LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 20-80.254 F-D
N° 01305
SM12
4 NOVEMBRE 2021
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 NOVEMBRE 2021
M. [Y] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 336 de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 27 juin 2019, qui, pour banqueroute et abus de biens sociaux, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Pauthe, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [Y] [U], les observations de Me Le Prado, avocat de Mmes [P] et [H] [S] et les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [G] ès qualités de mandataire liquidateur de la société financière Foch patrimoine, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Pauthe, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société financière Foch patrimoine, créée en juillet 1999, ayant pour associé unique la société Compagnie financière privée et M. [U] comme gérant, exerçant une activité de courtage en assurances et de conseil en gestion de patrimoine et investissement financier, a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Angers du 13 juin 2016 fixant la date de cessation des paiements au 28 février 2016 et désignant Maître [M] [G] comme mandataire liquidateur.
3. Il s'est avéré que, suivant contrat en date du 2 avril 2013, M. [U] a été rémunéré par la société financière Foch patrimoine en qualité d'agent commercial à hauteur de 95 008 euros.
4. Par ailleurs, le 1er juin 2015, la société financière Foch patrimoine a cédé à la société Compagnie financière Fondary l'intégralité de son activité de courtage et les commissions afférentes à compter du 1er juillet 2015 au prix de 33 000 euros. M. [U] a établi une note, datée du 1er octobre 2015, précisant que la société Compagnie financière fondary a payé son acquisition de portefeuille par la créance qu'elle venait d'acquérir sur la société Financière Foch patrimoine.
5. Au terme de l'enquête diligentée, M. [U] a reçu convocation devant le tribunal correctionnel afin de répondre de faits de banqueroute pour avoir, étant dirigeant de droit de la société Financière Foch patrimoine, société placée en liquidation judiciaire le 13 juin 2016 et détenue à 100 % par la société Compagnie financière privée ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 19 février 2014, commis le délit de banqueroute en détournant ou dissimulant tout ou partie de l'actif, en l'espèce en cédant irrégulièrement le fonds de commerce, en l'occurrence l'activité de courtage de la société Financière Foch patrimoine à la société Compagnie financière privée en date du 1er juin 2015, avec une date d'effet au 1er juillet 2015, au prix de 33 000 euros, sans avertir et avoir l'accord de M. [M] [G], liquidateur et représentant de l'associé unique et , d'autre part, d'abus de biens sociaux, pour avoir en cette même qualité, en 2014 et 2015, fait de mauvaise foi des biens ou du crédit de la société Financière Foch patrimoine un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, en l'espèce en facturant indûment des honoraires à la société Financière Foch patrimoine pour un montant total de 95 008 euros en tant qu'agent commercial, alors qu'en réalité, après vérification auprès des compagnies d'assurance concernées, peu de nouveaux contrats avaient été signés et un nombre important de contrats existants avaient été rompus.
6. Par jugement du 30 juin 2017, le tribunal correctionnel d'Angers a déclaré M. [U] coupable, l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement, dit n'y avoir lieu à aménagement de peine ab initio et ordonné la confusion de cette peine avec celle prononcée le même jour par la même juridiction à quatre ans d'emprisonnement pour des faits d'abus de confiance aggravé.
7. M. [U] et le procureur de la République ont interjeté appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à aménagement de peine ab initio, alors « que si la peine prononcée n'est pas supérieure à deux ans, le juge qui décide de ne pas l'aménager, doit soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en l'espèce, en disant qu'il n'y avait pas lieu à un aménagement de la peine d'emprisonnement ferme de dix-huit mois infligée à M. [U], sans motiver son refus d'aménagement de peine soit par une impossibilité matérielle de le faire, soit au regard des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 132-19 du code pénal, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 132-19 du code pénal dans sa rédaction alors en vigueur et l'article 593 du code de procédure pénale :
11. Il résulte du premier de ces textes que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis qui n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, et décide de ne pas l'aménager, doit, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale.
12. Il se déduit du second de ces textes que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
13. Il résulte de l'arrêt attaqué que les juges ont confirmé le jugement ayant condamné M. [U] à dix huit mois d'emprisonnement et ordonné la confusion de cette peine avec la peine de quatre ans d'emprisonnement prononcée le même jour par arrêt de la même cour d'appel pour abus de confiance.
14. En statuant ainsi, sans s'expliquer sur la possibilité d'un aménagement de la peine d'emprisonnement ferme prononcée au regard de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu et alors, au surplus, que la peine absorbante, non définitive, ne pouvait être prise en compte pour la détermination du quantum de la peine d'emprisonnement sans sursis à exécuter, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.
17. L'affaire sera renvoyée devant une cour d'appel pour qu'il soit à nouveau statué dans les limites de la cassation ainsi prononcée, conformément à la loi, et, le cas échéant, aux dispositions des articles 132-19 et 132-25 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice, applicables à partir du 24 mars 2020.
Sur la demande de mise hors de cause
18. Il convient de dire que Mmes [P] et [H] [S], étrangères à la présente procédure, sont hors de cause.
Examen des demandes fondées sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
19. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité étant devenue définitive par suite de la non admission des deux premiers moyens, il y a lieu de faire partiellement droit aux demandes.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 27 juin 2019, mais en ses seules dispositions relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT que Mmes [P] et [H] [S] sont hors de cause ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit de Mmes [P] [S] et [H] [S] ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [U] devra payer à M. [M] [G] ès qualités de mandataire liquidateur de la société Financière Foch patrimoine en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre novembre deux mille vingt et un.