AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches :
Vu l'article 1870-1 du Code civil, ensemble l'article R. 323-41 du Code rural ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes qu'en cas de décès d'un associé de société civile, les héritiers ou légataires qui ne deviennent pas associés n'ont droit qu'à la valeur des parts sociales de leur auteur déterminée au jour du décès ; qu'aux termes du second, les héritiers de l'associé d'un groupement agricole d'exploitation en commun décédé qui ne sont pas admis de plein droit dans le groupement participent, jusqu'à la décision concernant cette admission, aux délibérations de l'assemblée générale par l'intermédiaire de l'un d'entre eux qui les y représente ou, s'il y a lieu, par l'intermédiaire de leur représentant légal, avec les voix dont disposait leur auteur, en raison de sa qualité d'associé et, le cas échéant, des parts de capital qu'il détenait ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et M. Y... étaient les seuls associés du groupement agricole d'exploitation en commun CUNI.CO.LE (le GAEC) ; que les statuts stipulaient que le GAEC ne serait pas dissous en cas de décès d'un associé et que les ayants droit de l'associé décédé désirant faire partie du groupement devraient être agréés par l'associé survivant ; que M. X... est décédé, laissant pour lui succéder son épouse Mme Z... et leurs trois enfants, Hubert, Arnaud et Isabelle X... ; qu'après que M. Y... eut notifié son refus d'agrément aux héritiers de M. X..., ces derniers ont demandé en référé que le GAEC et M. Y... soient condamnés à leur payer une provision au titre des bénéfices réalisés au cours de la période écoulée entre le décès et le refus d'agrément ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que par application de l'article R. 323-41 du Code rural, les ayants droit de l'associé décédé continuent de participer, jusqu'à la décision concernant leur agrément, à la vie du GAEC, que dans cette situation ils bénéficient de la rémunération du capital et qu'ils doivent donc participer aux bénéfices ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article R. 323-41 du Code rural, qui permet seulement aux héritiers non encore agréés de participer aux délibérations de l'assemblée générale du groupement et ne déroge pas, en ce qui concerne le droit sur les bénéfices, aux dispositions de droit commun de l'article 1870-1 du Code civil, ne confère aux héritiers non agréés aucun droit sur les bénéfices réalisés par le groupement postérieurement au décès de leur auteur, la cour d'appel a violé le premier de ces textes par fausse application et le second par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille quatre.