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02/06/2015 | FRANCE | N°14-81042

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 juin 2015, 14-81042


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La Caisse suisse de compensation,
- La société Allianz, parties intervenantes,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 15 janvier 2014, qui, dans la procédure suivie contre Mme Lidia X..., épouse A..., du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 avril 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'artic

le 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Pers, conseiller rapporteu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- La Caisse suisse de compensation,
- La société Allianz, parties intervenantes,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 15 janvier 2014, qui, dans la procédure suivie contre Mme Lidia X..., épouse A..., du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 avril 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Pers, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

Sur le rapport de M. le conseiller PERS, les observations de Me HAAS, de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, et de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 24 octobre 2008, Mario B... est décédé dans un accident de la circulation dont Mme Lidia A..., reconnue coupable d'homicide involontaire et assurée auprès de la société Allianz, a été définitivement déclarée tenue à réparation intégrale ; que Mme Olinta B..., et M. Daniel B..., épouse et fils de la victime, ont sollicité l'indemnisation de leurs préjudices ; que la Caisse suisse de compensation est intervenue volontairement à l'instance pour demander le remboursement des rentes servies, à la suite du décès, à Mme Olinta B...et à M. Daniel B... ; que Mme A...et la Caisse suisse de compensation ont relevé appel du jugement fixant l'indemnisation des parties civiles ;

En cet état ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour la Caisse suisse de compensation, pris de la violation des articles 3, 1243, 1382 du code civil, 93 du règlement CEE 1408/ 71 du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la communauté, applicable selon l'accord du 21 juin 1999, entre les Etats membres de l'union et la Confédération suisse, 72 et suivants de la loi fédérale suisse sur la partie générale des assurances sociales du 6 octobre 2000, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Mme A...à payer à la Caisse suisse de compensation la somme de 169 687, 68 euros au titre des prestations servies à Mme Olinta B...;

" aux motifs que, globalement, compte-tenu de l'offre de Mme A...et de la société Allianz, le préjudice de Mme Olinta B...doit être fixé à 547 074, 73 francs suisses ; qu'il a été et sera pris en charge par la Caisse suisse de compensation à hauteur de 265 137 francs suisses ; que la différence de 281 937, 73 francs suisses, soit 180 440, 15 euros en vertu du taux de change de 0, 64 appliqué par Mme A...et la société Allianz, a par ailleurs été couverte par la Macif à hauteur de 68 261 euros, si bien que Mme Olinta B...percevra in fine la somme de 112 179, 15 euros ;

" 1°) alors que la subrogation dont bénéficient les organismes sociaux suisses s'exerce devant les tribunaux français selon la loi suisse de sorte que, pour évaluer le montant de la créance dont bénéficie l'organisme social suisse envers le tiers responsable en remboursement de ses débours, le juge doit utiliser comme monnaie de compte le franc suisse ; que, par suite, la cour d'appel ne pouvait pas, après avoir fixé le préjudice économique subi par Mme Olinta B...à la suite du décès de son époux, à la somme de 547 074, 73 francs suisses et dit que le recours subrogatoire de l'organisme social suisse s'exercerait sur ce poste de préjudice à hauteur de 265 137 francs suisses condamner Mme A...à lui verser une somme libellée en euros ;

" 2°) alors, et en tout état de cause, que la contre-valeur en euros d'une dette stipulée en monnaie étrangère doit être fixée au jour du paiement ; que, par suite, la cour d'appel ne pouvait appliquer, pour convertir la somme de 265 137 francs suisses en euros un taux de change de 0, 64, qui n'était plus en vigueur à la date de son arrêt " ;

Attendu que la Caisse suisse de compensation n'est pas recevable à critiquer devant la Cour de cassation la décision de la cour d'appel conforme aux conclusions qu'elle avait déposées demandant la confirmation du jugement ayant condamné Mme A...et la compagnie Allianz à lui payer la contre-valeur en euros au jour du jugement de la somme de 271 255 francs suisses, correspondant à hauteur de 265 137 francs suisses à la rente de veuve servie à Mme Olinta B...;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le moyen unique de cassation proposé pour la société Allianz, pris de la violation des articles 6 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation du principe de réparation intégrale, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a fixé le préjudice économique de M. Daniel B... à la contre valeur en euros de 61 750, 41 CHF, a condamné Mme A...à payer à la Caisse suisse de compensation la contre valeur en euros de 6 088 CHF, au titre de ses débours, outre intérêts, et à M. Daniel B... la contre valeur en euros de 55 662, 41 CHF, outre intérêts, et a déclaré cet arrêt opposable à la société Allianz ;

" aux motifs que sur les préjudices économiques de Mme Olinta B...et de M. Daniel B..., les premiers juges avaient respectivement fixés aux sommes de 111 967, 87 euros et 11 924, 77 euros ; qu'en cause d'appel, la Caisse suisse de compensation, appelante, dont le recours subrogatoire s'exerce poste par poste, sur l'assiette constituée des indemnités accordées au titre de ce poste de préjudice, demande à la cour de les fixer à des sommes bien supérieures exprimées en francs suisses : 703 671, 39 pour Mme Olinta B...et 61 750, 41 pour M. Daniel B... ; que pour leur part, Mme A...et la société Allianz offrent de réparer ce poste de préjudice à hauteur de 350 127, 83 euros soit 547 074, 73 CHF pour Mme Olinta B..., somme dont il convient de déduire le capital de 71 471 euros que lui a payé la Macif et 30 725, 34 euros soit 48 008, 34 CHF pour M. Daniel B... ; que le montant des indemnités que fixera la cour ne pourra être inférieur à celui des sommes offertes par Mme A...et la société Allianz et ne pourra excéder celui des indemnités retenues par la Caisse suisse de compensation ; qu'il doit être déterminé sans considération des rentes servies par la Caisse suisse de compensation, voire du capital payé par la Macif, qui disposent de recours subrogatoire, sauf à en tenir compte deux fois, ainsi que l'ont fait par erreur les premiers juges et que le suggèrent à tort Mme A...et la société Allianz ; que sur la détermination des revenus du ménage antérieurement à l'accident ; que sur les revenus de Mme Olinta B..., son contrat de travail en suisse ayant pris effet le 21 novembre 2007, elle justifie avoir perçu au titre des mois de décembre 2007 à septembre 2008 des salaires nets d'un montant global de 23 411, 05 CHF ; que son salaire mensuel moyen net s'élevait donc à 2 341, 10 CHF, si bien que ses revenus annuels étaient de 30 434, 30 CHF (2 341, 10 CHF x 13 mois) ; que sur les revenus de Mario B..., il a été admis en invalidité au cours de l'année 2008 ; qu'après consolidation de ses droits, ses revenus mensuels étaient les suivants : rentes servies par la Caisse suisse de compensation : 1 858 CHF au titre de sa rente simple d'invalidité, majorée de 743 CHF pour enfant à charge et rente servie par la fondation de prévoyance de la métallurgie du bâtiment (FPMB) : 1 241, 70 CHF majorée de 248, 30 CHF pour enfant à charge : 1 430 CHF soit un total mensuel de 4 091 CHF et annuel de 49 092 CHF ; que les revenus annuels du couple étaient donc de 79 256, 30 CHF, soit 25 % affectés aux dépenses personnelles du défunt : 19 814, 07 CHF et un solde de 59 442, 23 CHF correspondant à la perte de revenus pour sa famille ; que sur le préjudice de M. Daniel B..., fils du défunt né le 2 février 1990, lycéen lors du décès de son père, il a terminé ses études en juin 2009 ; qu'il n'est pas justifié de la poursuite d'études supérieures ou d'un apprentissage mais il est constant qu'il est toujours à la charge de sa mère et les parties s'accordent sur le fait qu'il le sera jusqu'à ses 25 ans ; qu'il convient de distinguer deux périodes ; que de novembre 2008 à juin 2009, durant ces huit mois, tant la Caisse suisse de compensation que la FPMB auraient servi à son père les majorations de rente pour enfant à charge et ont par substitutions payé des rentes orphelins ; qu'en considérant que ses propres dépenses représentaient 28 % du solde de 59 442, 23 CHF, soit 1 386, 98 CHF et que la fondation de prévoyance de la métallurgie du bâtiment a réglé une prestation de 395, 60 CHF par mois, son préjudice sur cette première période est égal à 7 931, 04 CHF ; que de juillet 2009 jusqu'à son 25ème anniversaire, il convient de réduire le revenu annuel du couple de 11 895, 60 CHF soit (743 CHF + 24 830 CHF) x 12 et après application à la somme de 67 360, 70 CHF du pourcentage correspondant à la part d'autoconsommation du défunt, le préjudice subi par M. Daniel B... est de 14 145, 74 CHF par an, somme à capitaliser par application du coefficient de 5. 54 par référence au barème édité par la gazette du palais les 7 et 9 novembre 2004 ; que globalement, au titre des deux périodes, il est donc légitime de fixer son préjudice économique à 61 750, 41 CHF, somme qui ne lui reviendra qu'à hauteur de 55 662, 41 CHF, déduction faite de la créance à la Caisse suisse de compensation qui est de 6 088 CHF ;

" alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime ; que la réparation du préjudice économique de la victime par ricochet correspond à sa part dans les revenus de la victime de l'accident ; que cette perte doit être déterminée par rapport aux revenus globaux de la famille, sous déduction de la part d'autoconsommation et des revenus perçus par d'autres que la victime directe, tels que le conjoint ; qu'en l'espèce, la société Allianz faisait valoir que le préjudice économique subi par M. Daniel B..., fils de la victime, devait être calculé sur la base des revenus du couple avant le décès, sous déduction de la part d'autoconsommation du défunt et des salaires de Mme Olinta B...(concl., p. 9, § 2) ; que pour calculer le préjudice économique du fils de la victime, la cour d'appel s'est cependant bornée à déduire la part d'autoconsommation des revenus du couple avant le décès, en omettant à tort d'en déduire également les salaires de Mme Olinta B..." ;

Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que, pour déterminer le préjudice économique subi par M. Daniel B..., l'arrêt attaqué a fixé la perte de revenus du foyer après le décès de la victime, calculée sur la base du revenu annuel du foyer avant ce décès dont elle a déduit la part de consommation personnelle du défunt ;

Mais attendu qu'en omettant de prendre en compte également les revenus que Mme Olinta B...continuait de percevoir après le décès, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

I-Sur le pourvoi de la Caisse suisse de compensation :

Le REJETTE ;

II-Sur le pourvoi de la société Allianz :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 15 janvier 2014, mais en ses seules dispositions ayant fixé le préjudice économique de M. Daniel B..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux juin deux mille quinze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-81042
Date de la décision : 02/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 15 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 jui. 2015, pourvoi n°14-81042


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.81042
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