COUR DE CASSATION 12 CRD 009Audience publique du 24 septembre 2012Prononcé au 15 octobre 2012
A.J. N° 2012 P 00544
La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Straehli, président, M. Cadiot, conseiller, Mme Vérite, conseiller référendaire, en présence de Mme Valdès-Boulouque, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
Accueil partiel du recours formé par Bruno X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Caen en date du 7 février 2012 qui a rejeté sa requête.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 24 septembre 2012, en l'absence de l'intéressé et de son avocat ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Poisson, avocat au barreau d' Argentan, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat ;
Vu les conclusions du procureur général près la Cour de cassation ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire de l'Etat et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de M. le conseiller Cadiot, les observations de Me Ancel, avocat représentant l'agent judiciaire de l'Etat, les conclusions de Mme l'avocat général Valdès-Boulouque ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu qu'ayant été incarcéré le 24 septembre 2010 ensuite d'une condamnation à l'emprisonnement ferme prononcée sur comparution immédiate des chefs de récidive de violence aggravée par deux circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et de violence par personne en état d'ivresse manifeste suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, puis relaxé le 5 janvier 2011 par arrêt désormais définitif de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Caen, M. Bruno X... a saisi le premier président de cette cour, pour obtenir l'indemnisation de la détention de trois mois et treize jours qu'il a subie, sollicitant les sommes de 20 000 euros au titre du préjudice moral, de 2 069,41 euros au titre d'un préjudice matériel dû à l'interruption du versement d'indemnités journalières d'assurance maladie et de 1 500 euros pour frais irrépétibles de procès ;
Que par ordonnance du 7 février 2012, le magistrat saisi, retenant que l'intéressé n'avait pas fait l'objet d'une détention provisoire au sens de l'article 149 du code de procédure pénale mais de l'exécution provisoire d'une décision de condamnation non définitive à une peine d'emprisonnement ferme, a déclaré la requête mal fondée ;
Attendu que M. X... a régulièrement frappé d'un recours le 9 février 2012 cette décision qui lui avait été notifiée ce même jour ;
Qu'il soutient que le droit à réparation d'une détention est ouvert lorsqu'elle intervient dans le cadre d'un mandat de dépôt décerné sur comparution immédiate par le tribunal correctionnel suivi d'une relaxe par la cour d'appel et reprend au fond ses demandes initiales, sauf à porter à 3 000 euros celle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir, d'une part, l'ancienneté de ses antécédents carcéraux, la pénibilité de la détention subie alors qu'il était en arrêt maladie et se savait innocent, le caractère humiliant des fouilles à corps, la promiscuité, les changements de cellule, le comportement provocateur et agressif d'autres détenus informés de la nature des faits qui lui étaient reprochés et l'angoisse du risque d'agression nocturne, d'autre part, qu'il résulte des attestations de paiement des indemnités journalières d'assurance maladie que, sur une période du 30 août 2010 au 31 juillet 2011, l'interruption du versement du 1er novembre 2010 au 27 février 2011 est due à sa détention ;
Attendu que l'agent judiciaire de l'Etat, estimant la requête déclarée à tort irrecevable, conclut au fond au rejet de la demande d'indemnisation d'un préjudice matériel et offre 6 000 euros en réparation du préjudice moral ;
Attendu que le procureur général conclut dans le même sens tant sur la recevabilité qu'au fond, estimant satisfactoire l'offre indemnitaire de l'Etat ;
Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale ;
Sur la recevabilité :
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;
Attendu qu'en cas d'appel interjeté contre un jugement de condamnation rendu sur comparution immédiate ayant ordonné son placement en détention, l'appelant est qualifié de prévenu détenu par l'article 397-4 du code de procédure pénale ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article 149 susvisé lui sont applicables pour le cas où la procédure se termine à son égard par une décision de relaxe ; que la demande est donc recevable ;
Au fond :
Attendu que les éléments développés par M. X... quant à la pénibilité de son séjour carcéral ne sont étayés d'aucun élément démontrant qu'elle ait excédé la situation contraignante que vit tout détenu ; que les causes de l'arrêt maladie de l'intéressé ne sont pas connues et l'indication de soins particuliers inexistante ; que sa dernière incarcération remonte au 24 janvier 2001 et a été précédée de multiples séjours d'importance en détention ainsi que le fait apparaître son casier judiciaire, ce qui est de nature à amortir le choc carcéral ; que ces éléments, rapportés à la durée de la privation de liberté, justifient de quantifier à la somme de 7 500 euros la réparation du préjudice moral ;
Attendu que les attestations de paiement d'indemnités journalières produites ne contiennent aucune indication sur la cause de l'arrêt des versements qui est intervenu le 31 octobre 2010, soit plus d'un mois après l'écrou ; que la reprise des versements au 28 février 2011 n'est pas davantage explicitée faute d'être accompagnée de la prescription médicale d'arrêt de travail qui la fonde ; que le lien avec la détention n'est dès lors ni démontré ni apparent de sorte que la demande au titre du préjudice matériel ne peut qu'être rejetée ;
Attendu que le recours de M. X... ayant prospéré pour partie, la somme de 1 500 euros lui sera allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
DIT recevable le recours de M. Bruno X... ;
L'ACCUEILLE pour partie et, statuant à nouveau ;
ALLOUE une indemnité de 7 500 euros (sept mille cinq cents euros) en réparation du préjudice moral et de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 15 octobre 2012 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.