LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 10 septembre 2013), statuant en matière de référé, que reprochant à l'union syndicale agricole de Seine-Maritime, devenue la FNSEA 76 (le syndicat), de faire publier par la société Communication information presse des publicités s'analysant en des offres de consultation juridique, de formation et d'aide à la rédaction d'actes, s'adressant à des personnes autres que celles dont la défense des intérêts était visée par les statuts de ce syndicat et dans des secteurs du droit qui n'entraient pas dans le domaine agricole, M. X...et Mme B..., avocats, l'ont assigné en référé ainsi que M. Y..., son salarié, et la société Communication information presse en cessation du trouble manifestement illicite ; que l'ordre des avocats au barreau de Rouen, puis en cause d'appel, le Conseil national du barreau et l'ordre des avocats au barreau de Dieppe, sont intervenus volontairement à l'instance ;
Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de le condamner à faire cesser toute parution de ses publicités constitutives d'offres de services en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous seing privé, alors, selon le moyen :
1°/ que le démarchage prohibé par l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 est le fait d'offrir ses services, en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer à la souscription d'un contrat aux mêmes fins, en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d'une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public ; qu'en qualifiant de démarchage la publication d'annonces d'offres de services dans un journal, la cour d'appel a violé les articles 1er du décret n° 72-785 du 25 août 1972, 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
2°/ que l'article 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 distingue le démarchage de la publicité ; que si cette dernière est prohibée lorsqu'elle est faite en vue de donner des consultations, de rédiger des actes ou de proposer son assistance en matière juridique, notamment par voie de tracts et d'affiches, en vertu de l'article 2 du décret n° 72-785 du 25 août 1972, l'article 3 du décret écarte l'application de ces dispositions aux syndicats professionnels ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble l'adage specialia generalibus derogant ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que le syndicat avait fait publier des annonces s'adressant à des personnes autres que celles dont la défense des intérêts était visée par ses statuts, à savoir ses membres, puisque tous les lecteurs du journal vendu au public y avaient accès, et que l'offre de consultation excédait les questions intéressant directement l'activité agricole, la cour d'appel a retenu que ces insertions publicitaires s'analysaient en des offres de services en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous seing privé et incitaient les lecteurs du journal, concernés par l'une des questions juridiques mentionnées, à recourir à ces prestations ; que par ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a caractérisé une situation manifestement illicite de démarchage au sens de l'article 1er du décret du 25 août 1972, qui n'en limite pas l'application aux seules hypothèses énoncées, prohibé par l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la FNSEA 76 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles de Seine-maritime.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la FNSEA 76 à faire cesser toute parution de ses publicités constitutives d'offres de services en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous-seing privé ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« l'article 64 de la loi du 31 décembre 1971 dispose que les syndicats et associations professionnelles régis par le code du travail peuvent donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé au profit des personnes dont la défense des intérêts est visée par leurs statuts, sur des questions se rapportant directement à leur objet ; ces dispositions restreignent ainsi la possibilité pour les syndicats d'intervenir dans le domaine juridique pour donner des consultations ou rédiger des actes sous seing privés d'une part quant aux bénéficiaires de ces prestations et, d'autre part, quant aux questions traitées ; il importe de souligner que la licéité des publicités mises en cause en la présente instance doit être appréciée au regard des statuts de l'USA 76 en vigueur au moment de la diffusion des textes considérés, étant en outre relevé que ce syndicat bénéficie de l'agrément prévu à l'article 54-1 de la loi précitée et emploie en particulier M. Y..., lequel dispose d'un master à finalité professionnelle, mention droit de l'espace urbain et rural ; il n'est pas inutile d'observer d'ailleurs que, dans leurs conclusions récapitulatives déposées le 14 février 2013, les appelants entretiennent la confusion entre les nouveaux statuts adoptés par la FNSEA 76 (pièce n° 38 de leurs productions) certifiés conformes le 6 juin 2012 et déposés en préfecture le 11 janvier 2013, et les statuts de l'USA 76 ; selon l'article 5 de ces derniers, l'Union syndicale a pour objet l'étude et la défense des intérêts généraux, économiques, sociaux, moraux et familiaux de ses membres et a plus spécialement pour but, selon le 8ème des dix points énumérés par cet article, de donner des avis et consultations sur tout ce qui concerne la profession agricole, de dresser un tableau d'arbitres et d'experts techniques pour le règlement amiable des litiges agricoles et de faciliter la création des commissions paritaires organisées par la loi pour la solution des litiges ; il s'en déduit que les annonces critiquées par M. X...et Mme B...devant le premier juge et à nouveau mises en cause en appel par les intimés et les intervenants excèdent manifestement ce que l'article 64 de la loi du 31 décembre 1971 autorise ; droit à ce titre être relevé, parmi les publicités diffusées dans le journal l'Union Agricole, publié par la société Communication Information Presse, que :- dans le numéro 16 daté du 21 avril 2011, il est indiqué, sous l'intitulé " Juridique Permanences de l'Union syndicale agricole " : " Le service juridique et fiscal de l'Union syndicale agricole assure des permanences mensuelles. Tous les exploitants, les anciens exploitants et les jeunes agriculteurs peuvent y consulter un juriste pour être conseillé pour toute question concernant les sociétés, les baux ruraux, les droits à paiement et leur transmission, le contrôle des structures, la gestion et la transmission du patrimoine, et les litiges de tous ordres... ",- dans le numéro 18 daté du 5 mai 2011, une annonce mentionne, en caractères blancs sur fond bleu : " Service juridique : Constitution de société modifications statutaires départ d'associé rédaction de vos règlements intérieurs : L'équipe juridique de l'Union Syndicale Agricole vous conseille et rédige vos actes Contactez Freddy Y...au ... ",- dans le numéro 21 daté du 26 mai 2011, une publicité occupant près d'un quart de page contient, avec en médaillon, comme l'annonce précitée, le logo de l'USA, les termes suivants, en gros caractères sur fond bleu : " Service Juridique : Servitude, droit de passage, limite de propriété, troubles de voisinage, protocole d'accord L'équipe juridique de l'Union Syndicale agricole vous conseille et rédige vos conventions Contactez Freddy Y...au ... ",- dans le numéro 22 daté du 3 juin 2011, une publicité occupant également près d'un quart de page comporte, outre le logo de l'USA et diverses photographies, le texte suivant : " Service Main d'OEuvre Un conseil individualisé pour vous aider dans vos décisions en tant qu'employeur Un service de paie pour l'établissement des bulletins de salaire Des documents à votre disposition Contactez Valérie Z...tel : ... ",- dans le numéro 23 daté du 9 juin 2011, une annonce indique : " Service juridique Bail à ferme, d'habitation, contrat de vente de fourrages, locations saisonnières L'équipe juridique de l'Union Syndicale Agricole vous conseille et rédige vos actes Contactez Freddy Y...au ... ",- dans le numéro 41 daté du 13 octobre 2011, une annonce est ainsi rédigée : " Service juridique Contrat de mariage, protection du concubin, contrat de Pacs, rédaction de vos testaments : l'Equipe juridique de l'Union Syndicale agricole vous conseille et rédige vos projets Contactez Freddy Y...au ... ", Qu'il doit encore être noté que d'autres annonces mentionnent, parmi les secteurs du droit relevant du service juridique du syndicat la " protection des consommateurs (n° 24 de l'Union agricole daté du 16 juin 2011 et n° 25 daté du 23 juin 2011) ou encore, au titre des questions traitées par les permanences de l'USA que " tous les jeunes agriculteurs, exploitants, adhérents de l'Union syndicale agricole peuvent y consulter un juriste pour tout problème d'ordre juridique, fiscal ou social " (n° 38 daté du 22 septembre 2011) ; sans qu'il apparaisse nécessaire de poursuivre la description des publicités litigieuses, est ainsi établie l'existence d'un trouble manifestement illicite au sens de l'alinéa 1 de l'article 809 du code de procédure civile, caractérisé, en premier lieu au regard de la détermination des personnes auxquelles ces annonces s'adressent, qui ne se limitent pas à celles dont la défense des intérêts est visée par les statuts de l'USA 76, c'est-à-dire les membres de ce syndicat, puisque tous les lecteurs du journal l'Union Agricole, qui est vendu au public sont concernés et, en second lieu, par l'étendue des questions juridiques sur lesquelles porte l'offre de consultation, qui excède largement les questions intéressant directement l'activité agricole ; Qu'il sera surabondamment ajouté que les statuts de la FNSEA 76, qui élargissent la définition de l'objet de ce syndicat, ne permettraient pas pour autant de diffuser au public les offres précitées de prestations se situant hors du champ de ce qui intéresse directement l'activité agricole ; Attendu qu'il convient de préciser la mesure ordonnée par le premier juge à ce titre en condamnant le syndicat et non M. Y...personnellement dès lors que c'est en qualité de préposé de l'USA 76 (cf la lettre d'embauche en date du 18 janvier 2011 produite), sans excéder ses fonctions, que celui-ci a agi, la diffusion sur le site internet de l'USA 76 d'une carte de visite concernant son activité ne pouvant suffire à retenir, à tout le moins avec l'évidence nécessaire en référé, sa responsabilité personnelle ; Que l'USA 76, devenue la FNSEA 76, doit être condamnée :- à cesser toute activité de consultation et de rédaction d'actes juridiques au profit de personnes dont la défense des intérêts n'est pas visée par ses statuts,- à cesser toute activité de consultation et de rédaction d'actes juridiques au profit de personnes dont la défense des intérêts est visée par ses statuts, portant sur des questions ne se rapportant pas directement à son objet tel qu'il est défini par ses statuts ; les annonces mises en cause, ci-dessus examinées, s'analysent en des offres de services en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous seing privé, incitant les lecteurs du journal concernés par l'une des questions juridiques mentionnées à recourir à ces prestations, ce qui constitue un démarchage au sens de l'article 1er du décret du 25 août 1972 ; tout démarchage en matière juridique est prohibé suivant les dispositions de l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 ; les appelants ne sauraient utilement invoquer l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 5 avril 2011 concernant les membres de professions réglementées, pour considérer cette interdiction générale comme inapplicable à leur égard, étant noté que le syndicat, au nom de qui les annonces sont faites, ne peut être tenu comme relevant du champ d'application de la règle considérée ;
il convient de préciser la condamnation prononcée de ce chef au titre de l'alinéa 1 de l'article 809 du code de procédure civile en condamnant l'USA 76 devenue la FNSEA 76 à faire cesser toute parution de ses publicités constitutives d'offres de services en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes sous seing privé ; il n'y a pas lieu d'assortir les condamnations ci-dessus prononcées d'astreintes ni d'ordonner des mesures de publication de la présente décision comme le demande le Conseil National des Barreaux, la FNSEA 76 s'exposant en toute hypothèse à ce qu'il soit à l'avenir tirer toutes conséquences de droit de la méconnaissance des normes en cause ; le Conseil National des Barreaux est fondé à solliciter l'allocation d'un euro de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral tenant à l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession d'avocat par les agissement dont la cessation est ordonnée ; il en va de même pour l'Ordre des avocats au barreau de Dieppe ; ces condamnations, prononcées à titre provisionnel, doivent être mises à la seule charge de l'USA 76 devenue la FNSEA 76 ; c'est à bon droit que le juge des référés a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. X...et de Mme B...qui ne justifient pas par les pièces produites avoir personnellement subi un préjudice du fait des agissements ci-dessus condamnés, étant notamment observé que les documents concernant en particulier Mme A...ne peuvent être pris en considération à cet égard dès lors que sont en cause des litiges relevant du tribunal paritaire des baux ruraux devant lequel les parties peuvent être représentées par un membre ou le salarié d'une organisation professionnelle agricole » ;
ET AUX MOTIFS EVETUELLEMENT ADOPTES QUE
« Il sera rappelé qu'en application de la combinaison des articles 66-4 de la loi précitée du 31 décembre 1971 et de l'article 1 du décret n° 72-785 du 25 août 1972, est prohibé tout démarchage en matière juridique. Or en la cause est assimilée à un tel acte toute publicité par voie de presse ou par internet entre autres proposant des consultations juridiques. En revanche, la loi du 31 décembre 1971 ne s'applique pas aux actions de formation juridique alors que l'article 66-1 de ce texte autorise la diffusion en matière juridique de renseignements et informations à caractère documentaire. Par suite, il convient d'ordonner à l'Union syndicale agricole 76 la cessation de la parution des dîtes publicités sous astreinte de 2000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance ».
ALORS QUE le démarchage prohibé par l'article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 est le fait d'offrir ses services, en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer à la souscription d'un contrat aux mêmes fins, en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d'une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public ; qu'en qualifiant de démarchage la publication d'annonces d'offres de services dans un journal, la cour d'appel a violé les articles 1er du décret n° 72-785 du 25 août 1972, 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;
ALORS QUE l'article 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 distingue le démarchage de la publicité ; que si cette dernière est prohibée lorsqu'elle est faite en vue de donner des consultations, de rédiger des actes ou de proposer son assistance en matière juridique, notamment par voie de tracts et d'affiches, en vertu de l'article 2 du décret n° 72-785 du 25 août 1972, l'article 3 du décret écarte l'application de ces dispositions aux syndicats professionnels ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble l'adage specialia generalibus derogant.