LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 septembre 2013), que M. et Mme de X..., propriétaires du lot n° 10 constitué d'un appartement dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, ont fait procéder en 1988 et 1989 à des travaux d'aménagement consistant notamment en la création d'une mezzanine en béton armé, dont ils ont confié la maîtrise d'oeuvre à M. Y..., architecte ; que le syndicat des copropriétaires a assigné, le 7 août 2001, M. et Mme de X... en démolition de cette mezzanine ; que ceux-ci ont assigné M. Y... et son assureur, la société Axa France, en indemnisation de leur préjudice ; que les époux Z..., auxquels les époux de X... ont vendu leur lot, ont été condamnés en première instance à supprimer la mezzanine, ces derniers devant les garantir des frais afférents à cette remise en état ; qu'au terme d'un protocole transactionnel intervenu postérieurement, le syndicat des copropriétaires a accepté de renoncer à la destruction de la mezzanine et de modifier le règlement de copropriété pour tenir compte de la création d'une partie commune à jouissance privative en contrepartie du versement d'une certaine somme ; que la cour d'appel a homologué l'accord transactionnel et condamné M. Y... et son assureur à payer diverses sommes aux époux de X... ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. Y... et la société Axa France n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que la condamnation des propriétaires de l'appartement au paiement d'une somme de 51 956,42 euros au titre de la liquidation de l'astreinte n'était pas un dommage prévisible, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner M. Y... et la société Axa France au paiement d'une somme de 277 523,92 euros, la cour d'appel retient que, responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil du préjudice de M. et Mme de X..., M. Y... est tenu de les indemniser de tous les préjudices qu'ils ont subi du fait du manquement à son obligation contractuelle de conseil, que le syndicat a renoncé à la remise en état des lieux mais que, du fait de l'absence d'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, il pouvait à bon droit exiger cette remise dans l'état antérieur des lieux impliquant la démolition des mezzanines pour un coût très exorbitant, ce qui explique qu'il ait renoncé à sa demande initiale de remise en l'état antérieur pour se contenter d'une indemnisation, et que la somme de 153 750 euros qui a été payée par M. et Mme de X... en raison de la carence de M. Y... doit donc être mise à la charge de l'architecte ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Y... et de la société Axa France soutenant que l'action engagée par le syndicat des copropriétaires était prescrite en l'absence, contrairement à ce qu'avait retenu le tribunal, de coefficient d'occupation des sols applicable à la date des travaux puisqu'il n'avait été instauré qu'en 1992, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné in solidum M. Y... et la société Axa France à payer une somme de 277 523,92 euros, l'arrêt rendu le 30 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. et Mme de X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. et Mme de X... à payer à M. Y... et à la société Axa France la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de M. et Mme de X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD et M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur Patrice Y... a manqué à son devoir de conseil au titre de son contrat d'architecture du 20 septembre 1988 et de l'avoir déclaré entièrement responsable sur le fondement de l'article 1147 du Code civil envers Monsieur et Madame Alain DE X... et, en conséquence, d'avoir condamné in solidum Monsieur Patrice Y... et la société AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur et Madame DE X... la somme de 277.523,92 ¿ ;
AUX MOTIFS QUE, sur la faute de l'architecte, s'agissant de l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, qu'aux termes de la section I "définition des parties communes" du chapitre II "parties privatives et parties communes" de la première partie du règlement de copropriété de l'immeuble du 4 rue de Thorigny stipule que "constituent des parties communes¿ les éléments porteurs de l'immeuble, ses murs, gros murs des façades et de refends, murs pignons¿" ; que le paragraphe 5 "modifications intérieures-travaux" de la section II "usage des parties privatives" du chapitre I "conditions d'usage des parties privatives et des parties communes" de la deuxième partie "droits et obligations des copropriétaires" de ce règlement de copropriété stipule en son alinéa 4 que "tous travaux qui affecteraient les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble devront être soumis à l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, statuant par voie de décision ordinaire prise dans des conditions particulières de majorité" (majorité des voix de tous les copropriétaires) ; que les travaux entrepris par Monsieur et Madame DE X..., en qualité de maître de l'ouvrage, courant 1988-1989, ont consisté, s'agissant des travaux objet du litige entre Monsieur et Madame DE X... et Monsieur Y..., en la création d'une mezzanine (niveau intermédiaire ménagé dans la hauteur comprise entre deux étages, lorsqu'elle est suffisante, ce qui est le cas en l'espèce puisque la hauteur sous plafond de l'appartement, avant les travaux, était de 4,50 mètres) ; qu'il résulte du rapport d'expertise de Monsieur A... que la mezzanine en béton armé a été réalisée sur la surface partielle de deux pièces de l'appartement, qu'elle est composée de poutres en béton armé posées entre murs, recevant en plancher une dalle pleine de béton armé, que la poutre en béton armé qui supporte la mezzanine principale prend appui sur le mur de façade et sur le mur de refend (mur porteur intérieur perpendiculaire aux façades), qui sont tous deux des parties communes ; qu'aux termes du règlement de copropriété et des articles 9 et 25 de la loi du 10 juillet 1965, tous les travaux qui affectent les parties communes doivent être autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires, même s'ils ne constituent pas une appropriation d'une partie commune ; qu'en l'espèce la mezzanine est portée par quatre poutres en béton armé reposant hors rives par empochement (évidemment ménagé en réserve dans une paroi de maçonnerie pour y insérer la poutre) dans les murs de façades et dans le renfend longitudinal ; que les travaux de construction de la mezzanine affectent donc bien les parties communes puisque les murs de façade et de refend sont affectés dans leur consistance matérielle du fait des empochements qui y ont été pratiqués ; que ces travaux nécessitaient l'autorisation de l'assemblée générale, et il n'est pas contesté qu'une telle autorisation n'a pas été sollicitée par Monsieur et Madame DE X... ; que, sur les autorisations administratives, il n'est pas contesté que l'immeuble du 4 rue de Thorigny à PARIS 3ème date du XVIIIème siècle, qu'il est situé dans le secteur sauvegardé du Marais et il est classé dans le plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais comme immeuble à conserver ; que Monsieur A... indique dans son apport que "les travaux auraient dû à tout le moins faire l'objet d'une déclaration préalable", que "compte tenu de ce que ces travaux conduisaient à la création de nouvelles surfaces supérieures à 20 m² ils auraient dû faire l'objet d'un permis de construire" et que "l'instruction de celui-ci aurait déterminé si ce permis avait besoin d'une autorisation spéciale de l'architecte des bâtiments de France" (ce qui apparaît néanmoins peu vraisemblable à l'expert) ; qu'il est acquis aux débats qu'aucune déclaration de travaux n'a été effectuée et qu'aucune demande de permis de construire n'a été déposée ; que l'architecte chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre relative à la transformation d'un lot de copropriété affectant les parties communes est tenu, en plus de son rôle technique, d'un devoir de conseil envers le maître de l'ouvrage dans l'exécution de sa mission qui s'étend à la vérification de la faisabilité du projet ; qu'à ce titre il doit, préalablement à la réalisation des travaux envisagés (et non plusieurs années après leur achèvement) ; s'assurer que le maître de l'ouvrage est informé des conséquences susceptibles de résulter de l'absence des autorisations nécessaires à leur bonne fin, c'est-à-dire des autorisations administratives et de l'agrément de l'assemblée générale des copropriétaires ; que Monsieur Y... ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de conseil s'agissant des autorisations administratives et de l'autorisation de la copropriété ; que Monsieur Y... ne peut s'exonérer de son manquement à cette obligation en invoquant la circonstance que Monsieur DE X... était membre du conseil syndical, dans la mesure où Monsieur et Madame DE X... sont des profanes en matière de construction et de droit de l'urbanisme et de la construction et que le fait d'être membre du conseil syndical ne confère aucune qualification juridique sur ces matières ; que Monsieur Y... ne peut davantage se prévaloir du fait qu'il n'y avait pas de COS applicable à l'époque, puisque le problème ne réside pas dans un dépassement éventuel du COS mais dans l'absence de démarches administratives et dans l'absence de demande d'autorisation du syndicat des copropriétaires qui sont à l'origine de la procédure engagée par ce dernier et, par conséquent, dans le préjudice subi par Monsieur et Madame DE X... qui ont été, pour ces motifs exposés à l'action en justice du syndicat, étant précisé que les problèmes de respect des règles de l'art dans la construction de la mezzanine et de stabilité de l'immeuble ne sont pas en cause dans les rapports entre Monsieur Y... et Monsieur et Madame DE X..., qui ne formulent en cause d'appel aucun grief sur ces deux points à l'architecte ; qu'il incombe au professionnel qu'est Monsieur Y... d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation de conseil, laquelle porte, comme il a été dit, notamment, sur les formalités qui doivent être respectées, tel que l'accord préalable de la copropriété et, le cas échéant, de l'administration ; que Monsieur Y..., qui ne rapporte pas cette preuve, engage par conséquent sa responsabilité envers Monsieur et Madame DE X... sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ; qu'en l'absence de motif d'exonération partielle, cette responsabilité est entière ; que le jugement déféré doit donc être infirmé en ce qu'il a dit que Monsieur Patrice Y..., garanti par son assureur la société AXA FRANCE IARD, est condamné à garantir Monsieur et Madame DE X... de tous les frais afférents à la remise en état à hauteur de 10 % de la somme totale ;
ALORS D'UNE PART QUE l'exécution de travaux sans incidence sur le coefficient d'occupation des sols et n'emportant pas d'appropriation de parties communes relève d'une simple autorisation de l'assemblée des copropriétaires ouvrant en cas d'omission au syndicat des copropriétaires une action personnelle et non réelle se prescrivant par dix ans ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (concl. p. 22 et s.), en l'absence de coefficient d'occupation des sols applicable au moment des travaux litigieux et après avoir constaté une absence d'appropriation des parties communes (arrêt, p. 13, dernier al., 5e ligne), si l'action du syndicat des copropriétaires n'était pas une action personnelle se prescrivant par dix ans et si cette prescription n'était pas acquise, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 42, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
ALORS D'AUTRE PART QUE dans ses conclusions d'appel (p. 22 et s., § 73 à 79, et p. 26/27, § 83 à 86), la société AXA FRANCE IARD et Monsieur Y... faisaient valoir qu'en l'absence d'appropriation des parties communes et de coefficient d'occupation des sols applicable à la date des travaux litigieux (1988-1989), contrairement à ce que le Tribunal avait retenu, ledit coefficient n'ayant été instauré qu'en novembre 1992 ainsi qu'ils le démontraient, l'action engagée par le syndicat des copropriétaires contre les époux de X... était une action personnelle prescrite à la date de l'assignation introductive d'instance du 7 août 2001 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur Patrice Y... a manqué à son devoir de conseil au titre de son contrat d'architecture du 20 septembre 1988 et de l'avoir déclaré entièrement responsable sur le fondement de l'article 1147 du Code civil envers Monsieur et Madame Alain DE X... et, en conséquence, d'avoir condamné in solidum Monsieur Patrice Y... et la société AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur et Madame DE X... la somme de 277.523,92 ¿ ;
AUX MOTIFS QUE, sur les préjudices, Monsieur et Madame DE X... sollicitent la condamnation de Monsieur Y... et de son assureur la société AXA FRANCE IARD à leur payer les sommes de 153.750 ¿ versés en exécution du protocole du 25 avril 2013 en contrepartie du renoncement du syndicat des copropriétaires à la démolition et l'attribution d'un droit de jouissance privatif au profit du lot n° 10 des mezzanines, droit de jouissance inscrit dans le règlement de copropriété, 51.956,42 ¿ payés au titre de l'astreinte prononcée par le JEX, 11.598 ¿ au titre des frais de bureau d'études MERCURE, 6.458,40 ¿ au titre des frais du bureau de contrôle VERITAS, 9.323,14 ¿ au titre des honoraires d'architecte exposés pour l'assistance aux demandes du syndicat, 44.437,96 ¿ en remboursement des honoraires de l'avocat de Monsieur et Madame Z..., soit 277.523,92 ¿ ; que, responsable sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, du préjudice de Monsieur et Madame DE X..., Monsieur Y... est tenu de les indemniser de tous les préjudices qu'ils ont subis du fait du manquement à son obligation contractuelle de conseil ; que le fait que le syndicat ait renoncé à la démolition des mezzanines ne peut que réduire le montant des préjudices ; que le syndicat a ainsi renoncé à la remise en état des lieux moyennant le versement d'une indemnité de 153.750 ¿ ; qu'il doit être rappelé que du fait de l'absence d'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, le syndicat des copropriétaires pouvait, à bon droit, exiger cette remise en l'état antérieur des lieux impliquant la démolition des mezzanines pour un coût très exorbitant, compte tenu des difficultés techniques aggravées par le fait que les travaux ont été exécutés en conformité avec les règles de l'art et qu'ils contribuent (d'après les rapports MERCURE, et BUREAU VERITAS) à la stabilité de l'immeuble, ce qui explique que le syndicat ait renoncé, non sans une certaine sagesse, à sa demande initiale de remise en l'état antérieur pour se contenter d'une indemnisation ; que la somme de 153.750 ¿ qui a été payée par Monsieur et Madame DE X... en raison de la carence de Monsieur Y... à leur conseiller de solliciter l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, doit dont être mise à la charge de l'architecte ; que la somme de 51.956,42 ¿ payée au titre de l'astreinte prononcée par le JEX est également imputable au manquement de Monsieur Y... à son devoir de conseil puisqu'en l'absence d'autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, le syndicat était fondé à solliciter la remise en état sous astreinte, bien qu'il n'y ait pas eu d'appropriation des parties communes, les murs de façades et de renfend ayant été affectés par les travaux litigieux (empochements), ce qui suffit à justifier l'action en justice du syndicat pour défaut d'autorisation préalable ; qu'il en est de même pour les autres sommes qui ont toutes été exposées à l'occasion de l'action en justice légitime du syndicat puisqu'il a fallu vérifier la position de l'administration, la stabilité de l'immeuble et les conditions optimales de remise en état (frais MERCURE et VERITAS, honoraires d'architecte) ; que l'action du syndicat n'a pu être dirigée que contre les propriétaires actuels du lot n° 10, Monsieur et Madame Z..., qui ont dû appeler en garantie leur vendeur (frais d'avocat de Monsieur et Madame Z...) ; que la responsabilité de Monsieur Y... est entière, aucune part de responsabilité ne pouvant rester à la charge de Monsieur et Madame DE X... qui n'ont commis aucune faute de nature à exonérer partiellement l'architecte ;
ALORS QUE le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée ; qu'en condamnant Monsieur Y... au paiement d'une somme de 51.956,42 ¿ à titre de dommages et intérêts représentant le montant d'une astreinte prononcée par le JEX dans une instance à laquelle il était tiers et dont l'inexécution ne pouvait lui être reprochée, la Cour d'appel a violé l'article 1150 du Code civil.