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18/04/2023 | FRANCE | N°22TL20583

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 18 avril 2023, 22TL20583


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des articles L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure, prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.

Par un jugement n° 2107244 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars

2022, M. C..., représenté par Me Pachot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 jan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des articles L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure, prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.

Par un jugement n° 2107244 du 4 janvier 2022, le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mars 2022, M. C..., représenté par Me Pachot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 janvier 2022 du tribunal administratif de B... ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2021 par lequel le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des articles L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure, prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance ;

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne tient pas compte des décisions déjà prescrites par l'autorité judiciaire, en méconnaissance de l'article L. 228-6 du code de la sécurité intérieure ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ; en effet, le ministre se contente de lister une série de faits dont un grand nombre ne sont pas démontrés, et dont certains constituent des condamnations pénales prononcées par le tribunal des enfants de B... ;

- de plus, ces faits correspondent à des délits de droit commun commis alors qu'il était mineur et souffrait d'une schizophrénie diagnostiquée tardivement et dont la prise en charge médicale a permis une stabilisation de son état ;

- en outre, les faits en cause ne permettent pas de retenir l'existence d'une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics en relation avec la commission d'actes de terrorisme ;

- le ministre n'a pas pris en considération le caractère nécessaire et proportionné de la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance au regard des obligations déjà prescrites par l'autorité judiciaire, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 228-6 du code de la sécurité intérieure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est suffisamment motivé ;

- les faits dont la matérialité est contestée par l'appelant sont mentionnés dans une note des services de renseignement qui fait état d'éléments précis et circonstanciés ; de plus, de nombreux autres faits relatés dans ce document ne sont pas contestés ;

- aucune erreur manifeste d'appréciation n'a été commise, eu égard aux nombreux faits justifiant que l'intéressé soit regardé comme constituant une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics ; en outre, avant comme après l'apparition et le diagnostic de ses troubles psychotiques l'appelant a présenté un comportement constant en termes de violence et d'agressivité ; de plus, il a tenu à plusieurs reprises des propos menaçants se référant aux attentats terroristes et empreints de rhétorique religieuse ;

- les dispositions de l'article L. 228-6 du code de la sécurité intérieure n'ont pas été méconnues en raison de ce que les mesures prescrites par le juge judiciaire et celles prises dans l'arrêté litigieux n'ont ni la même nature ni ne poursuivent le même objectif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de ERB, président-rapporteur,

- les conclusions de FP, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 novembre 2021, le ministre de l'intérieur a prononcé à l'encontre de M. C..., à sa sortie de détention de ..., une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance régie par les articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure lui interdisant de se déplacer en dehors du territoire de la commune de B... sans avoir obtenu préalablement une autorisation écrite (sauf-conduit), l'obligeant à se présenter une fois par jour, à 10 heures, au ... tous les jours de la semaine, y compris les dimanches, les jours fériés ou chômés, de justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement d'adresse, l'ensemble de ces mesures étant prévu pour une durée de trois mois.

2. M. C... relève appel du jugement du 4 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.

3. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entré en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer et justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu d'habitation. L'obligation prévue au 1° du présent article peut être assortie d'une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés se trouvant à l'intérieur du périmètre géographique mentionné au même 1° et dans lesquels se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace terroriste. Cette interdiction tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. Sa durée est strictement limitée à celle de l'événement, dans la limite de trente jours. (...). / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. (...). / La personne soumise aux obligations prévues aux 1° à 3° du présent article peut, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, (...), demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine. Ces recours, (...), s'exercent sans préjudice des procédures prévues au huitième alinéa du présent article ainsi qu'aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code ". Aux termes de l'article L. 228-6 de ce code : " Les décisions du ministre de l'intérieur prises en application des articles L. 228-2 à L. 228-5 sont écrites et motivées. La définition des obligations prononcées sur le fondement de ces articles tient compte, dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité, des obligations déjà prescrites par l'autorité judiciaire. (...) ".

4. Les mesures qui peuvent être prises sur le fondement des dispositions législatives précitées doivent l'être aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.

5. En premier lieu, M. C... reprend en appel le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté du 18 novembre 2021 du ministre de l'intérieur, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que M. C..., né le 16 juillet 2003, de nationalité française et algérienne, vivant à ... et domicilié chez sa mère, est depuis 2017 connu pour des actes de délinquance graves et répétés, consistant notamment en divers faits de violence avec ou sans armes, de menaces de mort ou de crime, d'outrages à personnes dépositaires de l'autorité publique, de vols, de détention et d'usage illicite de stupéfiants. Il a été condamné à de multiples reprises pour avoir commis l'un ou l'autre de ces faits, notamment à des peines d'emprisonnement en 2019, 2020 et 2021. Il résulte également de l'instruction qu'il a commis de nombreux incidents lors des audiences devant le tribunal pour enfants devant lequel il comparaissait ou dans le cadre de son incarcération en particulier au cours de l'année 2021, s'en prenant tant aux biens qu'aux personnes, notamment aux différentes catégories de personnels qui le prenaient en charge. Certains de ces incidents ont d'ailleurs donné lieu à des sanctions disciplinaires en milieu carcéral. Il résulte, par ailleurs, des propos retranscrits dans sa notice individuelle, de manière précise et circonstanciée, que, durant l'année 2021, le comportement agressif de l'intéressé, ses menaces de mort individuelles ou collectives, ainsi que les insultes fréquentes qu'il a proférées, se sont accompagnés d'un discours fondé sur une rhétorique religieuse caractéristique d'un islamisme radical prônant l'action terroriste individuelle et prenant ... ou ses actions comme exemple à imiter ou comme justification de son attitude. Enfin, il résulte de l'instruction que la dégradation sensible de son comportement au cours de l'année 2021 a conduit à une prise en charge en soins psychiatriques et que celle-ci a permis de poser le 26 juin 2021 le diagnostic d'une pathologie de type schizophrénie paranoïde se manifestant notamment par des " délires mystiques alimenté par des phénomènes hallucinatoires accoustico-verbaux et des illusions ". Il a été alors pris en charge, en cours d'incarcération, dans des unités de soins spécialisées. Depuis sa sortie, le 17 novembre 2021, il continue de faire l'objet d'une mesure de soins sous contrainte organisée désormais dans un cadre ambulatoire. Par un avis motivé du 30 novembre 2021, le médecin psychiatre a indiqué à l'autorité préfectorale que l'état mental de l'intéressé nécessite la poursuite des soins psychiatriques sous la forme d'un programme de soins après avoir estimé que cet état était de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte de façon grave à l'ordre public.

7. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'eu égard au comportement de l'intéressé et en particulier de sa capacité à passer à l'acte de manière brutale et violente, le cas échéant avec armes, contre les personnes de son entourage ou étrangères dans un contexte de fragilité psychique, il présente, en l'état de l'instruction, une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics. En outre, les différents propos qu'il a tenus à de multiples reprises lors d'audiences ou en milieu carcéral où ils ont pu être consignés, doivent être regardés, en l'état de l'instruction, comme manifestant une adhésion explicite à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant leur apologie. Il n'est pas davantage contesté que la menace terroriste islamiste demeure très élevée. De plus, la circonstance, invoquée par l'appelant, que son comportement et ses propos ne soient pas sans lien avec la pathologie psychiatrique dont il souffre, n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à supprimer tout risque de passage à l'acte mais au contraire de nature à le favoriser, les différentes mesures administratives et thérapeutiques mises en place à sa sortie de prison ayant précisément pour objet de prévenir sa réalisation. Il ne résulte pas, enfin, de l'instruction que l'état de santé de l'intéressé aurait évolué de telle sorte qu'il serait manifeste que le risque de réitération de ses comportements violents et de mise en œuvre de ses menaces d'action de type terroriste pourrait être regardé comme raisonnablement maîtrisé.

8. En troisième lieu, la circonstance que, par un arrêté du 25 novembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de recevoir des soins en mode ambulatoire deux fois par mois sous la forme d'une consultation chez un psychiatre d'un centre médio-psychologique et la visite d'une infirmière pour lui administrer une piqûre retard, alors qu'il fait déjà l'objet des mesures de contrôle et de surveillance contenues dans l'arrêté contesté du 18 novembre 2021 ne suffit pas, contrairement à ce qui est soutenu, à faire regarder ces dernières comme présentant, au moins depuis le 25 novembre 2021, de manière manifeste, un caractère excessif. Ces différentes mesures ne présentent pas davantage, contrairement à ce qui est allégué, de contradiction entre elles mais au contraire sont complémentaires. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les obligations particulières de contrôle judiciaire fixées par la décision du tribunal pour enfants du 8 juillet 2021, consistant en particulier à prévenir le service pénitentiaire d'insertion et de probation de ses changements d'adresse, d'emploi et de tout déplacement d'une durée supérieure à quinze jours et d'informer le juge de l'application des peines préalablement à tout voyage à l'étranger, et celles liées à l'obligation d'exécuter une peine de travail d'intérêt général de 70 heures à accomplir dans les 18 mois de sa condamnation contenue dans la décision du même tribunal du 9 septembre 2021, conduisent à priver de nécessité celles prises par l'arrêté ministériel dont l'annulation est demandée ou à regarder leur cumul, eu égard à leur différence de nature et aux différents objectifs poursuivis par chacune d'elles, comme revêtant de manière manifeste un caractère disproportionné au regard de l'article L. 228-6 précité.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ... a rejeté sa demande.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. M'Hamed C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :

ERB, président,

PB, président-assesseur,

KB, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.

Le président-assesseur,

PB

Le président-rapporteur,

ERB

La greffière,

CL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20583
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. E...R...B...
Rapporteur ?: M. E...R...B...
Rapporteur public ?: Mme F...P...
Avocat(s) : PACHOT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-18;22tl20583 ?
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