Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 28 mai 2020 par lequel ce dernier a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " ascendant à charge ", l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2005557 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 28 mai 2020 pour méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement et condamné l'Etat à verser à l'intéressée une somme de 500 euros au titre des frais de justice.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 janvier 2021, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- son arrêté n'est pas entaché d'une erreur de droit ;
- il n'est pas plus entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2022, Mme B... C..., représentée par Me Nouri-Meshkati, avocate, conclut au rejet de la requête à ce qu'il lui soit versée la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé quant à l'absence d'atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- il méconnaît le droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- il méconnaît le 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant d'accorder un titre de séjour à l'ascendant à charge d'un ressortissant français ;
- le préfet était tenu de vérifier que son statut ne pouvait être régularisé par la délivrance d'un autre titre de séjour que celui d'ascendant à charge, conditionné par la possession d'un visa supérieur à trois mois, en se fondant sur d'autres dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- et les observations de Me Nouri-Meshkati pour Mme B... C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., ressortissante iranienne, est entrée en France le 19 décembre 2018 sous couvert d'un visa de court séjour et a sollicité après l'expiration de son visa, le 15 octobre 2019, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " ascendant à charge " sur le fondement des dispositions énoncées au 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 mai 2020, le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé son pays de destination. Le préfet du Val-d'Oise fait appel du jugement n° 2005557 du 8 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.
Sur la légalité de la décision attaquée :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mentionné par le tribunal administratif : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... C... est entrée en France le 19 décembre 2018, munie d'un visa de court séjour, et réside depuis lors chez sa fille ainée qui l'a prise en charge. Si cette dernière et une autre de ses filles séjournent régulièrement en France, elle n'est pas dénuée d'attaches en Iran où réside encore l'une de ses autres filles et où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-quatre ans, dont 5 années après son veuvage survenu en 2013. En outre, si l'intéressée affirme souffrir de problèmes de santé, elle n'a pas sollicité la délivrance d'une carte de séjour en cette qualité et le simple certificat médical qu'elle produit ne permet pas d'établir que la présence de sa fille est indispensable. Il suit de là que l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme B... C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la méconnaissance par le préfet du Val-d'Oise des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler son arrêté du 28 mai 2020.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués :
5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant la Cour.
6. En premier lieu, la circonstance que le préfet s'est borné à viser et à faire application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprend les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en procédant à une analyse de la situation de l'intéressé, sans y faire expressément référence, ne suffit pas à relever une insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2°/ A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; (...) ".
8. Il est constant que Mme B... C... a sollicité le 15 octobre 2019 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " ascendant à charge " en invoquant le bénéfice des dispositions énoncées au 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que la fille de Mme B... C... n'est pas de nationalité française, qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour la requérante n'a pas produit un visa de long séjour et que son visa de court séjour était expiré à la date de sa demande. Elle ne remplit donc pas les conditions pour se prévaloir de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut donc qu'être écarté.
9. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire en exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû examiner le bien-fondé de sa demande au regard d'autres dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que dans la mesure où la décision de refus de titre de séjour n'est pas illégale, les moyens invoqués par voie d'exception à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 28 mai 2020, et la demande de Mme B... C... tendant à son annulation doit être écartée.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... C... demande à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2005557 du 8 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de Mme B... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 28 mai 2020 et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B... C....
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
M. Lerooy, premier conseiller,
Mme Houllier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.
Le président-rapporteur,
B. EVEN
L'assesseur le plus ancien,
D. LEROOY
La greffière,
C. RICHARD
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE00045