Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Henri X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 2 juillet 2013, qui a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction dans l'information suivie, notamment, contre M. Salomon Y...des chefs d'abus de confiance, abus de biens sociaux, faux et usage de faux, banqueroute et non-révélation de faits délictueux ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 janvier 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, Mme Guirimand, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller GUÉRIN, les observations de Me SPINOSI, de la société civile professionnelle GADIOU et CHEVALLIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général BOCCON-GIBOD ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 242-6 du code de commerce, préliminaire, 2, 3, 85, 87, 186, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable, faute d'avoir la qualité de partie civile, l'appel interjeté par M. X...;
" aux motifs que cet appel a été interjeté dans le délai de l'article 186 du code de procédure pénale ; que la cour n'est toutefois saisie que des seules dispositions de non-lieu partiel portant sur les faits visant M. Y..., la société Consultaudit et les commissaires aux comptes de la société FEGEC ; que le 22 mars 2004, la société FEGEC représentée par M. X..., président du conseil d'administration, s'est constituée partie civile à titre principal et a mis en mouvement l'action publique pour les faits précités ; que le 1er juillet 2004, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société FEGEC et a nommé Me A... en qualité de liquidateur, le liquidateur s'étant constitué partie civile le 30 juin 2009 ; que M. X..., reconnaissant qu'il n'était plus habilité à s'exprimer au nom de la société Fegec, puisque cette dernière, en liquidation judiciaire, est représentée par son liquidateur judiciaire, Me A..., se constituait partie civile, à titre personnel, le 23 avril 2007 (D1109/ 02), en considérant, de façon sommaire, « qu'il avait subi un préjudice personnel, distinct du préjudice subi par la société FEGEC » ; que si un contentieux a été élevé par M. Y...sur la recevabilité de la constitution de partie civile initiale de M. X...en sa qualité de dirigeant et représentant légal de la société FEGEC, la question de la recevabilité de la constitution de partie civile de M. X..., à titre personnel, est posée pour la première fois par le mémoire de M. Y...soumis à la chambre de l'instruction ; qu'il résulte de l'acte d'appel, que M. X...a relevé appel en sa qualité de partie civile incidente, sans qu'aucun autre appel n'a été formalisé par le procureur de la République ou le liquidateur de la société FEGEC, régulièrement constitué partie civile et qui, ont estimé que la décision du juge d'instruction était justifiée ; que dans son mémoire, établi alors qu'il avait connaissance de celui de M. Y..., M. X...répond partiellement aux prétentions de M. Y...de voir son appel déclaré irrecevable sur le fondement de l'autorité de la chose jugée mais n'a pas estimé devoir évoquer la question de sa qualité à agir, par rapport aux infractions poursuivies et à la nature de son préjudice ; qu'en se constituant partie civile à titre personnel, M. X...ne s'est jamais expliqué non plus sur la nature de son préjudice en lien de causalité direct et distinct de celui de la société FEGEC ; que la question de la recevabilité de l'appel a donc été posée dans le débat devant la cour et contradictoirement discutée et doit désormais être tranchée ; que sous les qualifications de faux et usage de faux, abus de confiance, abus de biens sociaux, banqueroute par détournement d'actifs, M. X...reproche à M. Y...la non-restitution des documents comptables et des biens de la société FEGEC qui lui avaient été remis en vertu du contrat de cession, des prélèvements dans la trésorerie de la société FEGEC pour un montant de 11 150 000 francs, des emprunts aux banques pour un montant de 6, 5 millions de francs qui ont disparu en quelques mois de la gérance Y..., des factures non causées révélées par l'expert Preud'homme, au bénéfice des sociétés du groupe Consultauding et au préjudice de la société FEGEC, la disparition quasi-totale de clientèle et le niveau de facturation élevé au regard de la baisse du chiffre d'affaires, l'établissement de ces fausses factures et d'écritures fictives en comptabilité (factures d'honoraires et conventions fictives à l'origine de la facturation ¿ factures produites par la société Consultaudit pour justifier des versements litigieux) ; que ces faits ayant été opérés avant le 19 avril 2001, date de la cessation des paiements et spécialement du 7 janvier 1999 à fin juillet 1999, que la victime directe de ces faits est naturellement la société FEGEC elle-même, ce qui explique que, à l'origine, la plainte a été déposée au nom de la personne morale ; que s'agissant de la qualification d'abus de biens sociaux consistant outre les disparitions précitées, en la dépréciation des titres, M. X...n'a pas estimé devoir apporter les précisions nécessaires au soutien de l'examen de la recevabilité de sa plainte déposée récemment, à titre personnel, que si M. X...a eu la qualité de salarié et d'associé de la société FEGEC il n'est de ce seul fait pas autorité à maintenir l'action publique en interjetant appel de la décision de non-lieu partiel, qu'au surplus M. X...ne justifie pas d'un préjudice personnel et direct distinct de celui de la personne morale, permettant d'admettre qu'il avait qualité pour agir de ce chef ; que s'agissant de la banqueroute par détournement d'actifs (faits commis après la date de cessation des paiements), l'action publique est exercée par le ministère public et les organes de la procédure collective ; qu'à titre exceptionnel d'autres personnes peuvent se voir reconnaître ce droit à la condition d'invoquer et de justifier d'un préjudice personnel et direct en lien avec cette infraction, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il en est en conséquence de même pour le recel ou la complicité de ces infractions ; que, sur la non-révélation de faits délictueux par un commissaire aux comptes, si l'évolution de la jurisprudence tend à ne plus limiter l'exercice de l'action publique au ministère public et à accepter une plainte avec constitution de partie civile, encore faut-il que la partie civile déclarée, justifie d'un préjudice personnel et direct, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque M. X...n'a pas estimé devoir répliquer sur ce point au mémoire en défense ou s'expliquer lors du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile ; que la cour ayant analysé l'ensemble des éléments matériels articulés au soutien des prétentions de la partie civile appelante, considère que M. X...ne justifie pas d'un préjudice personnel et direct par rapport à l'ensemble des infractions qu'il vise dans son mémoire ; qu'à défaut de qualité à agir, la déclaration d'appel formé à titre personnel par M. X..., en l'absence d'appel du ministère public, ou du liquidateur de la société FEGEC qui était régulièrement présent dans l'information judiciaire en qualité de partie civile, est irrecevable ; que la chambre de l'instruction n'est pas compétence pour statuer sur les dépens ;
" 1°) alors que la constitution de partie civile par voie d'intervention n'est subordonnée à aucune formalité particulière ; que la chambre de l'instruction se doit de reprendre l'ensemble des observations adressées au juge chargé de l'information lorsqu'elle entend se prononcer sur la recevabilité d'une constitution de partie civile ; que, par courrier du 26 avril 2007, l'avocat de M. X...adressait au juge chargé de l'instruction un acte de constitution de partie civile de ce dernier à titre personnel, expressément motivé par le préjudice financier personnel subi au titre de sa qualité d'ex-cédant et de titulaire d'un droit à restitution des actions ainsi que par le préjudice moral découlant du pillage de la société FEGEC qu'il avait fondée en 1973 ; que la chambre de l'instruction ne pouvait, dès lors, pour constater l'absence de qualité à agir de M. X..., affirmer qu'il s'était contenté de considérer, de façon sommaire, qu'il avait subi « un préjudice personnel, distinct du préjudice subi par la société FEGEC », en s'abstenant d'examiner les deux chefs de préjudice spécifiques étayés devant le juge d'instruction ;
" 2°) alors que, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable au stade de l'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; que la chambre de l'instruction ne pouvait dès lors, sans violer ce principe, exiger de M. X...qu'il justifie de l'existence même d'un préjudice personnel et direct, et constater qu'une telle preuve n'était pas rapportée, pour déclarer irrecevable son appel de l'ordonnance de non-lieu ;
" 3°) alors que M. X...justifiait, d'une part, sa constitution de partie civile à titre personnel par sa qualité de titulaire d'un droit à restitution d'actions résultant de la résolution d'une cession des parts de la société conclue avec M. Y...et la société Consultaudit par acte du 16 novembre 1998, au titre de laquelle il subissait un préjudice financier puisqu'étant tenu de rembourser le prix de vente initial en échange d'actions dévaluées ; qu'il agissait, d'autre part, en sa qualité de fondateur de la société FEGEC, au regard de laquelle il subissait une atteinte à son honorabilité ; que les deux chefs de préjudice dont il se prévalait étaient donc sans lien avec sa qualité d'actionnaire ; que la chambre de l'instruction ne pouvait dès lors relever que la qualité de salarié et d'associé du demandeur ne l'autorisait pas à se constituer partie civile ;
" 4°) alors qu'en tout état de cause, en vertu de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal relativement à ses contestations sur ses droits et obligations à caractère civil ; que l'actionnaire d'une société victime d'abus de biens sociaux souffre incontestablement d'un préjudice économique dont la prétention à réparation entre dans le champ de cette stipulation conventionnelle ; qu'en refusant à M. X...la qualité de partie civile, la chambre de l'instruction a privé le demandeur de toute possibilité de faire valoir ses droits devant une juridiction de jugement, violant ainsi son droit d'accès au juge " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la société Fiduciaire d'étude, de gestion et d'expertise comptable (FEGEC), qui a été créée par M. Henri X...sous la forme d'une société anonyme dont il détenait une partie du capital, a porté plainte et s'est constituée partie civile contre MM. Salomon Y...et Orly Y..., la société Consultaudit, pour qu'il soit instruit notamment sur des faits d'abus de confiance, d'abus de biens sociaux, de faux et usage de faux, de banqueroute et de non-révélation de faits délictueux ; qu'à l'issue de l'information, au cours de laquelle M. X...a été entendu comme témoin assisté, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu partiel ; que M. X..., qui, en cours d'instruction, s'était constitué partie civile à titre personnel, a, en cette qualité, interjeté appel de cette ordonnance ;
Attendu que, pour déclarer ce recours irrecevable, après avoir retenu que la constitution de partie civile de M. X...était elle-même irrecevable, à défaut de préjudice personnel et distinct de celui de la société FEGEC, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que la constitution de partie civile du demandeur a été déclaré irrecevable sur le fondement de l'article 2 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles appliquées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'appel ayant à bon droit été déclaré irrecevable ; il en est de même du pourvoi ;
Par ces motifs :
DÉCLARE le pourvoi irrecevable ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq février deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;