LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 5 septembre 2017), que M. et Mme X... ont pris à bail un logement dans un immeuble appartenant à l'Etablissement public Meurthe et Moselle habitat (le bailleur) ; que leur enfant C..., âgé de deux ans, a chuté d'un étage dans la cage d'escalier de l'immeuble et subi un grave traumatisme crânien ; qu'agissant en qualité de représentants légaux, ils ont assigné le bailleur en responsabilité, sur le fondement de l'article 1721 du code civil ;
Attendu que le bailleur fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande ;
Mais attendu qu'ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel, que le défaut de surveillance des parents de l'enfant constituait un fait du tiers, le bailleur n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Etablissement public Meurthe et Moselle habitat aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'Etablissement public Meurthe et Moselle habitat et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle et la somme de 3 000 euros à la SCP Meier-Bourdeau Lécuyer ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Z..., avocat aux Conseils, pour l'Etablissement public Meurthe et Moselle habitat.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré Meurthe et Moselle Habitat entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu le 19 juin 2007 et dont a été victime le jeune C... X..., D'AVOIR ordonné une expertise médicale et D'AVOIR constaté que la créance définitive de la Caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle s'élève à la somme de 643 696,07 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 1721 du code civil dispose qu'il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail, et que s'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser ; que de par la généralité des termes de ce texte, la garantie due par le bailleur s'étend aux pertes résultant des dommages corporels ; que par ailleurs, l'article 1720 du même code prévoit que le bailleur doit faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives ; qu'en l'espèce, il résulte de l'enquête effectuée par les services de police que, le 26 juin 2007, un représentant de Meurthe et Moselle Habitat appelé sur place, [...] à Longwy-Le Haut, a constaté l'absence d'un barreau sur l'un des garde-corps du septième étage de l'immeuble situé à cette adresse, qu'il a été procédé immédiatement, par un agent technique, à la mise en sécurité des lieux et que les travaux définitifs consistant à remplacer le barreau manquant ont été réalisés le 5 juillet 2007 ; que lors de son audition, ce représentant a indiqué qu'aucune réclamation n'avait été faite par la famille X..., ses voisins, ou la gardienne de l'immeuble qui avait fait un contrôle de sécurité quelques jours auparavant, et que l'agent de maîtrise investi de la responsabilité des parties communes n'avait lui-même rien constaté de particulier ; qu'il résulte de ces éléments que le logement donné à bail présentait, dans ses parties communes, un défaut de nature à menacer la sécurité des personnes, défaut qui avait échappé à la perspicacité du bailleur, et auquel il n'avait pas été remédié ; qu'il ne peut être reproché au preneur de n'avoir pas averti le bailleur de l'existence de ce vice apparu en cours de bail dans la mesure où le bailleur lui-même aurait dû être à même de le déceler au cours de ses visites de contrôle périodiques des parties communes ; que si aucune personne autre que la mère de l'enfant, présente sur le palier lorsque l'accident s'est produit, n'a été témoin de celui-ci, il ne peut être soutenu qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le vice qui affectait le garde-corps et la chute de l'enfant du septième au sixième étage, cette chute ne pouvant s'expliquer que par l'espace, mesuré par les enquêteurs, de vingt-quatre centimètres, au lieu de douze centimètres, qui séparait deux des barreaux de ce garde-corps, et qui était suffisant pour permettre le passage d'un enfant de deux ans ; que les quelques instants d'inattention pendant lesquels l'enfant a échappé à la surveillance de sa mère, et qui ont suffi pour que l'accident se produise, ne peuvent être considérés comme de nature à exonérer le bailleur de sa responsabilité ; qu'en effet, eu égard au danger que représentait le vice affectant le garde-corps, un tel défaut de surveillance ne peut être qualifié de faute imprévisible et inévitable ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Meurthe et Moselle Habitat ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en établissant l'existence d'un cas de force majeure ; que dès lors que Meurthe et Moselle Habitat ne saurait valablement reprocher aux époux X... de ne pas avoir remarqué le barreau manquant, ou de ne pas l'avoir informé de cette situation ; que pas davantage Meurthe et Moselle Habitat ne saurait se prévaloir d'un défaut de surveillance des parents de C... dès lors précisément que le garde-corps, s'il n'avait pas été défectueux, aurait rempli parfaitement son office à savoir, la sécurisation du palier, de sorte que l'enfant ne serait jamais passé au travers du garde-corps ; qu'autrement dit, le défaut de surveillance allégué par Meurthe et Moselle Habitat n'a pas revêtu pour elle les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité de la force majeure ; qu'il apparaît ainsi que le défaut affectant le garde du corps a été la cause exclusive de l'accident ;
ALORS QUE, pour autant qu'elle ait contribué à la réalisation du dommage, la faute de la victime d'un manquement contractuel est de nature à exonérer l'auteur fautif d'une part de responsabilité ; qu'en considérant, pour déclarer le bailleur entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident et, partant, écarter tout partage de responsabilité, que le défaut de surveillance de la mère de l'enfant n'avait pas revêtu les caractères de la force majeure, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, a violé les articles 1147 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 1720 et 1721 du même code.