LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 7 novembre 2014), que, par devis du 17 juin 2010, accepté le 19 juillet 2010, Mme X... a confié à la société Alba international déménagements (la société Alba) le déménagement de son mobilier qui lui a été livré en deux fois, fortement endommagé et avec de nombreux objets manquants ; qu'elle a déclaré le sinistre à son assureur, la société Filia MAIF, qui l'a indemnisée en lui opposant une franchise et un abattement pour vétusté ; que Mme X... et la société Filia MAIF ont assigné en réparation de leurs préjudices la société Alba et l'assureur de celle-ci, la société Mercator assurances, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Baloise Belgium ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 5 106,55 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que Mme X... faisait valoir que la société Alba avait commis des fautes de nature à faire échec aux limites contractuelles de responsabilité (pneus dégonflés, surcharge, garde à vue du chauffeur, retard, disparition de nombreux objets, défaut de protection et de capitonnage, livraison en vrac) ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer, pour retenir l'application des clauses limitatives de responsabilité, que les manquements de la société de déménagement, constitués par le retard de livraison, les avaries et les pertes d'objet, n'entraient pas dans les prévisions de la faute inexcusable, sans rechercher si les fautes délibérément commises par la société Alba n'impliquaient pas la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 133-8 du code de commerce ;
2°/ que les dommages-intérêts alloués à la victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en relevant néanmoins, pour écarter la réparation du préjudice non indemnisé par l'assureur dommages au titre de la vétusté et de la franchise, que la réparation de ce préjudice complémentaire procurerait un enrichissement sans cause à Mme X..., la cour d'appel, qui n'a pas replacé la victime dans la situation où elle se serait trouvée si la société Alba n'avait pas manqué à ses obligations, a violé l'article 1147 du code civil et le principe de la réparation intégrale ;
Mais attendu, d'abord, que Mme X... a soutenu exclusivement, dans ses conclusions d'appel, que la société Alba avait commis une faute lourde dans l'exécution des opérations de déménagement ; qu'ensuite, elle n'a pas critiqué l'appréciation du premier juge selon laquelle la réparation d'un préjudice complémentaire lui procurerait un enrichissement sans cause ; que le moyen, qui soutient, dans la première branche, que le déménageur a commis une faute inexcusable au sens de l'article L. 133-8 du code de commerce et, dans la seconde branche, que l'application de la franchise prévue au contrat porte atteinte, en son principe même, à son droit d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice, est nouveau, mélangé de fait et donc irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Filia MAIF et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Filia-MAIF et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par la société Mercator assurances et débouté la société Filia Maif de ses demandes dirigées contre elle pour défaut d'intérêt à agir ;
AUX MOTIFS QUE la société Mercator assurances et la société Alba international déménagements soulèvent l'irrecevabilité des demandes de la Maif pour défaut d'intérêt et qualité pour agir ; qu'elles font valoir que la Maif ne justifie pas du paiement effectif de l'indemnité et du fait que ce paiement ait été concomitant à la signature de la quittance ; qu'en conséquence, elles constatent qu'elle ne peut se prévaloir d'une subrogation conventionnelle régulière ; que, d'autre part, elles affirment que la Maif ne justifie pas de son obligation à paiement et que dans ces conditions, elle ne peut prétendre se prévaloir d'une subrogation légale ; que la société Maif fonde exclusivement son action sur les dispositions de l'article L.121-12 du code des assurances aux termes duquel l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; que l'assureur ne peut se prévaloir de la subrogation légale qu'à la condition que son paiement soit réalisé en exécution de son obligation contractuelle de garantie et qu'il lui appartient de prouver qu'il était tenu contractuellement de régler l'indemnité en exécution de la police d'assurance ; que la subrogation prévue par l'article L.121-12 du code des assurances suppose donc que l'assureur ait payé l'indemnité en application du contrat d'assurance et qu'elle ne peut jouer s'il ne justifie pas que ce paiement est intervenu en vertu d'une garantie régulièrement souscrite ; qu'en l'espèce, la société Maif ne produit pas la police d'assurance souscrite par Mme X... mais uniquement trois impressions d'écran ne comportant aucune référence permettant de considérer qu'elles s'appliquent au contrat invoqué par Mme X... et de vérifier que le paiement effectué par la société Maif est bien intervenu en vertu des garanties régulièrement souscrites par celle-ci ; que, par ailleurs, ces éléments versés aux débats ainsi que la quittance subrogatoire signée par Mme X..., si elles établissent la réalité même du paiement effectué par la société Maif, sont dépourvues de toute force probante quant à la caractérisation de son exécution en vertu des garanties régulièrement souscrites par Mme X... ; que dans ces conditions, il y a lieu de réformer le jugement déféré et de déclarer l'action de la Maif irrecevable pour défaut de justification de sa qualité à agir ;
1) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en déboutant la société Filia Maif de ses demandes «pour défaut d'intérêt à agir », après avoir déclaré son action « irrecevable pour défaut de justification de sa qualité à agir », la cour d'appel, qui a entaché sa décision d''une contradiction entre le dispositif et les motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la société Filia Maif produisait la quittance subrogatoire que Mme X... lui avait délivrée ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour considérer que l'assureur ne justifiait pas de sa qualité à agir, que la société Filia Maif fondait exclusivement son action sur l'article L.121-12 du code des assurances dont elle ne remplissait pas les conditions, sans rechercher si la société Filia Maif bénéficiait d'une subrogation conventionnelle dans les droits de son assurée en vertu de la quittance produite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté Mme X... de sa demande en paiement d'une somme de 5106,55 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme X... fait valoir que la responsabilité contractuelle de la société Alba international déménagements est engagée à la fois en raison du retard dans la livraison mais également en raison de la perte ou de l'avarie subie par des meubles ; qu'elle affirme que la société Alba international déménagements a commis une faute lourde dans la réalisation de son contrat en raison du non-respect des clauses contractuelles : absence d'emballage et de protection des objets, absence de transport en camion capitonné, multiples manipulations ; que la société Alba international déménagements indique que le retard de livraison qui lui est reproché est en fait une livraison qui s'est déroulée en deux temps suite à une avarie sur un des camions ; qu'elle affirme qu'il s'agit là d'un incident totalement indépendant de sa volonté ; que pour ce qui est des pertes et avaries, elle rappelle que Mme X... n'a assuré son mobilier que pour une valeur maximale de 20 000 euros et qu'en conséquence les objets non listés dans la déclaration de valeur sont présumés avoir une valeur inférieure ou égale à 150 euros ; qu'elle soutient qu'au vu du rapport d'expertise et des conditions contractuelles, Mme X... ne peut prétendre qu'à une somme de 3855,20 euros pour le mobilier détérioré et 1471,80 euros pour le mobilier disparu ; qu'enfin, elle soutient qu'en l'absence de toute faute lourde, ces limitations contractuelles doivent s'appliquer ; que c'est par une exacte appréciation des faits de la cause que la cour adopte que le premier juge a constaté qu'aucune faute lourde n'était démontrée à l'encontre de la société Alba international déménagements et que dans ces conditions, Mme X... ayant été indemnisée par son assureur à hauteur de l'intégralité de son préjudice, déduction faite de la vétusté, ne pouvait réclamer l'indemnisation d'un préjudice complémentaire au titre de la vétusté, sans que cette demande ne lui procure un enrichissement sans cause ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'Hélène X... réclame paiement en premier lieu de la somme de 5106,55 ¿ correspondant au montant de la vétusté déduite de l'indemnité d'assurance réglée par son assureur ainsi qu'au montant de la franchise ; qu'elle fait état de la faute lourde du déménageur pour écarter la limitation de l'indemnité ; que la faute lourde se définit comme « une négligence d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée » ; qu'en l'espèce, si la société Alba international déménagements a manifestement commis plusieurs fautes dans l'exécution de son contrat de déménagement en livrant le mobilier en retard et avec de multiples avaries et manquants, il ne résulte pas des éléments de la cause que ces divers manquements soient constitutifs d'une faute lourde, étant observé que la nécessité de changer de camion de déménagement en cours de transport, relève d'une négligence caractérisée mais constitue un événement admissible alors même que le transport a été assuré jusqu'à son terme ; qu'enfin, l'absence d'explications précises de la société de déménagement sur les causes et les circonstances qui ont émaillé ce déménagement pour le moins chaotique est insuffisante à caractériser la faute lourde ; que cette argumentation ayant pour conséquence d'écarter les clauses limitatives de responsabilité ne peut en conséquence être retenue ; qu'en application des dispositions de L.133-8 du code de commerce issu de la loi du 8 décembre 2009 et applicable au présent litige, seule la faute inexcusable, à savoir la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable, permet désormais d'échapper aux clauses limitatives de responsabilité ; que surabondamment, il ne résulte pas des éléments de l'espèce que les manquements de la société de déménagement entrent dans les prévisions de la faute inexcusable ; que selon le droit commun, Hélène X... a droit à une indemnisation intégrale du préjudice qu'elle a subi ; qu'elle doit être replacée dans la situation où elle se trouvait avant le sinistre ; que, cependant, préjudice matériel direct dû à la perte ou à la détérioration de son mobilier ne peut être intégralement réparé que sur la base du prix de remplacement des objets perdus ou détériorés avec néanmoins l'application d'un coefficient de vétusté pour ne pas procurer un enrichissement indu ; qu'Hélène X... a été indemnisée par son assureur de son préjudice selon les règles précisées ci-dessus, de sorte qu'elle apparaît mal fondée à réclamer l'indemnisation d'un préjudice complémentaire au titre de la vétusté ;
1) ALORS QUE Mme X... faisait valoir que la société Alba international déménagements avait commis des fautes de nature à faire échec aux limites contractuelles de responsabilité (pneus dégonflés, surcharge, garde à vue du chauffeur, retard, disparition de nombreux objets, défaut de protection et de capitonnage, livraison en vrac) ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer, pour retenir l'application des clauses limitatives de responsabilité, que les manquements de la société de déménagement, constitués par le retard de livraison, les avaries et les pertes d'objet, n'entraient pas dans les prévisions de la faute inexcusable, sans rechercher si les fautes délibérément commises par la société Alba international déménagements n'impliquaient pas la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.133-8 du code de commerce ;
2) ALORS QUE les dommages-intérêts alloués à la victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en relevant néanmoins, pour écarter la réparation du préjudice non indemnisé par l'assureur dommages au titre de la vétusté et de la franchise, que la réparation de ce préjudice complémentaire procurerait un enrichissement sans cause à Mme X..., la cour d'appel, qui n'a pas replacé la victime dans la situation où elle se serait trouvée si la société Alba international déménagements n'avait pas manqué à ses obligations, a violé l'article 1147 du code civil et le principe de la réparation intégrale.