LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 19 mars 2014), que Jean-Louis X..., qui avait engagé une action en responsabilité, est décédé au cours de cette instance, en laissant pour lui succéder Mme Y..., son épouse, et ses huit enfants : Jean-Claude, Christiane, Marie-Christine, Maud, Laurent, Guylaine, Fabrice et Alexandre ; que Mme Y..., MM. Jean-Claude, Laurent, Fabrice et Alexandre X...et Mme Guylaine X...(les consorts Y...
X...) ont repris l'instance et obtenu des dommages-intérêts ; qu'un jugement a ordonné le partage de la succession de Jean-Louis X...;
Attendu que les consorts Y...
X...font grief à l'arrêt d'ordonner la réintégration à l'actif de la succession, pour qu'elles soient partagées conformément aux règles légales, de toutes les sommes versées en exécution du jugement prononcé le 2 février 2000 par le tribunal de grande Instance de Paris et de l'arrêt prononcé le 23 octobre 2001 par la cour d'appel, et de dire que les frais exposés par les défendeurs à l'occasion de la procédure ayant abouti au prononcé de l'arrêt du 23 octobre 2001 devront figurer au passif de la succession ;
Attendu, d'abord, que l'instance en partage ayant été introduite avant le 1er janvier 2007, les articles 1359 à 1376 du code de procédure civile n'étaient pas applicables au litige, que, dès lors, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir constaté que l'action engagée par Jean-Louis X...devant le tribunal de grande instance de Paris avait pour objet de réparer les conséquences fiscales qu'un « protocole d'accord transactionnel », qu'il avait signé, faisait peser sur lui, que les sommes allouées à titre de dommages-intérêts étaient très proches du montant du redressement fiscal notifié au défunt, qu'elles correspondaient à la globalité du préjudice initialement subi par Jean-Louis X..., et non à la somme des préjudices respectifs de chacun des héritiers ayant repris l'instance, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître le principe de l'opposabilité des jugements aux tiers, que ces sommes, entrées dans le patrimoine du de cujus, devaient profiter à l'ensemble des héritiers, qu'ils aient ou non repris l'instance initiée par leur père ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y..., veuve X..., MM. Jean-Claude, Laurent, Fabrice, Alexandre X...et Mme Guylaine X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à Mme Christiane X...la somme de 1 500 euros et à Me Le Prado, la somme de 1 500 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour les consorts X...et l'UDAF des Deux-Sèvres.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la réintégration à l'actif de la succession de Monsieur Jean-Louis X..., pour qu'elles soient partagées conformément aux règles légales, de toutes les sommes versées en exécution du jugement prononcé le 2 février 2000 par le tribunal de grande Instance de Paris et de l'arrêt prononcé le 23 octobre 2001 par la cour d'appel, d'AVOIR en, conséquence, ordonné la réintégration à l'actif de la succession de Monsieur Jean-Louis X...d'un capital de 914. 694, 10 ¿ (6 millions de francs) augmenté des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt, et celle des intérêts de retard versés par les différentes compagnies d'assurances et notamment celle de la SCP de notaires E...et d'AVOIR dit que les frais exposés par les défendeurs à l'occasion de la procédure ayant abouti au prononcé de l'arrêt du 23 octobre 2001 devront figurer au passif de la succession ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « (¿) De son vivant, Jean-Louis X...avait été désigné légataire universel de Mme A.... Lors de la liquidation de la succession de cette dernière, Mme B...se faisait connaître et prétendait être la fille naturelle non reconnue du mari de la défunte. Jean-Louis X...acceptait alors de rétrocéder une partie de son legs à Mme B...et sollicitait la SCP E...
F..., notaires à Paris pour régulariser un protocole transactionnel. C'est alors que l'administration fiscale notifiait à Jean-Louis X...un redressement fiscal à hauteur de 5. 493. 263 francs alors même qu'il avait déjà payé 60 % de droits de succession sur la part lui revenant. C'est dans ces conditions que Jean-Louis X...assignait en responsabilité la SCP E...
F...pour manquement à son devoir de conseil quant aux conséquences fiscales du protocole transactionnel intervenu. Compte tenu du décès intervenu, la cour d'appel indiquait en page 7 de son arrêt : « Jean-Louis X...étant décédé le 3 août 1996, ses héritiers, Mmes Y...et C..., ainsi que MM Jean-Claude, Laurent, Fabrice et Alexandre X...(les consorts X...), ont repris l'instance (...) ». La cour condamnait la société de notaires à payer aux consorts X..., la somme de 6. 000. 000 francs à titre de dommages-intérêts et 40. 000 francs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La lecture attentive du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 2 février 2000 et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 octobre 2001 permet de constater que l'objet de l'instance était de réparer les conséquences fiscales que le protocole transactionnel faisait peser sur Jean-Louis X.... Force est d'ailleurs de constater que la somme allouée par la cour d'appel de Paris à titre de dommages-intérêts est très proche du montant du redressement fiscal notifié au défunt. Elle correspond à la globalité du préjudice initialement subi par Jean-Louis X...et non pas à la somme des préjudices respectifs de chacun des héritiers ayant repris l'instance. Les sommes allouées par le tribunal et la cour d'appel de Paris sont donc entrées dans le patrimoine du de cujus et doivent par conséquent profiter à l'ensemble de ses héritiers, qu'ils aient ou non repris l'instance initiée par leur père. Bien entendu, il n'appartient pas aux seuls héritiers ayant poursuivi l'action de supporter seuls les frais exposés à l'occasion de cette procédure. Ceux-ci devront figurer au passif de la succession pour être supportés par tous. Les appelants ne sont pas fondés à opposer à Maud, Christiane et Marie-Christine X...leur inaction dans la procédure devant les juridictions parisiennes et l'interpréter comme une renonciation à leurs droits. La renonciation alléguée concernant des droits successoraux, il ne pourrait s'agir que d'une renonciation pure et simple et l'article 804 du code civil pose clairement le principe selon lequel la renonciation en ce domaine ne se présume pas. Quant au fait qu'elles n'aient pas formé tierce opposition aux décisions du tribunal de grande instance et de la cour d'appel de Paris, cela n'empêche pas, comme il a été vu, que les sommes allouées par ces juridictions sont bel et bien entrées dans le patrimoine de leur père et qu'on ne saurait les priver, en leur qualité d'héritiers réservataires, de leurs droits successoraux sur ces sommes. C'est donc de façon parfaitement justifiée que les premiers juges ont ordonné la réintégration à l'actif de la succession de Jean-Louis X...d'un capital de 914. 694, 10 ¿ augmenté des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt et celle des intérêts de retard versés par les différentes compagnies d'assurance et notamment celle de la SCP de notaires E..., dit que les frais exposés par les défendeurs à l'occasion de la procédure ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 octobre 2001 devront figurer au passif de la succession »
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE « (¿) Sur les demandes tendant à voir réintégrer à l'actif de la succession les sommes versées en exécution de l'arrêt prononcé le 23 octobre 2001 par la cour d'appel de Paris. La prétention tendant à voir ordonner la poursuite devant Maître D...des opérations de partage de la succession ne saisit le tribunal d'aucune demande sur laquelle il ait à statuer. L'action engagée par Monsieur Jean-Louis X...est, au jour de son décès, tombée dans l'indivision successorale. En disposant que « les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des actions du défunt », l'article 724 du code civil consacre la capacité de chacun des héritiers désignés par la loi, en tant que tel, à reprendre l'action entrée dans la succession. Il découle nécessairement de cette disposition que, dès lors que l'action poursuivie devant les juridictions est celle initialement introduite par le de cujus, et non pas une action distincte qu'engagerai (en) t à titre personnel un ou plusieurs héritiers, la décision finalement obtenue préjudicie ou bénéficie à la succession. Il convient en conséquence de faire droit à la demande en ordonnant la réintégration à l'actif successoral de toutes les sommes allouées par la cour d'appel de Paria au terme de l'arrêt qu'elle a prononcé le 23 octobre 2001, soit une somme de 914. 694, 10 euros à laquelle s'ajouteront les intérêts au taux légal depuis l'année 2001, et les intérêts de retard versés par les différentes compagnies d'assurances et notamment celle de la SCP E..., notaires associés, et en disant que ces capitaux seront partagés conformément aux règles légales (¿) Sur la demande tendant avoir déduire des sommes réintégrées à l'actif de la succession les frais engagés par les défendeurs. Ces frais constituent en effet une charge de la succession. Ils en seront déduits, dans l'exacte mesure où il serait justifié qu'ils ont été supportés par les héritiers personnellement, et non par la succession ».
ALORS QUE 1°) saisi dans le cadre d'un partage judiciaire, le tribunal ne statue que sur les points de désaccord tels qu'ils résultent du procès-verbal de difficultés dressé par le notaire-liquidateur et du procès-verbal d'audition devant le Juge commis ; que toute demande distincte est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l'établissement du rapport par le juge commis ; que lors de l'établissement du procès-verbal de difficultés du 8 septembre 2010 lequel fait mention d'une seule difficulté tenant à l'étendue des droits du conjoint survivant, Mesdames Christiane, Marie-Christine et Maud X...n'ont pas fait état de la moindre revendication tendant à la réintégration à l'actif des sommes versées en exécution de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 23 octobre 2001 ; qu'elles n'ont pas davantage fait état d'une telle revendication lors de la comparution des parties, le 25 janvier 2011 devant le juge commis, ainsi que l'ont fait valoir les exposants dans leurs conclusions d'appel (p. 6, § 3 à 6) ; que la Cour d'appel de Poitiers a cependant ordonné la réintégration à l'actif de la succession de Feu Monsieur X...de la somme litigieuse sans avoir aucunement répondu à ces conclusions lesquelles étaient pourtant de nature à modifier la solution du litige ; que ce faisant, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 455 et 1359 et suivants du Code de procédure civile, ensemble celles des articles 840 et suivants du Code civil ;
ALORS, QUE 2°) l'instance est interrompue par le décès d'une partie dans le cas où l'action est transmissible ; que le jugement rendu est exécutoire, en cas de divisibilité du litige, à l'égard des seuls héritiers ayant effectué la reprise d'instance ; qu'a défaut pour les autres héritiers d'avoir exercé la reprise d'instance, ils sont réputés y avoir renoncé et sont considérés comme tiers auxquels il incombe de former tierce opposition s'ils entendent profiter des condamnations prononcées ainsi que l'on fait valoir les exposants dans leurs conclusions d'appel (p. 10, § 10 et 11, p. 13, dernier § et p. 14, § 2) ; que la Cour d'appel a cependant ordonné la réintégration à l'actif de la succession de toutes les sommes versées en exécution du jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 2 février 2000 et de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 23 octobre 2001 motifs pris de ce que : « les sommes allouées par le tribunal et la cour d'appel de Paris sont (¿) entrées dans le patrimoine du de cujus et doivent par conséquent profiter à l'ensemble des se héritiers, qu'ils aient ou non repris l'instance initiée par leur père » (arrêt attaqué p. 7, § 1er) ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles 370 et suivants du Code de procédure civile, celles des articles 724 et suivants, 1101 et 1220 du Code civil ;
ALORS, QUE 3°) le principe selon lequel le jugement tranchant dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche, est général et absolu ; que l'efficacité substantielle de l'autorité de chose jugée permet d'opposer les effets de la décision aux tiers qui ne peuvent remettre en cause la décision ; que les juges saisis d'une contestation relative à une précédente décision ne peuvent apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci ; qu'il ressort du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris puis par l'arrêt de la Cour de Paris du 23 octobre 2001 revêtu de l'autorité de chose jugée, que saisie par les seuls exposants, la Cour de Paris a condamné in solidum la SCP E...et Associés et la SCP G... à payer aux consorts X..., soit les seuls héritiers qui les avaient saisis, la somme de 6. 000. 000 francs (914. 694, 10 ¿) à titre de dommages-intérêts ; qu'en ordonnant dès lors la réintégration à l'actif de la succession des sommes octroyées par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 23 octobre 2001, la Cour de Poitiers a méconnu le principe d'opposabilité aux tiers des actes juridictionnels, en violation des articles 480 du Code de procédure civile et 1351 du Code civil.