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09/09/2020 | FRANCE | N°18-25539

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 septembre 2020, 18-25539


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 459 F-D

Pourvoi n° H 18-25.539

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

1°/ La société La Symphonie, société à responsabilité limitée,

dont le siège est [...] , actuellement en redressement judiciaire,

2°/ M. Y... V... de la société [...], domicilié [...] , agissant en qualité de ma...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 459 F-D

Pourvoi n° H 18-25.539

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2020

1°/ La société La Symphonie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , actuellement en redressement judiciaire,

2°/ M. Y... V... de la société [...], domicilié [...] , agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société La Symphonie,

ont formé le pourvoi n° H 18-25.539 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2018 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. T... U...,

2°/ à Mme C... G..., épouse U...,

domiciliés tous deux [...],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Griel, avocat de la société La Symphonie et de M. V..., ès qualités, de Me Isabelle Galy, avocat de M. et Mme U..., après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. La société La Symphonie ayant été placée en redressement judiciaire le 11 septembre 2019, M. V..., en qualité de mandataire judiciaire de cette société, a repris l'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 septembre 2018), la société La Symphonie (la société), dont le gérant est M. W..., a obtenu un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier à usage locatif sur plusieurs parcelles voisines de celle appartenant à M. et Mme U....

3. Le 30 juillet 2010, ces derniers ont conclu une transaction avec M. N..., agissant au nom de la société, selon une procuration datée du même jour et signée par M. W..., par laquelle la société s'est engagée à les indemniser des différents préjudices qu'ils allaient subir du fait des opérations de démolition et de construction et à rehausser des murs délimitant certaines parcelles et ils se sont eux-mêmes engagés à acquérir un appartement dans l'ensemble immobilier et à renoncer à tout recours.

4. La transaction n'ayant pas été exécutée, M. et Mme U... ont assigné la société en exécution forcée. Celle-ci a contesté la validité du mandat donné à M. N... et sollicité reconventionnellement l'annulation de la transaction.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, de la condamner à payer à M. et Mme U... des dommages-intérêts au titre de la transaction conclue et pour résistance abusive, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ qu'en estimant que, si la date du 30 juillet 2010 figurant sur la procuration litigieuse est erronée, cette erreur de date n'affecte pas la validité du mandat donné par M. W... à M. N... en vue de la conclusion avec M. et Mme U... d'un protocole indemnitaire, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de la société qui faisait valoir qu'en cet état, et dès lors que la procuration ne pouvait avoir été établie le 30 juillet 2010, jour de la signature du protocole, ladite procuration était nécessairement dépourvue de toute valeur juridique comme étant antérieure au refus exprimé par le conseil de la société de conclure, sur les bases exigées par M. et Mme U..., un tel protocole d'accord, ainsi qu'en témoigne le courrier électronique de M. U... en date du 29 juillet 2010 indiquant expressément être « très surpris de la décision prise par votre avocate, E... J..., qui refuse de signer le protocole selon les termes que nous avons définis ensemble », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le mandant ne peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent que si les circonstances autorisent le tiers à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs de son interlocuteur ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen tiré de la nullité de la procuration, la cour d'appel s'est déterminée par la circonstance que M. et Mme U... ont pu légitimement croire que M. N... pouvait valablement représenter M. W..., puisqu'il avait participé avec lui aux négociations et s'était présenté comme faisant partie de la société Capcity, associée de la société La Symphonie ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de la demanderesse qui faisait valoir qu'eu égard à l'importance des sommes en jeu et au fait qu'à la date du 29 juillet 2010 M. et Mme U... avaient appris que la société n'entendait pas transiger, ceux-ci ne pouvaient se dispenser de vérifier la réalité des pouvoirs de M. N..., mandataire apparent, investi par la procuration litigieuse du pouvoir de conclure le protocole d'accord du 30 juillet 2010, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ subsidiairement, que le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen tiré de la nullité du protocole d'accord du fait de la méconnaissance par le mandataire de l'étendue de ses pouvoirs, la cour d'appel a relevé que toutes les pièces du dossier démontraient que l'objectif de la transaction était de mettre fin à tout litige avec M. et Mme U... afin qu'ils ne déposent pas de recours contre le permis de construire afférent au projet immobilier litigieux ; qu'en statuant ainsi, quand la procuration litigieuse ne confiait à M. N... que le soin de signer un protocole visant à indemniser M. et Mme U... des préjudices qu'ils pouvaient subir à l'occasion des opérations de démolition et de construction de ce projet immobilier, tandis que cet acte ne donnait pas mandat à M. N... de conclure, au nom de la société, une transaction, au sens de l'article 2044 du code civil, avec M. et Mme U..., ni de leur vendre, au nom de la société, un appartement, ni de prendre acte de la renonciation de M. et Mme U... à tout recours contre le permis de construire obtenu par la société, la cour d'appel, qui a dénaturé la procuration susvisée, a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1192 du même code, ensemble l'article 1989 du même code. »

Réponse de la Cour

6. L'arrêt relève, d'abord, que si le mandat comporte une date erronée, la société ne démontre pas que M. et Mme U... étaient informés de l'impossibilité dans laquelle M. W... se serait alors trouvé de signer ce mandat à cette date. Il constate, ensuite, que M. N... a participé avec ce dernier aux négociations en vue de la transaction litigieuse et qu'il s'est présenté comme travaillant pour le compte d'une entreprise associée à la société et, dans un courriel du 26 juillet 2010, comme partie prenante à l'acceptation de l'accord. Il retient, enfin, que le mandat donnait pouvoir à M. N... de conclure la transaction en cause dont l'objectif était de mettre fin à tout litige avec M. et Mme U... afin qu'ils n'engagent pas de recours contre le permis de construire, un tel recours étant incompatible avec les impératifs financiers de l'opération immobilière

7. De ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et n'a pas dénaturé le mandat en cause, a pu déduire que M. et Mme U... avaient pu croire légitimement à une représentation de la société par M. N... et que celle-ci devait exécuter la transaction conclue.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société La Symphonie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Symphonie et la condamne à payer à M. et Mme U... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour la société La Symphonie et M. V..., ès qualités,

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société LA SYMPHONIE de sa demande tendant à voir juger que le protocole d'accord transactionnel du 30 juillet 2010 entre les époux U... et la société LA SYMPHONIE, représentée par M. N..., était nul et n'était pas opposable à cette dernière et d'avoir, en conséquence, condamné la société LA SYMPHONIE, en exécution dudit protocole, à payer à M. et Mme U... la somme de 195 000 € avec intérêts au taux contractuel de 7 % l'an à compter du 1er décembre 2011, outre 5 000 € pour résistance abusive et 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que, sur la demande de nullité de la procuration du 30 juillet 2010, en cause d'appel, il n'est plus contesté que le signataire de la procuration pour la société LA SYMPHONIE est bien son gérant, M. W... ; reste en débat la date de la procuration ; que la procuration comporte une date erronée puisque le 30 juillet 2010, M. W... justifie de ce qu'il n'était pas en France et de ce qu'il n'était donc pas en mesure de la signer à cette date qui correspond à celle du rendez-vous de signature du protocole d'accord ; que pour autant, et ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, cette erreur de date n'affecte pas la validité du mandat donné par M. W... à M. N... en vue de la conclusion avec les époux U... d'un protocole indemnitaire ; que, de plus, il n'est pas démontré que les époux U... étaient informés de ce que M. W... était à cette date en Turquie et dans l'impossibilité de signer cette procuration, à laquelle ils étaient tiers, et ils font valoir à juste titre qu'ils ont légitimement pu croire que M. N... pouvait valablement représenter M. W... puisqu'il avait participé avec lui aux négociations, s'était présenté comme faisant partie de la société CAPCITY, associée de la société LA SYMPHONIE, domicilié au siège social de la société CAPCITY, et comme étant, dans son mail en date du 26 juillet 2010, partie intégrante à l'acceptation de l'accord portant sur la proposition n° 1, seule la formalisation de cet accord devant être réalisée par le responsable juridique de la société CAPCITY ; que l'ensemble de ces éléments donnait assurément l'apparence d'un mandat régulier de représentation donné par M. W... au profit de M. N... sans que les époux U... aient à effectuer des vérifications complémentaires quant à son pouvoir de représentation de la société LA SYMPHONIE ; que la demande de nullité de la procuration sera par conséquent rejetée ; que, sur les demandes de nullité du protocole d'accord, sur l'étendue des pouvoirs du mandataire, la société LA SYMPHONIE fait valoir au visa de l'article 1991 du code civil que M. N... a excédé les pouvoirs qui lui étaient donnés dans la procuration, d'une part en violant l'ordre des pouvoirs prévu par la transaction, d'autre part en contractualisant un poste de préjudice non prévu dans la procuration, à savoir l'occupation des logements, et en y faisant également entrer l'éventuel contentieux relatif au permis de construire ; qu'elle soutient ne pas être engagée par les actes accomplis sans pouvoir par son mandataire au visa de l'article 1998 du code civil ; que la violation de l'ordre des pouvoirs prévu dans la transaction est un moyen nouveau en appel au soutien de la demande de nullité de la transaction déjà formée en première instance ; il est recevable en application des dispositions de l'article 563 du code de procédure civile ; qu'aux termes de la procuration en date du 30 juillet 2010, la société LA SYMPHONIE donne pouvoir à M. N... de « SIGNER sous les charges et conditions que le mandataire jugera convenables, tous protocoles visant à indemniser M. et Mme U... des différents préjudices que vont subir ces derniers à l'occasion des opérations de démolition et de construction d'un ensemble immobilier de 60 logements sur différentes parcelles sises [...], EN CONSEQUENCE, EXIGER toutes justifications, se faire remettre tous titres et pièces et en donner décharge, FAIRE toutes déclarations nécessaires notamment quant à son état civil et sa capacité
» ; que contrairement à ce qui est allégué par la société LA SYMPHONIE, la remise de justificatifs n'est pas posée comme une condition préalable de la signature du protocole mais comme une conséquence de celle-ci et l'absence de justificatifs, à la supposer établie, constituerait tout au plus une inexécution du mandat par le mandataire, engageant la responsabilité de celui-ci à l'égard de son mandant conformément aux dispositions de l'article 1991 du code civil ; que s'agissant des postes de préjudices prévus dans la procuration, c'est par de juste motifs que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que le mandataire avait agi dans les limites de son pouvoir, les préjudices subis à l'occasion des opérations de démolition et de construction devant s'entendre comme l'ensemble des préjudices découlant de l'opération de construction en ce compris l'occupation des logements ; que de même, toutes les pièces du dossier démontrent que l'objectif de la transaction était de mettre fin à tout litige avec les époux U... afin qu'ils ne déposent pas de recours contre le permis de construire, recours incompatible avec les impératifs financiers de l'opération immobilière, ainsi qu'il ressort des écritures de la société LA SYMPHONIE ; que cette dernière ne peut donc sérieusement soutenir que l'éventuel contentieux relatif au permis de construire ne faisait pas partie du champ contractuel ; que, sur le défaut de cause lié à l'absence de réciprocité des concessions, une transaction implique l'existence de concessions réciproques des parties ; qu'en l'espèce, la société LA SYMPHONIE s'est engagée dans le cadre du protocole à verser à M. et Mme U... la somme de 195 000 €, à titre de dommages-intérêts en indemnisation des préjudices afférents à l'opération de construction, à réaliser le rehaussement de deux murs et à poser des garde-corps sur les balcons du troisième étage (articles 1 à 3, 5 du protocole), tandis que les époux U... se sont engagés à acquérir dans le cadre d'une VEFA un appartement T2 moyennant un prix de 150 000 € et ont renoncé à tout recours contentieux ou gracieux dans le cadre du projet immobilier ayant donné lieu à la délivrance du permis de construire du 15 juin 2010 (articles 4 et 6 du protocole) ; qu' il y a donc bien réciprocité des concessions et l'obligation de la société LA SYMPHONIE est causée ; que, sur la violation de la loi HOGUET en l'absence de mandat spécial de M. N..., l'exception de nullité tirée de la violation de la loi HOGUET ayant un caractère perpétuel, aucun moyen de prescription ne peut être opposé par les intimés ; que, pour autant, M. N..., en signant le protocole d'accord comportant notamment la vente du lot n° 27 au profit des époux U..., n'a pas agi dans le cadre d'une entremise mais dans le cadre d'un mandat de représentation de la société LA SYMPHONIE ; que dès lors, seules les règles du mandat sont applicables et non les règles propres au mandat des agents immobiliers issues de la loi du 2 janvier 1970 ; que, sur la violence économique, la société LA SYMPHONIE affirme que le recours des époux U... contre le permis de construire de l'opération immobilière n'était pas fondé et leur menace abusive sans aucun élément de preuve ; que, s'agissant de la violence économique alléguée, la preuve du caractère exorbitant des indemnités fixées dans le protocole n'est établie ni au regard de l'importance de l'opération immobilière réalisée et des bénéfices escomptés de celle-ci par la société LA SYMPHONIE, ni au regard des préjudices subis par les époux U... dont la réalité n'est pas contestable compte tenu des multiples nuisances liées à l'implantation des constructions, de l'ampleur et de la durée des travaux, et des troubles de jouissance liés notamment aux nuisances visuelles et sonores ; que la perte de valeur de leur propriété à hauteur de 200 000 € consécutivement à l'opération immobilière est également attestée par Me L..., notaire, attestation de valeur qui est critiquée mais non utilement contestée par la société LA SYMPHONIE, qui ne produit pas d'autre estimation ; que, quant aux contraintes économiques, elles sont inhérentes à toute opération de promotion immobilière et M. W..., en sa qualité de professionnel de l'immobilier, ne pouvait les ignorer ; que les conditions tant financières que de commercialisation du programme ont été définies exclusivement par la société LA SYMPHONIE et elles sont étrangères aux époux U... ; aucune violence économique n'est démontrée ; que les demandes de nullité du protocole seront rejetées, par voie de confirmation ; que, sur la demande de condamnation de la société LA SYMPHONIE à exécuter le protocole d'accord, c'est par des motifs pertinents qui méritent adoption que les premiers juges ont fait droit à cette demande ; que, sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, la demande est fondée dans son principe et il sera alloué aux époux U... à ce titre la somme de 5 000 € par voie de réformation (arrêt, pages 12 à 15) ;

Et aux motifs, adoptés des premiers juges, que la SARL LA SYMPHONIE sollicite l'annulation du protocole d'accord régularisé le 30 juillet 2010 d'une part en raison du défaut de pouvoir de M. N..., d'autre part pour défaut de cause licite et caractère exorbitant des obligations stipulées au protocole ; qu'il est prétendu que M. W..., en sa qualité de gérant de la SARL LA SYMPHONIE n'a pu signer à Nantes, le 30 juillet 2010, la procuration litigieuse, puisqu'il justifie avoir quitté la France et s'être trouvé en Turquie ; que les époux U... reconnaissent que ce mandat, rédigé avant le départ de M. W..., comporte une date erronée, correspondant à celle du rendez-vous fixé pour la transaction ; que, cependant, le contrat de mandat donné pour la conclusion d'une transaction n'exige aucun formalisme conformément à l'article 2044 du code civil, hormis la rédaction d'un écrit, et la présence d'une date erronée n'affecte pas la validité du mandat ; que la SARL LA SYMPHONIE conteste également que son dirigeant ait signé la procuration, dont l'original a été versé aux débats par le conseil des époux U... ; que la comparaison entre la signature de l'écrit contesté (encre bleue) et celle se trouvant sur le document non contesté, que constituent les statuts de la SARL LA SYMPHONIE, impose de constater qu'il s'agit bien de la même signature, M. N... a donc bien disposé d'un pouvoir régulier et valable ; que la SARL LA SYMPHONIE prétend enfin que la procuration litigieuse ne permettait pas à M. N... de transiger au nom et pour le compte de la SARL LA SYMPHONIE ; que l'article 1989 du code civil dispose que le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat : le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre ; qu'il est certain que la détermination de la mission du mandataire au regard de la transaction est délimitée par les règles d'interprétation restrictives du contrat de mandat ; qu'il convient de constater en l'espèce l'existence d'un mandat spécial et exprès de transiger puisque la procuration indique que la SARL LA SYMPHONIE « donne pouvoir, pour elle et en son nom, de signer tous protocoles visant à indemniser M. T... U... et Mme C... G... épouse U... des différents préjudices que vont subir ces derniers à l'occasion des opérations de démolition et de construction d'un ensemble immobilier de soixante logements sur différentes parcelles sises [...] » ; que si les termes « transiger » ou « mettre fin » au litige ne sont pas expressément employés, ils correspondent bien à l'esprit de la procuration, l'indemnisation des préjudices des époux U... ne pouvant avoir pour objectif que de mettre fin à tout litige avec la SARL LA SYMPHONIE, et d'éviter un recours contre son permis de construire ; qu'il convient de rechercher également si M. N... n'aurait pas partiellement excédé ses pouvoirs, ce qui limiterait l'engagement du mandant aux seules indemnisations prévues dans le contrat de mandat ; que le contrat de mandat donne pouvoir au mandataire pour indemniser les différents préjudices subis « à l'occasion des opérations et démolition de démolition et de construction de l'ensemble immobilier » ; que le protocole d'accord se réfère aux préjudices suivants pour prévoir une indemnisation forfaitaire de 195 000 € ; qu'un tel projet immobilier est évidemment de nature à causer un préjudice certain à M. T... U... et Mme C... G... épouse U... : d'une part lors des opérations de démolition : trouble de jouissance causé par le bruit, la poussière, etc.., d'autre part lors des travaux de construction : trouble de jouissance causé par le bruit, la poussière, etc, et enfin lors de l'occupation des logements, une partie importante des ouvertures plongeant dans sa propriété de sorte que cette dernière peut désormais être fortement dépréciée : perte de valeur du bien et préjudice de jouissance (perte d'intimité) ; que le mandataire a bien agi dans les limites de son pouvoir, les préjudices subis à l'occasion des opérations de démolition et de construction devant s'entendre comme l'ensemble des préjudices découlant de l'opération de construction ; que la SARL LA SYMPHONIE prétend enfin que son obligation ne serait pas causée, ce qui est contredit par l'article 8 du protocole d'accord qui précise « prévenir tout litige » ; qu'elle argue également de ce que le protocole serait fondé sur une cause illicite en prétendant que le recours des époux U... contre le permis de construire de l'opération immobilière n'était pas fondé et leur menace abusive, sans en rapporter la preuve, et alors que la loi du 1er juillet 2013 visant à encadrer de tels recours est postérieure ; qu'il y a donc lieu de débouter la SARL LA SYMPHONIE de toutes ses demandes en nullité du protocole d'accord du 30 juillet 2010 ; que l'article 2052 du code civil dispose que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, et ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit ou pour cause de lésion ; qu'aux termes du protocole régularisé le 30 juillet 2010 (article 1) « la SARL SYMPHONIE s'engage à verse à M. T... U... et Mme C... G... épouse U..., la somme forfaitaire de 195 000 €, à titre de dommages-intérêts, en indemnisation des différents préjudices que vont subir ces derniers à l'occasion des opérations de démolition et construction de l'ensemble immobilier. Le paiement de cette somme devra intervenir au plus tard le 1er décembre 2011 par la remise d'un chèque de 195 000 €, libellé à l'ordre de la CARPA, par la SARL SYMPHONIE à Maître Bertrand Laronze, avocat au barreau de Nantes et conseil de M. T... U... et de Mme C... G... épouse U.... Tout retard dans le versement de cette somme, dans les conditions développées ci-dessus, donnera lieu à intérêts au taux légal annuel de 7 % » ; que les époux U... sont donc bien fondés à solliciter la condamnation de la SARL LA SYMPHONIE à exécuter cet accord et donc à leur payer la somme de 195 000 € avec intérêts au taux légal au taux conventionnel de 7 % l'an à compter du 1er décembre 2010 ; que les époux U... forment également une demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ; que celle-ci est bien fondée en son principe et il y sera fait droit pour la somme symbolique de 1 €, le préjudice en découlant étant principalement indemnisé par l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (jugement, pages 4 à 7) ;

1°/ Alors qu'en estimant que, si la date du 30 juillet 2010 figurant sur la procuration litigieuse est erronée, cette erreur de date n'affecte pas la validité du mandat donné par M. W... à M. N... en vue de la conclusion avec les époux U... d'un protocole indemnitaire, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de l'exposante qui faisait valoir (page 17) qu'en cet état, et dès lors que la procuration ne pouvait avoir été établie le 30 juillet 2010, jour de la signature du protocole, ladite procuration était nécessairement dépourvue de toute valeur juridique comme étant antérieure au refus exprimé par le conseil de la société LA SYMPHONIE de conclure, sur les bases exigées par les époux U..., un tel protocole d'accord, ainsi qu'en témoigne le courrier électronique de M. U... en date du 29 juillet 2010 indiquant expressément être « très surpris de la décision prise par votre avocate, E... J..., qui refuse de signer le protocole selon les termes que nous avons définis ensemble » (production n° 12), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ Alors que le mandant ne peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent que si les circonstances autorisent le tiers à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs de son interlocuteur ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen tiré de la nullité de la procuration, la cour d'appel s'est déterminée par la circonstance que les époux U... ont pu légitimement croire que M. N... pouvait valablement représenter M. W..., puisqu'il avait participé avec lui aux négociations et s'était présenté comme faisant partie de la société CAPCITY, associée de la société LA SYMPHONIE ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de l'exposante (pages 24 et 25) qui faisait valoir qu'eu égard à l'importance des sommes en jeu et au fait qu'à la date du 29 juillet 2010 les époux U... avaient appris que la société LA SYMPHONIE n'entendait pas transiger, ceux-ci ne pouvaient se dispenser de vérifier la réalité des pouvoirs de M. N..., mandataire apparent, investi par la procuration litigieuse du pouvoir de conclure le protocole d'accord du 30 juillet 2010, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ Alors, subsidiairement, que le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat ; qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen tiré de la nullité du protocole d'accord du fait de la méconnaissance par le mandataire de l'étendue de ses pouvoirs, la cour d'appel a relevé que toutes les pièces du dossier démontraient que l'objectif de la transaction était de mettre fin à tout litige avec les époux U... afin qu'ils ne déposent pas de recours contre le permis de construire afférent au projet immobilier litigieux ; qu'en statuant ainsi, quand la procuration litigieuse ne confiait à M. N... que le soin de signer un protocole visant à indemniser M. et Mme U... des préjudices qu'ils pouvaient subir à l'occasion des opérations de démolition et de construction de ce projet immobilier, tandis que cet acte ne donnait pas mandat à M. N... de conclure, au nom de la société LA SYMPHONIE, une transaction, au sens de l'article 2044 du code civil, avec les époux U..., ni de leur vendre, au nom de l'exposante, un appartement, ni de prendre acte de la renonciation des époux U... à tout recours contre le permis de construire obtenu par la société LA SYMPHONIE, la cour d'appel, qui a dénaturé la procuration susvisée, a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1192 du même code, ensemble l'article 1989 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-25539
Date de la décision : 09/09/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 06 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 sep. 2020, pourvoi n°18-25539


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Isabelle Galy, SCP Le Griel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25539
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