LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
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M. Guillaume X...,
Mme Nadine B...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 28 septembre 2017, qui, infirmant, sur le seul appel de la partie civile, l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, les a renvoyés devant le tribunal correctionnel, sous la prévention, le premier d'escroquerie, la seconde de complicité d'escroquerie ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 octobre 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Y..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de Me Z... et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général A... ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour M. X..., pris de la violation de l'article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, des droits de la défense, du principe du contradictoire, 313-1 du code pénal, préliminaire, 80-1, 113-8, 201, 202, 204, 205, 509, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que la chambre de l'instruction, infirmant l'ordonnance de non-lieu entreprise, a mis en examen M. X..., témoin assisté, et ordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel du chef d'escroquerie ;
"aux motifs qu'il résulte des éléments ci-dessus rappelés que l'information a été ouverte le 11 mai 2009 des chefs de faux et usage de faux, escroquerie, recel d'escroquerie et introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données ; que ces chefs de poursuite ont été expressément notifiés dans le cadre d'un interrogatoire de première comparution à M. X... le 5 avril 2012 (D546) et à Mme B... le 6 avril 2012 (D551) ; qu'au terme de son interrogatoire de première comparution M. X... a été mis en examen du chef d'escroquerie au visa des articles 313-1, 313-3, 313-7 et 313-8 du code pénal, qu'il a bénéficié d'une démise en examen de ce chef au terme de l'ordonnance d'octroi du statut de témoin assisté en date du 2 octobre 2013 (D621) ; qu'au terme de son interrogatoire de première comparution, Mme B... s'est vue notifier le statut de témoin assisté du chef complicité d'escroquerie au visa des articles 121-6,121-7,313-1, 313-3, 313-7 et 313-8 du code pénal, qu'ainsi les formalités de l'interrogatoire de première comparution prescrites par l'article 80-1 du code de procédure pénale ayant été observées pour chacun d'eux, il incombe à la chambre de l'instruction, saisie par l'appel de la partie civile, d'apprécier s'il existait ou non à ces dates des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'ils aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge est saisi ; qu'étant saisie de l'entier dossier, il incombe également à la chambre de l'instruction, d'apprécier si au terme de l'information, les indices graves ou concordants qu'elle relèverait sont de nature à caractériser des charges suffisantes pour justifier un renvoi devant la juridiction de jugement ; [
] que les investigations menées avant les interrogatoires de première comparution en évidence le système dérogatoire pour le traitement de ces arbitrages obtenus par M. X... auprès de la société Generali Vie, consistant à la mise à sa disposition d'une personne dédiée au motif de trop nombreux retards par des intervenants courants, et ce sous la menace de quitter ce partenaire ; que M. X... est décrit tant par la société Generali Vie que par la société Cardif, personne étrangère à l'information, comme un partenaire particulièrement exigeant voire intrusif ; que Mme B... était employée au sein de la société Generali depuis 1979, ayant progressivement évolué pour devenir assistante commerciale en 2005 ; qu'elle a été désignée pour être l'interlocuteur privilégié voire exclusif de la société Financière de l'Europe et de son "patron", en raison de ses qualités professionnelles reconnues et du fait qu'elle était la seule, à l'époque concernée, à maîtriser l'usage du logiciel de gestion GP 2000 sur lequel elle procédait à l'enregistrement des ordres d'arbitrage manuel de la société Financière de l'Europe ; que ce logiciel ne contenait aucun dispositif de nature à bloquer tout arbitrage qui aurait été saisi à une date papier incompatible avec le jour de la saisie ; qu'il permettait en toute facilité de saisir le cas échéant à une date inexacte des ordres d'arbitrage antidatés ou faussement datés ; [
] que si les auditions antérieures aux interrogatoires de première comparution ont mis en évidence les incontestables et graves soucis familiaux supportés par Mme B... au cours de l'année 2008 notamment et sa fragilité de ce chef, connus par son environnement professionnel et sa hiérarchie, les investigations à la même période ont démontré que M. X... avait su l'engager dans une relation de proximité excédant le cadre de relations professionnelles, même de qualité, fait qu'elle avait incontestablement accepté dès janvier 2008, caractérisé notamment par un déjeuner et la visite des locaux de M. X... ; que le ton des courriels échangés, qu'elle terminait par "Bizzz, big bisou, mille bisous", illustre la dimension affective que Mme B... y trouvait ; que les rapports professionnels entretenus avec M. X... ont été à ce point dévoyés, changeant de nature, que Mme B... appelait M. X... son "grand chef" (D166), oubliant qu'elle était l'employée de la société Generali, se qualifiant elle-même "d'assistante du président-directeur général de la Financière de France" (mail du 17 septembre 2008 - D 166) ; que dans le même temps Mme B... s'est trouvée confrontée à une hiérarchie insuffisamment attentive tant à la charge qu'à la nature de son travail, au point qu'elle a pu l'interpréter comme la marque d'un désintérêt manifeste ; que Mme B... a notamment indiqué qu'au retour d'un pont en mai 2007, elle avait fait part à M. C... de son étonnement à trouver sur son bureau des ordres de M. X... qui seraient parvenus un jour férié ; que suite à la remarque de M. C..., qui aurait dit qu'elle n'était là que pour effectuer des saisies et qu'elle n'avait pas à s'en occuper elle expliquait : "...vu ce que m'a répondu M. C..., je me suis simplement dit que je ne regarderais plus la date, que je saisirais et c'est tout" ; que ce seul fait démontre qu'elle avait une parfaite conscience de l'importance des dates dans la saisie des ordres d'arbitrage ; [
] que les investigations sur commission rogatoire ont démontré à travers les documents saisis, concernant les ordres d'arbitrages de février 2008 à fin septembre 2008, l'existence de nombreux courriels par lesquels M. X... demandait à Mme B... de passer de très nombreux arbitrages à une date antérieure ; que ces courriels ci-dessus rappelés dans le détail n'ont été contestés ni par M. X... ni par Mme B... ; que l'étendue de la période concernée, la multiplication de ces courriels, le ton employé portant instructions, la masse des opérations concernées constituent autant d'indices graves et concordants au sens de l'article 80-1 du code de procédure pénale ; [
] que l'argument avancé par les intéressés que ces multiples courriels comportant des tableaux avec des dates de valeur antérieures n'étaient destinés qu'à permettre à Mme B... de vérifier si elle avait correctement passé les ordres communiqués, en raison du retard qu'elle pouvait prendre dans son travail, n'est pas compatible avec la finalité de ce service spécifique consenti à M. X..., la mise à disposition – dérogatoire – d'une personne dédiée aux opérations de celui-ci ayant pour seule cause le grief de retard récurrent qu'il avait formulé contre le service "de droit commun" ; [
] que les courriels des 7 et 8 juillet 2008 susvisés démontrent à l'évidence que les ordres d'arbitrages sont adressés par M. X... à Mme B... sans que les ordres papier ne soient transmis en même temps et alors que ces ordres-papier sont annoncés comme devant parvenir ultérieurement ; qu'ils trouvent place dans une succession d'opérations antérieures et postérieures et ne suscitent aucune réserve de Mme B..., laquelle les exécute en connaissance de cause ; [
] qu'il y a lieu en conséquence de retenir qu'il existait à l'encontre de Mme B... et de M. X... des indices graves et concordants de nature à retenir qu'il avaient pu commettre les faits reprochés et notifiés dans leurs interrogatoires de première comparution ; que l'existence de ces indices graves et concordants susvisés justifie que la chambre de l'instruction ordonne leur mise en examen de ces chefs ; [
] que les investigations qui se sont poursuivies jusqu'au règlement, les notes et arguments avancés par les parties comme les mémoires justifient de retenir qu'il existe à l'encontre de chacun des intéressés des charges suffisantes au regard des faits reprochés ; [
] que l'ordonnance de non-lieu doit être infirmée » ;
"et aux motifs que sur le supplément d'information [
] l'article préliminaire du code de procédure pénale fait obligation à la chambre de l'instruction de faire en sorte qu'il puisse être définitivement statué dans un délai raisonnable sur l'accusation dont une personne ferait l'objet ; que de ce chef, il serait déraisonnable au sens de l'article susvisé, d'ordonner un supplément d'information dans une instruction judiciaire ouverte depuis plus de 8 ans, notamment aux fins de mise en examen des chefs de faux et usage de faux, recel d'escroquerie, introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données, pour compléter les incriminations seules retenues lors des interrogatoires de première comparution précités comme pour attraire dans l'information un nouveau mis en cause, en l'espèce la personne morale, la société Financière de l'Europe comme auteur, complice ou receleur, même s'il est plausible de considérer que celle-ci a pu bénéficier directement des profits frauduleusement générés » ;
"1°) alors qu'il se déduit des articles 80-1, 113-8, 201, 202, 204 et 205 du code de procédure pénale que la chambre de l'instruction n'a pas le pouvoir propre de mettre directement une personne en examen mais doit, pour ce faire, ordonner un supplément d'information aux fins de notification de cette mise en examen dans les conditions prévues par les articles 204 et 205 du code de procédure pénale, lesquels prévoient que ce supplément d'information, accompli conformément aux dispositions relatives à l'instruction préalable, doit être confié soit à l'un de ses membres soit à un juge d'instruction de son ressort qu'elle délègue ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a elle-même décidé la mise en examen du témoin assisté ; que ce faisant, elle a excédé ses pouvoirs au regard des articles 80-1, 113-8, 201, 202, 204 et 205 du code de procédure pénale ;
"2° ) alors que la notification d'une mise en examen est accompagnée de formalités qui tendent à garantir les droits de la défense, au premier rang desquels le principe du contradictoire ; que la personne mise en examen doit pouvoir en tout état de cause présenter ses observations quant à cette mise en examen et contester sa régularité par la voie d'une requête en nullité ; qu'une chambre de l'instruction ne peut donc mettre en examen un témoin assisté, et a fortiori le renvoyer dans le même temps devant le tribunal correctionnel, sans l'avoir invité au préalable à présenter ses observations, sauf à porter une atteinte excessive au principe du contradictoire et aux droits de la défense ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a, dans une même décision, mis en examen M. X..., témoin assisté, puis ordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel sans qu'il n'ait été mis en mesure de s'expliquer ni sur sa mise en examen ni sur son renvoi devant le tribunal correctionnel ; que ce faisant, la chambre de l'instruction a violé le principe du contradictoire et les droits de la défense ;
"3°) alors qu'en aucun cas les exigences résultant du droit au respect d'un délai raisonnable de procédure ne justifient pas d'éluder les formalités prescrites par le code de procédure pénale, et ce d'autant moins lorsque les dispositions en cause visent à protéger les droits des parties à la procédure ; que la cour d'appel a, pour refuser d'ordonner un supplément d'information aux fins de notification de la mise en examen du témoin assisté, retenu qu'il serait déraisonnable d'ordonner un tel supplément dans une instruction judiciaire ouverte depuis plus de huit ans ; qu'en statuant par des motifs inopérants et erronés, la chambre de l'instruction a privé sa décision des conditions de son existence légale ;
"4°) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont les juges du fond sont régulièrement saisis par les parties ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; que la chambre d'instruction, saisie de l'appel dirigé contre une ordonnance de non-lieu, ne peut renvoyer la personne mise en examen sans avoir précisé les éléments à charge et à décharge la concernant ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction, après avoir exposé les indices graves et concordants justifiant la mise en examen de M. X..., a, sans motivation supplémentaire, décidé de son renvoi devant le tribunal correctionnel ; qu'en se prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
"5°) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont les juges du fond sont régulièrement saisis par les parties ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'il appartient à la chambre de l'instruction de relever tous les éléments constitutifs de l'infraction retenue à l'encontre du mis examen ; qu'en renvoyant M. X... du chef d'escroquerie sans relever les éléments constitutifs de cette infraction, et notamment les manoeuvres frauduleuses par lesquelles M. X... aurait déterminé la partie civile à lui remettre des fonds, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
"6°) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont les juges du fond sont régulièrement saisis par les parties ; qu'en s'abstenant de répondre aux chefs péremptoires du mémoire du témoin assisté qui, reprenant les termes de l'ordonnance de non-lieu, soutenait qu'aucun élément matériel ne permettait d'établir que les dates de réception apposées sur les ordres d'arbitrage papier avaient été falsifiées et antidatées, entravant la caractérisation de quelconques manoeuvres frauduleuses, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision" ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Mme B..., pris de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, des droits de la défense et du principe du contradictoire, 121-6, 121-7, 313-1 du code pénal, préliminaire, 80-1, 113-8, 199, 201, 202, 204, 205, 211, 213, 509, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, infirmant l'ordonnance de non-lieu entreprise, a mis en examen Mme B..., témoin assisté, et ordonné son renvoi devant le tribunal correctionnel, du chef de complicité d'escroquerie ;
"aux motifs qu'il résulte des éléments ci-dessus rappelés que l'information a été ouverte le 11 mai 2009 des chefs de faux et usage de faux, escroquerie, recel d'escroquerie et introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données ; que ces chefs de poursuite ont été expressément notifiés dans le cadre d'un interrogatoire de première comparution à M. X... le 5 avril 2012 (D 546) et à Mme B... le 6 avril 2012 (D 551) ; qu'au terme de son interrogatoire de première comparution M. X... a été mis en examen du chef d'escroquerie au visa des articles 313-1, 313 - 3, 313-7 et 313-8 du code pénal, qu'il a bénéficié d'une mise en examen de ce chef au terme de l'ordonnance d'octroi du statut de témoin assisté en date du 2 octobre 2013 (D 621) ; qu'au terme de son interrogatoire de première comparution, Mme B... s'est vue notifier le statut de témoin assisté du chef complicité d'escroquerie au visa des articles 121-6,121-7,313-1, 313-3, 313-7 et 313-8 du code pénal, qu'ainsi les formalités de l'interrogatoire de première comparution prescrites par l'article 80-1 du code de procédure pénale ayant été observées pour chacun d'eux, il incombe à la chambre de l'instruction, saisie par l'appel de la partie civile, d'apprécier s'il existait ou non à ces dates des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'ils aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge est saisi ; qu'étant saisie de l'entier dossier, il incombe également à la chambre de l'instruction, d'apprécier si au terme de l'information, les indices graves ou concordants qu'elle relèverait sont de nature à caractériser des charges suffisantes pour justifier un renvoi devant la juridiction de jugement ; que les investigations menées avant les interrogatoires de première comparution ont mis en évidence le système dérogatoire pour le traitement de ces arbitrages obtenus par M. X... auprès de la société Generali Vie, consistant à la mise à sa disposition d'une personne dédiée au motif de trop nombreux retards par des intervenants courants, et ce sous la menace de quitter ce partenaire ; que M. X... est décrit tant par la société Generali Vie que par la société Cardiff, personne étrangère à l'information, comme un partenaire particulièrement exigeant voire intrusif ; que Mme B... était employée au sein de la société Generali depuis 1979, ayant progressivement évolué pour devenir assistante commerciale en 2005 ; qu'elle a été désignée pour être l'interlocuteur privilégié voire exclusif de la société Financière de l'Europe et de son " patron ", en raison de ses qualités professionnelles reconnues et du fait qu'elle était la seule, à l'époque concernée, à maîtriser l'usage du logiciel de gestion GR 2000 sur lequel elle procédait à l'enregistrement des ordres d'arbitrage manuel de la société Financière de l'Europe ; que ce logiciel ne contenait aucun dispositif de nature à bloquer tout arbitrage qui aurait été saisi à une date-papier incompatible avec le jour de la saisie ; qu'il permettait en toute facilité de saisir le cas échéant à une date inexacte des ordres d'arbitrage antidatés ou faussement datés ; considérant que si les auditions antérieures aux interrogatoires de première comparution ont mis en évidence les incontestables et graves soucis familiaux supportés par Mme B... au cours de l'armée 2008 notamment et sa fragilité de ce chef, connus par son environnement professionnel et sa hiérarchie, les investigations à la même période ont démontré que M. X... avait su l'engager dans une relation de proximité excédant le cadre de relations professionnelles, même de qualité, fait qu'elle avait incontestablement accepté dès janvier 2008, caractérisé notamment par un déjeuner et la visite des locaux de M. X... ; que le ton des courriels échangés, qu'elle terminait par "Bizzz, big bisou, mille bisous ", illustre la dimension affective que Mme B... y trouvait ; que les rapports professionnels entretenus avec M. X... ont été à ce point dévoyés, changeant de nature, que Mme B... appelait M. X... son" grand chef "(D 166), oubliant qu'elle était l'employée de la société Generali, se qualifiant elle-même "d'assistante du président-directeur général de la Financière de France" (Mail du 17 septembre 2008 - D 166) ; que dans le même temps Mme B... s'est trouvée confrontée à une hiérarchie insuffisamment attentive tant à la charge qu'à la nature de son travail, au point qu'elle a pu l'interpréter comme la marque d'un désintérêt manifeste ; que Mme B... a notamment indiqué qu'au retour d'un pont en mai 2007, elle avait fait part à M. C... de son étonnement à trouver sur son bureau des ordres de M. X... qui seraient parvenus un jour férié ; que suite à la remarque de M. C..., qui aurait dit qu'elle n'était là que pour effectuer des saisies et qu'elle n'avait pas à s'en occuper, elle expliquait :« ...vu ce que m'a répondu M. C..., je me suis simplement dit que je ne regarderais plus la date, que je saisirais et c'est tout » ; que ce seul fait démontre qu'elle avait une parfaite conscience de l'importance des dates dans la saisie des ordres d'arbitrage ; que les investigations sur commission rogatoire ont démontré à travers les documents saisis, concernant les ordres d'arbitrages de février 2008 à fin septembre 2008, l'existence de nombreux courriels par lesquels M. X... demandait à Mme B... de passer de très nombreux arbitrages à une date antérieure ; que ces courriels ci-dessus rappelés dans le détail n'ont été contestés ni par M. X... ni par Mme B... ; que l'étendue de la période concernée, la multiplication de ces courriels, le ton employé portant instructions, la masse des opérations concernées constituent autant d'indices graves et concordants au sens de l'article 80-1 du code de procédure pénale ; que l'argument avancé par les intéressés que ces multiples courriels comportant des tableaux avec des dates de valeur antérieures n'étaient destinés qu'à permettre à Mme B... de vérifier si elle avait correctement passé les ordres communiqués, en raison du retard qu'elle pouvait prendre dans son travail, n'est pas compatible avec la finalité de ce service spécifique consenti à M. X..., la mise à disposition -dérogatoire- d'une personne dédiée aux opérations de celui-ci ayant pour seule cause le grief de retard récurrent qu'il avait formulé contre le service " de droit commun"; que les courriels des 7 et 8 juillet 2008 sus visés démontrent à l'évidence que les ordres d'arbitrages sont adressés par M. X... à Mme B... sans que les ordres-papier ne soient transmis en même temps et alors que ces ordres-papier sont annoncés comme devant parvenir ultérieurement ; qu'ils trouvent place dans une succession d'opérations antérieures et postérieures et ne suscitent aucune réserve de Mme B..., laquelle les exécute en connaissance de cause ; qu'en conséquence qu'il y a lieu de retenir qu'il existait à l'encontre de Mme B... et de M. X... des indices graves et concordants de nature à retenir qu'il avaient pu commettre les faits reprochés et notifiés dans leurs interrogatoires de première comparution ; que l'existence de ces indices graves et concordants susvisés justifie que la chambre de l'instruction ordonne leur mise en examen de ces chefs ; que les investigations qui se sont poursuivies jusqu'au règlement, les notes et arguments avancés par les parties comme les mémoires justifient de retenir qu'il existe à l'encontre de chacun des intéressés des charges suffisantes au regard des faits reprochés ; qu'il doit être rappelé que l'infraction de complicité d'escroquerie n'exige pas pour celui qui la commet la preuve d'une intention vénale, pas plus que d'un enrichissement personnel ; qu'il n'est pas nécessaire que le complice soit à l'origine du schéma de fraude : qu'il suffit qu'il ait en connaissance de cause réalisé les actes matériels de complicité ; que tel est le cas pour Mme B... ; que s'agissant de M. X..., sa qualité de professionnel, le nombre et la teneur des instructions données à Mme B... illustrent suffisamment le caractère intentionnel de ses agissements ; qu'il sera rappelé qu'il est lui-même ainsi que ses proches, bénéficiaire direct de ces agissements ; qu'à ce stade de la procédure il n'incombe pas à la chambre de l'instruction d'apprécier si l'organisation de la société Générali Vie a pu être insuffisante ou défaillante et a pu contribuer le cas échéant à l'importance du préjudice allégué ; qu'il n'incombe pas non plus à la chambre de l'instruction de déterminer le montant du préjudice éventuel : que l'ordonnance de non-lieu doit être infirmée ; que sur le supplément d'information : l'article préliminaire du code de procédure pénale fait obligation à la chambre de l'instruction de faire en sorte qu'il puisse être définitivement statué dans un délai raisonnable sur l'accusation dont une personne ferait l'objet ; que de ce chef, il serait déraisonnable au sens de l'article susvisé, d'ordonner un supplément d'information dans une instruction judiciaire ouverte depuis plus de 8 ans, notamment aux fins de mise en examen des chefs de faux et usage de faux, recel d'escroquerie, introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données, pour compléter les incriminations seules retenues lors des interrogatoires de première comparaison précités comme pour attraire dans l'information un nouveau mis en cause, en l'espèce la personne morale la société Financière de l'Europe comme auteur, complice ou receleur, même s'il est plausible de considérer que celle-ci a pu bénéficier directement des profits frauduleusement générés ; qu'il existe à l'encontre de M. X... des indices graves et concordants d'avoir : à Paris et en Ile de France en tous cas sur le territoire national, entre le mois d'août 2007 et le 31 décembre 2008, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en transmettant a posteriori à Mme B... des ordres antidatés en vue de réaliser des opérations d'arbitrage - dans le cadre de sa fonction de courtier exercée sous couvert de la société la Financière de l'Europe qu'il dirigeait assurant la gestion de contrats d'assurance vie souscrits auprès de la société Generali vie - alors qu'il connaissait le cours des marchés financiers et qu'il choisissait la date d'arbitrage dont la valeur était la plus avantageuse pour les titulaires de ces contrats et en faisant peser sur la compagnie Generali Vie les pertes engendrées par ces opérations par le mécanisme des écarts Acav - écarts de valeur entre la date de valeur sur le marché datée de 3 jours ouvrés postérieurement à la date de la demande et la date réelle de l'opération sur le marché qui étaient à la charge de la société Generali Vie, trompé la société Generali Vie pour la déterminer à remettre des fonds, valeurs ou un bien quelconque, en l'espèce en générant une perte sur ces opérations d'arbitrage pour la société Generali Vie en raison des écarts Acav notamment pour un montant de 22 398 000 euros pour l'année 2008, faits prévus et réprimés par les articles 313-1, 313-3, 313-7 et 313-8 du code pénal ; qu'il y a lieu d'ordonner sa mise en examen de ce chef ; qu'il existe à l'encontre de Mme B... des indices graves et concordants d'avoir à Paris et en Ile-de-France en tous cas sur le territoire national, entre le mois d'août 2007 et le 31 décembre 2008, au préjudice de la société Générali Vie, été complice du délit d'escroquerie commis par M. X... , en l'aidant ou en l'assistant sciemment dans sa préparation ou sa consommation, en l'espèce en saisissant dans l'applicatif GB 2000 via son compte utilisateur " B..." les ordres d'arbitrage transmis a posteriori par M. X... - dans le cadre de sa fonction de courtier exercée sous couvert de la société la Financière de l'Europe qu'il dirigeait assurant la gestion de contrats d''assurance vie souscrits auprès de la société Generali vie ; que ces ordres d'arbitrage s'analysant comme des ordres antidatés en vue de réaliser des opérations d'arbitrage alors que le courtier connaissait le cours des marchés financiers et choisissait la date d'arbitrage dont la valeur était la plus avantageuse pour les titulaires de ces contrats, ces opérations générant des gains très importants pour la société la Financière de l'Europe et faisant peser sur la compagnie Generali Vie des pertes importantes par le mécanisme des écarts Acav - écarts de valeur entre la date de valeur sur le marché datée de 3 jours ouvrés postérieurement à la date de la demande et la date réelle de l'opération sur le marché qui étaient à la charge de la société Generali Vie, notamment pour un montant de 22 398 000 euros pour l'année 2008, faits prévus et réprimés par les articles 121-6. 121-7 ,313-1,313-3. 313-7 et 313-8 du code pénal ; qu'il y a lieu d'ordonner sa mise en examen de ce chef ; qu'il résulte de l'information charges suffisantes à l'encontre de :
- M. X... : d'avoir, à Paris et en Ile-de-France en tous cas sur le territoire national, entre le mois d'août 2007 et le 31 décembre 2008, et depuis temps non couvert par la prescription en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en transmettant à Mme B... pour leur saisie dans le logiciel dédié, des ordres d'arbitrage antidatés , faussement datés ou insincères quant à leur date et en lui donnant instruction pour ces saisies d'arbitrages à cours connu, trompé la société Generali Vie pour la déterminer à remettre des fonds ou valeurs, ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge, au profit de lui-même, de la société Financière de l'Europe et de ses clients, et pour un montant provisoirement évalué à la somme de 22 398 000 euros pour l'année 2008, faits prévus et réprimés par les articles 313-1,313-3,313-7 et 313-8 du code pénal ;
- Mme B... : de s'être, à Paris et en Ile-de-France en tous cas sur le territoire national, entre le mois d'août 2007 et le 31 décembre 2008, et depuis temps non couvert par la prescription rendue complice du délit d'escroquerie commis par M. X... au préjudice de la société Générali Vie, en l'aidant et en l'assistant sciemment dans sa préparation et sa consommation en l'espèce en saisissant dans le logiciel dédié des ordres d'arbitrage antidatés, faussement datés ou insincères quant à leur date et en réalisant des saisies d'arbitrages à cours connu, trompant la société Générali Vie pour la déterminer à remettre des fonds ou valeurs, ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge, au profit de M. X..., de la société Financière de l'Europe et de ses clients, et pour un montant provisoirement évalué à la somme de 22 398 000 euros pour l'année 2008, faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7.313-1,313-3.3 13-7 et 313-5 du code pénal ; qu'il y a lieu d'ordonner leur renvoi devant le tribunal correctionnel de ces chefs ; enfin qu'il y a lieu de dire n'y avoir lieu à suivre à l'encontre de quiconque des chefs de faux et usage de faux, recel d'escroquerie et introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données » ;
"1°) alors que la chambre de l'instruction ne peut prononcer directement la mise en examen d'un témoin assisté, mais doit, à cette fin, ordonner un supplément d'information ; qu'en prononçant elle-même la mise en examen de Mme B..., témoin assisté, du chef de complicité d'escroquerie, sans ordonner un supplément d'information pour qu'il soit éventuellement procédé à cette mise en examen, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2°) alors que la chambre de l'instruction ne peut prononcer elle-même la mise en examen d'un témoin assisté et, par le même arrêt, ordonner son renvoi devant le tribunal correctionnel, sans que l'intéressé ait été mis à même de présenter ses observations sur ces deux décisions ; qu'en ayant prononcé la mise en examen de Mme B..., puis son renvoi devant le tribunal correctionnel, sans que l'intéressée ait pu présenter ses observations quant au prononcé de ces décisions, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense ;
"3°) alors que la nécessité de statuer dans un délai raisonnable ne permet pas à la chambre de l'instruction d'éluder les formalités prescrites en vue du respect des droits de la défense ; qu'en ayant refusé d'ordonner un supplément d'information, unique cadre procédural dans lequel il aurait pu être statué
sur la mise en examen éventuelle de Mme B..., témoin assisté, au motif inopérant de la nécessité de statuer dans un délai raisonnable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"4°) alors que la mise en examen d'un témoin assisté ne peut être prononcée qu'en présence d'indices graves et concordants de commission ou de complicité d'une infraction ; qu'en ayant prononcé la mise en examen de Mme B..., aux seuls motifs qu'elle avait été désignée pour être l'interlocuteur de M. X..., que le logiciel GP 2000 lui donnait la possibilité de frauder les arbitrages qu'elle réalisait pour le compte de celui-ci, qu'elle entretenait une relation amicale avec lui et en raison de l'existence de nombreux courriels par lesquels M. X... demandait à l'exposante de passer des arbitrages à une date antérieure, sans que les ordres papiers soient transmis en même temps, quand il résultait de l'instruction que les audits diligentés par le cabinet Ernst etamp; Young avaient été réalisés sans que les auditrices aient examiné les ordres-papiers, non plus que les courriels échangés entre M. X... et Mme B..., que l'une d'elles n'avait pas exclu que les profits réalisés par la société La Financière de l'Europe aient pu être dus au talent de son dirigeant, cette société ayant continué à enregistrer des résultats flatteurs après le licenciement de Mme B... et que l'assistante spécialisée au pôle économique et financier du tribunal de grande instance de Paris avait conclu que les ordres-papiers, dont rien ne permettait d'affirmer qu'il s'agirait de faux antidatés, concordaient à plus de 99 % avec les ordres adressés par courriels par M. X... à Mme B..., la cour d'appel a privé son arrêt de base légale et l'a insuffisamment motivé ;
"5°) alors que le renvoi devant la juridiction correctionnelle ne peut être prononcé, sans caractérisation de charge suffisantes à l'encontre du mis en examen ; qu'en ayant renvoyé Mme B... devant le tribunal correctionnel, sans autres motifs que ceux ayant justifié de sa mise en examen, et sans que soient caractérisés les éléments à charge et à décharge retenus, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"6°) alors que le renvoi devant la juridiction de jugement ne peut être prononcé sans que des charges suffisantes aient été retenues contre la personne mise en examen ; qu'en ayant prononcé le renvoi de Mme B... devant le tribunal correctionnel, sans caractériser la moindre manoeuvre constitutive d'escroquerie à la charge de M. X..., auteur principal, ni d'acte d'assistance à l'encontre de Mme B..., complice présumée, non plus que l'intention de celle-ci, et après avoir pourtant relevé que l'exposante était surchargée de travail par sa hiérarchie et qu'il lui avait été intimé de saisir les ordres d'arbitrage manuels « au kilomètre » sans se préoccuper de leurs dates, outre qu'elle ne se trouvait pas à l'origine de la décision des responsables de la compagnie Generali de lui confier exclusivement la gestion des intérêts de la société La Financière de l'Europe, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 113-5, 179, 204, 205 et 213 du code de procédure pénale ;
Attendu que seule une personne mise en examen peut être renvoyée devant la juridiction de jugement par la juridiction d'instruction ;
Attendu que la chambre de l'instruction qui estime nécessaire la mise en examen d'une personne désignée dans la procédure, notamment d'un témoin assisté, ne peut qu'ordonner un supplément d'information dans les conditions des articles 204 et 205 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la fin de l'information suivie sur la plainte de la société Generali Vie des chefs de faux et usage, escroquerie, recel et atteinte frauduleuse à un système de traitement automatisé de données, le juge d'instruction, qui avait mis en examen M. Guillaume X... avant de le placer sous le statut de témoin assisté, et qui, après avoir entendu Mme Nadine B..., l'avait placée sous ce même statut, a rendu une ordonnance de non-lieu ; que saisie du seul appel de la partie civile, la chambre de l'instruction, par l'arrêt attaqué, après confirmation du non-lieu des chefs de faux et usage, recel et atteinte frauduleuse à un système de traitement automatisé de données, a mis en examen M. X... et Mme B..., ordonné leur renvoi devant le tribunal correctionnel sous la prévention le premier du chef d'escroquerie et la seconde du chef de complicité d'escroquerie ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des dispositions susvisées et des principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 28 septembre 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq décembre deux mille dix-huit ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.