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31/03/2020 | FRANCE | N°19-80428

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mars 2020, 19-80428


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Q 19-80.428 F-D

N° 608

SM12
31 MARS 2020

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 MARS 2020

La société Suva-Bâle et la société Axa, parties intervenantes, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, e

n date du 24 septembre 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. T... Y... du chef de blessures involontaires aggravées, a p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Q 19-80.428 F-D

N° 608

SM12
31 MARS 2020

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 31 MARS 2020

La société Suva-Bâle et la société Axa, parties intervenantes, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 24 septembre 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. T... Y... du chef de blessures involontaires aggravées, a prononcé sur les intérêts civils ;

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Méano, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société Suva-Bale, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Axa Versicherung Koln representée par Axa et de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocats de Mme B... L... V... , et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Méano, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Bétron, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. À la suite d'un accident de la circulation survenu le 22 mars 2008, M. T... Y... a été déclaré coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail inférieure à trois mois, par violation manifeste d'une obligation de sécurité, au préjudice de Mme B... V... L..., qui travaillait en Suisse et s'est constituée partie civile. La société Suva, caisse d'assurance suisse agissant en qualité de tiers payeur lui ayant servi des prestations est intervenue à l'instance, ainsi que la société Axa, assureur responsabilité civile du prévenu. L'affaire a été renvoyée sur les intérêts civils.

3.Le rapport d'expertise a fixé la date de consolidation de la victime au 16 juin 2010, et a notamment évalué les souffrances endurées à 4/7, constaté un déficit fonctionnel temporaire total du 22 mars au 3 juin 2008, de 50 % du 4 juin 2008 au 1er août 2008, et de 25 % du 2 août 2008 au 16 juin 2010, un déficit fonctionnel permanent, évalué à 15 %, et un dommage esthétique de 0,5/7. Il a indiqué qu'une aggravation était possible.

4. La société Suva, au titre de son recours subrogatoire, a demandé la condamnation de M. Y... à lui payer notamment, certaines sommes au titre des indemnités versées à la victime consécutivement à l'accident, en compensation de ses pertes de revenus postérieures à la date de consolidation. Elle a également demandé le paiement d'une somme de 37800 francs suisses correspondant à l'indemnité pour atteinte à l'intégrité physique versée à la victime, réparant, selon elle, l'ensemble des préjudices extra-patrimoniaux subis par celle-ci.

5. Statuant sur intérêts civils, le tribunal correctionnel a fixé notamment, d'une part, le montant de la perte de gains professionnels futurs de la victime, et, d'autre part, le montant des indemnisations dues au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique. Il a condamné M. Y... à payer à la société Suva les sommes de 78 131,90 francs suisses et de 97 841,25 francs suisses, imputées respectivement sur les postes de la perte de gains professionnels actuels et de la perte de gains professionnels futurs. Par ailleurs, constatant que le montant de l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique était supérieur à l'assiette du recours, il a limité la créance de la société Suva à ce titre à la somme de 18000 euros, correspondant au montant du déficit fonctionnel permanent.

6.La société Suva et la société Axa ont relevé appel de cette décision.

Déchéance du pourvoi formé par la société Axa :

7.La société Axa n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation des articles 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la communauté, applicable selon l'accord du 21 juin 1999, entre les Etats membres de l'Union et la Confédération suisse, au recours subrogatoire des tiers payeurs suisses, 72 et 74 de la loi fédérale suisse sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000, 1240 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. Y... à payer à la société Suva-Bâle la somme de 357 216,15 francs suisses, ou sa contre valeur en euros au jour du paiement, outre 21 000 euros au titre des débours, ce en quittance ou en deniers, alors :

« 1°/ que le juge doit répondre aux conclusions des parties ; qu'en limitant la créance de la SUVA au titre du préjudice économique à la somme de 171 766 francs suisses, sans répondre aux conclusions d'appel de la SUVA, tiers payeur suisse, selon lesquelles c'est la somme de 815 625,80 francs suisses qui avait été versée au titre des rentes destinées à compenser la perte de gains subie par Mme L..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision.

2°/ qu'en application de l'article 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la communauté, applicable selon l'accord du 21 juin 1999, entre les Etats membres de l'Union européenne et la Confédération suisse, la subrogation dont bénéficient les organismes sociaux suisses telle qu'elle résulte de la loi suisse doit être reconnue par les juridictions françaises ; que selon les articles 72 et 74 de la loi fédérale suisse sur la partie générale des assurances sociales du 6 octobre 2000, « les droits passent à l'assureur pour les prestations de même nature » et sont de même nature l'indemnité pour atteinte à l'intégrité et l'indemnité à titre de réparation morale ; qu'en refusant d'imputer sur l'ensemble des préjudices extra-patrimoniaux la créance de la SUVA au titre de l'indemnité de l'atteinte à l'intégrité physique, la cour d'appel a méconnu l'étendue du recours subrogatoire des tiers payeurs suisses. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en sa première branche

10.Pour limiter à 171.766 francs suisses le montant du recours de la société Suva au titre des prestations destinées à compenser les pertes de gains futurs de la victime, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que cet organisme invoque des versements à hauteur de 815 625,80 francs suisses et avoir fixé la perte de gains professionnels futurs de Mme L... V... à hauteur de 370 022, 74 francs suisses (pertes de gains de 2010 à 2015 et arrérages à échoir), retient que la société Suva ne justifie de versements effectifs qu'à hauteur de 171 766 francs suisses.

11.En l'état de ces énonciations, qui relèvent de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a justifié sa décision.

15. Ainsi, le grief doit être écarté.

Mais sur le moyen pris en sa seconde branche

Vu l'article 93 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 applicable selon l'accord du 21 juin 1999, entre les Etats membres de l'Union et la Confédération suisse, au recours subrogatoire des tiers payeurs suisses, les articles 72 et 74 de la loi fédérale suisse du 6 octobre 2000, 1240 du code civil et 593 du code de procédure pénale.

12.Il résulte du premier de ces textes que l'action du tiers payeur suisse subrogé dans les droits de la victime est soumise à la loi suisse en ce qui concerne le principe et l'étendue de la subrogation.

13.Il résulte des deuxième et troisième que les droits de la victime passent à l'organisme social pour les prestations de même nature et que sont notamment des prestations de même nature l'indemnité pour atteinte à l'intégrité physique et l'indemnité à titre de réparation morale.

14.Selon les deux derniers, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties et tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties, l''insuffisance ou la contradiction des motifs équivalant à leur absence.

15. Pour limiter la condamnation de M. Y... au titre de l'indemnité de réparation de l'atteinte à l'intégrité physique versée par la société Suva à la somme de 21000 euros, l'arrêt, énonce tout d'abord que seule se pose la question de l'assiette du recours subrogatoire de la société Suva, l'accident ayant eu lieu en France et la société Suva faisant fonction d'organisme de sécurité sociale suisse, de sorte que l'article 93 du règlement n° 1408/71 du conseil européen s'applique, et qu'en vertu de ce texte les préjudices sont fixés selon les règles du droit français et le recours subrogatoire des organismes suisses s'exercera dans les limites de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable poste par poste. Les juges retiennent ensuite que si la cour d'appel de Chambéry, dont la jurisprudence est invoquée, considère que s'agissant de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité physique, le recours subrogatoire de la société Suva peut s'exercer sur «l'ensemble des postes de préjudices extra-patrimoniaux temporaires et permanents » , la cour de cassation n'a jamais statué en ce sens.

16. Les juges concluent que le déficit fonctionnel permanent étant évalué à 21000 euros, les sommes dues à la société Suva seront limitées à cette somme, constituant l'assiette de son recours subrogatoire.

17. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il le lui était demandé, si l'indemnité de réparation de l'atteinte à l'intégrité physique versée par l'organisme social suisse, ne réparait pas d'autres préjudices à caractère personnel subis par la victime que ceux correspondant au déficit fonctionnel permanent, question préalable à celle de l'assiette du recours du tiers payeur selon la nomenclature française des postes de préjudice, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la COUR

Sur le pourvoi formé par la société Axa :

Constate la déchéance du pourvoi.

Sur le pourvoi formé par la société Suva :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé, en date du 24 septembre 2018, mais en ses seules dispositions ayant condamné M. Y... à payer à la société Suva la somme de 21000 euros et à Mme L... V... la somme de 35 785,38 euros au titre du préjudice extrapatrimonial de celle-ci, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente et un mars deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-80428
Date de la décision : 31/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 24 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mar. 2020, pourvoi n°19-80428


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.80428
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