LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Montpellier, 24 octobre 2007), que, le 3 mars 1999, M. X..., représentant commercial en bijoux pour la société Gay frères, a été victime d'un vol avec violence au cours duquel sa collection de bijoux a été dérobée ; qu'une plainte a été déposée à la suite de ces faits ; que début avril 1999, Mme B..., directrice de la communication à la société La Guilde des orfèvres et chargée de la " veille concurrentielle ", a remarqué en vitrine du magasin de M.
Y...
des bijoux de la marque Gay et en a fait part à un autre bijoutier, M. Z... ; qu'au cours du même mois, M. X..., lors d'une visite à M. Z..., s'est vu reprocher par ce dernier d'avoir vendu des bijoux Gay frères à son concurrent M. Y... ; que M. X..., qui ne travaillait plus avec M. Y... depuis trois ans s'en est étonné et a signalé ce fait aux services de police chargés de l'enquête sur le vol dont il avait été victime ; que les enquêteurs transmettaient alors pour identification un album photographique des bijoux litigieux à Mme B... qui déclarait ne pas être en mesure de les identifier tout en confirmant leur présence lors de sa visite chez M. Y... ; que M. Z... confirmait pour sa part devant les enquêteurs les renseignements fournis à M. X... ; que l'enquête diligentée devait permettre d'établir que les bijoux en question provenaient des commandes passées régulièrement par M. Y... à une période où il était encore client de la société Gay frères ; que M. Y... déposait alors plainte avec constitution de partie civile du chef de dénonciation calomnieuse contre personne non dénommée ; qu'une ordonnance de non-lieu ayant été rendue, il a fait alors assigner MM. Z... et X... et Mme B... devant le tribunal de grande instance en réparation du préjudice subi du fait d'une " campagne de calomnie " que ceux-ci auraient menée à son encontre ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1° / que constitue une faute au sens de l'article 1382 du code civil le fait pour un commerçant d'envoyer une personne faire de l'espionnage chez un concurrent en se faisant faussement passer pour un client potentiel et de répercuter auprès de tiers les informations ainsi obtenues à seule fin de nuire à ce concurrent ; que tel était bien le cas pour M. Z... ainsi que le relevait M. Y... dans ses conclusions signifiées le 18 avril 2007, les premiers juges ayant eux-mêmes constaté que les motivations de M. Z... étaient complexes et contestables, mais sans en tirer les conclusions qui s'en évinçaient au seul motif qu'il n'avait fait que signaler un événement exact à M. X... et le confirmer aux enquêteurs ; qu'en confirmant le jugement entrepris par adoption pure et simple de ses motifs sans même s'expliquer sur le moyen de M. Y... pris de ce que les premiers juges n'avaient pas tiré toutes les conséquences de leur motivation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;
2° / que le défaut de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs ; que M. Y... faisait valoir dans ses conclusions signifiées le 18 avril 2007 que M. Z... avait agi avec une légèreté totalement blâmable dans la mesure où il avait non seulement informé M. X... puis accrédité les assertions de ce dernier, mais encore poursuivi dans sa démarche à son encontre alors même que l'enquête diligentée à son encontre s'était avérée totalement infondée, ce qu'avait pourtant relevé le jugement entrepris ; qu'en confirmant le jugement selon lequel M. Z... n'aurait commis aucune faute par adoption pure et simple de ses motifs et sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3° / que constitue une faute au sens de l'article 1382 du code civil le fait pour la conseillère clientèle d'une guilde professionnelle d'aller espionner les pratiques d'un concurrent de l'un des affiliés de la guilde en se faisant faussement passer pour une cliente ainsi que le faisait remarquer M. Y... dans ses conclusions signifiées le 18 avril 2007 en soulignant que Mme B..., professionnelle, avait agi à tout le moins avec une légèreté blâmable ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que Mme B... n'avait commis aucune faute au préjudice de M. Y..., aucune intention malveillante ne pouvant lui être imputée, par adoption pure et simple de ses motifs et sans même rechercher ainsi qu'elle y était invitée si l'intimée n'avait pas à tout le moins agi avec une légèreté blâmable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du code civil ;
4° / que celui qui a accepté de donner des renseignements a lui-même l'obligation de s'informer pour informer en connaissance de cause ; que, pour critiquer le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que M. X... n'avait pas commis de faute en rapportant aux enquêteurs l'information obtenue de M. Z..., aucune intention malveillante ne pouvant lui être imputée, M. Y... soulignait dans ses conclusions signifiées le 18 avril 2007 que M. X... aurait à tout le moins pu se rendre auparavant dans sa bijouterie à l'effet de se convaincre de ce que les bijoux qui y étaient exposés étaient effectivement ceux ayant fait l'objet du vol dont il avait été victime en mars 1999 ; qu'en confirmant le jugement entrepris par adoption pure et simple de ses motifs sans répondre au moyen opérant ainsi soulevé par M. Y..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il ressort des pièces versées aux débats, notamment des procès-verbaux d'enquête de gendarmerie, que Mme B..., M. X... et M. Z... ont fait état de faits exacts matériellement qui ont été exploités par les enquêteurs ; que la suite donnée par ceux-ci au renseignement donné et matériellement exact démontre que l'information avait un lien suffisant avec le vol et qu'elle présentait un intérêt évident ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, par une décision motivée, a pu déduire qu'aucune faute n'était caractérisée à l'égard de MM. Z... et X... et de Mme B..., dont la dénonciation n'était pas téméraire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes présentées de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, avocat aux Conseils pour M. Y...
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur Y... de ses demandes tendant à voir condamner Madame B... et Messieurs Z... et X... à l'indemniser pour le préjudice économique et le préjudice moral qu'il a subis du fait de leurs agissements,
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
« (…) il ressort des pièces versées aux débats, et notamment des procèsverbaux d'enquête de gendarmerie :
- Que Gabriel X..., représentant commercial de la société GAY FRERES, a été victime le 3. 3. 99 d'un vol avec violence au cours duquel sa collection de bijoux GAY FRERES a été dérobée ;
- Que des bijoux de la société GAY FRERES ont été présentés à Édith B... lors d'une « démarche client » effectuée dans le cadre de ses fonctions au début du mois d'avril suivant le vol à la bijouterie Y... ;
- Qu'elle en a avisé Jean-Pierre Z... à titre d'information commerciale et a établi à sa demande le 31. 7. 03 une attestation relatant ces faits ;
- Que Jean-Pierre Z... en a avisé le représentant commercial Gabriel X... avec lequel il travaillait ;
- Que Gabriel X..., qui ne travaillait plus avec Monsieur Y... depuis plusieurs années, s'en est étonné et a porté ces faits à la connaissance des enquêteurs ;
- Que les intimés se sont bornés à confirmer devant les enquêteurs qui les interrogeaient que des bijoux de la société GAY FRERES avaient été remarqués dans la bijouterie Y... au début du mois d'avril 1999, ce qui n'a jamais été contesté ;
« (…) Qu'il résulte de ces éléments que les intimés, en portant à la connaissance des enquêteurs des faits avérés en relation directe avec l'objet de l'enquête dont l'un d'eux avait la qualité de victime, ont agi sans intention malveillante ;
« Que c'est par suite à bon droit que le premier juge, par des motifs pertinents que la Cour adopte, a débouté Monsieur Y... de ses demandes. » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE :
«- Le 3 mars 1999, Monsieur X..., représentant commercial en bijoux pour la société GAY FRERES, a été victime d'un vol à main armée à proximité de ROQUEBRUNE LA GAILLARDE (83) ;
- Début avril 1999, Madame B..., conseillère clientèle de la Guilde des Orfèvres, a, à la demande de Monsieur Z..., membre de la Guilde des Orfèvres, « lors d'une visite professionnelles à PERPIGNAN chez GIL et JEAN, … fait une démarche « de cliente » chez le bijoutier concurrent (Monsieur Y...) qui lui a présenté un grand nombre de colliers tout or ; Elle a déclaré avoir repéré les bijoux « comme venant du fournisseur GAY FRERES » et avoir signalé ce fait « à GIL et JEAN à titre d'info commerciale au même titre que d'autres infos issues de mon repérage concurrentiel sur la ville » ;
- Peu de temps après, et toujours en avril 1999, Monsieur X... a visité Monsieur Z..., bijoutier à PERPIGNAN, qui lui a reproché d'avoir vendu des bijoux GAY FRERES à un de ses concurrents, Monsieur Y..., qui les avait mis en vente à un prix inférieur à leur valeur ;
- Monsieur X... a fait part de ce renseignement à la Brigade des Recherches de FREJUS, qui l'a noté et qui a transmis un album photographique des colliers de la collection GAY FRERES à Madame B... pour identification ; Madame B... n'a pas été en mesure d'identifier les bijoux mais a confirmé la présence de colliers GAY FRERES lors de sa visite chez Monsieur Y... ;
- Monsieur Z... a confirmé aux enquêteurs le renseignement donné par Monsieur X... ;
- L'enquête et la perquisition ont démontré que les bijoux proposés à la vente chez Monsieur Y... provenaient de commandes passées régulièrement par Monsieur Y... à une période où il était client de la société GAY FRERES.
« Les pièces produites établissent que Monsieur Y..., d'une manière évidente, avait suscité des inimitiés parmi ses concurrents et faisait l'objet de propos désobligeants qui avaient pour effet, sinon pour but, de rendre l'exercice de sa profession de bijoutier à PERPIGNAN peu facile (courriers de Monsieur D... et de Monsieur E...) ; Ainsi, Monsieur Z... a pu déconseiller à des représentants en bijouterie de « visiter » Monsieur Y... en créant une certaine méfiance à son égard.
« Elles établissent cependant que Madame B..., Monsieur X... et Monsieur Z... ont fait état de faits exacts matériellement et que ces faits exacts ont pu sembler à ce point exploitables pour des enquêteurs, qui n'avaient alors pas d'autre piste, qu'ils ont perquisitionné dans le magasin de Monsieur
Y...
. La suite donnée par les enquêteurs au renseignement donné et matériellement exact démontre que l'information avait un lien suffisant avec le vol et qu'elle présentait un intérêt évident pour eux ; Elle démontre que, dès lors que les faits signalés étaient vrais et que leur interprétation était du ressort des enquêteurs et / ou du juge instructeur, aucune faute n'a été commise au moment de la transmission de l'information.
« Ainsi, Monsieur Z... n'a commis aucune faute en demandant à Madame B... de faire une démarche de cliente chez son concurrent Monsieur Y... ; Ainsi, Madame B... n'a commis aucune faute en rapportant à Monsieur Z... ce qu'elle avait constaté dans le magasin de Monsieur
Y...
; Ainsi, Monsieur Z... n'a commis aucune faute en indiquant à Monsieur X..., représentant de la société GAY FRERES, qui avait été victime quelques semaines auparavant d'un vol de bijoux de la société GAY FRERES, que des bijoux fabriqués par cette société se trouvaient à la vente chez un concurrent qui n'était pas client auprès de ce fabricant ; Ainsi Monsieur X..., victime du vol, n'a commis aucune faute en portant ce simple fait à la connaissance des enquêteurs alors que Monsieur Y... n'était plus client chez GAY FRERES depuis deux ou trois ans ; Enfin, Monsieur Z... n'a commis aucune faute en confirmant les déclarations de Monsieur X... aux enquêteurs.
« Au demeurant, aucune intention malveillante ne peut être imputée à Monsieur X... et à Madame B.... Enfin, si les motivations de Monsieur Z... sont plus complexes et contestables, dans la mesure où il n'a fait que signaler à Monsieur X... un évènement exact et où il n'a fait que confirmer cet évènement aux enquêteurs, il n'a commis aucune faute.
« Monsieur Y... doit donc être débouté de ses demandes, fins et conclusions. » ;
ALORS D'UNE PART QUE constitue une faute au sens de l'article 1382 du Code civil le fait pour un commerçant d'envoyer une personne faire de l'espionnage chez un concurrent en se faisant faussement passer pour un client potentiel et de répercuter auprès de tiers les informations ainsi obtenues à seule fin de nuire à ce concurrent ; Que tel était bien le cas pour Monsieur Z... ainsi que le relevait l'exposant dans ses conclusions signifiées le 18 avril 2007 (prod. 2), les premiers juges ayant eux-mêmes constaté que les motivations de Monsieur Z... étaient complexes et contestables, mais sans en tirer les conclusions qui s'en évinçaient au seul motif qu'il n'avait fait que signaler un évènement exact à Monsieur X... et le confirmer aux enquêteurs ; Qu'en confirmant le jugement entrepris par adoption pure et simple de ses motifs sans même s'expliquer sur le moyen de l'exposant pris de ce que les premiers juges n'avaient pas tiré toutes les conséquences de leur motivation (cf. prod. 2 p. 9 in fine), la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le défaut de réponse aux conclusions équivaut au défaut de motifs ; Que l'exposant faisait valoir en page 10 de ses conclusions signifiées le 18 avril 2007 (prod. 2) que Monsieur Z... avait agi avec une légèreté totalement blâmable dans la mesure où il avait non seulement informé Monsieur X... puis accrédité les assertions de ce dernier, mais encore poursuivi dans sa démarche à son encontre alors même que l'enquête diligentée à son encontre s'était avérée totalement infondée, ce qu'avait pourtant relevé le jugement entrepris en page 4 paragraphe 2 ; Qu'en confirmant le jugement selon lequel Monsieur Z... n'aurait commis aucune faute par adoption pure et simple de ses motifs et sans répondre à ce moyen opérant, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Nouveau Code de procédure civile ;
ALORS ENCORE QUE constitue une faute au sens de l'article 1382 du Code civil le fait pour la conseillère clientèle d'une guilde professionnelle d'aller espionner les pratiques d'un concurrent de l'un des affiliés de la guilde en se faisant faussement passer pour une cliente ainsi que le faisait remarquer l'exposant en pages 10 et suivantes de ses conclusions signifiées le 18 avril 2007 (prod. 2) en soulignant que Madame B..., professionnelle, avait agi à tout le moins avec une légèreté blâmable ; Qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que Madame B... n'avait commis aucune faute au préjudice de l'exposant, aucune intention malveillante ne pouvant lui être imputée, par adoption pure et simple de ses motifs et sans même rechercher ainsi qu'elle y était invitée si l'intimée n'avait pas à tout le moins agi avec une légèreté blâmable, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE celui qui a accepté de donner des renseignements a lui-même l'obligation de s'informer pour informer en connaissance de cause ; Que, pour critiquer le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que Monsieur X... n'avait pas commis de faute en rapportant aux enquêteurs l'information obtenue de Monsieur Z..., aucune intention malveillante ne pouvant lui être imputée, l'exposant soulignait en page 9 alinéa 9 de ses conclusions signifiées le 18 avril 2007 (prod. 2) que Monsieur X... aurait à tout le moins pu se rendre auparavant dans sa bijouterie à l'effet de se convaincre de ce que les bijoux qui y étaient exposés étaient effectivement ceux ayant fait l'objet du vol dont il avait été victime en mars 1999 ; Qu'en confirmant le jugement entrepris par adoption pure et simple de ses motifs sans répondre au moyen opérant ainsi soulevé par l'exposant, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil.