Vu le pourvoi, enregistré le 23 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme Marie-Liesse B, demeurant ... ; Mme B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 16 mai 2006 par laquelle la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts comptables a confirmé la décision du 25 mai 2000 de la chambre régionale de discipline auprès du conseil régional de Picardie-Ardennes en ce qu'elle a dit qu'il n'y avait pas lieu à sanction disciplinaire à l'égard de M. A pour une partie des faits dénoncés par elle et a constaté l'extinction de la poursuite disciplinaire par l'effet de la loi d'amnistie du 3 août 1995 pour les faits d'immixtion dans la gestion de la société SLC ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la chambre nationale de discipline ;
3°) de mettre à la charge du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et de M. A, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme de 2 000 euros à Maître Ricard, qui déclare en ce cas, renoncer à l'aide de l'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
Vu le décret n° 70-147 relatif à l'ordre des experts-comptables et comptables agréés ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Chaubon, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de Mme B, de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. A et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ricard, avocat de Mme B, à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. A et à la SCP Peignot, Garreau, avocat du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable : Les fonctions de membre de l'ordre sont incompatibles avec toute occupation ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance (...). Il est en outre interdit aux membres de l'ordre (...) d'effectuer des travaux d'expertise comptable, de révision comptable ou de comptabilité pour les entreprises dans lesquelles ils possèdent des intérêts substantiels (...). Les interdictions (...) s'étendent au conjoint des membres de l'ordre (...) ;
Considérant que par la décision attaquée, la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a relevé à l'encontre de M. A des faits d'immixtion dans la gestion de la société SLC dont il avait acquis un certain nombre d'actions, alors que son épouse était nommée administratrice de cette société et que lui-même en était l'expert-comptable ; qu'elle a estimé que si ces faits étaient susceptibles de constituer un manquement à l'article 22 de l'ordonnance de 1945, qui interdit aux membres de l'ordre d'effectuer des travaux d'expertise comptable pour les entreprises dans lesquelles ils possèdent directement ou indirectement des intérêts substantiels, ils ne mettaient pas en cause l'honneur et la probité personnelle de M. A et entraient dès lors dans le champ d'application de la loi d'amnistie du 3 août 1995 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumises aux juges du fond qu'en portant une telle appréciation, alors que les faits reprochés à M. A ont constitué un manquement grave à la règle d'indépendance des experts comptables et ont eu un caractère répétitif sur une longue durée, la chambre nationale de discipline a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que Mme B est dès lors fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision attaquée ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; qu'en l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que le désistement de plainte opéré par Mme B le 1er décembre 1995, et le classement de l'affaire, à la suite de ce désistement, par le président de la chambre régionale de discipline, faisaient obstacle, en l'absence de faits nouveaux, à une reprise ultérieure des poursuites à la demande de Mme B ; que, par suite, l'action disciplinaire n'a pu valablement être réengagée en 1998 ; que, dès lors, Mme B n'est pas fondée à se plaindre de ce que la chambre régionale de discipline de Picardie-Ardennes a rejeté sa plainte contre M. A ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du conseil supérieur de l'ordre des experts comptables la somme demandée au titre des frais exposés par Mme B et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu davantage de mettre à la charge de M. A, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 16 mai 2006 de la chambre nationale de discipline auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme B devant la chambre régionale de discipline de Picardie-Ardennes est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Liesse B, à M. André A, au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.