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15/03/2018 | FRANCE | N°17-11311

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 15 mars 2018, 17-11311


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 22 novembre 2016), que, par arrêté du 3 avril 2008, la communauté urbaine de Lyon, aux droits de laquelle se trouve la métropole de Lyon, a préempté un bien immobilier, à la demande de la commune de [...] (la commune), évinçant la société Léry transactions, en vue de la mise en œoeuvre du programme local de l'habitat adopté par une délibération du conseil communautaire du 10 janvier 2007 ; que, par acte du 3 novembre 2008, la communauté urbaine de Lyon a

vendu le bien à la commune ; que, par acte du 28 décembre 2011, la commune...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 22 novembre 2016), que, par arrêté du 3 avril 2008, la communauté urbaine de Lyon, aux droits de laquelle se trouve la métropole de Lyon, a préempté un bien immobilier, à la demande de la commune de [...] (la commune), évinçant la société Léry transactions, en vue de la mise en œoeuvre du programme local de l'habitat adopté par une délibération du conseil communautaire du 10 janvier 2007 ; que, par acte du 3 novembre 2008, la communauté urbaine de Lyon a vendu le bien à la commune ; que, par acte du 28 décembre 2011, la commune l'a revendu à la société Les Terrasses de [...], à charge pour elle de réaliser un immeuble comprenant des logements sociaux ; que celle-ci a réalisé un immeuble comportant trente-neuf logements intégrant huit logements éligibles au dispositif « prêt locatif social » ; que, soutenant que le but poursuivi par la décision de préemption et ses droits en qualité d'acquéreur évincé n'avaient pas été respectés, la société Léry transactions a assigné la communauté urbaine de Lyon et la commune en indemnisation ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société Léry transactions fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action à l'encontre de la commune ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le titulaire du droit de préemption était la communauté urbaine de Lyon, devenue la métropole de Lyon, et exactement retenu que ce texte n'interdisait pas d'agir contre le titulaire du droit lorsque celui-ci avait revendu le bien, la cour d'appel, devant qui la société Léry transactions avait fondé ses prétentions sur les seules dispositions des articles L. 213-11 et L. 213-12 du code de l'urbanisme et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ni de répondre à des conclusions inopérantes, en a déduit à bon droit que la demande formée contre la commune n'était pas recevable et a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé :

Attendu que la société Léry transactions fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation de la métropole de Lyon et de la commune à lui payer des dommages-intérêts ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'en application de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, les logements éligibles au prêt locatif social étaient des logements sociaux entrant dans le quota alors fixé à 20 % des résidences principales et que le taux de logement social de 20 % pratiqué dans l'immeuble édifié par la société les Terrasses de [...] répondait à l'objectif du programme local de l'habitat de mettre à disposition des ménages à revenus intermédiaires des logements à loyers modérés tout en garantissant la mixité sociale, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les biens acquis par l'exercice du droit de préemption avaient été utilisés aux fins définies à l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme et que la demande de la société Léry transactions devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, pris en ses deux dernières branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Léry transactions aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Léry transactions.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action de la société Lery Transactions à l'encontre de la commune de [...] ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L 213-12 du code de l'urbanisme : « en cas de non-respect des obligations définies au deuxième alinéa de l'article L. 213-11 ou au premier alinéa de l'article L. 213-11-1, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel saisissent le tribunal de l'ordre judiciaire d'une action en dommages-intérêts contre le titulaire du droit de préemption» ; qu'en l'espèce, le titulaire du droit de préemption est la communauté urbaine de Lyon, devenue la Métropole de Lyon ; que le texte susvisé n'interdit pas d'agir à l'encontre du titulaire du droit lorsque ce dernier a revendu le bien ; qu'en conséquence, l'action n'est recevable qu'à l'encontre de la Métropole et le jugement sera réformé de ce chef ;

1°) ALORS QUE chacun des responsables d'un même dommage, est condamné à en réparer la totalité ; que pour juger irrecevable l'action de la société Léry Transactions à l'égard de la commune de [...], la cour d'appel s'est bornée à retenir que l'action était recevable à l'égard de la Métropole de Lyon ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la commune de [...], qui avait acquis le bien préempté à son profit auprès de la Métropole de Lyon, n'avait pas elle-même commis une faute à l'égard de la société Léry Transactions en ne respectant pas la finalité du droit de préemption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 1200 du même code ;

2°) ALORS QUE dans ses conclusions, la société Léry transactions faisait valoir que la commune de [...] était elle-même tenue au respect de la finalité du droit de préemption qu'elle s'était vu transférer par l'acte de cession des biens préemptés ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Léry Transactions de sa demande tendant à voir condamner la Métropole de Lyon et la commune de [...] à lui payer des dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable aux faits : « Les biens acquis par exercice du droit de préemption doivent être utilisés ou aliénés aux fins définies à l'article L. 210-1 ; qu'aux termes de l'article L.210-1 du code de l'urbanisme dans sa version applicable aux faits de l'espèce : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1(...)» ; que lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat (...), la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération » ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme : « Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, (...) » ; qu'en l'espèce, l'arrêté de préemption du 3 avril 2008 pris par la communauté urbaine de Lyon pour le compte de la commune de [...] indique que : « l'acquisition s'inscrit dans le cadre du programme local de l'habitat (PLH) adopté par délibération du conseil de Communauté le 10 janvier 2007, qui consiste notamment à développer du logement social sur les arrondissements et les communes qui en comptent peu ; que la commune de [...] compte une population inférieure à 3 500 habitants et à ce titre n'est pas directement concernée par la loi SRU dans la mesure où celle-ci s'applique aux communes de plus de 3 500 habitants ; que cependant, cette même loi permet aux communes de moins de 3 500 habitants d'user du droit de préemption motivé par la création de logements sociaux lorsqu'elles en comptent moins de 20 %, ce qui est le cas de la commune de [...] (14,04%) ; que par correspondance en date du 7 février 2008, monsieur le maire de [...] fait part de sa volonté de disposer de cet immeuble de manière à poursuivre l'objectif de réalisation de logements sociaux et demande qu'à cet effet, la Communauté urbaine exerce son droit de préemption ; que ce bien fera l'objet d'une mise à disposition au profit de la commune de [...] qui en assurera le préfinancement et s'engage à prendre en charge les éventuels frais de contentieux, de travaux, et les frais inhérents à cette préemption » ; qu'un programme local de l'habitat ( art. L. 302-1 du code de la construction et de l'habitat) fixe l'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux sur le territoire des communes déficitaires de façon à assurer entre les communes une répartition équilibrée et diversifiée de l'offre de logements (art. L. 302-8) ; qu'à cet égard, la délibération du conseil de communauté urbaine de Lyon du 10 janvier 2007 qui a arrêté le programme local de l'habitat, mentionne : « Répondre aux besoins des ménages à revenus intermédiaires fragilisés par l'évolution des marchés : un ménage sur cinq résidant dans l'agglomération dispose de revenus compris entre les plafonds de ressources du PLUS et du prêt locatif intermédiaire (PLI). Une partie de plus en plus importante de ces ménages rencontre des difficultés à se loger. Plusieurs leviers d'action pourraient être mobilisés. En locatif, le produit prêt locatif social (PLS) constitue d'ores et déjà une réponse. L'objectif de production est fixé à 700 PLS en développement par an (dont 100, équivalent 200 chambres en résidences étudiantes) ; que par ailleurs selon le site internet officiel du ministère du logement, le prêt locatif social (PLS) est un : « prêt à taux préférentiel accordé pour la construction, l'achat, la réhabilitation d'un logement destiné à être loué comme logement social. Il peut être accordé à une personne morale ou physique ayant passé une convention avec l'Etat. (...) ; que les bailleurs doivent s'engager par une convention APL signée avec l'État, dont la durée est au moins égale à la durée de la part du prêt qui ne finance pas la charge foncière, sans pouvoir être ni inférieure à 15 ans, ni supérieure à 40 ans. Ils sont conventionnés au titre de l'APL et décomptés au titre du quota de logements sociaux prévu par la loi SRU » ; qu'à ce titre, en application de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, ces logements conventionnés «APL», entrent dans l'inventaire du quota alors fixé à 20% de logements sociaux établi par la loi SRU ; que le taux de logement social de 20 % pratiqué dans l'immeuble édifié ( 8/39) par la société les Terrasses de [...] répond parfaitement à l'objectif du programme local de l'habitat, de mettre à disposition des foyers intermédiaires des logements à loyers modérés tout en garantissant une indispensable mixité sociale ; que dès lors, il sera constaté que les biens acquis par exercice du droit de préemption ont bien été utilisés ou aliénés aux fins définies à l'article L. 210-1 ;

1°) ALORS QU'il était constant que l'arrêté de préemption s'inscrivait dans le cadre du programme local de l'habitat (PLH), lequel précisait que constituaient « réellement une offre locative sociale » les seuls produits prêt locatif aidé d'intégration (P.L.A.I) et prêts locatifs à usage social (PLUS), à l'exclusion des PLS (prêt locatif social) qui répondaient quant à eux « aux besoins en logement des ménages intermédiaires » ; qu'il était également constant que les biens préemptés avaient été utilisés pour la réalisation d'un programme immobilier de 39 logements classiques dont 8 logements PLS ; qu'en énonçant que les logements PLS étaient des logements sociaux et que les biens préemptés avaient ainsi été utilisés conformément à l'arrêté de préemption, la cour d'appel a violé les articles L 210-1, L. 300-1 et L. 213-11 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1382 du code civil ;

2°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que le droit de préemption avait été exercé dans le cadre du programme local de l'habitat « qui consiste à développer du logement social sur les arrondissements et communes qui en comptent peu », la commune de [...], qui ne comptait que 14,04 % de logements sociaux, ayant demandé que les biens soient préemptés aux fins « de poursuivre l'objectif de réalisation de logements sociaux » ; qu'il était constant que le programme immobilier finalement réalisé ne comprenait que 8 logements PLS (prêt locatif social) sur 39 ; qu'en décidant cependant que les biens ainsi préemptés avaient été utilisés conformément à l'arrêté de préemption, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations et a violé les articles L 210-1, L. 300-1 et L. 213-11 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1382 du code civil ;

3°) ALORS QUE la cour d'appel, après avoir constaté que l'arrêté de préemption du 3 avril 2008 pris par la communauté urbaine de Lyon était motivé par le seul objectif du PLH d'accélérer la production de logements sociaux et la volonté de la commune de [...] d'augmenter le pourcentage de logements sociaux sur son territoire, a énoncé, pour justifier sa décision, qu'un autre objectif du PLH était de répondre aux besoins des ménages à revenus intermédiaires ; qu'en statuant ainsi quand ce dernier objectif n'était pas visé par l'arrêté de préemption, la cour d'appel a violé les articles L 210-1, L. 300-1 et L. 213-11 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1382 du code civil ;

4°) ALORS QUE la cour d'appel qui infirme un jugement doit réfuter les motifs déterminants de cette décision dont il est demandé confirmation ; qu'en l'espèce, la société Léry Transactions demandait la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait retenu une faute de la commune de [...] pour avoir revendu le bien à un promoteur immobilier sans justifier que la vente avait fait l'objet d'une délibération motivée du conseil municipal ou, le cas échéant, d'une décision motivée du délégataire du droit de préemption ; qu'en infirmant le jugement, sans réfuter ce motif, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5)°ALORS QUE, pour infirmer le jugement qui avait retenu une faute de la commune de Limonest [...] pour avoir revendu le bien à un promoteur immobilier sans justifier que la vente avait fait l'objet d'une délibération motivée du conseil municipal ou, le cas échéant, d'une décision motivée du délégataire du droit de préemption, la cour d'appel s'est bornée à relever que les biens avaient été utilisés conformément aux fins de l'article L.210-1 du code de l'urbanisme ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si la commune de [...] avait justifié d'une délibération motivée du conseil municipal relativement à la vente litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-11311
Date de la décision : 15/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 22 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 15 mar. 2018, pourvoi n°17-11311


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Delamarre et Jehannin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.11311
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