LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 octobre 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1025 F-D
Pourvoi n° J 23-19.627
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 OCTOBRE 2024
Le syndicat CGT Force Ouvrière des personnels de l'enseignement privé [5], dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° J 23-19.627 contre le jugement rendu le 31 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Lyon (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ au syndicat SNEC-CFTC, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au syndicat CFDT formation et enseignement privé du Ain-Rhône, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à l'association organisme de gestion de l'enseignement catholique [5] (l'OGEC), dont le siège est [Adresse 4],
4°/ au Syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (SPELC), dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat du syndicat CGT Force Ouvrière des personnels de l'enseignement privé [5], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association OGEC [5], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat SNEC-CFTC et du syndicat CFDT formation et enseignement privé du Ain-Rhône, après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Lyon, 31 juillet 2023), l'organisme de gestion de l'enseignement catholique [5] (l'OGEC) gère un établissement d'enseignement privé composé notamment d'enseignants de droit privé et de droit public.
2. Le 23 mars 2023, l'OGEC, le syndicat SNEC-CFTC et le syndicat professionnel de l'enseignement libre catholique (le syndicat SPELC) ont signé un protocole d'accord préélectoral. Selon l'article 9 de ce protocole, pour le deuxième collège, quatre urnes sont prévues pour les titulaires de droit privé et les titulaires de droit public, suppléants de droit privé et suppléants de droit public.
3. Le premier tour des élections a eu lieu le 2 mai 2023.
4. Par requête reçue au greffe le 2 mai 2023, le syndicat CGT Force Ouvrière des personnels de l'enseignement privé [5] (le syndicat CGT Force Ouvrière) a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation de l'article 9 du protocole et d'annulation de l'élection du deuxième collège du comité social et économique.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le syndicat CGT Force Ouvrière fait grief au jugement de le débouter de ses demandes d'annulation, d'une part, de l'article 9 du protocole d'accord préélectoral du 23 mars 2023 signé entre l'OGEC [5] et les syndicat SNEC-CFTC et SPELC en ce qu'il prévoit, pour le deuxième collège : « Quatre urnes sont prévues pour les titulaires de droit privé et les titulaires de droit public, suppléants de droit privé et suppléants de droit public » et, d'autre part, de l'élection du deuxième collège des membres du comité social et économique de l'OGEC [5], alors « qu'aux termes de l'article 9 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022, par dérogation aux articles L. 2121-1 et L. 2122-5 du code du travail, jusqu'à la deuxième mesure de l'audience prévue au 3° du même article L. 2122-5 suivant la publication de la présente loi, le ministre chargé du travail arrête la liste et le poids des organisations syndicales reconnues représentatives dans les branches regroupant des établissements mentionnés aux articles L. 442-5 du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime sur le fondement de l'ensemble des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires aux comités sociaux et économiques de ces établissements et au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés lors de la période prise en compte pour la dernière mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-5 du code du travail" ; qu'il ressort de cette disposition que, jusqu'en 2029, la liste et le poids des organisations syndicales reconnues représentatives dans la branche de l'enseignement privé sont arrêtés au vu de l'ensemble des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires aux comités sociaux et économique, sans qu'il y ait lieu, par conséquent, de distinguer les suffrages des salariés de droit privé et ceux des agents de droit public ; qu'en considérant, dès lors, que l'article 9 du protocole d'accord préélectoral conclu en vue des élections des membres du comité social et économique de l'OGEC [5] prévoyant l'existence d'urnes séparées pour les enseignants de droit privé et ceux de droit public était conforme à la réglementation et la jurisprudence en vigueur", le tribunal judiciaire a violé l'article 9 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 par refus d'application. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article L. 2122-5 du code du travail, dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui :
1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;
2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ;
3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités sociaux et économiques, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans.
7. Selon l'article L. 442-5 du code de l'éducation, les établissements d'enseignement privés du premier et du second degré peuvent demander à passer avec l'Etat un contrat d'association à l'enseignement public, s'ils répondent à un besoin scolaire reconnu qui doit être apprécié en fonction des principes énoncés aux articles L. 141-2, L. 151-1 et L. 442-1. La conclusion du contrat est subordonnée à la vérification de la capacité de l'établissement à dispenser un enseignement conforme aux programmes de l'enseignement public.
Le contrat d'association peut porter sur une partie ou sur la totalité des classes de l'établissement. Dans les classes faisant l'objet du contrat, l'enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public. Il est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'Etat par contrat. Ces derniers, en leur qualité d'agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etat, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié, dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement, dans le respect du caractère propre de l'établissement et de la liberté de conscience des maîtres.
Nonobstant l'absence de contrat de travail avec l'établissement, les personnels enseignants mentionnés à l'alinéa précédent sont, pour l'application des articles L. 2141-11, L. 2312-8, L. 2322-6, L. 4611-1 à L. 4611-4 et L. 4611-6 du code du travail, pris en compte dans le calcul des effectifs de l'établissement, tel que prévu à l'article L. 1111-2 du même code. Ils sont électeurs et éligibles pour les élections des délégués du personnel et les élections au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et au comité d'entreprise. Ils bénéficient de ces institutions dans les conditions prévues par le code du travail. Les rémunérations versées par l'Etat à ces personnels sont prises en compte pour le calcul de la masse salariale brute, tel que prévu aux articles L. 2325-12 et L. 2325-43 du même code, et la détermination du rapport entre la contribution aux institutions sociales et le montant global des salaires, mentionné à l'article L. 2323-86 du même code.
8. Aux termes de l'article 9 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, par dérogation aux articles L. 2121-1 et L. 2122-5 du code du travail, jusqu'à la deuxième mesure de l'audience prévue au 3° du même article L. 2122-5 suivant la publication de la présente loi, le ministre chargé du travail arrête la liste et le poids des organisations syndicales reconnues représentatives dans les branches regroupant des établissements mentionnés aux articles L. 442-5 du code de l'éducation et L. 813-8 du code rural et de la pêche maritime sur le fondement de l'ensemble des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires aux comités sociaux et économiques de ces établissements et au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés lors de la période prise en compte pour la dernière mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-5 du code du travail.
9. Par une décision du 19 septembre 2024, le Conseil constitutionnel a décidé que l'article 9 de cette loi est conforme à la Constitution (Cons. const., 19 septembre 2024, décision n° 2024-1103 QPC).
10. Selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, si les personnels enseignants mentionnés à l'article L. 442-5 du code de l'éducation, qui sont des agents publics, bénéficient de la qualité d'électeur pour les élections des institutions représentatives du personnel dans les établissements de l'enseignement privé non lucratif couverts par la convention collective nationale de l'enseignement privé non lucratif et sont éligibles, leurs votes ne peuvent être pris en compte pour la détermination de la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche professionnelle de l'enseignement privé non lucratif, laquelle est couverte par une convention collective qui ne régit que les relations entre les employeurs relevant de son champ et leurs salariés de droit privé (Conseil d'Etat, 22 novembre 2021, décision n° 431431).
11. Le tribunal, qui a constaté que l'article 9 du protocole d'accord préélectoral prévoyait, pour le deuxième collège, l'existence d'urnes séparées pour les salariés de droit privé et les agents publics, en a exactement déduit que cet article n'était pas contraire aux dispositions légales en vigueur, dès lors qu'il n'était pas de nature à empêcher l'application transitoire des dispositions dérogatoires de l'article 9 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022.
12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille vingt-quatre.