, à titre principal et subsidiaire, la condamnation solidaire des sociétés à verser des salaires aux salariés et, ensuite, en tout état de cause, à verser à chacun des deux syndicats CGT 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif, du fait des pressions que la direction de Generali a exercées à leur encontre, notamment avec son communiqué du 7 mai 2018, et de sa résistance à tenir compte de la nullité de l'accord de 2015 et des refus d'application de l'accord de 2018 par plusieurs salariés ; qu'après avoir jugé que les demandes, à titre principal, des syndicats CGT de versement des salaires aux salariés étaient irrecevables, la cour d'appel a ajouté que les syndicats étaient irrecevables en leur action et qu'il n'y avait donc pas lieu de statuer sur leur autres demandes ; qu'en jugeant ainsi irrecevable la demande de dommages-intérêts des syndicats CGT pour refuser de statuer sur son bien fondé, alors qu'elle n'était nullement la conséquence de leurs demandes, principale ou subsidiaire de rappels de salaires, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 122 du code de procédure civile et l'article L. 2132-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2132-3 du code du travail :

19. Aux termes de ce texte, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

20. Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles et demander l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession.

21. Pour déclarer irrecevables tant la demande de dommages-intérêts formée par la fédération FO, après avoir constaté que celle-ci demandait également, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la condamnation solidaire des sociétés formant l'UES Generali à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice résultant de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession, des faits de chantage et entrave à l'exercice du droit syndical et manquement à l'obligation de loyauté dans la négociation collective, que les demandes de dommages-intérêts formées par la fédération CGT et le syndicat CGT Generali, après avoir constaté que ces organisations syndicales avaient demandé, aux termes du dispositif de leurs conclusions, en tout état de cause de condamner solidairement les sociétés formant l'UES Generali à leur verser à chacune une somme à titre de dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que les syndicats ne sont pas recevables à solliciter le paiement de salaires au bénéfice d'un salarié, quand bien même il n'est pas personnellement identifié, que les syndicats sont donc irrecevables en leur action et que, par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de statuer sur leurs autres demandes.

22. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la fédération des employés et cadres Force Ouvrière irrecevable en sa demande tendant à condamner solidairement les sociétés Generali France, Generali vie, Generali iard, Trieste courtage et l'Équité compagnie d'assurances et de réassurances contre les risques de toute nature à lui verser des dommages-intérêts en raison du préjudice résultant de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession, des faits de chantage et entrave à l'exercice du droit syndical et manquement à l'obligation de loyauté dans la négociation collective, en ce qu'il déclare le syndicat CGT Generali et la fédération CGT des syndicats du personnel de banque et de l'assurance irrecevables en leur demande tendant à condamner solidairement les sociétés Generali France, Generali vie, Generali iard, Trieste courtage et l'Équité compagnie d'assurances et de réassurances contre les risques de toute nature à leur verser à chacun des dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400786
Date de la décision : 10/07/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2024, pourvoi n°52400786


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400786
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