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30/01/2025 | FRANCE | N°32500064

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 30 janvier 2025, 32500064


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


CL






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 30 janvier 2025








Rejet




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 64 F-D


Pourvoi n° H 23-16.014








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025


Mme [P] [E], domiciliée [Adresse 5], a formé le pourvoi n° H 23-16.014 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civi...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 janvier 2025

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 64 F-D

Pourvoi n° H 23-16.014

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

Mme [P] [E], domiciliée [Adresse 5], a formé le pourvoi n° H 23-16.014 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Areas dommages, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Funecap Sud Est, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Drôme, dont le siège est [Adresse 4], représentée par son mandataire de gestion, la CPAM du Puy-de-Dôme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Guérin-Gougeon, avocat de Mme [E], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Areas dommages, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Funecap Sud Est, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 mars 2023), Mme [E] a confié, en 2006, à la société Ajol, assurée auprès de la société Areas dommages, la fourniture et l'installation d'une stèle sur la tombe de son mari.

2. Le 7 décembre 2014, la stèle s'est désolidarisée de la sépulture, alors que Mme [E] se trouvait à proximité, lui occasionnant une fracture du fémur.

3. Mme [E] a assigné la société Funecap Sud Est, venant aux droits de la société Ajol, et la CPAM du Puy-de-Dôme aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

4. La société Areas dommages est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [E] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société Funecap Sud Est à l'indemniser de son préjudice, alors :

« 1°/ qu'un manquement de l'entrepreneur aux règles de l'art engage sa responsabilité contractuelle ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il le lui était demandé, si pouvait constituer un manquement aux règles de l'art la fixation d'une stèle funéraire par seule application de colle, sans ajout de goujons d'ancrage dans l'emplacement prévu à cet effet à la base de la stèle, la cour d'appel, qui s'est bornée à juger, d'une part, que les rapports d'expertise n'avaient relevé aucune faute à l'encontre de la société Ajol, notamment dans la mise en oeuvre de la colle et, d'autre part, que le guide de bonnes pratiques en matière de pose des éléments funéraires n'était pas constitutif de règles de l'art en la matière, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil ;

2°/ qu'à l'appui de son moyen tiré de ce que la fixation d'une stèle de quatre-vingt-dix kilogrammes au seul moyen d'une colle sans ajout de goujons de fixation constituait un manquement aux règles de l'art, Mme [E] se prévalait, d'une part, de nombreuses attestations de professionnels, dont celles de MM. [V] et [H], et des sociétés Roblot et Pompes funèbres de France, expliquant la nécessité de fixer la stèle non seulement avec de la colle, mais aussi avec des goujons de fixation et, d'autre part, de la circonstance que la stèle litigieuse était dotée d'un trou, resté vide, précisément destiné à recevoir un tel goujon ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, de nature à établir la faute contractuelle de la société, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que les règles de l'art correspondent au savoir-faire que tout maître de l'ouvrage peut attendre d'un professionnel réputé investi d'une qualification particulière en matière de construction ; que ces règles, dont la méconnaissance engage la responsabilité contractuelle du professionnel, l'obligent alors même qu'elles ne sont ni écrites ni codifiées ; qu'en niant que le "guide de bonnes pratiques en matière de pose des éléments funéraires" puisse constituer des "règles de l'art", par des motifs, impropres à l'exclure, tirés de ce que les organismes ayant établi ce guide ne sont dotés d'aucun pouvoir normatif ou réglementaire, de ce que le document précise lui-même n'avoir qu'une valeur informative et de ce que ce guide a été réalisé en 2015 alors que la stèle a été posée en 2006, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir constaté que la stèle avait été fixée par la société Ajol sur son socle au moyen d'un mortier-colle, la cour d'appel a relevé que, selon les deux rapports d'expertise amiable, les causes du basculement de la stèle étaient indéterminées et aucune faute de la société Ajol n'était établie.

7. Elle a ajouté que le guide des bonnes pratiques en matière de pose des éléments funéraires était postérieur à l'installation de la stèle en litige, de sorte qu'il n'était pas constitutif de règles de l'art applicables à la date des faits.

8. Ayant ainsi fait ressortir que le recours au goujon d'ancrage pour fixer la stèle funéraire ne s'imposait pas à la société Ajol, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a pu déduire de ces seuls motifs, sans être tenue de suivre Mme [E] dans le détail de son argumentation, que la responsabilité contractuelle de la société Ajol ne pouvait être retenue.

9. Elle ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Mme [E] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'en excluant tout lien de causalité direct et certain entre la faute alléguée et les blessures de Mme [E], aux motifs que, même descellée, la stèle ne pouvait tomber que par l'action d'une cause extérieure la déséquilibrant, sans rechercher si les goujons qu'il aurait fallu mettre en place, destinés à renforcer la fixation et la stabilité de la stèle afin qu'elle ne puisse pas tomber à l'occasion de manipulations normales et prévisibles telles que, par exemple, son nettoyage, n'auraient justement pas permis de faire obstacle à sa chute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil ;

2°/ que les blessures occasionnées par la chute d'une stèle funéraire sont en lien direct et certain avec la faute commise par l'entrepreneur n'ayant fixé cette stèle que par de la colle, sans ajout de goujons de fixation, dès lors que ceux-ci sont précisément de nature à faire obstacle à la chute de la stèle, même lorsqu'elle est manipulée par une personne procédant à son nettoyage, cette manipulation constituant un usage normal du bien que l'installateur doit avoir anticipé par une fixation idoine ; qu'en jugeant qu'il n'était pas établi que les blessures de Mme [E] étaient en lien de causalité direct et certain avec la faute invoquée, aux motifs que la stèle était stable de par son propre poids, que, même descellée, elle ne pouvait tomber que par l'action d'une cause extérieure et que l'accident s'était produit lorsque Mme [E] nettoyait la stèle, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil ;

3°/ qu'à supposer que la cause de la chute n'ait pas pu être déterminée de façon certaine, la seule circonstance que cet élément funéraire n'était pas équipé de goujons de fixation, comme l'exigent les règles de l'art, suffit à caractériser le lien de causalité entre cette faute dans l'installation de l'ouvrage et les blessures en résultant pour la personne sur laquelle la stèle est tombée ; qu'en écartant tout lien de causalité entre les blessures de Mme [E] et la faute commise, aux motifs que la cause de la chute ne pouvait pas être déterminée de façon certaine et non discutable, que la stèle était stable de par son propre poids, que, même descellée, elle ne pouvait tomber que par l'action d'une cause extérieure, que les déclarations de Mme [E] étaient évolutives et qu'elle avait notamment indiqué qu'elle nettoyait la tombe au moment de l'accident, la cour d'appel, qui n'en a pas moins retenu qu'une faute avait été commise dans la fixation de la stèle, qui aurait dû être équipée de goujons, de sorte que sa chute sur Mme [E] était imputable à cette faute, quel qu'ait été le comportement de cette dernière, a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil ;

4°/ que constitue un usage normal de la stèle et n'est donc pas fautif le fait de procéder à son nettoyage ; qu'en jugeant fautive et à l'origine du dommage l'intervention de Mme [E], qui avait déstabilisé la stèle à l'occasion d'une opération, courante, de nettoyage, la cour d'appel a violé l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil ;

5°/ que la faute de la victime n'est exonératoire que lorsqu'elle présente les caractéristiques de la force majeure ou constitue la cause exclusive du dommage ; qu'en jugeant que la stèle n'avait pu tomber que sous l'action d'une cause extérieure et que l'accident était survenu lorsque Mme [E] nettoyait la tombe, la cour d'appel, qui a retenu la faute de cette dernière comme exonératoire de responsabilité pour l'entrepreneur, n'a toutefois pas, avant d'exclure toute indemnisation, caractérisé en quoi cette faute présentait les caractéristiques de la force majeure ou constituait la cause exclusive du dommage, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

11. La cour d'appel a relevé que, selon les deux rapports d'expertise amiable, seule une action mécanique extérieure pouvait être la cause du descellement de la stèle et que même descellée, elle ne pouvait tomber que par l'action d'une cause extérieure.

12. Elle a pu déduire, de ces seuls motifs, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, qu'il n'existait pas de lien de causalité direct et certain entre les blessures de Mme [E] et la faute qu'aurait commise la société Ajol.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32500064
Date de la décision : 30/01/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 21 mars 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 30 jan. 2025, pourvoi n°32500064


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Guérin-Gougeon, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:32500064
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