LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la Société française du radiotéléphone (SFR), venant aux droits de la société Jet multimédia France ;
Donne acte à Mme X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Espaces et réseaux numériques (ERN) de sa reprise d'instance ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le département de la Savoie et l'Université de Savoie ont voulu développer un système informatique de communication destiné au public scolaire et universitaire, dénommé "cartable électronique", qu'un contrat en ce sens a été conclu le 27 février 2004 entre ces deux parties et des partenaires privés pour conférer les droits d'exploitation à une société Espace et réseaux numériques, à venir, et ci-après ERN ; que l'entrée en vigueur de cette convention était subordonnée à diverses conditions parmi lesquelles celle, non satisfaite, de la conclusion par la société ERN, d'un contrat de partenariat technique avec la société Pentila ; que prétendant que le département et l'Université n'avaient pas respecté l'exclusivité qu'ils lui avaient consentie, la société ERN les a assignés en contrefaçon , qu'en cours de procédure les parties se sont rapprochées et ont signé le 16 septembre 2005 un accord transactionnel prévoyant l'intervention ultérieure d'un "protocole" sur les termes duquel elles ne sont pas parvenues à s'entendre, que la société ERN a alors assigné le département et l'Université ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société ERN fait reproche à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts du fait de l'inexécution de la transaction du 16 septembre 2005, alors, selon le moyen, qu'en se bornant à affirmer que l'impossibilité pour la société ERN de poursuivre l'exécution de la transaction du 16 septembre 2005 ne pouvait résulter du seul comportement, même déloyal, du Département et de l'Université, sans s'expliquer plus avant, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a dit qu'il appartenait à chaque partie à l'accord d'en poursuivre l'exécution et que la société ERN n'établissait pas avoir été dans l'impossibilité d'y parvenir ; que le moyen, qui ne tend, en réalité, qu'à contester cette appréciation, ne peut être accueilli ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'il le lui était demandé, si les conditions suspensives du contrat étaient purement potestatives et, partant, contraires aux dispositions de l'article 1174 du code civil, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le contrat de partenariat signé le 27 février 2004 n'était pas entaché de nullité, prononcé la résiliation de ce contrat et rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts formée par la société ERN, l'arrêt rendu le 19 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne le Conseil général de Savoie et l'Université de Savoie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Jacoupy, avocat aux Conseils pour la société Espaces et réseaux numériques
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nul le contrat passé le 27 février 2004 entre la SOCIETE ERN, d'une part, et le Département de la Savoie et l'Université de Savoie, d'autre part, et débouté la SOCIETE ERN de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement ;
AUX MOTIFS QUE
« Attendu que, selon son article 4, le contrat ne rentrera en vigueur qu 'à la date où la dernière de quatre conditions cumulatives aura été remplie, et notamment lorsque la société bénéficiaire aura conclu un contrat de partenariat technique stipulant un engagement d'investissement en RetD sur le « produit » d'au moins 300.000 E hors taxes par an sur deux ans, et ce avec la société créée à cet effet dénommée « PENTILA ».
Attendu qu'à défaut de levée desdites conditions suspensives après le délai ouvert aux collectivités publiques pour accepter le contrat, celui-ci serait réputé nul de plein droit dans toutes ses dispositions.
Attendu qu 'il est constant que la SAS ERN n'a pas conclu la convention avec la SAS PENTILA.
Que, certes, les parties ont poursuivi leurs négociations mais que cela ne prouve pas qu'elles ont, d'un commun accord, décidé de ne pas faire application de 1 'article 4 susvisé.
Que, dès lors, le contrat du 27 février 2004 est nul de sorte que la SOCIETE ERN doit être déboutée de sa demandes de dommages et intérêts »,
ALORS, D'UNE PART, QUE
Les contrats doivent être exécutés de bonne foi ; qu'il ressortait des pièces versées aux débats par la SOCIETE ERN que le Département et l'Université de Savoie avaient, par leur comportement après la passation du contrat en date du 27 février 2004 qui assurait à la première une exclusivité sur la propriété intellectuelle du produit, empêché ladite société de conclure une convention avec la société Pentila, notamment en ne lui délivrant pas les codes sources nécessaires au développement du « Cartable électronique » et en ayant omis de lui préciser que les logiciels utilisés seraient des logiciels libres, incompatibles avec toute exclusivité sur la propriété intellectuelle ; qu'en ne prenant en compte aucun de ces éléments, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1134 alinéa 3 du Code Civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
La SOCIETE ERN avait soutenu, devant la Cour d'appel, que les conditions prévues par le contrat du 27 février 2004 étaient des conditions purement potestatives qui, comme telles, étaient nulles (conclusions d'appel, p. 13) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, qui était pourtant de nature à influer sur le litige, les juges d'appel ont entaché leur décision d'un défaut de réponse à conclusions et, partant, violé l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SOCIETE ERN de sa demande de dommages et intérêts du fait de l'inexécution de la transaction du 16 septembre 2005 ;
AUX MOTIFS QUE
« Attendu que les parties s 'accordent pour demander la résolution de cette convention ; que, toutefois, reste en litige l'indemnisation du préjudice qui pourrait en résulter.
Attendu que celle-ci constitue une transaction qui comporte deux obligations principales :
- celle de conclure avant le 30 septembre 2005 une nouvelle convention, prévoyant la cession à ERN des droits patrimoniaux du « cartable électronique » pour un prix de 500.000 E payable à terme par fractions annuelles correspondant à 8 % du chie d'affaires hors taxes de cette société,
- le paiement par le DEPARTEMENT DE LA SAVOIE, avant le 31 décembre 2005, d'une indemnité de 250.000 E
Attendu que, selon l'article 10 de la convention, les parties s'en remettent à Monsieur Y... pour superviser la rédaction du contrat de partenariat.
Attendu que la SAS ERN expose que le département et l'université de Savoie auraient manqué à l'obligation de poursuivre de bonne foi l'exécution de la transaction.
Attendu que cette société produit le projet de convention qui lui aurait été proposé (pièce n° 67).
Attendu qu'il est vrai que ce projet s 'écarte de façon sensible des dispositions de la transaction puisque ce document prévoyait que les droits d'exploitation du ce cartable électronique » seraient seulement concédés à la SAS ERN pour une durée de 30 ans et moyennant paiement d'une redevance de 2.500.000 € hors taxes sous forme d'une redevance annuelle de 15 % du chie d'affaires hors taxes, que, par ailleurs, le département ne paierait la somme de 250.000E qu 'en contrepartie de commandes de la SAS ERN.
Attendu en outre que la SAS ERN devait prendre des engagements financiers en vue d'assurer le développement du « cartable électronique ».
Attendu que le contrat de partenariat prévu à l'article premier de la convention du 16 septembre 2005 ne pouvait être conclu que sous la condition suspensive de sa ratification par les autorités de tutelle du département et de l'université, et de l'absence de recours devant la juridiction administrative ; que la convention prévoyait encore qu 'il fallait organiser une cession de parts la SAS PENTILA.
Attendu que, sous ces seules réserves, dont les parties ne prétendent pas qu'elles empêchaient son exécution, la convention du 7 septembre 2005 était susceptible de produire son plein effet sans autre négociation entre les parties.
Attendu que cette convention ne contient ni clause pénale, ni condition résolutoire ; qu'il convient notamment de relever que le dépassement du délai du 30 septembre 2005 n 'entraînait aucune sanction.
Attendu qu 'il appartenait en conséquence à chaque partie d'en poursuivre l'exécution.
Attendu que la SAS ERN n'établit pas d'impossibilité d'y parvenir, qui ne pouvait résulter du seul comportement du département et de l'université, à supposer même qu 'il puisse être considéré comme déloyal.
Attendu que l'abstention des parties les prive du droit de demander des dommages-intérêts en suite de la résolution de la convention du 16 septembre 2005 »,
ALORS QUE
En se bornant à affirmer que l'impossibilité pour la SOCIETE ERN de poursuivre l'exécution de la transaction du 16 septembre 2005 ne pouvait résulter du seul comportement, même déloyal, du département et de l'université, sans s'expliquer plus avant, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation et, de ce fait, violé l'article 455 du Code de procédure civile.