LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 695 F-D
Pourvoi n° P 23-15.491
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 NOVEMBRE 2024
1°/ M. [P] [W],
2°/ Mme [J] [M], épouse [W],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° P 23-15.491 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige les opposant à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SARL Gury & Maitre, avocat de M. et Mme [W], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 mars 2023), par un acte du 5 novembre 2014, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine (la banque) a consenti à la société Le palais d'Asie (la société) un prêt, garanti par les cautionnements de M. et Mme [W].
2. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en paiement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [W] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel leur demande pour non-respect du devoir de mise en garde, alors « qu'est recevable la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts formée pour la première fois en cause d'appel par la caution pour manquement de la banque à son obligation de mise en garde comme tendant à opposer compensation à concurrence du montant auquel elle peut être condamnée au titre de la demande en paiement présentée par la banque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré irrecevables, en raison de leur nouveauté, les demandes de dommages-intérêts formées par M. [W] et Mme [M] pour manquement de la banque à son devoir de mise en garde, après avoir retenu que cette demande ne constituait pas une demande reconventionnelle, faute de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant ; qu'en statuant, tandis que la demande reconventionnelle tendant, en recherchant la responsabilité du banquier, à lui opposer compensation à hauteur du montant susceptible d'être mis à la charge des cautions, la cour d'appel a violé les articles 564, 567 et 70 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 70 et 564 du code de procédure civile :
5. Aux termes du premier de ces textes, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
6. Aux termes du second, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
7. Pour déclarer irrecevable la demande formée en cause d'appel des cautions pour non-respect du devoir de mise en garde, l'arrêt retient que cette demande est nouvelle et ne constitue pas une demande reconventionnelle, faute de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, même d'office, comme il lui incombait, si la demande de dommages et intérêts formée par les cautions contre la banque pour manquement de cette dernière à son devoir de mise en garde ne lui était pas soumise pour faire écarter la demande de la banque tendant à voir condamner les cautions au paiement de sommes en exécution de leurs engagements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de M. et Mme [W] pour non-respect du devoir de mise en garde, l'arrêt rendu le 8 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine et la condamne à payer à M. [W] et Mme [M], épouse [W], la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.