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18/11/2020 | FRANCE | N°18-25710

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 novembre 2020, 18-25710


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1069 F-D

Pourvoi n° T 18-25.710

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020

M. Q... Y..., domicilié [...] , a formé le pourv

oi n° T 18-25.710 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre B), dans le litige l'opposant à la s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1069 F-D

Pourvoi n° T 18-25.710

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020

M. Q... Y..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 18-25.710 contre l'arrêt rendu le 11 octobre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre B), dans le litige l'opposant à la société SII, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. Y..., de la SCP Ortscheidt, avocat de la société SII, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M.Joly conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 octobre 2018), M. Y... a été engagé le 29 novembre 2004 par la société SII en qualité de cadre technique. Le 15 mars 2011, il a été élu délégué du personnel suppléant.

2. Le 12 mars 2014, soutenant être victime de discrimination syndicale, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et au paiement de diverses sommes.

3. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 30 mai 2016.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, sixième et septième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes, alors :

« 1° / que lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir que la discrimination à son égard s'évinçait de plusieurs éléments cumulés, à savoir, l'absence de bénéfice d'une formation professionnelle, l'absence d'évolution de sa rémunération et l'absence de fourniture d'un travail régulier à compter du moment où il était devenu délégué syndical ; qu'en appréciant chacun de ces griefs séparément, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ensemble l'article 1184 devenu 1227 du code civil ;

4°/ que l'absence d'augmentation de salaire à compter de l'exercice d'un mandat syndical constitue une discrimination ; qu'il appartient à l'employeur d'apporter des éléments objectifs pour démontrer que cette absence d'évolution salariale n'est pas en lien avec l'existence du mandat syndical ; qu'en se fondant uniquement sur un gel de salaires en 2009 (antérieurement à l'exercice du mandat syndical) et le fait que certains autres salariés n'auraient pas été augmentés, sans apporter de justification positive à l'absence de toute augmentation de salaire du délégué syndical, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ensemble l'article 1184 devenu 1227 du code civil ;

5°/ constitue une discrimination syndicale le fait pour l'employeur de ne pas fournir de travail à son salarié ; que M. Y... démontrait qu'à compter de son élection, la courbe du temps d'inter-contrat par rapport au temps de travail s'était inversée, alors que la Société SII était en période d'embauche d'ingénieurs tels que M. Y... ; qu'il appartenait à l'employeur de démonter de façon positive l'absence de possibilité de fourniture de missions ; qu'en se fondant uniquement sur des attestations de partenaires économiques pour exposer que certaines missions de M. Y... auraient échoué sans que soit apportée la preuve positive par l'employeur ni de propositions qui auraient été faites à M. Y... et que celui-ci aurait refusées, ni de l'impossibilité de lui faire des propositions correspondant à son profil professionnel, , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ensemble l'article 1184 devenu 1227 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a d'abord, après avoir estimé que parmi les éléments invoqués par le salarié étaient établis ceux relatifs à l'absence de fourniture de travail et de rupture d'égalité salariale, retenu qu'ils laissaient supposer l'existence d'une discrimination syndicale.

7. Ayant constaté ensuite, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, d'une part que les salaires avaient été gelés en 2009 pour tous les salariés de l'entreprise, qu'à situation égale en ancienneté, classification et diplôme, le salarié n'était pas en situation défavorable au niveau de sa rémunération par rapport à d'autres salariés placés dans une situation similaire, lesquels, pour certains n'avaient pas eu d'augmentation depuis 2008, et pour un autre percevait une rémunération inférieure à celle de l'intéressé, d'autre part que les missions successivement confiées au salarié avaient été interrompues à la demande des clients auprès desquels il était affecté du fait de son comportement inadapté et qu'ainsi l'employeur s'était trouvé contraint de le placer en position d'inter-contrat de façon prolongée ou réitérée, la cour d'appel, qui a estimé que les faits matériellement établis étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale, a légalement justifié sa décision.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. Y... de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le fond M. Y... invoque comme cause de son inaptitude et du licenciement qui en est résulté, divers manquements de l'employeur à ses obligations, en ce compris des faits de discrimination « à coloration syndicale » et de harcèlement moral outre le non-respect de l'obligation de sécurité et de loyauté. A titre principal, il demande de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail sur la base de ces graves manquements et, à titre subsidiaire, de déclarer abusif (en réalité nul) le licenciement. En droit, lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée sur les agissements de l'employeur constituant faute d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail : - sur la discrimination: Le salarié invoque comme constitutifs de discrimination, ensemble, l'absence d'augmentation de salaire à compter de sa prise de mandat syndical (il a été élu délégué du personnel le 15 mars 2011), l'absence de formation qualifiante en dépit de ses demandes orales à compter de 2008, ainsi que l'absence volontaire et fautive de fourniture de travail par l'employeur. Il résulte des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales. Aux termes de l'article L. 1134-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige: "Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre Il, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles". La discrimination syndicale est l'objet du 1er alinéa de l'article L. 2141-5 du même code : "Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail." 1/ l'absence de formation qualifiante : Il n'est pas discuté que M. Y... a bénéficié entre le 1er juillet 2008 et le 30 avril 2009 d'un CIF d'une durée de 9 mois, qu'ensuite, postérieurement à son élection en mars 2011 il a bénéficié d'une formation de 3 jours sur le logiciel Vijeo Citect de [...] et qu'en mai 2011 il a bénéficié d'une formation au titre du CFESS. Il n'est pas justifié de demandes formées par le salarié qui n'auraient pas abouti. Sur ce point le salarié est défaillant à produire des éléments de fait laissant supposer une discrimination ; 2- l'absence de fourniture de travail La société SII est une entreprise du service du numérique comptant plus de 5.000 salariés. Engagé au sein de l'établissement de Mougins de la société Su, entreprise du numérique M. Y... était amené à conduire diverses missions chez des clients de l'entreprise entrecoupées de situations d'inter-contrat. M. Y... déplore le fait d'avoir été placé en « inter-contrat » de façon récurrente ce qui va selon lui dégrader progressivement sa santé mentale : il n'a eu aucun jour de travail entre 2007, 2008, il n'en a eu que 27 en 2009, 161 en 2011, 184 en 2012, en définitive, à compter de 2009 il a été 554 jours en inter-contrat. La cour constate que les missions de M. Y... auprès de la société [...], entre mai et septembre 2009, du laboratoire WU... à compter du 12 octobre 2009 et de SPIE à compter du 22 mars 2010, sont antérieures à son mandat syndical du 15 mars 2011. M. Y... ne peut sérieusement contester que la mission chez [...] a été arrêtée en raison de ses problèmes relationnels avec le client B.... Sa mission au laboratoire WU... a été écourtée (15 jours au lieu de 6 mois) en raison d'une attitude inadaptée dont attestent plusieurs témoins sans qu'aucune considération objective ne justifie d'écarter leur récit (M. L... directeur du laboratoire explique avoir pris la décision d'interrompre la mission « en raison du comportement inadéquat » de M. Y... et de ses « réactions déplacées », de ses « énervements » et de son « agacement », M. W... ingénieur commercial SII témoigne que M. Y... « n'en faisait qu'à sa tête » et « mettait en péril la mission » et que « lorsqu'on lui faisait des remarques il s'emportait et devenait hargneux ». La mission de M. Y... chez SPIE a été stoppée au bout de 7 jours en raison du « refus de suivre les instructions » et de 1' « énervement » dont faisait preuve M. Y... (M. J... N... salarié de SPIE souligne « le manque de professionnalisme de M. Y... qui ne suivait pas les instructions nécessaires à la réalisation du projet »)
Une nouvelle mission chez [...] sera proposée à M. Y... sous réserve d'une formation Vijeo Citect qu'il accomplira avant de cesser la mission après 38 jours, en raison d'une altercation avec un collaborateur, au lieu de 185 jours prévus initialement. Ce fait est corroboré par l'attestation et le mail de [...] à JL... R... de SI I : à plusieurs reprises certaines personnes se sont plaintes auprès de moi du comportement de M Y.... Connaissant ses antécédents, nous nous trouvons en zone orange si nous analysons les risques. En tant que manager, j 'ai donc décidé de me séparer de lui, suite à une nouvelle altercation avec un de mes collaborateurs avec qui le ton a encore monté. (Merci de votre compréhension). Outre ces éléments, la société SII justifie avoir vainement recherché des missions auprès d'Aster, Thales, Alinea Space pour M. Y... après l'avoir placé en inter-contrat à compter du 16 mai 2011 avec suivi d'une formation CFESS de 2 jours mais que sa candidature n'a pas retenue. En mission chez SOPRA à compter du 23 juillet 2012, M. Y... a argué d'une inadéquation entre les tâches demandées et ses compétences en sorte que SOPRA a demandé l'arrêt de cette mission. X... F... directeur de l'agence écrit le 25 juillet 2014 à M. S... dirigeant de Su : « le manque de professionnalisme de votre collaborateur est apparu dès les premiers jours de sa prestation. Monsieur Y... n'a pas montré de motivation, ni de curiosité, ni de volonté à s'inscrire sur notre mission. (..) L'absence de volonté et d'investissement de votre collaborateur n'était pas acceptable. Nous avons du mettre un terme à sa prestation dès le 13eme jour.(..) » M. Y... a été placé en inter-contrat à compter du 9 août 2012. II s'est trouvé placé en arrêt de maladie à compter du 18 août 2012 jusqu'au 31 août 2012 puis en inter-contrat du 3 septembre 2012 au 25 janvier 2013 avant d'être envoyé en mission auprès de la mairie de Nice en février 2013. Cette mission s'est déroulée normalement. Au cours d'une nouvelle mission à la Mairie de Nice, en mai 2013, M. Y... se montrait injurieux envers un salarié M. C... et était sanctionné par un avertissement le 29 juillet 2013, sanction qu'il contestera. Il résulte de cet examen chronologique et des pièces produites par l'employeur que les missions successivement confiées au salarié n'ont pas été interrompues du fait de l'employeur qui s'est trouvé contraint de placer le salarié en position d'inter-contrat de façon prolongée et/ou réitérée. L'employeur démontre que l'absence de fourniture de travail invoquée par le salarié est causée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. 3-la rupture d'égalité de traitement Sur le fondement de l'article 1471-1 du code du travail, l'employeur oppose la prescription aux demandes salariales portant sur la période 2008 à 2014, l'action en paiement des salaires ayant été introduite le 12 mars 2014. Cependant, en application du même texte la demande de M. Y... en paiement d'un rappel de salaire pour cause de rupture d'égalité de traitement n'est pas prescrite dès lors qu'elle constitue l'un des éléments de la discrimination syndicale dont le salarié prétend avoir été victime. En application des dispositions sus-rappelées, il appartient au salarié syndicaliste qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et c'est à l'employeur d'établir que cette disparité est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance syndicale. En l'espèce, M. Y... prétend que l'augmentation moyenne des salaires dans l'entreprise était de 4,82 % en 2007, de 4,29 % en 2008, de 2 % 2010, de 3,15 % en 2011/2012 et de 1,85 % en 2012/2013. Il soutient qu'après avoir été régulièrement augmenté au début de la relation de travail entre son embauche (en novembre 2004) et décembre 2008, (son salaire passant alors de 2 150 euros à 2 645 euros à 2 685 euros), à partir de mars 2011 date de début de son mandat de délégué du personnel CFDT suppléant, il n'a plus jamais eu d'augmentation. M. Y... illustre sa démonstration par un graphique en page 9 de ses écritures. Par ailleurs il ressort de son entretien d'évaluation de 2012, postérieur à son mandat, que M. Y... s'est plaint de l'absence d'augmentation de son salaire. Les éléments ainsi produits par le salarié sont suffisamment précis et pertinents pour être admissibles. Cependant, l'employeur répond sans être utilement contredit que le salaire de M. Y... doit être calculé sur 12 mois et non sur 13 (comme lors de l'embauche) ; qu'entre juillet 2008 et le 30 avril 2009, M. Y... était en congé individuel de formation; qu'en 2009 il y a eu gel des salaires pour tous les salariés de la société comme en atteste le commissaire aux comptes ; qu'enfin, le salarié n'a pas signé la proposition rémunération soumise par la responsable des ressources humaines Mme P..., lors de son entretien annuel du 9 décembre 2013. Au vu des éléments fournis par l'employeur et non démentis par les informations remises par le salarié, il ressort qu'à situation égale en ancienneté, classification et diplôme, M. Y... n'était pas en situation défavorable au niveau de sa rémunération par rapport à MM T..., M. A..., et M. H... GM... qui n'ont pas eu d'augmentation depuis 2008, que sa rémunération était supérieure à celle de M. G... O.... L'employeur démontre par un graphique en page 45/149 de ses écritures que sa rémunération était largement supérieure au minimum conventionnel. En conséquence, le fait invoqué, que M. Y... n'ait pas forcément suivi la même courbe d'augmentation que les autres salariés n'apparaît pas déterminant d'autant que l'absence d'augmentation individuelle du salaire peut s'expliquer par l'interruption, à l'initiative du salarié, de ses missions extérieures à l'entreprise entraînant le placement prolongé du salarié en situation d'intermission. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes en paiement de rappel de salaire et congés payés et de dommages-intérêts en raison d'une discrimination. Sur le harcèlement moral L'article L 1152-1 du Code du Travail dans sa rédaction applicable au litige, définit le harcèlement comme le fait de subir, pour un salarié, des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel; l'article L 1154-1 du même code dispose que lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral, le salarié doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, et qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le salarié fait état des éléments suivants - en mai 2009 il est harcelé par le client B... qui le traite de « connard » et de « rital » et par écrit de « nain de Fort Boyard », il en avise l'employeur sans réaction de la part de ce dernier, - en 2013, faisant suite à cet épisode, il est pris pour cible par l'employeur lui-même qui « le pousse à signer une rupture conventionnelle » et multiplie les agissements insidieux à son égard, - s'en suivent de nombreuses périodes durant lesquelles il est sciemment placé inter-contrat, - malgré ses demandes l'employeur n'a aucune réaction et ne prend donc aucune mesure pour prévenir le harcèlement, -à la fin de l'année 2013, à l'occasion de sa notation, et jusqu'en janvier 2014, il fait l'objet de règlements de compte de la part de l'employeur, M. Y... produit les pièces suivantes : - le mail du 16 septembre 2009, qu'il a adressé à l'employeur dans lequel il se plaint de « prendre des calmants pour dormir et supporter sa situation consécutive au harcèlement moral sur le chantier Spécifie fonctions du client HD... B... », lequel « a commencé à l'appeler Rital et lui a adressé un mail insultant », et ledit mail du 16 septembre 2009, adressé par JP B... à une liste de salariés de [...] « Q..., c'est comme le nain de Fort Boyard car les tests sont «PASS» partout! » - l'attestation de M. Y... du 16 juillet 2013, en faveur d'un collègue (K...) dans laquelle M. Y... explique avoir été convoqué par Mme P... et par M. S... ( directeur de Su), avoir subi de leur part des pressions pour l'inciter à signer une rupture conventionnelle, et les avoir entendu prononcer à cette occasion des phrases comme « prends ta vie en main,.. ton niveau d'employabilité est zéro..., tu es mort professionnellement.. », -son mail du 18 juin 2013, adressé à l'employeur déplorant n'avoir pu assister à une réunion la veille et concluant: « j 'en profite pour vous rappeler que vos pressions ont un rôle négatif sur ma santé et que ce n 'est pas la première fois que je vous alerte sur ce sujet », - le mail adressé le 18 juin 2013 par M. HD... I..., en sa qualité de membre titulaire du CHSCT et délégué du personnel, alertant la médecine du travail en la personne de Mme V... U... : « J'ai demandé à M Y... de prendre RDV avec vous car je me fais du souci pour sa santé depuis quelques temps. Je ne suis pas le seul puisque M... D... (DS/DP) AX... MO... (DP) et WK... XI... (CHSCJ) partagent ces inquiétudes (.
) Comme vous le voyez le management de la direction à l'égard des intermissions ne change pas (..) La direction s'acharne sur Q.... Ce qui m'inquiète chez Q... c'est que derrière sa façade de « macho méditerranéen » il y a quelqu'un de fragilisé par de nombreux mois d'intermission et de mises en échec plus ou moins volontaires par sa hiérarchie.(..) C'est ainsi qu 'Q... devait dire à M S... lors d'un de ces entretiens « vous voulez quoi? Que je démissionne? Que je me tire une balle dans la tête dans votre bureau? » -le mail adressé le 13 décembre 2013 par M. Y... à son employeur «( .. .) J'ai déjà passé ces dernières semaines 2 entretiens annuels avec vous qui ont rapidement tournés au règlement de comptes contre moi et qui ont eu des effets néfastes sur ma santé. Je ne souhaite pas détériorer encore plus celle-ci par un troisième entretien. Cependant, contrairement à ce que vous affirmez, je souhaite profiter d'un entretien de seconde partie de carrière. Je compte sur vous pour me proposer un mode opératoire qui ne mette pas ma santé en péril. - la réponse de Mme P... par mail du 16 décembre 2013: « Je suis particulièrement choquée de tes propos qui ne sont que des allégations infondées et mensongères. Je ne peux admettre une telle mauvaise foi. (..) » - le mail adressé par M. Y... à l'employeur le 21 décembre 2013: « L4entretien annuel réalisé entre vous et moi le 10 octobre 2013 s'est bien passé pour vous peut être mais pas pour moi,] 'ai dû prendre sur moi pour supporter vos propos (..) Tout au long de l'entretien encore une fois vous avez écrit sur le compte rendu que je devais améliorer mon relationnel que] 'étais triste et plein d'autre mensonges. (..) Je prends encore sur moi pour ce mail que vous m'envoyez mais sachez que passer un entretien comme celui du 6 décembre et recevoir des mail de ce type me rend nerveux et contribue à détruire les rapports courtois que] 'ai réussi à établir(..) Je vous rappelle que je suis périodiquement suivi par un psychiatre pour remédier aux dégâts qu'ont causé sur moi 3 ans de dénigrement et d'acharnement de SII à détruire ma joie de vivre dans le but de me faire signer une rupture conventionnelle, je prends tous les jours 3 gélules de Venlafaxine Milan de 75mg pour lutter contre ma dépression(. .)et que malgré les effets sur ma santé qu'ont vos actions vous refusez de me proposer quelqu'un d'autre »(..) -la réponse de Mme P... du 10 janvier 2014 « nous sommes totalement surpris voire quelque peu décontenancés par de tels arguments qui procèdent d'une mauvaise foi évidente »(...) ; -ses arrêts de travail pour état dépressif ainsi que les pièces de la procédure de licenciement pour inaptitude outre les pièces médicales et pièces afférents à son accident du 7 février 2014. L'ensemble de ces éléments permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. S'agissant du comportement harcelant à l'égard de M. Y... du client M. B..., celui-ci ressort d'un unique mail adressé en 2009 à M. Y... par ce client. Ce message s'il était de nature à déconsidérer, M. Y... est isolé .L'employeur est fondé à soutenir qu'il n'a commis aucune faute à cette occasion et a traité cet incident, M. B... ayant à l'initiative de la société SII présenté des excuses par mail du 17 septembre 2009. S'agissant du propre comportement du salarié mettant en échec les diverses missions qui lui ont été confiées, il est corroboré par les circonstances ci-dessus relatées du déroulement et de l'interruption des missions, et par le compte rendu d'entretien annuel d'évaluation du 9 décembre 2013 mentionnant que M. Y... s'y est présenté en faisant montre d'une attitude « non constructive » en adoptant « un comportement particulièrement agressif ». Alors que la DRH Mme P... note parmi les objectifs à atteindre « l'amélioration du relationnel et un changement de comportement, en préconisant de faire du préventif », le salarié occupant le bureau voisin M. SM... rapporte que « le ton avec lequel s'exprimait Q... était suffisamment haut pour susciter son inquiétude et qu'il était animé d'une colère inappropriée à un environnement professionnel et vociférait des propos quasi incompréhensifs face à NJ... (JP... P...) totalement apeurée ». Par ailleurs, invité à passer un nouvel entretien par la DRH M. Y... répondait « j'ai passé ces dernières semaines 2 entretiens annuels avec vous qui ont rapidement tourné au règlement de compte contre moi et qui ont eu des effets néfastes sur ma santé. Je ne souhaite pas détériorer encore plus celle-ci par un troisième entretien. » Enfin, le 16 décembre 2013 et le 10 janvier 2014 Mme P... prenait acte de la décision de M. Y... de refuser l'entretien de seconde partie de carrière tout en s'étonnant du caractère infondé de ses propos en écrivant sans dépasser la mesure « nous ne pouvons que réaffirmer avec la plus grande détermination que ces affirmations sont infondées, mensongères et inacceptables ». M. Y... affirme avoir subi un harcèlement moral consistant notamment en des pressions exercée par l'employeur pour le conduire à la rupture du contrat de travail . Mais sa démonstration manque en fait. Il produit le mail de M. HD... I..., qui ne fait que reproduire les propos du salarié ainsi que ses courriers électroniques qui ne sont que son propre ressenti d'une situation de harcèlement et ne sont donc pas des pièces suffisamment probantes. II en est de même du témoignage fait par M. Y... en faveur d'un collègue en litige avec l'employeur (M. K...) qui ne peut servir de preuve des agissements de l'employeur envers M. Y.... La cour rappelle que le harcèlement moral ne se confond pas avec les tensions et conflits pouvant survenir avec l'employeur ou les reproches que ce dernier est en droit d'adresser à un salarié dans l'exercice de son pouvoir de direction. Face au démenti de l'employeur de tout fait de harcèlement ces pièces ne sont pas confortées par d'autres éléments probants Le salarié soutient enfin que la détérioration de son état de santé résulte du comportement de l'employeur. La cour constate que, si la médecine du travail a émis un avis d'inaptitude temporaire le 10 août 2012, le salarié, en arrêt de travail durant 15 jours, a repris son travail sans qu'aucune difficulté ne soit signalée ni invoquée dans ses écritures entre le mois de septembre 2012 et jusqu'au mois de juin 2013, si ce n'est son placement en inter-contrat. Si la médecine du travail a été alertée le 18 juin 2013 de la situation de M. Y... par un mail d'un autre salarié M. I... « se faisant du souci pour la santé de M. Y... » ce dernier, en litige avec l'employeur, ne fait que relater ce qui lui a été rapporté par le salarié sans décrire lui-même précisément le comportement de l'employeur. Divers arrêts de travail ont été prescrits au salarié en juillet et août 2013 pour syndrome dépressif sans aucune mention de harcèlement. Le harcèlement moral ne saurait se déduire de la seule altération de l'état de santé du salarié. En conséquence, l'employeur établit que la situation dénoncée par le salarié est étrangère à tout harcèlement de sa part. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande en reconnaissance d'un harcèlement moral de l'employeur et en indemnisation du préjudice en résultant. Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat Aux termes de l'article L. 4121 -1 du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise. Cette obligation, non seulement lui interdit de prendre, dans l'exercice de son pouvoir de direction, toutes mesures de nature à compromettre cette santé physique et mentale des travailleurs mais lui impose de mener des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, outre la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'article L.4121-2 du code du travail édicte ainsi neuf principes généraux de prévention, lesquels sont directement inspirés de la directive CEE N° 89/391 du 12 juin 1989: • Eviter les risques, • Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, • Combattre les risques à la source, • Adapter le travail à l'homme, • Tenir compte de l'évolution de la technique, • Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou moins dangereux • Planifier la prévention en y intégrant dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel ; . Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; Donner des instructions appropriées aux travailleurs Il est admis que l'employeur est non seulement responsable de ses propres agissements mais aussi de ceux qui sont sous son autorité i, de même que des faits commis par un tiers à l'entreprise, dès lors que celui-ci exerce, de fait ou de droit, une autorité sur le salarié victime. Selon M. Y..., la société SII a participé à la dégradation de son état de santé, le point culminant étant sa tentative de suicide le 7 février 2014 ( il explique avoir tenté de mettre fin à ses jours en «fonçant» sur un mur avec son véhicule) ; à la suite de cet accident l'employeur se serait montré particulièrement peu compréhensif et peu diligent en ne prenant pas les mesures nécessaires pour lui permettre de reprendre ses activités au point que face à l'inertie de l'employeur et du CHSCT, c'est M. I... qui a saisi l'inspecteur du travail M. XE..., et, ce n'est que le 8 avril 2014, soit deux mois après les faits sous l'impulsion de l'inspection du travail que le CHSCT devait enfin diligenter une enquête interne laquelle concluait que l'enquête ne comportait pas suffisamment d'éléments pour déterminer si l'incident était une conséquence directe de l'accident du travail tout en relevant « il apparaît également qu'un droit d'alerte pour danger grave et imminent ne peut être levé. » Lorsqu'il a repris le travail début 2016, il a constaté qu'il était de nouveau placé en inter-contrat. M. I... rapporte en ces termes les circonstances de l'accident survenu le 7février 2014 : « comme vous le savez la situation de M Y... est très délicate depuis plusieurs années sans que la direction ne lui vienne en aide. J'avais déjà alerté la médecine du travail en juin 2013 par mail car M Y... était déjà à bout. Le 7 février dernier, M Y... a été victime d'un accident du travail. J'ai été atterré par l'état de santé de M Y... quand je l'ai retrouvé dans le fossé. J'ai immédiatement averti la direction en utilisant mon droit d'alerte DP. A ce jour 2 mois après celte alerte la direction reste muette. . . cela fait 2 fois que nous demandons à la direction des explications lors des réunions DP A chaque fois elle évacue la question par un « on vous tiendra au courant ». Il est constant que le 19 juin 2013, le médecin du travail M. U... adressait M. Y... à M. SH..., médecin psychiatre en raison « d'un syndrome de burn ont suite à des problèmes de pression au travail » ; que du 16 au 31 juillet 2013, M. Y... était placé en arrêt de travail pour syndrome anxio dépressif, puis pour épisode dépressif du ICT août au 20 septembre 2013, pour dépression réactionnelle du 13 au 26 janvier 2014 ; que le 7 février 2014, en quittant son lieu de travail M. Y... a eu un malaise suivi d'un accident de voiture et s'est trouvé placé en arrêt de travail jusqu'au 10 juin 2014, le certificat médical des urgences faisant état d'une crise d'angoisse et l'arrêt de travail mentionnant « malaise au travail suite à altercation verbale avec collègue au travail puis accident de la voie publique suite à attaque de panique. Suite : choc psychologique angoisse » ; que M. Y... a été déclaré licencié pour inaptitude physique avec impossibilité de reclassement, le 30 mai 2016 ; que le 11 avril 2016, M. Y... dénonçait les représailles de la société SII à sa reprise du travail et alors qu'il avait été de nouveau placé en inter-contrat. Il convient cependant de constater que : - lors de la visite médicale de reprise du 25 septembre 2013, le médecin du travail a déclaré le salarié apte sans restriction. Il a été revu par le médecin du travail le 14 novembre 2013 qui l'a déclaré apte sans restriction ni mention d'une situation de harcèlement au travail ; - il a été indiqué plus haut les circonstances dans lesquelles la médecine du travail avait été saisie en juin 2013 par M. I... lequel n'a fait que rapporter le propre ressenti de M. Y... - Ni le médecin psychiatre à qui le médecin du travail a adressé le salarié Mme. SH..., ni le médecin psychiatre consulté par M. Y... M. IH... n'évoquent de situation de harcèlement ni n'en ont alerté l'employeur. Revu par la médecine du travail à sa reprise le salarié a été déclaré apte sans restriction au mois de septembre 2013-dans une lettre du 13 mai 2014 M.IH... évoque un état dépressif d'intensité moyenne remontant à trois ans faisant suite à un conflit vis- à vis d'un client important. Ces constatations ne sont pas en concordance avec les allégations de M. Y.... L'employeur démontre avoir placé le salarié en situation d'inter-contrat à la suite de ses problèmes relationnels répétitifs. Il fait exactement observer que les compte rendus de la mission occupée par M. Y... avant l'accident soit en février 2014 au sein de la société COBRA avec une équipe comprenant plusieurs salariés de la société Su, y compris M. I... lequel n'a rien remarqué d'anormal à cette occasion, ne font mention d'aucun incident, même le compte rendu du 4 février 2014, remis trois jours avant l'accident. La société SII justifie par ailleurs avoir répondu au mail de M. I... du 7 février 2014 à 13h47 l'avertissant de la prise en charge de M. Y... par les pompiers suite à un malaise, et aussitôt pris contact avec les services de secours, la médecine du travail et l'hôpital. Le 11 février 2014 le CHSCT prenait contact avec M. I..., puis le 20 février avec MM TJ... et AI.... L'enquête se poursuivait en l'absence de plus amples éléments fournis notamment par M.I.... M. Y... ne pouvait être joint mais le médecin du travail avait préconisé de ne pas le solliciter MM. Y.... Le 19 mars 2014 l'employeur sollicitait l'inspecteur du travail pour un entretien. Ainsi, la société SII démontre qu'elle n'a pas méconnu l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de M. Y... en justifiant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. La circonstance que les salariés membres du CHSCT ayant témoigné en faveur de l'employeur ( MM MJ..., XN..., QT..., UB...) sont ceux-là même que l'employeur a tenté d'imposer en procédant à une violation du droit électoral est indifférente au regard des autres éléments ci-dessus fournis par la société SII. Le jugement déféré sera confirmé et M. Y... sera débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. Sur l'annulation de l'avertissement Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 juillet 2013, M. Y... a été sanctionné par un avertissement pour avoir lors de sa mission à la Mairie de Nice, alors qu'il était sous la responsabilité de M. C... ingénieur SII eu un comportement inacceptable et tenu des propos injurieux. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (non datée reçue par l'employeur le 8 août 2013) M. Y... a contesté le bien-fondé de l'avertissement en indiquant : « les propos que vous me prêtez ne sont pas les miens, vos affirmations ne sont pas des faits et vous travestissez la réalité ». « je vous rappelle que vos manoeuvres tant sur la forme que sur le fond sont la cause de mes problèmes de santé actuels. Malgré mes nombreuses alertes à ce sujet, vous vous obstinez à maintenir cette position absurde sur le plan économique et sur le plan de la sécurité d'un de vos employés. Je réitère donc ma demande de cesser ces agressions à mon encontre et de me fournir un travail en adéquation avec mes compétences. » Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 septembre 2013, l'employeur a fait savoir au salarié qu'il maintenait l'avertissement. M. Y... fait notamment valoir que la sanction est disproportionnée compte tenu des circonstances qui l'entourent montrant que dès le 10 août 2012, la médecine du travail avait pointé les répercussions de ses conditions de travail sur son état de santé, réitéré son avis dans un courrier du 19 juin 2013 et qu'à compter du 16 juillet 2013 il était en arrêt de travail pour dépression réactionnelle à des pressions au travail. Les faits à l'origine de l'avertissement sont établis en leur matérialité tant par le document émanant de NJ... P... du 14 juin 2013 intitulé « retour sur la mission d'Q... Y... à la mairie de Nice » qui reprend exactement les propos injurieux visés dans la lettre d'avertissement que par le propre récit de JS... C..., dont il résulte que M. Y..., a eu un comportement déplacé envers M. C..., en n'acceptant aucun conseil ni remarque de sa part et en lui disant notamment : « si je t'emmerde, dis le moi » et une autre fois « C'est quoi ce code de merde ? »La lettre d'avertissement rappelle que la mission débutée le 21 mai 2013 « a pris fin au bout de 9 jours ce qui cause à la société un préjudice certain en terme d'image ». Les propos et attitudes attribuées à M. Y... ne sont pas démentis par un quelconque document émanant de ce dernier. Il n'est donc pas justifié d'un exercice abusif du pouvoir disciplinaire de l'employeur ni du caractère démesuré de la sanction, au regard d'un contexte médical dont il a été rappelé plus haut qu'il n'était pas en lien avec le comportement fautif de l'employeur. La demande d'annulation de l'avertissement du 29 juillet 2013 n'est pas fondée. Le jugement déféré sera confirmé et M. Y... débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts. Il découle de l'ensemble de ces constatations que M. Y... n'est pas fondé en sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, ni en sa demande en paiement de dommages-intérêts tant pour rupture abusive que pour exécution déloyale du contrat de travail. Sur l'imputabilité à l'employeur de l'inaptitude de M. Y... Le constat de l'absence de harcèlement et de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, résultant des éléments précités, n'est pas de nature à établir que l'inaptitude de M. Y... est imputable aux agissements de son employeur. Le licenciement du salarié a été prononcé pour inaptitude d'origine non professionnelle et M. Y... n'établit pas l'existence d'un comportement fautif de l'employeur, d'un préjudice, et d'un lien de causalité entre le milieu professionnel et son état de santé. Le licenciement est intervenu à l'issue de deux visites médicales de reprise en date du 16 mars et du 1er avril 2016. Le 4 avril 2016 la société SII a proposé à M. Y... un reclassement au sein de son agence de Rennes, proposition que le salarié a refusée au motif, dont il n'est pas justifié, d'une incompatibilité de ce poste avec son état de santé. Le salarié n'a pas répondu aux autres propositions de reclassement au sein de ses agences de Lyon et de Lille. La circonstance que la société SII avait pour habitude de proposer à ses salariés un reclassement dans un poste obligeant à déménager est à cet égard inopérante. Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. Y... de ses demandes indemnitaires au titre d'un licenciement inondé voire nul. (
) Sur les dépens en les frais irrépétibles M. Y... succombant, supportera la charge des dépens. Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SII les frais non compris dans les dépens ; il y a lieu de condamner M. Y... au paiement de la somme complémentaire de 2000 euros au titre des frais non répétibles exposés en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Selon les articles L1221-1 du code du travail et 1184 du code civil, le salarié peut saisir le Conseil de Prud'hommes aux fins de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement grave à ses obligations. Le salarié doit prouver que les griefs qu'il reproche à son employeur revêtent un caractère suffisamment grave. Il appartient au juge d'apprécier si l'inexécution des obligations par l'employeur présente une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail. En l'espèce, Monsieur Q... Y... énonce plusieurs griefs à l'encontre de la SA SII qui, selon lui, sont suffisamment graves pour voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il prétend en premier lieu avoir fait l'objet d'une rupture d'égalité de traitement et de discrimination syndicale. Au vu des éléments rapportés sur ce sujet, Monsieur Q... Y... a toujours bénéficié d'augmentations régulières et son salaire est supérieur au minimum conventionnel. Il n'apparaît pas non plus de différences de rémunérations flagrantes avant et après son élection en tant que délégué du personnel suppléant le 18 mars 2011. Monsieur Q... Y... se base sur la moyenne des augmentations au sein de la SA SII et avec d'autres salariés placés dans des situations différentes ; l'augmentation des salaires dans cette société se faisant de manière individuelle et non collective. Au cours des différentes missions qui lui ont été confiées, Monsieur Q... Y... a fait l'objet de remarques des clients chez qui il était affecté. Ces remarques ont donné lieu à plusieurs reprises à des interruptions de missions et des pertes financières pour la SA Su. Lors de la mission à la mairie de Nice, Monsieur Q... Y... a eu, comme dans les précédentes missions, un comportement inapproprié envers le client, n'acceptant ni conseils ni remarques de la part de Monsieur C..., son supérieur. Par le passé, le comportement de Monsieur Q... Y... avait déjà entraîné l'interruption de plusieurs missions. Les missions au sein du laboratoire XH..., de la société [...] et Sopra ont ainsi été arrêtées après quelques jours seulement de travail. La SA SII a donc décidé de notifier un avertissement pour son comportement à Monsieur Q... Y... en date du 29 juillet 2013. A cette date, Monsieur Q... Y... ne l'a pas contesté. Ces interruptions de missions ont entraîné des périodes d'inter contrat. Ces périodes sont une pratique courante dans la profession, où le salarié ayant terminé une mission est dans l'attente de s'en voir attribuer une autre. Certaines missions confiées à Monsieur Q... Y... pour une durée de 6 mois ont pris fin au bout de 15 jours. De même il n'est pas démontré que les faits rapportés par Monsieur Q... Y... sont constitutifs de harcèlement moral et que la dégradation de son état de santé soit du fait de la SA Su. Ses griefs à l'encontre de son employeur ne constituent pas des manquements graves empêchant la poursuite du contrat de travail. En conséquence, le Conseil dit que les faits rapportés par Monsieur Q... Y... ne sont pas de nature à démontrer des manquements suffisamment graves de la part de ta SA SII et qu'il n'y a pas lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail. Le Conseil déboute Monsieur Q... Y... sur l'intégralité de ses demandes. »

ALORS QUE 1°) lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, le salarié faisait valoir que la discrimination à son égard s'évinçait de plusieurs éléments cumulés, à savoir, l'absence de bénéfice d'une formation professionnelle, l'absence d'évolution de sa rémunération et l'absence de fourniture d'un travail régulier à compter du moment où il était devenu délégué syndical ; qu'en appréciant chacun de ces griefs séparément, la Cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ensemble l'article 1184 devenu 1227 du code civil ;

ALORS QUE 2°) l'absence de formation du titulaire d'un mandat syndical pendant plusieurs années constituant un élément de nature à laisser supposer l'existence d'une situation de discrimination syndicale, l'employeur est tenu de justifier de l'impossibilité de lui proposer des formations adéquates par des éléments objectifs et étrangers à toute discrimination couvrant l'intégralité de la période considérée ; qu'en l'espèce, M. Y... faisait valoir qu'une fois qu'il a été élu délégué syndical, le 15 mars 2011, il n'a plus bénéficié de formation qualifiante pour un ingénieur informatique ayant 22 années d'ancienneté, et plus aucune formation depuis mai 2011 quand de nombreuses heures de formation sont proposées à la plupart des salariés (v. p. 13 ss. des conclusions d'appel) ; qu'en se fondant dès lors sur le bénéfice de deux formations non qualifiantes « sur le logiciel Vijeo Citect de [...] et qu'en mai 2011 il a bénéficié d'une formation au titre du CFESS » sans rechercher si le salarié s'était vu proposer des formations qualifiantes pendant toute la période de travail, en particulier dès lors que la société elle-même avait lancé un vaste plan de formation s'adressant en particulier aux salariés en inter-contrat, la cour d'appel, qui n'a constaté aucune justification objective à l'absence de formation de mai 2011 jusqu'à la fin du contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ensemble l'article 1184 devenu 1227 du code civil ;

ALORS QUE 3°) le juge ne peut dénaturer les pièces du débat, fut-ce par omission ; qu'en l'espèce, il était fait valoir par le salarié que la plupart des demandes de formation avaient été formulées par oral, et produisait un refus écrit à « une demande de formation qualifiante (ASP.NET C++) (pièce 69) » (v. conclusions p. 15) ; qu'en retenant qu'il « n'est pas justifié de demandes formées par le salarié qui n'auraient pas abouti. Sur ce point le salarié est défaillant à produire des éléments de fait laissant supposer une discrimination », la Cour d'appel a violé le principe de non dénaturation des pièces versées ;

ALORS QUE 4°) l'absence d'augmentation de salaire à compter de l'exercice d'un mandat syndical constitue une discrimination ; qu'il appartient à l'employeur d'apporter des éléments objectifs pour démontrer que cette absence d'évolution salariale n'est pas en lien avec l'existence du mandat syndical ; qu'en se fondant uniquement sur un gel de salaires en 2009 (antérieurement à l'exercice du mandat syndical) et le fait que certains autres salariés n'auraient pas été augmentés, sans apporter de justification positive à l'absence de toute augmentation de salaire du délégué syndical, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ensemble l'article 1184 devenu 1227 du code civil ;

ALORS QUE 5°) constitue une discrimination syndicale le fait pour l'employeur de ne pas fournir de travail à son salarié ; que M. Y... démontrait qu'à compter de son élection, la courbe du temps d'inter-contrat par rapport au temps de travail s'était inversée, alors que la Société SII était en période d'embauche d'ingénieurs tels que M. Y... ; qu'il appartenait à l'employeur de démonter de façon positive l'absence de possibilité de fourniture de missions ; qu'en se fondant uniquement sur des attestations de partenaires économiques pour exposer que certaines missions de M. Y... auraient échouer sans que soit apportée la preuve positive par l'employeur ni de propositions qui auraient été faites à M. Y... et que celui-ci aurait refusées, ni de l'impossibilité de lui faire des propositions correspondant à son profil professionnel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ensemble l'article 1184 devenu 1227 du code civil ;

ALORS QUE 6°) constitue une sanction disciplinaire toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que le refus de procurer du travail à un salarié aux motifs qu'il aurait eu un comportement inadapté avec certains clients constitue une sanction disciplinaire ; qu'en justifiant le fait que M. Y... ait pu se voir proposer moins de missions à compter de son élection comme délégué syndical par le fait qu'il ait eu un comportement inadapté vis-à-vis de certains clients, la Cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 ; L. 1331-1 , L. 13333-1 et L. 2141-5 du code du travail ensemble l'article 1184 devenu 1227 du code civil ;

ALORS QUE 7°) lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; or en l'espèce la Cour d'appel, après avoir admis que l'ensemble des « éléments permettent de présumer l'existence d'un harcèlement » si bien qu'il « incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement » (p. 7 dernier alinéa) a débouté néanmoins l'exposant de ses demandes aux motifs que le salarié ne démontrait pas les pressions exercées par l'employeur pour le conduire à la rupture du contrat de travail, dès lors que les attestations de M. I... seraient insuffisantes, que « face au démenti de l'employeur de tout fait de harcèlement, ces pièces ne sont pas confortées par d'autres éléments probants (p. 8 al. 3), ni que la détérioration de son état de santé résultait du comportement de l'employeur, la médecine du travail ne faisant que rapporter les propos de M. Y... (p. 8 al.5 et 6), ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations et renversant la charge de la preuve, en violation des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ensemble l'article 1184 devenu 1227 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-25710
Date de la décision : 18/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 nov. 2020, pourvoi n°18-25710


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25710
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