AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 1147 du Code civil, ensemble les articles 59 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée réformant certaines professions judiciaires ou juridiques et 22 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 modifiée réglementant la profession d'expert-comptable ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'expert-comptable, qui accepte, dans l'exercice de ses activités juridiques accessoires, d'établir un acte sous seing privé pour le compte d'autrui, est tenu, en sa qualité de rédacteur, d'informer et d'éclairer de manière complète les parties sur les effets et la portée de l'opération projetée, notamment sur ses incidences fiscales ; que l'expert-comptable n'est pas déchargé de cette obligation par les compétences personnelles de l'une des parties à l'acte qu'il dresse ou la présence à ses côtés d'un conseiller personnel ;
Attendu que la société d'expertise-comptable BPERC a été chargée par M. X... de préparer un budget prévisionnel dans la perspective de sa nomination comme huissier de justice en remplacement de M. Y... ; que la société BPERC a ensuite procédé à la rédaction de l'acte de cession qui, signé par les parties le 24 avril 1997, était assorti de diverses conditions suspensives, toutes réalisées au 15 janvier 1998 ; que le cédant a ensuite reçu un avis d'imposition au titre de la taxe professionnelle afférente à l'exercice 1998, impôt dont il s'est intégralement acquitté ; que M. Y... a, dans ces conditions, engagé une action en responsabilité à l'encontre de la société d'expertise-comptable, lui reprochant de ne pas avoir appelé l'attention des parties sur la règle d'annualité de la taxe professionnelle et de ne pas avoir conseillé l'introduction d'une clause de répartition de cette taxe entre le cédant et le cessionnaire ;
Attendu que pour débouter M. Y... de sa demande en réparation, l'arrêt attaqué retient, d'une part, que par le choix du cessionnaire de confier la rédaction de l'acte à une société d'expertise-comptable et du cédant, de ne pas se faire assister, les parties ont délibérément décidé de ne recevoir qu'une information limitée sur les conséquences juridiques de la cession et, d'autre part, que M. Y..., qui ne pouvait ignorer le régime de la taxe professionnelle applicable à son activité, ne pouvait se méprendre sur les conséquences de l'opération ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 décembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société BPERC aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société BPERC ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille quatre.