LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 juin 2021
Rejet et cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 431 F-D
Pourvois n°
S 20-10.836
R 20-12.698 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2021
I - M. [H] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 20-10.836 contre un arrêt rendu le 8 octobre 2019 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [C] [D], veuve [M], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à Mme [A] [D], épouse [A], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à Mme [Q] [D], épouse [H], domiciliée [Adresse 4],
4°/ à M. [P] [K], domicilié [Adresse 5],
5°/ à Mme [O] [K], épouse [E], domiciliée [Adresse 6],
6°/ à M. [S] [K], domicilié [Adresse 7],
7°/ à Mme [E] [K], domiciliée [Adresse 8],
8°/ à Mme [J] [K], épouse [O], domiciliée [Adresse 9],
9°/ à M. [B] [K], domicilié [Adresse 7],
10°/ à Mme [D] [K], épouse [C], domiciliée [Adresse 10],
11°/ à Mme [M] [K], épouse [T], domiciliée [Adresse 11],
12°/ à Mme [R] [K], domiciliée [Adresse 12],
13°/ à M. [U] [K], domicilié [Adresse 13],
14°/ à M. [K] [K], domicilié [Adresse 14],
15°/ à M. [L] [K], domicilié [Adresse 15],
ces douze derniers pris en qualité d'héritiers de [I] [K]-[D],
16°/ à M. [V] [D],
17°/ à Mme [W] [F], épouse [D],
tous deux domiciliés [Adresse 16],
défendeurs à la cassation.
II - 1°/ M. [S] [K],
2°/ Mme [E] [K],
3°/ Mme [O] [K], épouse [E],
4°/ M. [U] [K],
5°/ M. [L] [K], domicilié [Adresse 17],
6°/ Mme [J] [K], épouse [O],
7°/ Mme [R] [K],
8°/ Mme [M] [K], épouse [T],
9°/ M. [P] [K],
10°/ Mme [D] [K], épouse [C],
11°/ M. [K] [K], domicilié [Adresse 18],
12°/ M. [B] [K],
tous douze pris en qualité d'héritiers de [I] [K]-[D],
ont formé le pourvoi n° R 20-12.698 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [A] [D], épouse [A], domiciliée [Adresse 19],
2°/ à Mme [Q] [D], épouse [H],
3°/ à M. [V] [D],
4°/ à Mme [C] [D], veuve [M],
5°/ à Mme [W] [F], épouse [D],
6°/ à M. [H] [D],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur au pourvoi n° S 20-10.836 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Les demandeurs au pourvoi n° R 20-12.698 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [H] [D], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de MM. [S], [U], [L], [P], [K] et [B] [K] et Mmes [E], [O], [J], [R], [M] et [D] [K], de Me Haas, avocat de Mmes [A], [Q] et [C] [D], après débats en l'audience publique du 13 avril 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 20-12.698 et S 20-10.836 sont joints.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à Mmes [O], [E], [J], [D], [M] et [R] [K], MM. [P], [S], [B], [U], [K] et [L] [K] et à M. [H] [D] du désistement de leurs pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre M. [V] [D] et Mme [F].
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 8 octobre 2019), [G] [D] et [T] [L] sont décédés respectivement les [Date décès 1] 1988 et [Date décès 2] 2009, laissant pour leur succéder leurs cinq enfants, [C], [I], [H], [A] et [Q] [L].
4. Un arrêt de cour d'appel du 19 avril 2012 a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des deux successions et désigné un expert avec mission de reconstituer la masse des biens dépendant de la succession en reprenant l'intégralité des donations et legs consentis par les défunts et d'évaluer les biens au jour le plus proche du partage. Après dépôt du rapport d'expertise, le notaire chargé des opérations de partage a dressé un procès-verbal constatant le désaccord des parties.
5. [I] [D] est décédée le [Date décès 3] 2014, laissant pour lui succéder ses huit enfants, [P], [O], [D], [M], [R], [U], [K] et [L] [K], ainsi que quatre petits-enfants, [S], [E], [J] et [B] [K], venant par représentation de son fils [N], prédécédé.
Examen des moyens
Sur les moyens du pourvoi n° S 20-10.836 et le premier moyen du pourvoi n° R 20-12.698, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi n° R 20-12.698
Enoncé du moyen
7. Mmes [O], [E], [J], [D], [M], [R] [K] et MM. [P], [S], [B], [U], [K] et [L] [K] font grief à l'arrêt de dire que le notaire chargé de dresser l'état liquidatif évaluera les biens donnés à M. [H] [D] par sa mère en toute propriété selon leur valeur occupée, à la date du décès de celle-ci, en vue de déterminer, après réunion fictive à la masse de l'ensemble des biens dépendant de la succession, un éventuel dépassement de la quotité disponible, et à la date la plus proche possible du partage, afin de déterminer le montant de l'indemnité éventuelle de réduction, alors « que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant, pour décider que les biens donnés à [H] [D] devaient être évalués selon leur valeur occupée, en premier lieu que par acte authentique du 8 février 1990 [T] [L] avait fait donation par préciput et hors part à [H] [D] de la nue-propriété des 4/8ème indivis lui appartenant en pleine propriété sur l'ensemble des parcelles louées à la SCEA de Lessart par le bail du 29 mars 1991 et, en second lieu, que lors de la donation, l'ensemble des biens donnés était loué à la SCEA depuis le bail du 29 mars 1991, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.
9. Pour dire que le notaire chargé d'établir l'état liquidatif évaluera les biens donnés à M. [H] [D] par sa mère au jour du décès de celle-ci selon leur valeur occupée, après avoir relevé que [T] [L] avait fait donation par préciput et hors part à M. [H] [D], par acte du 8 février 1990, de la nue-propriété d'une partie de ses droits indivis sur des terrains agricoles loués à la société civile d'exploitation agricole de Lessard le 29 mars 1991 et, par acte du 19 juin 2001, d'une autre fraction de ses droits indivis sur ces mêmes biens, l'arrêt retient que l'ensemble des biens donnés était loué à cette société depuis le bail du 29 mars 1991.
10.En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi n° S 20-10.836 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. [F] [U], notaire liquidateur, évaluera les biens donnés à M. [H] [D] par sa mère par l'acte du 8 février 1990 à la date du décès de celle-ci en toute propriété selon leur valeur occupée, l'arrêt rendu le 8 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne M. [H] [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] [D] et le condamne à payer à Mmes [O], [E], [J], [D], [M] et [R] [K] et MM. [P], [S], [B], [U], [K] et [L] [K] la somme de 1 500 euros, et à Mmes [C], [A] et [Q] [D] une somme de même montant ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi n°S 20-10.836 par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. [H] [D].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Me [F] [U], notaire liquidateur, évaluera les biens donnés en toute propriété selon leur valeur occupée, à la date du décès en vue de déterminer, après réunion fictive à la masse de l'ensemble des biens dépendant de la succession, un éventuel dépassement de la quotité disponible, et à la date la plus proche possible du partage, afin de déterminer le montant de l'indemnité éventuelle de réduction ;
AUX MOTIFS QUE sur l'évaluation des terres et des immeubles, objets des donations consenties les 8 février 1990 et 19 juin 2001 par [T] [L] à [H] [D] et leur réduction éventuelle, il s'agit de donations préciputaires (hors part) qui ne sont pas rapportables conformément à l'article 843 du code civil qui dispose que le rapport est dû de tout ce que l'héritier a reçu, à moins que les donations lui aient été faites expressément hors part successorale, ce qui est le cas en l'espèce ; [?] que l'article 922 dispose que la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ; que les biens dont il a été disposé par donations sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après déduction des dettes et charges les grevant ; qu'il est ensuite procédé au calcul sur l'ensemble des biens, de la quotité dont le défunt a pu disposer ; qu'il est précisé à l'article 924 que lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité et que le paiement de l'indemnité par un héritier réservataire se fait en moins prenant et en priorité par voie d'imputation sur ses droits dans la réserve ; qu'enfin, l'article 924-2 prescrit de calculer le montant de l'indemnité de réduction d'après la valeur des biens donnés à l'époque du partage ; qu'il résulte de ces textes qu'il doit être procédé à l'évaluation des biens donnés à deux dates : d'abord au jour du décès afin de déterminer si la quotité disponible est dépassée et par suite s'il y a lieu à réduction, ensuite au jour le plus proche du partage, afin de calculer le montant de l'indemnité éventuelle de réduction qui est égale à la portion excessive de la libéralité rapportée à la valeur de la date du partage ; que lors des donations, l'ensemble des biens donnés était loué à la SCEA depuis le bail du 29 mars 1991 ; que le bail rural a procédé de la volonté de la défunte ; qu'il a été judiciairement autorisé ; que cette circonstance, étrangère au donataire, impose d'estimer les biens donnés en toute propriété (l'usufruit ayant rejoint la nue-propriété au décès de l'usufruitières) et selon leur valeur occupée, dès lors le donataire n'est que l'un des deux associés de la SCEA et qu'il ne réunit pas la double qualité de donataire et de preneur à bail ; que, dans son rapport déposé en novembre 2012, M. [Y] estime à 5.575 euros a valeur de l'hectare occupé, compte tenu de la qualité supérieure des terres à la moyenne constatée, et qui constituent un ensemble homogène ; que, dans son rapport du 7 juin 2018, Mme [Q], expert consulté amiablement par les consorts [K], cite les statistiques de prix publiés par la FNSAFER et mentionne pour l'année 2011, une valeur occupée moyenne de 6.000 euros l'hectare ; que ce prix apparaît le plus proche de la valeur réelle occupée que celui retenu de 5.575 euros ; que, quoiqu'il en soit, cette valeur doit être actualisée, dès lors qu'elle date de 2012 ; qu'il appartiendra à Me [F] [U], notaire désigné pour la liquidation et le partage des successions, de déterminer le prix à la date du décès de [T] [L] afin de rechercher si les donations ont excédé la quotité disponible et de l'actualiser le prix à la date la plus proche possible du partage afin de fixer le montant de l'indemnité éventuelle de réduction due par [X] [D] ;
ALORS QUE le juge doit trancher lui-même les contestations dont il est saisi, sans pouvoir déléguer au notaire désigné pour la liquidation et le partage de la succession le soin de déterminer s'il y a lieu à réduction des libéralités et, le cas échéant, le montant de l'indemnité due à ce titre ; qu'en jugeant « qu'il appartiendra à Me [F] [U], notaire désigné pour la liquidation et le partage des successions, de déterminer le prix à la date du décès de [T] [L] afin de rechercher si les donations ont excédé la quotité disponible et de l'actualiser le prix à la date la plus proche possible du partage afin de fixer le montant de l'indemnité éventuelle de réduction due par [X] [D] », la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande d'attribution préférentielle formée par M. [H] [D] ;
AUX MOTIFS QUE, sur la demande d'attribution préférentielle de l'ensemble des biens à destination agricole, l'article 831 du code civil, sur lequel [H] [D] fonde sa demande, dispose que le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute entreprise ou partie d'entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d'une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l'exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement ; que, dans le cas de l'héritier, la condition de la participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants ; qu'[H] [D] est propriétaire indivis des biens ; qu'ils sont actuellement exploités par la SCEA et en pratique par [V] [D], exploitant agricole, associé de la SCEA ; que la condition de participation effective à la mise en valeur des parcelles agricoles par ce dernier, descendant du demandeur est remplie, peu important que ce soit au travers de la SCEA ; que, cependant, la valeur des terres est importante ; que M. [H] [D] n'établit pas qu'il serait en mesure de s'acquitter de la soulte qui serait due à ses cohéritiers, si l'attribution préférentielle lui était accordée, en sus de l'éventuelle indemnité de réduction ; que, par conséquent, il n'y a pas lieu d'accueillir la demande ;
1) ALORS QUE tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute entreprise ou partie d'entreprise agricole, à l'exploitation de laquelle lui-même, son conjoint ou ses descendants participent ou ont participé effectivement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'[H] [D] était propriétaire indivis des biens en cause, que « la condition de participation effective à la mise en valeur des parcelles agricoles par ce dernier, descendant du demandeur [était] remplie, peu important que ce soit au travers de la SCEA » ; qu'en rejetant néanmoins la demande d'attribution préférentielle d'[H] [D], tandis qu'elle avait constaté que les conditions de cette attribution préférentielle étaient remplies, la cour d'appel a violé l'article 831 du code civil ;
2) ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que, pour rejeter la demande d'attribution préférentielle d'[H] [D], la cour d'appel a retenu qu'il n'établissait pas « qu'il serait en mesure de s'acquitter de la soulte qui serait due à ses cohéritiers, si l'attribution préférentielle lui était accordée, en sus de l'éventuelle indemnité de réduction », faisant ainsi dépendre sa décision relative à l'attribution judiciaire de sa décision au titre de la réduction des libéralités ; que, dès lors, la cassation au titre du premier moyen devra également emporter cassation de l'arrêt de ce chef, conformément à l'article 624 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi n° R 20-12.698 par la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat aux Conseils, pour MM. [S], [U], [L], [P], [K] et [B] [K] et Mmes [E], [O], [J], [R], [M] et [D] [K].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit non fondées les demandes des consorts [K] de rapport des donations indirectes ou déguisées à l'exception de la demande de rapport par M. [H] [D] à l'actif de la succession de [T] [L] de la somme de 39.060,18 euros, et d'avoir en conséquence dit que M. [H] [D] devra rapporter cette seule somme à l'actif de la succession ;
AUX MOTIFS QUE
« sur l'existence de donations indirectes
Avant la constitution de la SCEA de Lessart, M. [I], expert auprès de la cour d'appel d'Amiens, a été amiablement consulté pour évaluer les immeubles et l'exploitation agricole.
Concernant les indices relevés par les consorts [K]/[D] relatifs à la constitution de la SCEA et à l'évaluation des apports de [T] [L] qui constitueraient autant de preuve de donations indirectes, il y a lieu de constater que :
[V] [D] a acquis à [T] [L] le matériel à la valeur estimée par M. [I], qui n'apparaît pas critiquable.
L'apport brut de matériel et installations par la défunte a été effectué d'après la valeur estimée, également non critiquable, déduction faite du matériel et des parts de coopérative acquis par [V] [D], des véhicules conservés par celle-ci et de la décote appliquée au matériel correspondant à son amortissement entre la date de l'estimation en mai 1989 et la date de l'apport en société en novembre 1989.
La non prise en compte des améliorations du fond n'apparaît pas fondé, alors que les dispositions de l'article L. 411-75 du code rural ne s'appliquent qu'aux biens déjà grevés d'un bail rural.
La non prise en compte du droit de production d'alcool n'est pas fondée alors que les consorts [K]/[D] ne contestent l'explication donnée par [H] [D] selon laquelle les parts dans la société coopérative, liquidée n'avaient plus aucune valeur et n'ont pas été indemnisées.
Seules les parts sociales transférables du Crédit agricole ont été transférées, les autres ne pouvant l'être.
[H] [D] indique que les stocks ont été transférés à la SCEA en contrepartie de l'ouverture d'un compte d'associé au profit de [T] [L], que celle-ci disposait ainsi d'une créance de 742.743,25 francs qu'elle s'est fait rembourser. L'inexactitude de cette déclaration n'est pas rapportée.
Concernant les cessions de parts sociales, [H] [D] ajoute que le stock qui n'avait pas été pris en compte dans la détermination de la valeur des parts lors de la constitution de la SCEA, a ensuite été intégré et que sa valeur a entraîné une augmentation corrélative des parts.
La sous-évaluation alléguée des parts lors de la constitution de la SCEA, et par suite la minoration du prix de cession d'une partie de ses parts par la défunte à [H] [D] le jour de la constitution de la société n'est pas établie.
La fixation du fermage à un prix bas selon les consorts [K]/[D], dans le cadre du bail consenti à la SCEA en 1991, n'est pas utilement invoquée alors que [I] [D] avait consenti à ce bail et que ses soeurs se sont désistées de leur appel contre le jugement autorisant la conclusion du bail. En 2008, le bail a été renouvelé et il n'est pas soutenu que la fixation aurait pu être libre.
La preuve n'est pas suffisamment caractérisée de ce que l'échange de parcelles d'une même surface opéré le 21 juin 1990 aurait fait bénéficier le donataire d'une donation indirecte ;
(?) La preuve de l'existence de donations indirectes ou déguisées, hormis la donations indirecte de 39 060,18 euros, n'est pas rapportée » ; (arrêt p. 9 et 10)
1) ALORS QUE la sous-évaluation des apports d'un associé lors de la constitution d'une société, ayant pour effet de minorer le nombre de parts sociales attribuées à celui-ci en contrepartie de ses apports, constitue une donation indirecte de celui-ci au profit des autres associés ; que la cour d'appel a constaté que les matériels apportés par [T] [L] lors de la constitution de la SCEA de Lessart, estimés à la valeur fixée par l'expert [I] en mai 1989, avaient été évalués après une décote correspondant à leur amortissement entre la date de l'estimation et celle de l'apport en société en novembre 1989 ; qu'en ne recherchant pas si, comme il était soutenu et justifié, le matériel apporté à la société par M. [V] [D], acquis de [T] [L] à la valeur estimée par M. [I] en mai 1989, n'avait pas été valorisé sans décote, de sorte que la décote appliquée uniquement au matériel apporté par [T] [L] et non au matériel apporté par M. [V] [D] constituait une donation indirecte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 894 du code civil ;
2) ALORS QUE la sous-évaluation des apports d'un associé lors de la constitution d'une société, ayant pour effet de minorer le nombre de parts sociales attribuées à celui-ci en contrepartie de ses apports, constitue une donation indirecte de celui-ci au profit des autres associés ; qu'en écartant l'existence d'une sous-évaluation des apports de [T] [L] lors de la constitution de la SCEA de Lessart sans rechercher si, comme il était soutenu, preuves à l'appui, les apports de matériels et installations de [T] [L] n'avaient pas été valorisés nets, c'est-à-dire sous déduction d'un passif de 375 000 francs correspondant à des emprunts professionnels, ce qui avait diminué de 3 750 le nombre de parts qui lui avaient été attribuées dans le capital de la société, minorant ainsi ses droits au profit de ceux des deux autres associés MM. [H] et [V] [D] dont les apports avaient été valorisés bruts, c'est-à-dire sans déduction du passif correspondant aux emprunts souscrits pour les financer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 894 du code civil ;
3) ALORS QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes de son titulaire manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que pour dénier l'existence d'une donation à M. [H] [D] en raison du prix particulièrement bas du fermage dans le cadre du bail consenti à la SCEA de Lessart, la cour d'appel a retenu que la fixation du fermage à un prix bas selon les consorts [K]/[D], dans le cadre du bail consenti à la SCEA en 1991, n'est pas utilement invoquée alors que [I] [D] avait consenti à ce bail et que ses soeurs se sont désistées de leur appel contre le jugement autorisant la conclusion du bail ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser la volonté non équivoque de l'auteur des consorts [K] de renoncer au droit d'invoquer la libéralité résultant du bail, la cour d'appel a violé l'article 894 du code civil ;
4) ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent pas se contenter de statuer par simple affirmation ; qu'au cas d'espèce, les exposants, s'appuyant sur l'expertise de Mme [Q], faisaient valoir que la valeur nominale des parts attribuées à la défunte lors de la constitution de la SCEA était fortement sous-estimée puisque les parts avaient été revendues par M. [H] [D] et son fils, entre 2,81 fois et 4,10 fois la valeur nominale selon les ventes, et qu'en particulier, une récolte seulement après la constitution de la SCEA, M. [H] [D] avait vendu des parts sociales à son fils à un prix égal à 3,7 fois le prix d'acquisition ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter l'existence d'une donation indirecte, que la sous-évaluation alléguée des parts lors de la constitution de la SCEA, et par suite la minoration du prix de cession d'une partie de ses parts par la défunte à [H] [D] le jour de la constitution de la SCEA n'était pas établie, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
5) ALORS QUE le juge doit motiver sa décision ; qu'au cas d'espèce, les exposants, s'appuyant sur les rapports d'expertise de Mme [Q], de M. [Z] [I] et de M. [X] régulièrement produits aux débats, faisaient valoir qu'à l'occasion de l'échange de parcelles du 21 juin 1990 entre [T] [L] et M. [H] [D], celui-ci avait bénéficié d'une donation résultant d'une différence d'évaluation des parcelles cadastrées section ZH [Cadastre 1], devenue section ZH [Cadastre 2] pour partie, évaluée sur la base de 29.500 Francs l'hectare, et de la parcelle cadastrée Section ZH [Cadastre 3], évaluée sur la base de 23.000 francs l'hectare ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter l'existence d'une telle donation indirecte, que « la preuve n'est pas suffisamment caractérisée de ce que l'échange de parcelles d'une même surface opéré le 21 juin 1990 aurait fait bénéficier le donataire d'une donation indirecte », sans analyser, même sommairement, les expertises produites aux débats, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales .
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. [F] [U], notaire liquidateur, évaluera les biens donnés en toute propriété selon leur valeur occupée, à la date du décès en vue de déterminer, après réunion fictive à la masse de l'ensemble des biens dépendant de la succession, un éventuel dépassement de la quotité disponible, et à la date la plus proche possible du partage, afin de déterminer le montant de l'indemnité éventuelle de réduction ;
AUX MOTIFS QUE
« Les baux ruraux
Suivant acte du 29 mars 1991, [T] [L] a consenti à la SCEA de Lessart le bail rural de 223 ha 65 a situés sur les communes de [Localité 1] et d'un corps de ferme plus trois maisons ouvrières d'une contenance de 39 ha 62 a 10 ca, pour une durée de 18 ans, sous condition suspensive de l'autorisation du tribunal permettant à [T] [D], usufruitière, de passer seul l'acte (?) ;
Les acte de donation
Par acte authentique du 8 février 1990, [T] [L] a fait donation par préciput et hors part à [H] [D] de la nue-propriété des 4/8ème indivis lui appartenant en pleine propriété sur l'ensemble des parcelles louées à la SCEA par le bail du 29 mars 1991, à l'exception, à la suite de l'échange intervenu le 25 juin 1990 entre la donatrice et le donataire, d'une parcelle située à [Localité 1], cadastrée ZH n°, de 17 ha 97 a 50 ca.
Par acte authentique du 19 juin 2001, [T] [L] a fait donation par préciput et hors part à [H] [D] de la nue-propriété de :
Ses droits indivis égaux à 25/49èmes, portant sur les immeubles bâtis situés à [Localité 1], à savoir le corps de ferme et deux des trois maisons ouvrières données à bail à la SCEA, et sur des parcelles de terres cadastrées ZE, [Cadastre 4], ZE [Cadastre 5] et ZH [Cadastre 3] pour une surface totale de 57 ha 59 a et 60 ca ;
Ses droits indivis égaux à 5R/40èmes, portant sur les mêmes parcelles que celles énumérées à l'acte du 8 février 1990 » ; (arrêt p.7)
ET QUE
« sur l'évaluation des terres et des immeubles, objets des donations consenties les 8 février 1990 et 19 juin 2001 par [T] [L] [H] [D] et leur réduction éventuelle,
Il s'agit de donations préciputaires (hors part) qui ne sont pas rapportables conformément à l'article 843 du code civil qui dispose que le rapport est dû de tout ce que l'héritier a reçu, à moins que les donations lui aient été faites expressément hors part successorale, ce qui est le cas en l'espèce.
Selon l'article 921 alinéa 2 du code civil, le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès.
La réduction est sollicitée par les cohéritiers d'[H] [D]. L'action n'est pas prescrite dès lors que, selon le jugement en page 4, alinéa 5, Mmes [C], [I], [A] et [Q] [D] ont de suite soutenu que les donations préciputaires dépassaient la quotité disponible et devaient être restituées à la succession de [T] [L] et que 10 ans ne s'étaient pas écoulés depuis le décès.
L'article 922 dispose que la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur. Les biens dont il a été disposé par donations sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après déduction des dettes et charges les grevant. Il est ensuite procédé au calcul sur l'ensemble des biens, de la quotité dont le défunt a pu disposer.
Il est précisé à l'article 924 que lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité et que le paiement de l'indemnité par un héritier réservataire se fait en moins prenant et en priorité par voie d'imputation sur ses droits dans la réserve.
Enfin, l'article 924-2 prescrit de calculer le montant de l'indemnité de réduction d'après la valeur des biens donnés à l'époque du partage.
Il résulte de l'ensemble de ces textes qu'il doit être procédé à l'évaluation des biens donnés à deux dates : d'abord au jour du décès afin de déterminer si la quotité disponible est dépassée et par suite s'il y a lieu à réduction, ensuite au jour le plus proche possible du partage, afin de calculer le montant de l'indemnité éventuelle de réduction qui est égale à la portion excessive de la libéralité rapportée à la valeur à la date du partage.
Lors des donations, l'ensemble des biens donnés était loué à la SCEA depuis le bail du 29 mars 1991. Le bail rural a procédé de la volonté de la défunte. Il a été judiciairement autorisé. Cette circonstance, étrangère au donataire, impose d'estimer les biens donnés en toute propriété (l'usufruit ayant rejoint la nue-propriété au décès de l'usufruitière) et selon leur valeur occupée, dès lors le donataire n'est que l'un des deux associés de la SCEA et qu'il ne réunit pas la double qualité de donataire et de preneur à bail.
Dans son rapport déposé en novembre 2012, M. [Y] estimé à 5575 euros la valeur de l'hectare occupé, compte tenu de la qualité supérieure des terres à la moyenne constatée, et qui constituent un ensemble homogène.
Dans son rapport du 7 juin 2018, Mme [Q], expert consulté amiablement par les consorts [K], cite les statistiques de prix publiés par la FNSAFER et mentionne pour l'année 2011, une valeur occupée moyenne de 6000 euros l'hectare. Ce prix apparaît plus proche de la valeur réelle occupée que celui retenu de 5575 euros. Quoiqu'il en soit, cette valeur doit être actualisée, dès lors qu'elle date de 2012.
Il appartiendra à Me [F] [U] notaire désigné pour la liquidation et le partage des successions, de déterminer le prix à la date du décès de [T] [L] afin de rechercher si les donations ont excédé la quotité disponible et d'actualiser le prix à la date la plus proche possible du partage afin de fixer le montant de l'indemnité éventuelle de réduction due par [X] [D] » ;
ALORS QUE tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant, pour décider que les biens donnés à [H] [D] devaient être évalués selon leur valeur occupée, en premier lieu que par acte authentique du 8 février 1990 [T] [L] avait fait donation par préciput et hors part à [H] [D] de la nue-propriété des 4/8ème indivis lui appartenant en pleine propriété sur l'ensemble des parcelles louées à la SCEA de Lessart par le bail du 29 mars 1991 (arrêt, p. 7, al. 5) et, en second lieu, que lors de la donation, l'ensemble des biens donnés était loué à la SCEA depuis le bail du 29 mars 1991(arrêt, p. 10, dernier §), la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 du code de procédure civile.